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Révision partielle de la LCD et plaintes pour concurrence déloyale en 2011

Révision partielle de la LCD et plaintes pour concurrence déloyale en 2011

La loi fédérale révisée contre la concurrence déloyale (LCD) est entrée en force le 1er avril 2012. Elle permet de mieux appliquer le droit, améliore la collaboration avec l’étranger et renforce la protection contre les pratiques commerciales déloyales par de nouveaux cas particuliers. En 2011, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) a reçu 879 plaintes.

En 2011, 879 plaintes sont parvenues au Seco pour des pratiques commerciales déloyales, soit 144 de plus qu’en 2010 (voir graphique 1). En comparaison des années précédentes, celles qui concernent la vente par correspondance ont enregistré une forte hausse, alors que celles déposées pour arnaques à l’annuaire et sur Internet, majoritaires autrefois, n’ont cessé de diminuer (voir graphique 2). Sur les 879 plaintes reçues, 147 avaient été émises depuis le territoire suisse et 732 depuis l’étranger (voir graphique 3).

Adoption de la révision partielle de la LCD


Le 2 septembre 2009, le Conseil fédéral a soumis au Parlement le message et le projet portant modification de la LCD. Le projet a été adopté par le Parlement durant la session d’été 2011 après une conférence de conciliation. Lors des votes finaux du 17 juin 2011, la LCD a été approuvée par 158 voix contre 29 au Conseil national et par 41 voix sans opposition et une abstention au Conseil des États. Les deux Chambres étaient en dés-accord à propos de l’art. 8 LCD sur les conditions commerciales abusives. La Suisse était alors le seul pays de l’UE/EEE qui ne disposait d’aucune disposition fixant des garde-fous dans l’utilisation des conditions générales pour prévenir les abus
Pour l’UE, voir la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. L’art. 3, al. 1, de la directive dispose: «Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.». Cette divergence a, jusqu’au bout, menacé de faire échouer le projet dans son ensemble. Pour mieux protéger les consommateurs, mais aussi les petites et moyennes entreprises (PME), des conditions commerciales abusives, le Conseil fédéral avait prévu que le nouvel art. 8 serait applicable à tous les contractants. Cette disposition n’a, cependant, pas recueilli la majorité nécessaire au Conseil national. Le Conseil des États s’est par conséquent rallié à une solution de compromis qui prévoit de limiter l’application de l’art. 8 aux rapports contractuels entre les entreprises et les consommateurs. Cette amélioration ne profitera ainsi pas aux PME. Celles-ci restent soumises aux critères développés par le Tribunal fédéral en ce qui concerne la règle tirée du caractère inhabituel dune clause. Le contrôle du contenu exercé de fait par le Tribunal fédéral en application de cette règle présente, cependant, des insuffisances parfois graves
Voir Thomas Koller, «Einmal mehr: Das Bundesgericht und seine verdeckte AGB-Inhaltskontrolle», PJA, 2008, 943 ss, avec de nombreux renvois à la jurisprudence du Tribunal fédéral..La LCD révisée est entrée en vigueur le 1er avril 2012 à l’exception de son art. 8 pour lequel ce fut le cas le 1er juillet 2012, afin de laisser aux entreprises concernées le temps d’adapter leurs conditions générales (CG).

