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Le rôle de l’État dans l’économie verte

Le Conseil fédéral ne conçoit pas l’économie verte comme spécifique à un secteur, mais comme un objectif pour l’ensemble de l’économie. Ce principe figure dans fourni ,la question et dernierU doit assurer la pérennité de l’activité économique et accroître le bien-être. Du point de vue politique, il s’agit de parvenir à une exploitation qui respecte la nature tout en étant aussi peu coûteuse que possible pour l’économie. C’est la raison pour laquelle l’État doit intervenir uniquement lorsque le marché ne permet pas une utilisation optimale de ces ressources.

En février dernier, le danger que présentait la pollution atmosphérique a forcé les autorités de Pékin à suspendre les activités de plus d’une centaine d’entreprises industrielles et à enjoindre aux habitants de ne pas quitter leurs maisons. En Suisse, bien que la qualité de l’air soit relativement bonne et globalement toujours meilleure, la pollution n’en est pas moins présente aux abords des routes où la circulation est dense et dans les villes, ce qui a un impact sur la santé, les écosystèmes et les bâtiments. Les événements météorologiques extrêmes, tels que les canicules ou les tempêtes, se multiplient du fait du changement climatique mondial. En 2005, l’ouragan Katrina, pour ne citer qu’un exemple, a fait un nombre incalculable de victimes et causé des dégâts se chiffrant en centaines de milliards d’USD aux États-Unis.

Des efforts à fournir aux niveaux ­national et international


Au niveau international, la surexploitation des ressources naturelles est une source d’inquiétude croissante. Parallèlement, la nécessité d’une économie respectueuse de l’environnement s’est imposée dans les esprits. L’OCDE, par exemple, a lancé en 2011 une stratégie pour une croissance verte. Le sujet a également été l’un des temps forts de la conférence de l’ONU sur le développement durable, qui s’est tenue à Rio de Janeiro en 2012. Ce sujet est également d’actualité à l’échelon national, puisque le Conseil fédéral a approuvé, en février dernier, un rapport qui répond au postulat Bourgeois () consacré à l’économie verte. Par ailleurs, le parti des Verts a déposé, le 6 septembre 2012, l’initiative populaire Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte). En février dernier, le Conseil fédéral, qui juge cette initiative irréalisable et par conséquent la rejette, a décidé de proposer un contre-projet indirect. Celui-ci est en cours de réalisation (voir encadré 1

Révision de la loi sur la protection de l’environnement


L’administration fédérale travaille actuellement à la révision de la loi sur la protection de l’environnement (LPE), qui constituera le contre-projet indirect à l’initiative populaire Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte). La révision est de large portée, se fonde sur la loi en vigueur et répond à une approche sectorielle. Elle prévoit une utilisation plus efficiente des ressources au niveau de la consommation et de la production, le renforcement du recyclage des déchets, ainsi que la fixation d’objectifs pour une utilisation rationnelle des ressources naturelles. Son objectif sera également de réduire les atteintes à l’environnement dans les pays tiers. Pour limiter au maximum les coûts économiques des mesures découlant de la révision de la LPE, on prendracompte les considérations relatives à l’efficacité économique des instruments, qui sont évoquées dans le présent article. On évitera autant que possible les facteurs susceptibles de provoquer des distorsions commerciales ou de la concurrence.

).

Des mesures de l’État permettant de ­corriger les défaillances du marché


Il ne fait aucun doute que l’utilisation des ressources naturelles de l’environnement revêt une importance majeure. Des voix s’élèvent pour réclamer une réglementation par l’État. Quel rôle ce dernier doit-il jouer dans la protection des ressources naturelles? À quel moment et comment devrait-il intervenir?Lorsque les lois du marché fonctionnent, l’équilibre entre l’offre et la demande se fait par les prix. Elles constituent le meilleur instrument de coordination qui soit dans une économie. Aucun service étatique, aussi compétent et bien informé soit-il, ne peut prendre de décisions plus efficaces. Cela étant, ce mécanisme n’offre pas nécessairement des résultats optimaux pour la société. Dans le domaine environnemental, les dysfonctionnements sont d’autant plus importants que les ressources naturelles sont souvent mal évaluées par le marché. Les émissions excessives de gaz à effet de serre, par exemple, font monter la température moyenne mondiale. Cela a des conséquences telles que la hausse du niveau de la mer ou des événements météorologiques extrêmes, qui entraînent des coûts importants. Si l’utilisation d’agents énergétiques fossiles est la principale cause de l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le prix des énergies fossiles sur le marché, lui, reflète uniquement la disponibilité des stocks et ne tient pas compte de leur impact négatif sur le climat. La saturation de la ressource, en l’occurrence les limites de la capacité atmosphérique, n’entre donc pas dans la composition du prix: le mécanisme du marché est défaillant. Pour que les décisions des consommateurs et des producteurs entraînent une utilisation optimale de l’atmosphère, les coûts de la pollution devraient transparaître dans les prix. L’État devrait donc uniquement prendre des mesures en présence d’une défaillance du marché.

