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La protection du climat et le développement ne s’excluent pas

La protection du climat et le développement ne s'excluent pas

Le nouvel accord climatique mondial tente de ne pas opposer la protection du climat au développement, ce qui constitue le deuxième gros thème des débats outre l’obligation de réduire les émissions. Cet automne, le Département des affaires économiques et sociales de l’ONU (Daes) a lancé une mise en garde: «L’idée de geler les inégalités à leur stade actuel durant les cinquante prochaines années pendant que le monde essaie de trouver une solution au problème du climat est économiquement, politiquement et éthiquement inacceptable». En coopération avec les pays industrialisés, les pays en développement sont prêts à s’attaquer au problème du climat; ils revendiquent toutefois une aide financière et technique afin de maîtriser les séquelles du réchauffement climatique, qui touche durement les pays les plus défavorisés, et emprunter la voie d’un développement pauvre en carbone pour sortir de la pauvreté.

«No money – no deal!»


Conformément aux exigences des pays en développement (le G77), le Daes chiffre à 500 milliards d’USD la somme totale annuelle nécessaire à leur adaptation aux changements climatiques et au passage à un développement pauvre en carbone. Même si, d’un point de vue tactique, on comprend les exigences du G77, on se trouve face à des engagements financiers importants de la part des pays industrialisés. Le Climate Action Network (un réseau mondial de 450 organisations non gouvernementales) chiffre à 160 milliards d’USD le montant que les pays industrialisés devraient réunir chaque année pour la protection des forêts, le transfert de technologies et les mesures d’adaptation. La part de la Suisse s’élève à 1,7 milliard de francs par an. Dans son message et dans la loi sur le CO2, le Conseil fédéral est tout aussi peu transparent sur ces engagements financiers que sur la manière dont il entend réunir les fonds alors que les investissements qui seront réalisés ces vingt prochaines années seront décisifs.  À ce stade, la Suisse ne s’est exprimée au niveau international que sur les mesures d’adaptation. Lors des négociations, elle a proposé d’instaurer une taxe internationale sur le CO2 pour les financer dans les pays les plus pauvres. Jusqu’à présent, le Conseil fédéral a gardé le silence sur ses engagements dans la protection des forêts et la reconversion technique pour une trajectoire de développement pauvre en carbone. L’administration indique que la taxe internationale sur le CO2 rapporterait 60 millions d’USD par année en Suisse, dont 36 millions iraient dans un Fonds d’adaptation multilatéral et 24 millions seraient utilisés pour les besoins d’adaptation du pays. Il y a une année, le Conseil fédéral pensait encore que la taxe actuelle sur le CO2 pouvait servir d’équivalent national à une telle taxe internationale. Actuellement, la nouvelle loi sur le CO2 ignore avec quel instrument le Conseil fédéral souhaite prélever cette dernière dans le pays au cas où son idée serait acceptée. Concernant l’aide aux pays émergents visant à reconvertir la production d’énergie et les processus de production industrielle, le Conseil fédéral entend, dans son message, améliorer «en premier lieu les conditions-cadres de la politique financière et commerciale». Il propose de supprimer les «entraves au commerce» et de créer un «environnement propice aux investissements» en garantissant «la protection de la propriété intellectuelle». Le message ne mentionne pas le fait que les pays du G5 (Chine, Brésil, Inde, Mexique, Afrique du Sud) ont déjà refusé, il y a deux ans, de profiter de la protection du climat pour permettre une nouvelle vague de libéralisation dans le commerce des produits industriels. En lieu et place, ils ont soumis les propositions suivantes:  – un accès public systématique à toutes les technologies respectueuses du climat qui ont été développées avec les fonds de l’État;  – la création d’un «pool» technologique international dans lequel les entreprises pourront déposer leurs brevets et auquel les pays en développement auront un accès facilité;  – la suppression de la protection des brevets pour les pays les plus pauvres; – des fonds des pays industrialisés pour la reconversion technologique.

La loi sur le CO2 nécessite des dispositions complémentaires


Le Parlement ferait bien d’ajouter dans la loi sur le CO2 tous les aspects qui permettront d’intégrer les pays en développement dans l’accord climatique en leur offrant de réelles chances de développement malgré le besoin de protéger le climat. La loi doit contenir les instruments qui autorisent un financement à la hauteur des exigences internationales posées à la Suisse dans le domaine du climat. Les fonds ne devraient pas provenir des recettes fiscales, mais ils pourraient émaner des recettes d’une taxe sur le CO2 selon le principe de causalité, ainsi que du marché des certificats et de leur mise aux enchères.

Proposition de citation: Peter Niggli (2009). La protection du climat et le développement ne s’excluent pas. La Vie économique, 01 décembre.