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Le marché du travail en Suisse: un état des lieux

L’objectif principal de la politique du marché du travail consiste à permettre autant que possible à l’ensemble des personnes en âge de travailler d’exercer une activité lucrative, à un niveau de salaire leur permettant de vivre dignement. En comparaison internationale, le marché du travail suisse fait figure de bon élève. Cela est dû non seulement au système de formation professionnelle, mais également aux institutions, lesquelles offrent aux salariés une solide protection sociale tout en permettant aux entreprises comme aux employés de réagir rapidement en cas de changements dans les conditions économiques. Cet article ouvre une nouvelle série qui traitera en détail du marché suisse du travail.

Ces derniers mois, les prévisions conjoncturelles ont continué de s’améliorer, même si les répercussions de la crise économique mondiale sur l’ensemble des marchés du travail resteront perceptibles pour quelque temps encore. Au cours des derniers 18 mois, le taux de chômage (corrigé des variations saisonnières) est passé en Suisse de 2,6 à 4,1%. En comparaison internationale, la Suisse occupe une position relativement confortable, avec un taux qui était de 4,6% en décembre 2009 (voir graphique 1)
Il convient de distinguer le nombre officiel de chômeurs avancé par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) du nombre de personnes sans emploi de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les données du Seco se basent sur une enquête exhaustive des personnes répertoriées auprès des Offices régionaux de placement (ORP). Quant à l’OFS, il calcule à l’aide d’un échantillonnage le nombre de chômeurs, conformément aux recommandations du Bureau international du travail et de l’OCDE ainsi qu’aux définitions d’Eurostat. Pour les comparaisons internationales, ce sont les données de l’OFS qui sont déterminantes.. Cette hausse du chômage est nettement moins marquée que dans l’UE ou aux États-Unis par exemple. En effet, la Suisse a été sensiblement moins malmenée que d’autres pays, n’ayant connu ni crise immobilière, ni crise du crédit.Un deuxième argument peut expliquer pour quelles raisons l’activité économique s’est nettement moins dégradée dans notre pays et pourquoi l’emploi y a été plus stable qu’ailleurs. Au cours des années précédant la crise, l’économie de la Suisse a connu une forte embellie, avec plus de 85000 nouveaux emplois créés chaque année. Grâce à cette progression ainsi qu’à une hausse de la population et des salaires, les dépenses de consommation et l’activité dans le secteur de la construction ont affiché une croissance solide. Or, cette dynamique n’a que faiblement ralenti durant la crise. Si l’industrie et quelques secteurs de la sous-traitance ont pâti du recul sans précédent des nouvelles commandes survenu après l’automne 2008, l’économie intérieure a, pour sa part, poursuivi sur la voie de la croissance grâce à une amélioration des carnets de commandes. Aussi le taux d’emploi n’a-t-il que faiblement reculé en 2009 (-0,1%)
OFS (Statem), plein temps et temps partiel, comparaison entre le 4e trimestre 2009 et le 4e trimestre 2008..Les indicateurs avancés du marché du travail se sont améliorés au cours de ces derniers mois, et le marché du travail pourrait avoir atteint son niveau le plus bas. Il n’est, toutefois, pas du tout exclu que le taux de chô-mage augmente à nouveau au cours du deuxième semestre. En Europe, la reprise conjoncturelle en est encore à ses balbutiements et une rechute est toujours possible tant que l’emploi n’aura pas redémarré. En Suisse, la demande interne pourrait perdre de son dynamisme par rapport à ces dernières années en raison de la stagnation de l’emploi. Par ailleurs, la bonne tenue du franc pourrait freiner la reprise des exportations. Une nouvelle détérioration conjoncturelle aurait des répercussions sensibles et durables sur le marché de l’emploi.