Une meilleure application de la loi


L’un des éléments centraux de la révision de la LCD était l’extension du droit reconnu à la Confédération dintenter une action contre des pratiques commerciales déloyales dont les effets se déploient uniquement en Suisse. Selon l’ancien droit, le Seco ne pouvait porter plainte au nom de la Confédération pour violation de la LCD que si des intérêts économiques de personnes résidant à l’étranger étaient menacés. La qualité pour agir conférée à la Confédération en 1992 avait pour but de protéger la réputation de sérieux de la place économique suisse à l’étranger. Paradoxalement, la Confédération ne pouvait rien faire quand des entreprises ou des consommateurs en Suisse étaient victimes de pratiques commerciales déloyales, telles que des arnaques à l’annuaire ou des promesses déloyales de gain. Dans ces cas, on se trouvait certes le plus souvent en présence d’une violation de la LCD; mais comme personne en gé- néral ne portait plainte, la loi restait lettre morte. La révision est venue combler cette lacune. Le Seco peut désormais, au nom de la Confédération, ester en justice quand des entreprises qui ont leur siège en Suisse se rendent coupables de pratiques commer-ciales déloyales envers des PME ou des consommateurs résidant en Suisse. Le Seco ne peut agir que lorsque des intérêts collectifs sont menacés. En d’autres termes, un nombre important de personnes doit être touché. Le législateur a volontairement exclu que l’État intervienne dans des cas isolés. Lorsque des intérêts collectifs subissent une atteinte, le Seco peut intenter une action en interdiction devant un tribunal civil afin d’y obtenir un jugement en interdiction
Voir à ce sujet la victoire remportée par le Seco devant le Tribunal fédéral face une société spécialisée dans les arnaques à l’annuaire: ATF 136 III 23. ou porter plainte devant le tribunal pénal compétent
Voir par exemple l’arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 2002 dans l’affaire Telefaxverzeichnis, réf. 6S.357/2002, in: sic! 4/2003, 354 ss.. Le Seco a donc les mêmes droits qu’une partie plaignante. Seuls les tribunaux saisis par le Seco peuvent, en tenant compte de toutes les circonstances, estimer si la LCD a été violée et prononcer des sanctions.

De nouveaux cas particuliers dans la LCD


La révision de la LCD visait également à mieux réprimer les abus qui constituent une source importante d’exaspération depuis des années et à accroître la protection matérielle contre la concurrence déloyale.Comme il a été mentionné plus haut, la disposition sur les conditions commerciales abusives a été renforcée. L’ancien art. 8 LCD était jusque-là resté lettre morte, car les CG rédigées de façon unilatérale au détriment de l’autre partie ne pouvaient être qualifiées d’abusives que si elles prévoyaient une répartition déséquilibrée des droits et des obligations de nature à provoquer une erreur. Cet élément a par conséquent été abandonné et la disposition a été adaptée en conséquence dans le sens d’un compromis entre les deux Chambres. Selon la nouvelle disposition, agit de façon déloyale celui qui, notamment, «utilise des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat»
RO 2011 4910.. Selon la majorité de la doctrine, la violation de cette disposition en-traîne la nullité de la clause contractuelle concernée
Message concernant la modification de la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 2 septembre 2009, FF 2009 5558, avec renvois à la doctrine; la nullité est manifestement aussi soutenue par Ahmet Kut/Demian Stauber, Die UWG-Revsion vom 17. Juni 2011 im Überblick, n° 130, in Jusletter du 20 février 2012..Les petites entreprises ne sont toutefois pas les seules à être victimes d’arnaques à l’annuaire. Les grandes entreprises, les administrations et les professions libérales le sont aussi souvent. Pour être valables, les formulaires d’offre pour des inscriptions dans des répertoires privés doivent désormais faire mention, à un endroit bien visible et dans un langage compréhensible, des éléments essentiels du contrat, au nombre desquels figurent le caractère onéreux de l’offre, la durée du contrat et son coût total
Art. 3, al. 1, let. p LCD, voir ATF 136 III 23. La publicité pour la publication d’annonces est aussi visée.. En outre, il n’est plus permis d’envoyer des factures pour des inscriptions dans des répertoires de toute nature sans en avoir reçu préalablement le mandat. Par conséquent, selon le nouveau droit, il est expressément interdit d’envoyer des factures dissimulant une offre d’inscription dans un répertoire privé
Art. 3, al. 1, let. q LCD. Les art. 3, al. 1, let. p et q s’inspirent pour l’essentiel de la jurisprudence du Tribunal fédéral (message, FF 2009 5563; arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 2002 dans l’affaire Telefaxverzeichnis, réf. 6S.357/2002, in: sic! 4/2003, 354 ss; arrêt du Tribunal fédéral du 8 octobre 2008 dans l’affaire Amt für Handelsregister, réf. 6B_272/2008, in: sic! 1/2009, 46 s).. Dans l’an-cien droit, le contrat (non désiré) ne prenait naissance qu’au moment du règlement de la facture.La disposition sanctionnant les systèmes boule de neige a été transférée de la législation sur les loteries dans la LCD, où elle a été durcie
L’entrée en vigueur de la LCD a eu pour effet d’abroger l’art. 43, ch. 1 de l’ordonnance relative à la loi fédérale sur les loteries et les paris professionnels (art. 4 de l’ordonnance concernant le droit de la Confédération d’intenter une action dans le cadre de la loi contre la concurrence déloyale, RO 2011, 4913). L’art. 3, al. 1, let. r LCD remplace l’art. 43 ch. 1 OLLP.. Selon le nouveau droit, agit de façon déloyale celui qui subordonne la livraison de marchandises ou l’octroi de prestations
La nouvelle disposition inclut, outre la livraison de marchandises, la distribution de primes ou l’octroi d’autres prestations. à des conditions dont l’avantage pour l’acquéreur réside principalement dans le recrutement d’autres personnes plutôt que dans la vente ou l’utilisation des marchandises ou des prestations, ou, en d’autres termes, quand l’argent est redistribué de manière agressive de la base vers le sommet de la pyramide
Message, FF 2009, 5564..Les autres nouveautés de la LCD sont les suivantes:− la LCD réglemente désormais les devoirs d’information applicables au commerce électronique
Art. 3, al. 1, let. s LCD.;− il est dorénavant expressément interdit de promettre un gain dont la validation est liée à la participation à un voyage en car ou à une autre manifestation commerciale ou au recours à un numéro payant de service à valeur ajoutée
Art. 3, al. 1, let. t LCD. Ces pratiques commerciales tombaient autrefois sous le coup de l’art. 3, al. 1, let. b LCD.;− enfin, les personnes qui indiquent dans l’annuaire qu’elles ne souhaitent pas recevoir de publicité ne doivent pas être importunées par des appels publicitaires non sollicités
Art. 3, al. 1, let. u LCD..