Instruments fondés sur le marché


L’idée est de rendre les atteintes environnementales tellement chères que la capacité maximale des ressources (décrite ci-dessus) ne sera pas dépassée. À cette fin, l’État devrait d’abord avoir recours à des instruments fondés sur le marché, qui influencent les prix et renchérissent les nuisances à l’environnement. Deux instruments, en particulier, peuvent intervenir: les taxes environnementales et les certificats d’émission. La principale différence entre eux tient au contrôle des prix et des volumes d’émission: dans le cas de la taxe, le prix est fixé par l’État et le volume est fonction du coût; c’est l’inverse pour le négoce des certificats: l’État fixe le volume d’émission, tandis que le coût est déterminé sur le marché d’échange des certificats.

Instruments de réglementation


Du point de vue économique, ces deux instruments présentent des avantages de taille par rapport à la réglementation (comme les interdictions ou les obligations): ils laissent une grande marge de manœuvre aux entreprises et permettent de prévenir les atteintes environnementales à moindre coût. Ils incitent par ailleurs à investir dans la recherche et le développement de technologies respectueuses de la nature, puisque ce type d’innovations contribue à réduire les coûts. En matière de politique environnementale, les règles de comportement présentent toutefois des avantages par rapport aux instruments fondés sur le marché. On peut, ainsi, atteindre les objectifs visés avec plus de certitude en fixant des cibles claires qu’en introduisant des taxes, du moins lorsque l’élasticité-prix ou la réaction des consommateurs face à l’augmentation des prix ne sont pas connues. C’est la raison pour laquelle ce type d’instruments sont souvent utilisés dans la politique environnementale (p. ex. valeurs limites d’immission pour les polluants atmosphériques), malgré leurs inconvénients en termes de rentabilité et d’effet incitatif.

Subventions


Tout comme les taxes environnementales et les certificats d’émission, les subventions entraînent, elles aussi, une modification des prix. Contrairement aux premiers instruments cités, elles ne renchérissent pas les activités nocives pour l’environnement, mais diminuent les coûts de celles qui le respectent. Cela implique certains inconvénients: ce n’est pas le pollueur qui paie, mais l’ensemble de la collectivité. Cette méthode empêche par ailleurs tout autre emploi, des deniers publics. Enfin, une fois que les subventions ont été introduites, il est difficile de revenir en arrière en raison des liens d’intérêts des décideurs politiques, si bien qu’elles grèvent durablement le budget de l’État sans pour autant faire émerger des entreprises compétitives.

Instruments d’information


En plus de ces possibilités d’intervention «dure», l’État peut aussi influencer le comportement des acteurs du marché par le biais de l’information. Citons, par exemple, celle qui donne des indications environnementales sur les produits. Cet instrument permet aux consommateurs ou aux commerçants de les différencier et d’opter pour ceux qui respectent le plus l’environnement. Au sein d’une population sensible à cette problématique, cet instrument peut se révéler très efficace, puisque l’économie est fondamentalement entraînée par la demande: elle fournit ce que le consommateur recherche. Pour fonctionner, il faut, toutefois, que les informations environnementales sur le produit soient crédibles et faciles à interpréter. L’instrument peut poser problème s’il n’est pas appliqué de manière volontaire. Si les fournisseurs sont contraints d’apposer des informations environnementales sur certains produits, par exemple, cela risque de désavanta-
ger les petites entreprises qui ne sont pas en mesure de respecter ces dispositions pour des raisons de coût. Il n’est par ailleurs pas exclu qu’une obligation entraîne la disparition d’initiatives potentiellement plus efficaces du secteur privé.

Le rôle primordial de l’innovation


À long terme, la croissance démographique et l’exploitation accrue des ressources naturelles obligeront à utiliser ces dernières avec plus de discernement. Il sera, en outre, indispensable d’innover.Comme cela a déjà été évoqué, le recours à des instruments fondés sur le marché incite à l’innovation. En théorie, il ne serait alors pas nécessaire de la promouvoir par d’autres moyens. En pratique, force est de constater que, d’un point de vue politique, il est rarement possible de corriger les prix, comme le montre l’absence de taxe sur le CO2 pour les carburants. Or, si les produits et les processus nocifs pour l’environnement ne peuvent pas être rendus suffisamment désavantageux financièrement, rien n’incite à investir dans de nouvelles technologies. Au regard des restrictions politiques et de l’importance des innovations dans le domaine environnemental, il serait judicieux que l’État les encourage par des conditions-cadres appropriées, comme une protection adéquate de la propriété 
intellectuelle, et que, parallèlement, il en fasse la promotion.Comme on ne sait pas dans quel sens évoluera la technique, l’État devrait s’abstenir de donner des directives quant au fond. Il n’est en aucun cas omniscient et ne doit pas s’impliquer dans les questions technologiques. En cas de participation à des projets de recherche axés sur le marché, les instruments de promotion devraient être conçus de manière à garantir le lien avec ce même marché et à limiter le plus possible les distorsions de concurrence. Il est par ailleurs important que le soutien aux projets soit limité dans le temps, afin que les lois du marché puissent jouer dès que possible. Si, après un temps donné, la technologie soutenue ne débouche pas sur des produits commercialisables, l’État devrait mettre un terme à son soutien. En principe, il ne faudrait pas subventionner la production en série et la phase de commercialisation, car les entreprises doivent être en mesure de subsister sur le marché grâce à leurs seuls produits, sans aide financière publique.