Un taux d’activité professionnelle élevé combiné à un chômage faible


Depuis plusieurs années, l’OCDE définit sa stratégie en matière d’emploi par l’expression «plus d’emplois et de meilleure qualité». Cela signifie, en d’autres termes, permettre dans la mesure du possible à toutes les personnes en âge de travailler d’exercer une activité lucrative, à un salaire leur permettant de vivre dignement et à des conditions ne compromettant pas leur santé. Une étude comparative menée à l’échelon international montre que la Suisse a, jusqu’à présent, atteint ces objectifs de manière satisfaisante. En effet, son marché du travail se caractérise par un taux d’activité professionnelle
Le taux d’activité mesure la part des personnes actives (personnes salariées et personnes sans emploi) en % de la population en âge de travailler (15-64 ans). La notion de personnes actives englobe l’ensemble de la population âgée de 15 à 64 ans qui souhaite exercer une activité rémunérée. Par personnes sans emploi, on entend les personnes qui n’étaient pas actives occupées au cours de la semaine de référence, qui ont cherché activement un emploi au cours des quatre semaines précédentes et qui étaient disponibles pour travailler. Les personnes non actives sont celles qui ne souhaitent ou qui ne peuvent pas travailler. élevé et un faible niveau de chômage (voir graphique 2 et encadré 1La participation à une activité lucrative est un bon indicateur de la capacité d’absorption d’un marché du travail ainsi que du comportement d’une population envers l’activité professionnelle. Une participation élevée au marché du travail joue un rôle essentiel dans la performance économique d’un pays. Elle conditionne non seulement le niveau de vie élevé des ménages actifs mais également le financement des services publics et du système de santé sociale. Avec un taux d’activité des 15-64 ans de l’ordre de 82,3% (2008), la Suisse occupe la première place en comparaison internationale (voir graphique 2). En outre, le taux de participation des 15-24 ans et des 55-64 ans à la vie active se situe bien au-delà de la moyenne de l’OCDE. Les raisons expliquant les divers attitudes d’une population face au travail sont nombreuses. L’environnement culturel, mais également politique, économique et institutionnel joue un rôle déterminant. Le fait qu’une personne puisse ou souhaite exercer une activité professionnelle dépend également d’aspects personnels, comme le salaire réalisable, les incitations des politiques fiscales et de transfert, l’harmonie entre vies professionnelle et familiale, les mécanismes réglementaires de préretraite et la situation générale sur le marché du travail.Au cours de la longue période de récession traversée par la Suisse dans les années nonante, celle-ci est parvenue à maintenir son taux de participation à un niveau élevé et à le faire encore progresser lors de la dernière reprise éco-nomique. À cet égard, la hausse de l’activité lucrative des femmes a joué un rôle important (voir tableau 1). Si les femmes sont toujours plus nombreuses à participer à la vie active «rémunérée», leur taux de participation demeure toutefois sensiblement inférieur à celui des hommes. Lécart est à son maximum durant la période consacrée à la fondation d’une famille (30-45 ans) et au cours des années précédant l’âge ordinaire de la retraite (55-64 ans). La participation des femmes suisses est certes élevée en comparaison internationale, mais la plupart exercent une profession à temps partiel faiblement qualifiée. À l’exception des Pays-Bas, aucun autre pays n’affiche un taux de travail à temps partiel des femmes aussi élevé qu’en Suisse. Cela répond certes aux souhaits des femmes, mais aussi aux traditions de notre société, qui ne sont pas près de changer dans un proche avenir. Du point de vue de la politique du marché du travail, il est intéressant de savoir dans quelle mesure les dispositions institutionnelles nécessitent d’être améliorées pour mieux concilier vies familiale et professionnelle.). Parallèlement, la structure des salaires est demeurée relativement stable au cours des dernières décennies, à l’exception de la frange supérieure qui a connu une forte hausse (voir graphique 3 et encadré 2Qu’en est-il des conditions de travail en Suisse? Selon une étude européenne menée tous les cinq ans depuis 1990 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 91% des salariés suisses sont satisfaits, voire très satisfaits de leurs conditions de travail. Seuls le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni obtiennent des taux de satisfaction supérieurs. Les conditions de travail en Suisse sont donc bonnes en comparaison européenne