Une meilleure collaboration avec l’étranger


La mondialisation et le réseau Internet ont entraîné un développement considérable des pratiques commerciales déloyales transfrontières. Il devient dès lors de plus en plus important que les autorités nationales collaborent au niveau international
Message, FF 2009, 5541.. Par conséquent, la révision de la LCD a été l’occasion d’introduire des normes sur l’assistance administrative pour permettre au Seco de coopérer avec les autorités étrangères chargées de la lutte contre la concurrence déloyale
Art. 21 et 22 LCD..

Intégration de nouveaux services dans l’ordonnance sur l’indication des prix


Le prix à payer effectivement pour les marchandises offertes au consommateur doit être indiqué en francs suisses
Art. 3, al. 1 OIP.. Pour les services, cette règle ne vaut que dans la mesure où l’ordonnance sur l’indication des prix (OIP) le prévoit expressément
Art. 10, al. 1 OIP.. Les vétérinaires, les magasins d’appareils auditifs, les notaires et les entreprises de pompes funèbres figurent parmi les nouveaux assujettis
Art. 10, al. 1, let. t, u et v OIP.. Comme la LCD révisée, l’OIP révisée est entrée en vigueur le 1er avril 2012.

Graphique 1: «Plaintes émanant des entreprises et des consommateurs, 2008–2011»

Graphique 2: «Plaintes par domaines, 2008–2011»

Graphique 3: «Plaintes selon le lieu d’émission (Suisse ou étranger), 2008–2011»

Proposition de citation: Philippe Barman (2012). Révision partielle de la LCD et plaintes pour concurrence déloyale en 2011. La Vie économique, 01 juillet.