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Accélérer le pas en douceur?

Accélérer le pas en douceur?

Divers arguments – internationaux et, surtout, nationaux – incitent à tirer parti de la PA 2011 pour accroître la compétitivité de l’agriculture suisse dans son ensemble. Le temps de mise sur le marché constitue notamment une condition essentielle de réussite. Or, de différents côtés, on demande un ralentissement de la politique agricole; ce serait néfaste pour les agriculteurs qui inscrivent leur production dans la logique du marché et mettrait en péril les investissements nécessaires à la transformation des produits agricoles. À l’avenir, Coop entend rester un partenaire fiable de l’agriculture suisse. Nous souhaitons également continuer à proposer un large choix de produits et de spécialités suisses à notre clientèle malgré l’ouverture des frontières. Cette ambition ne sera, toutefois, réalisable que si l’État jette des bases solides dans cette perspective. C’est pourquoi Coop s’engage avec force en faveur d’un accord de libre-échange agricole avec l’UE.

Bien qu’à l’OMC, le cycle de Doha n’ait réussi aucune percée décisive, il va de soi que le fort protectionnisme dont bénéficie l’agriculture helvétique ne pourra se maintenir indéfiniment. En effet, si la voie multinationale de l’OMC échoue, les accords bilatéraux avec l’UE – mais aussi avec d’autres partenaires commerciaux – gagneront en importance. Il faudra alors faire des concessions dans le domaine agricole, sans que l’agriculture et l’industrie agroalimentaire helvétiques puissent profiter de débouchés supplémentaires extérieurs, ce qui entraînera insidieusement des pertes de parts de marché en Suisse. L’anticipation de concessions dans le cadre de l’OMC concernant l’accès au marché, le plafonnement des tarifs douaniers ou encore les aides accordées à l’agriculture suisse a exercé une influence considérable sur l’élaboration de la PA 2011. Si cette pression immédiate retombe, la tentation de jouer la montre se renforcera.

Pour une ouverture rapide et globale du marché


Le développement du tourisme d’achat indique clairement une baisse de compétitivité et des pertes de parts de marché pour le commerce de détail agroalimentaire. En 2005, les Suisses ont en effet dépensé l’équivalent de 2,1 milliards de francs à l’étranger en produits alimentaires et para-alimentaires. La viande et les produits laitiers arrivent en tête alors que dans les sondages, les consommateurs suisses affirment veiller attentivement à ce que ces aliments soient issus de notre terroir. Les différences de prix – jusqu’à près de 50% pour la viande – ne peuvent que dans une faible mesure être imputées à la rigueur des exigences suisses en matière d’élevage et d’environnement. Dans l’économie carnée, le prix de l’alimentation animale pèse lourd, puisqu’elle représente plus de 40% des coûts de production d’un élevage porcin, voire même 60% pour la volaille. Les céréales utilisées à cet effet sont jusqu’à trois fois plus chères en Suisse que dans l’UE. Coop réclame donc une diminution sensible des surtaxes douanières sur les aliments pour animaux; c’est là le moyen le plus efficace d’améliorer la compétitivité à court terme. Les bâtiments, les médicaments vétérinaires, les engrais et les machines sont eux aussi source de surcoûts considérables. Il est par conséquent probable que l’autorisation des importations parallèles sera décisive dans la réduction des coûts. Malgré les adaptations structurelles, la transformation et la commercialisation coûtent également plus cher en Suisse qu’à l’étranger du fait d’une spécialisation moins pointue, d’effets d’échelle moins importants et de la faiblesse des rendements. Dans ce contexte, la mise aux enchères de contingents douaniers de viande introduite progressivement et contre la volonté du monde avicole au début de 2005 s’est révélée particulièrement désastreuse. Elle montre que faute d’un cadre politique clair, les investissements dans l’agriculture et la transformation sont menacés: ce sont quelque 300 millions de francs, suivant nos estimations, qui se détourneraient de l’industrie agroalimentaire ces prochaines années dans ces conditions. Ces investissements sont pourtant nécessaires pour garantir la compétitivité suisse et les débouchés de la production agricole. Coop s’oppose donc formellement à toute nouvelle mise aux enchères de contingents douaniers. Celles-ci menacent, en effet, les équilibres fragiles du marché et détournent des fonds qui seraient utiles à la transformation au profit de la caisse fédérale.

Mettre en place la charte de l’économie rurale


Coop soutient fermement la charte de l’économie rurale suisse, élaborée par la Commission consultative agricole parallèlement à la PA 2011. Elle esquisse le portrait d’une économie agricole ouverte, novatrice et à forte valeur ajoutée, qui utilise les ressources naturelles de façon durable et se distingue par son haut niveau de qualité à tous les stades de la production grâce à l’étroite collaboration de tous ses partenaires. À maints égards, la PA 2011 constitue une condition indispensable à la mise en oeuvre de cette charte. Elle ne va, toutefois, pas encore assez loin et omet notamment de dresser un calendrier contraignant pour l’ouverture du marché. L’Autriche, qui jouit de conditions naturelles comparables aux nôtres, a percé sur le marché européen grâce à des produits à forte valeur ajoutée et montré les possibilités qu’offre une telle ouverture.

Proposition de citation: Joerg Ackermann (2006). Accélérer le pas en douceur. La Vie économique, 01 septembre.