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Quatrième enquête européenne sur les conditions de travail, Luxembourg, 2007.. Par ailleurs, le niveau comparativement élevé des salaires qui y sont pratiqués témoigne de la prospérité et du niveau de performance de notre économie.En politique sociale, ce ne sont pas uniquement les montants des salaires qui sont pertinents, mais également la répartition des revenus. Dans l’étude comparative menée par l’OCDE, la différence entre les salaires les plus élevés et les plus bas – mesurés par le ratio des neuvième et premier déciles de revenus bruts provenant d’une activité lucrative – est modeste en Suisse. Seules la Finlande, la Suède, la Norvège et la Belgique affichaient des inégalités salariales plus faibles
En 2007, le neuvième décile était de 2,65 fois supérieur à celui du premier décile, alors qu’il se situait encore à 2,41 en 1997. Signification du premier décile: 10% des salariés gagnent moins que cette valeur. Signification du neuvième décile: 10% des salariés gagnent davantage que cette valeur.. Sur une période de dix ans (1997-2007), les inégalités n’ont guère évolué en Suisse. Dans la partie inférieure de la structure salariale, elles ont même diminué, ce qui peut s’expliquer notamment par la hausse des salaires minimaux dans de nombreuses conventions collectives de travail ces dix dernières années. Dans la partie supérieure de la structure salariale, on a pu observer comme dans la plupart des pays de l’OCDE une croissance des inégalités
Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2009. Faire face à la crise de l’emploi, annexe statistique, page 303..Les conventions collectives de travail (CCT), comme mentionné, sont également essentielles pour la stabilité de la structure salariale. En effet, celles-ci indiquent les salaires minimaux en vigueur dans les branches industrielles et veillent essentiellement à stabiliser la structure salariale dans la partie inférieure de la «pyramide des salaires». Suite à l’introduction de l’accord sur la libre circulation des personnes, les CCT ont gagné en importance. En effet, auparavant, seuls les services des étrangers vérifiaient que les salaires en vigueur «dans la région et la branche» correspondaient à ceux appliqués aux nouveaux collaborateurs provenant de l’UE. En outre, selon la loi sur les travailleurs détachés, les entreprises étrangères sont tenues de verser des salaires correspondant aux usages locaux lorsqu’elles fournissent leurs prestations en Suisse. Dès que des CCT sont déclarées contraignantes, les sociétés doivent observer ces salaires minimaux. En cas de recrutements effectués dans des pays tiers, les services des étrangers vérifient que les salaires usuels appliqués dans la région et la branche soient respectés.La stabilité relative de la structure salariale révèle notamment que l’instruction publique a été en mesure de suivre la dynamique des progrès technologiques. La large diffusion des compétences professionnelles, dont la Suisse fait preuve grâce à son système dual de formation professionnelle, y a certainement contribué. Les investissements effectués dans la formation et le capital humain permettent de diminuer le risque qu’un individu perçoive un salaire durant sa carrière professionnelle ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins.). Notre pays démontre qu’il n’existe aucun conflit d’objectifs entre, d’une part, un taux d’emploi élevé et, d’autre part, une structure salariale stable.Le taux de chômage a nettement progressé en Suisse depuis le début des années nonante, mais il se situe aujourd’hui encore à un niveau faible en comparaison internationale. En 2008, celui des 15-64 ans de l’UE15 s’élevait en moyenne à 7,1%, un niveau près de deux fois supérieur à celui de la Suisse (3,5%). Le taux de chômage des jeunes Suisses est également inférieur à la moyenne de l’UE15 (7% contre 14,9%).Ce taux d’activité élevé et le faible niveau du chômage s’expliquent de diverses façons. Premièrement, la Suisse réussit à intégrer les jeunes dans la vie active. Deuxièmement, la protection sociale y est bonne et a pour objectif de maintenir les personnes sans emploi proches du marché du travail, ceci également en périodes de récession. Troisièmement, on sous-estime souvent le fait que la Suisse est parvenue à gommer, la plupart du temps de façon assez rapide, les déséquilibres macro-économiques, lui évitant ainsi d’être confrontée à un taux de chômage élevé et de longue durée.