Faire face aux enjeux mondiaux


Jusqu’à présent, les instruments évoqués ont permis de trouver des solutions efficaces en particulier à des problèmes environnementaux locaux, comme la qualité des eaux de certains lacs. Aujourd’hui, les problèmes d’envergure mondiale – notamment le changement climatique et la réduction de la biodiversité – ont la priorité. La Suisse ne peut pas résoudre de tels défis à elle seule. Il s’ensuit que les possibilités d’intervention de l’État dans ce contexte se limitent à un engagement actif dans le cadre de la coopération au développement et des négociations internationales préparant les traités environnementaux.La mondialisation en cours et le maillage toujours plus serré des chaînes de valeur ajoutée ont, toutefois, déclenché des discussions sur l’utilité d’instruments politiques nationaux pour atteindre des objectifs environnementaux précis dans des pays tiers. On débat des restrictions concernant l’importation et l’accès au marché de produits dont la fabrication nuit à l’environnement du pays de production. Les mesures de ce genre sont, toutefois, délicates du fait de conflits potentiels avec le droit commercial international et des distorsions de concurrence. Leur impact est par ailleurs incertain, en particulier lorsqu’un petit pays ayant une part de marché limitée adopte des dispositions restrictives. Une autre solution consisterait à renforcer les standards et les labels volontaires, tels que le Conseil de 
soutien de la forêt («Forest Stewardship Council», FSC).Étant donné qu’il s’agit de mesures relevant de l’économie privée, l’État joue un rôle secondaire. Il peut apporter son soutien à leur conception, à leur application et au niveau de l’information. Comme la conscience des entreprises et des consommateurs s’éveille de plus en plus aux questions environnementales, ce type d’intervention est susceptible de s’accroître et de gagner en efficacité. Les négociations multilatérales sur 
les questions planétaires conservent leur importance et restent utiles, malgré l’enlisement des discussions sur le climat. La preuve en est la Convention mondiale sur le mercure, conclue en janvier dernier, ou encore 
le Protocole de Nagoya, adopté fin 2010 
dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.

Conclusion


Les interventions étatiques en vue de protéger les ressources naturelles devraient être motivées en premier lieu par une défaillance du marché. L’État devrait privilégier les instruments qui prévoient une charge financière adéquate en cas de surexploitation de ces ressources. En fonction de la problématique, il est cependant possible d’appliquer d’autres instruments ou de prendre des dispositions complémentaires. Pour optimiser l’exploitation des ressources naturelles, il convient d’adopter un dispositif politique répondant aux critères suivants: présenter le meilleur rapport efficacité-coût possible, stimuler l’innovation, ne pas restreindre inutilement la liberté de choix des sujets économiques et ne privilégier aucune piste au détriment des autres.La politique axée sur l’économie verte – à distinguer d’une intervention relevant de la politique industrielle – ne consiste pas à promouvoir spécifiquement les secteurs de l’économie peu gourmands en ressources naturelles. Elle vise à mettre en place un cadre non discriminatoire, qui soit également favorable à toutes les branches. À court terme, les interventions de l’État entraînent par contre des coûts supplémentaires, sans pour autant engendrer une meilleure croissance économique ni une progression de l’emploi.

Tableau 1: «Évaluation des instruments publics»

Encadré 1: Révision de la loi sur la protection de l’environnement

Révision de la loi sur la protection de l’environnement


L’administration fédérale travaille actuellement à la révision de la loi sur la protection de l’environnement (LPE), qui constituera le contre-projet indirect à l’initiative populaire Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte). La révision est de large portée, se fonde sur la loi en vigueur et répond à une approche sectorielle. Elle prévoit une utilisation plus efficiente des ressources au niveau de la consommation et de la production, le renforcement du recyclage des déchets, ainsi que la fixation d’objectifs pour une utilisation rationnelle des ressources naturelles. Son objectif sera également de réduire les atteintes à l’environnement dans les pays tiers. Pour limiter au maximum les coûts économiques des mesures découlant de la révision de la LPE, on prendracompte les considérations relatives à l’efficacité économique des instruments, qui sont évoquées dans le présent article. On évitera autant que possible les facteurs susceptibles de provoquer des distorsions commerciales ou de la concurrence.

Encadré 2: Sources

Sources

  • Économie verte: rôle de l’État en vue d’une utilisation efficace des ressources naturelles. Rapport en réponse au postulat (10.3373) du 3 juin 2010.
  • Initiative populaire «Économie verte»: le Conseil fédéral veut un contre-projet indirect, communiqué de presse du Conseil fédéral, 27 février 2013.

Proposition de citation: Jacqueline Kaiser (2013). Le rôle de l’État dans l’économie verte. La Vie économique, 01 juin.