Qualifications professionnelles


Le taux d’activité élevé présenté par la Suisse en comparaison internationale provient principalement des bons résultats obtenus par les jeunes travailleurs et les personnes âgées. Ce sont dans ces deux catégories d’âge que les différences sont les plus marquées. La formation professionnelle contribue grandement à l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Compte tenu du système dual de formation professionnelle propre à la Suisse, les entreprises ainsi que les écoles professionnelles assurent la formation de près des deux tiers de la relève du personnel. L’intégration étroite des partenaires sociaux dans le processus de formation permet de mieux harmoniser les plans d’études avec les besoins de l’industrie. À l’heure actuelle, près de 90% des jeunes possèdent au moins un diplôme du degré secondaire II (formation professionnelle de base ou maturité). Il y a plus de cinquante ans, le système dual de formation permettait déjà à une large frange de la population d’acquérir des qualifications professionnelles: 81% des 55-64 ans ont au moins entre les mains un diplôme du degré secondaire II, ce qui contribue à expliquer leur forte participation au marché du travail
OCDE, Regards sur l’éducation 2009, chapitre A – Les résultats des établissements d’enseignement et l’impact de l’apprentissage, page 538; comparaison OCDE: moyenne 57%..Fort heureusement, le marché de l’apprentissage est resté largement stable durant l’été 2009, malgré une situation économique tendue. Si équilibre il y a, il est avant tout dû à la mise en place d’instruments efficaces visant à maintenir et à créer des places d’apprentissage, soutenus par la Confédération, les cantons et les partenaires sociaux. Les cantons ont, par exemple, institutionnalisé le «marketing des places d’apprentissage» et s’attachent désormais à améliorer systématiquement, dans le cadre de la «gestion par cas», l’accompagnement des jeunes en fin de scolarité sans projet professionnel
Le marketing des places d’apprentissage englobe notamment les mesures suivantes: informations et conseils professionnels, registre des places d’apprentissage, création de réseaux d’entreprises formatrices, mise à disposition de solutions transitoires, intervention de promoteurs de places d’apprentissage, médiation et accompagnement individuel en faveur des jeunes qui n’ont pas de place d’apprentissage.. Ceux qui ont des difficultés scolaires font l’objet d’un suivi individuel: ils sont épaulés dans la recherche d’une place d’apprentissage et dans leur accès au monde du travail. Le Conseil fédéral s’est fixé comme objectif à moyen terme d’arriver à 95% de diplômés du degré secondaire II.

Assurance-chômage et politique d’activation


L’assurance-chômage (AC) joue un rôle non négligeable dans la lutte contre le chômage. En comparaison internationale, les prestations qu’elle offre sont satisfaisantes. Elle est, toutefois, soumise à des exigences strictes en matière de recherche active d’un emploi ou de participation à des programmes de formation et d’emploi. L’objectif de l’AC est de permettre aux personnes sans emploi de réintégrer aussi rapidement que possible la vie active. Malheureusement, depuis 2003, l’AC fait l’objet d’un déséquilibre financier, les cotisations ayant été abaissées excessivement à cette époque. Avec la révision en cours de la LACI, tout est mis en œuvre pour que les recettes et les dépenses retrouvent un niveau équilibré à plus long terme. Si les propositions qui ont été élaborées n’envisagent pas de réduire les prestations de base, il est néanmoins nécessaire de prendre certaines mesures d’austérité afin que le nouvel équilibre financier ne soit pas le fruit de la seule hausse des cotisations. Les économies visent à écarter les fausses incitations ponctuelles, à encourager la reprise d’une activité lucrative et ainsi à renforcer l’efficacité de l’AC en matière d’intégration sur le marché du travail.

Une lutte rapide contre le chômage permet d’éviter des coûts sociaux élevés à long terme


Même les meilleures formations et politiques de marché du travail ne servent guère lorsqu’il y a pénurie demplois durant une période prolongée. Si la Suisse a obtenu de bons résultats dans le domaine du marché du travail, c’est entre autres parce qu’elle est toujours parvenue à retrouver rapidement une situation de plein emploi, même à la suite de périodes économiquement difficiles. Les raisons à cela sont nombreuses: l’économie suisse est très diversifiée et de petite taille, si bien que les problèmes liés à une branche peuvent être neutralisés par la bonne tenue d’autres secteurs économiques. Parallèlement, l’immigration a toujours réagi rapidement aux changements conjoncturels, hormis lors de la première partie des années nonante; cela a permis de délester le marché du travail en périodes difficiles. Finalement, les institutions actives sur le marché du travail ont fait en sorte que les salaires évoluent en fonction de la productivité du travail, si bien qu’il était relativement simple de rétablir à nouveau l’équilibre macroéconomique après une période marquée par la récession.

Pas de chômage durant de longues périodes


Le fait que la Suisse n’a jamais été confrontée à de longues périodes de chômage très élevé, à l’exception des années nonante, explique certainement le fort taux dactivité qui caractérise son marché du travail. Or, plus le chômage persiste et augmente, plus la réinsertion sur le marché du travail est difficile lors de la reprise. Nombreuses sont les personnes qui sont exclues de la vie active, qui perdent confiance en elles, qui manquent une éventuelle promotion au sein de l’entreprise ou une possibilité de se perfectionner et qui, plus tard, ne sont plus en mesure de se reconnecter avec le monde du travail.Par ailleurs, en raison de la corrélation entre un taux de chômage élevé et les institutions sociales, le taux de participation peut rester faible à plus long terme à cause d’une période de récession durable. En cas de période de chômage persistant et élevé, les assurances sociales prennent le relais et accueillent, souvent durablement, de nouveaux groupes de bénéficiaires. Par ailleurs, le retrait de la vie active est facilité pour certaines catégories de personnes, afin de leur éviter de tomber dans une détresse sociale. Lorsque la situation sur le marché du travail s’améliore, il est difficile de modifier ces incitations et de redéfinir des critères stricts en matière de droit aux prestations. L’expérience a montré que les mesures politiques qui visent à lutter contre le chômage en réduisant durablement l’offre de travail peuvent poser problème à long terme et engendrer des difficultés financières pour les assurances sociales. Ainsi, au cours de la longue période de stagnation que nous avons traversée dans les années nonante, une rente d’invalidité a été accordée à de nombreuses personnes quittant la vie active. Plus de dix ans auront été nécessaires pour parvenir à (relativement) stabiliser les coûts qui avaient explosé.

Rendre possible la réinsertion des chômeurs âgés


Seuls quelques pays s’en sortent mieux que la Suisse lorsqu’il s’agit de mobiliser la population active. Ceci dit, son marché du travail est, lui aussi, en prise à des problèmes. Si le taux de participation professionnelle des femmes est élevé, celles-ci exercent souvent des activités faiblement qualifiées et à temps partiel. Par ailleurs, elles se retirent plus tôt du marché du travail que les hommes (voir encadré 1La participation à une activité lucrative est un bon indicateur de la capacité d’absorption d’un marché du travail ainsi que du comportement d’une population envers l’activité professionnelle. Une participation élevée au marché du travail joue un rôle essentiel dans la performance économique d’un pays. Elle conditionne non seulement le niveau de vie élevé des ménages actifs mais également le financement des services publics et du système de santé sociale. Avec un taux d’activité des 15-64 ans de l’ordre de 82,3% (2008), la Suisse occupe la première place en comparaison internationale (voir graphique 2). En outre, le taux de participation des 15-24 ans et des 55-64 ans à la vie active se situe bien au-delà de la moyenne de l’OCDE. Les raisons expliquant les divers attitudes d’une population face au travail sont nombreuses. L’environnement culturel, mais également politique, économique et institutionnel joue un rôle déterminant. Le fait qu’une personne puisse ou souhaite exercer une activité professionnelle dépend également d’aspects personnels, comme le salaire réalisable, les incitations des politiques fiscales et de transfert, l’harmonie entre vies professionnelle et familiale, les mécanismes réglementaires de préretraite et la situation générale sur le marché du travail.Au cours de la longue période de récession traversée par la Suisse dans les années nonante, celle-ci est parvenue à maintenir son taux de participation à un niveau élevé et à le faire encore progresser lors de la dernière reprise éco-nomique. À cet égard, la hausse de l’activité lucrative des femmes a joué un rôle important (voir tableau 1). Si les femmes sont toujours plus nombreuses à participer à la vie active «rémunérée», leur taux de participation demeure toutefois sensiblement inférieur à celui des hommes. Lécart est à son maximum durant la période consacrée à la fondation d’une famille (30-45 ans) et au cours des années précédant l’âge ordinaire de la retraite (55-64 ans). La participation des femmes suisses est certes élevée en comparaison internationale, mais la plupart exercent une profession à temps partiel faiblement qualifiée. À l’exception des Pays-Bas, aucun autre pays n’affiche un taux de travail à temps partiel des femmes aussi élevé qu’en Suisse. Cela répond certes aux souhaits des femmes, mais aussi aux traditions de notre société, qui ne sont pas près de changer dans un proche avenir. Du point de vue de la politique du marché du travail, il est intéressant de savoir dans quelle mesure les dispositions institutionnelles nécessitent d’être améliorées pour mieux concilier vies familiale et professionnelle.). Alors que, dans d’autres pays, le taux d’activité des hommes âgés de 55 ans et plus est en hausse, il a continué de baisser dans notre pays au cours de ces dix dernières années. Ce niveau demeure, néanmoins, toujours nettement supérieur à celui d’autres pays. Bien que le taux de chômage des 55-64 ans soit inférieur à la moyenne, les personnes de cette tranche d’âge rencontrent des difficultés à réintégrer la vie active et présentent davantage de risques d’être confrontées au chômage de longue durée. Les conseillers des offices régionaux de placement (ORP) travaillent étroitement avec les entreprises, afin de permettre à cette catégorie de demandeurs d’emploi de réintégrer le monde du travail. L’AC permet également de faciliter l’accès aux personnes menacées de chômage de longue durée grâce à un complément salarial. Si l’on souhaite préserver un taux dactivité élevé des personnes de 55 ans et plus, les entreprises doivent également leur offrir la possibilité de réintégrer le monde professionnel.On notera également le fait que le taux d’activité de certains groupes d’étrangers est faible. Citons notamment les Turcs et les personnes originaires de la partie occidentale des Balkans, dont la présence sur le marché du travail est inférieure à la moyenne. Dans la tranche d’âge des 55-64 ans, leur taux d’activité est même de 20% inférieur à celui d’autres populations. Les raisons de la faiblesse de ces valeurs doivent encore être étudiées.

Perspectives


Grâce à une évolution stable de la demande interne, le chômage en Suisse a relativement peu progressé. La poursuite de l’amélioration conjoncturelle couplée à la réduction rapide du chômage joueront un rôle majeur dans la dynamique du marché du travail ces prochaines années. À l’heure actuelle, on ne peut toutefois exclure un nouveau repli conjoncturel, qui impliquerait une hausse supplémentaire du chômage.L’accord sur la libre circulation des personnes a sensiblement relevé le potentiel de croissance économique en Suisse. Son influence à long terme sur le chômage dépend avant tout de la nature des nouveaux immigrés: complètent-ils la population active nationale ou lui font-ils directement concurrence? On sait par expérience que, en périodes de récession, la concurrence sur le marché du travail est exacerbée. Aussi une étroite collaboration entre les ORP et les entreprises doit-elle permettre aux employeurs d’engager des personnes sans emploi originaires de Suisse avant de recruter de nouveaux collaborateurs provenant de l’étranger. Les mesures d’accompagnement et les conventions collectives de travail négociées par les partenaires sociaux permettent d’éviter que certaines branches vulnérables pratiquent des salaires très bas suite à l’ouverture du marché du travail. La collaboration étroite qui unit les partenaires sociaux et les autorités rendra également possible la reconnaissance des problèmes auquel le marché du travail se trouve confronté et leur résolution.

Graphique 1: «Évolution des taux de chômage corrigés des variations saisonnières, selon la définition internationale, 2000-2009»

Graphique 2: «Taux d’activité par groupe d’âge, en comparaison internationale, 2008»

Graphique 3: «Évolution de la répartition des revenus, revenus bruts 1er et 9e déciles, 1997 et 2007»

Tableau 1: «Taux d’activité par sexe et groupe de nationalité (2e trimestre de chaque année)»

Encadré 1: Le fort taux dactivité de la population suisseLa participation à une activité lucrative est un bon indicateur de la capacité d’absorption d’un marché du travail ainsi que du comportement d’une population envers l’activité professionnelle. Une participation élevée au marché du travail joue un rôle essentiel dans la performance économique d’un pays. Elle conditionne non seulement le niveau de vie élevé des ménages actifs mais également le financement des services publics et du système de santé sociale. Avec un taux d’activité des 15-64 ans de l’ordre de 82,3% (2008), la Suisse occupe la première place en comparaison internationale (voir graphique 2). En outre, le taux de participation des 15-24 ans et des 55-64 ans à la vie active se situe bien au-delà de la moyenne de l’OCDE. Les raisons expliquant les divers attitudes d’une population face au travail sont nombreuses. L’environnement culturel, mais également politique, économique et institutionnel joue un rôle déterminant. Le fait qu’une personne puisse ou souhaite exercer une activité professionnelle dépend également d’aspects personnels, comme le salaire réalisable, les incitations des politiques fiscales et de transfert, l’harmonie entre vies professionnelle et familiale, les mécanismes réglementaires de préretraite et la situation générale sur le marché du travail.Au cours de la longue période de récession traversée par la Suisse dans les années nonante, celle-ci est parvenue à maintenir son taux de participation à un niveau élevé et à le faire encore progresser lors de la dernière reprise éco-nomique. À cet égard, la hausse de l’activité lucrative des femmes a joué un rôle important (voir tableau 1). Si les femmes sont toujours plus nombreuses à participer à la vie active «rémunérée», leur taux de participation demeure toutefois sensiblement inférieur à celui des hommes. Lécart est à son maximum durant la période consacrée à la fondation d’une famille (30-45 ans) et au cours des années précédant l’âge ordinaire de la retraite (55-64 ans). La participation des femmes suisses est certes élevée en comparaison internationale, mais la plupart exercent une profession à temps partiel faiblement qualifiée. À l’exception des Pays-Bas, aucun autre pays n’affiche un taux de travail à temps partiel des femmes aussi élevé qu’en Suisse. Cela répond certes aux souhaits des femmes, mais aussi aux traditions de notre société, qui ne sont pas près de changer dans un proche avenir. Du point de vue de la politique du marché du travail, il est intéressant de savoir dans quelle mesure les dispositions institutionnelles nécessitent d’être améliorées pour mieux concilier vies familiale et professionnelle.

Encadré 2: De bonnes conditions de travail et une structure salariale stableQu’en est-il des conditions de travail en Suisse? Selon une étude européenne menée tous les cinq ans depuis 1990 par la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 91% des salariés suisses sont satisfaits, voire très satisfaits de leurs conditions de travail. Seuls le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni obtiennent des taux de satisfaction supérieurs. Les conditions de travail en Suisse sont donc bonnes en comparaison européenne
Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Quatrième enquête européenne sur les conditions de travail, Luxembourg, 2007.. Par ailleurs, le niveau comparativement élevé des salaires qui y sont pratiqués témoigne de la prospérité et du niveau de performance de notre économie.En politique sociale, ce ne sont pas uniquement les montants des salaires qui sont pertinents, mais également la répartition des revenus. Dans l’étude comparative menée par l’OCDE, la différence entre les salaires les plus élevés et les plus bas – mesurés par le ratio des neuvième et premier déciles de revenus bruts provenant d’une activité lucrative – est modeste en Suisse. Seules la Finlande, la Suède, la Norvège et la Belgique affichaient des inégalités salariales plus faibles
En 2007, le neuvième décile était de 2,65 fois supérieur à celui du premier décile, alors qu’il se situait encore à 2,41 en 1997. Signification du premier décile: 10% des salariés gagnent moins que cette valeur. Signification du neuvième décile: 10% des salariés gagnent davantage que cette valeur.. Sur une période de dix ans (1997-2007), les inégalités n’ont guère évolué en Suisse. Dans la partie inférieure de la structure salariale, elles ont même diminué, ce qui peut s’expliquer notamment par la hausse des salaires minimaux dans de nombreuses conventions collectives de travail ces dix dernières années. Dans la partie supérieure de la structure salariale, on a pu observer comme dans la plupart des pays de l’OCDE une croissance des inégalités
Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2009. Faire face à la crise de l’emploi, annexe statistique, page 303..Les conventions collectives de travail (CCT), comme mentionné, sont également essentielles pour la stabilité de la structure salariale. En effet, celles-ci indiquent les salaires minimaux en vigueur dans les branches industrielles et veillent essentiellement à stabiliser la structure salariale dans la partie inférieure de la «pyramide des salaires». Suite à l’introduction de l’accord sur la libre circulation des personnes, les CCT ont gagné en importance. En effet, auparavant, seuls les services des étrangers vérifiaient que les salaires en vigueur «dans la région et la branche» correspondaient à ceux appliqués aux nouveaux collaborateurs provenant de l’UE. En outre, selon la loi sur les travailleurs détachés, les entreprises étrangères sont tenues de verser des salaires correspondant aux usages locaux lorsqu’elles fournissent leurs prestations en Suisse. Dès que des CCT sont déclarées contraignantes, les sociétés doivent observer ces salaires minimaux. En cas de recrutements effectués dans des pays tiers, les services des étrangers vérifient que les salaires usuels appliqués dans la région et la branche soient respectés.La stabilité relative de la structure salariale révèle notamment que l’instruction publique a été en mesure de suivre la dynamique des progrès technologiques. La large diffusion des compétences professionnelles, dont la Suisse fait preuve grâce à son système dual de formation professionnelle, y a certainement contribué. Les investissements effectués dans la formation et le capital humain permettent de diminuer le risque qu’un individu perçoive un salaire durant sa carrière professionnelle ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins.

Proposition de citation: Daniel Baumberger ; Serge Gaillard ; (2010). Le marché du travail en Suisse: un état des lieux. La Vie économique, 01 avril.