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Les conventions collectives de travail reprennentleur progression au début des années nonante

L’initiative sur les salaires minimums exige, d’une part, une législation nationale et, d’autre part, que les cantons et la Confédération encouragent les conventions collectives de travail (CCT). Si ces dernières étaient considérée comme étant en perte de vitesse dans les années nonante, elles ont connu une véritable renaissance depuis l’entrée en vigueur de la libre circulation des personnes. Avec l’extension du champ d’application des CCT, l’État a joué un rôle non négligeable dans cette évolution.

Le 18 mai, on votera sur l’initiative populaire Pour la protection de salaires équitables (initiative sur les salaires minimums). Deux revendications y figurent: a) un salaire minimum légal national de 22 francs de l’heure[1]; b) l’obligation pour la Confédération et les cantons d’encourager l’inscription de salaires minimaux d’usage dans la localité, la branche et la profession. Tandis que la revendication d’un salaire minimum étatique donne lieu à de vifs débats, la deuxième partie de l’initiative a jusqu’à présent moins attiré l’attention. Quelle est actuellement l’importance des CCT et comment celles-ci ont-elles évolué récemment?

Accord privé contractuel contre ­législation étatique


En Suisse, les salaires sont soit conclus individuellement entre un employeur et un salarié, soit négociés collectivement par les partenaires sociaux pour l’ensemble de la branche ou certaines entreprises. Afin de régler les conditions de travail et salariales par le biais d’un contrat, les partenaires sociaux utilisent le plus souvent l’instrument de la CCT. Contrairement à une réglementation juridique, une CCT est un contrat écrit (de droit privé) conclu entre des employeurs ou leurs organisations patronales et les associations de salariés. Ce contrat a généralement une validité limitée dans le temps. Arrivé à échéance, il est le plus souvent renégocié et amendé.

En principe, le contenu d’une CCT est libre. La seule restriction est qu’elle ne peut s’écarter du droit en vigueur qu’à la condition que les dérogations soient à l’avantage du travailleur. Le paysage suisse des CCT est dès lors très varié. On y trouve généralement des dispositions concernant les salaires minimaux, le temps de travail, les vacances, l’évolution salariale, les délais de résiliation ou encore la formation continue. Certaines CCT règlent également des prestations très spécifiques, comme la retraite anticipée[2]. La plupart comprennent, en outre, des prescriptions indiquant comment les parties contractantes doivent procéder en cas de conflit. Durant toute la durée de validité d’une CCT, les deux parties ont l’obligation de respecter la paix du travail. L’existence de ce «partenariat social» et des CCT est souvent mise en relation avec le nombre relativement restreint de grèves en Suisse. Les accords des partenaires sociaux, fixés dans un tel cadre, contribuent à stabiliser les relations entre employeurs et employés. Les CCT assument ainsi une fonction régulatrice et déchargent indirectement l’État. La grande marge de manœuvre des partenaires sociaux dans la conception des conditions de travail permet une législation du travail modérée.

Près de 600 conventions collectives de ­travail


Dans le cadre de l’Enquête sur les conventions collectives de travail en Suisse (ECS), l’Office fédéral de la statistique (OFS) examine tous les deux ans la structure et les contenus des CCT. Cela permet de tirer les premiers enseignements sur leur importance. Selon la dernière enquête, qui remonte à 2012[3]. les conditions de travail de quelque 1 742 100 travailleurs ont été réglées dans 592 CCT différentes[4]. Environ 88% de ces travailleurs (1 326 000) ont été soumis à une CCT comprenant un salaire minimum (voir encadré 2).

Une renaissance des CCT dès le milieu des années nonante


Depuis le début des années nonante, le nombre de CCT tend à reculer légèrement. Le nombre de travailleurs dont les conditions de travail et de rémunération sont fixées de manière contraignante dans le cadre d’une CCT a, par contre, progressé. À partir de 1996, le nombre de travailleurs soumis à une CCT est remonté lentement, mais régulièrement4. À partir de 2001, il a augmenté plus rapidement que le nombre d’emplois assujettissables à une CCT: le taux de couverture est ainsi passé de 41% (2001) à 49% (2012)[5]. En même temps, les CCT déclarées de force obligatoire (ou CCT dont le champ d’application est étendu) se sont fortement accrues (voir encadré 3), leur nombre doublant entre 2001 (34) et 2012 (71). Durant ce laps de temps, le nombre des travailleurs soumis à ce type de convention a augmenté de quelque 80%, passant de 349 600 à 626 200 personnes.

Selon Oesch (2012), trois éléments essentiels ont contribué à cette renaissance[6]. Les syndicats ont d’abord dépassé leur sphère traditionnelle d’influence (industrie, construction) et ont réagi à l’arrivée d’une société de services,. Unia a, en particulier, pu conclure de nouvelles CCT dans le secteur tertiaire[7]. Ainsi, le recul du nombre de travailleurs soumis à ce type de convention – provoqué notamment par les pertes d’emplois de nature structurelle et conjoncturelle subies par l’industrie et la construction au début des années nonante – a été partiellement compensé.

La suppression du statut de fonctionnaire au sein de la Confédération et dans la plupart des cantons constitue un deuxième élément de réponse. Les conditions de travail dans le secteur (semi-) public ont, dès lors, été de plus en plus souvent réglées par le biais de conventions collectives signées avec les syndicats. Sur le plan national, ce fut le cas d’entreprises de service public telles que La Poste, les CFF ou Swisscom. Sur le plan cantonal, des CCT ont été signées pour la première fois dans les secteurs de la santé et du social (hôpitaux, établissements médicosociaux).

Ouverture du marché du travail


Troisièmement, l’introduction en 2002 de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (UE) a été déterminante pour le renouveau des CCT. Celles-ci – en particulier les CCT déclarées de force obligatoire ou étendues – ont joué un rôle central dans le cadre des mesures d’accompagnement. Selon la législation, les salaires minimaux inscrits dans les CCT étendues doivent être également respectés par les entreprises étrangères qui . L’ouverture du marché du travail à l’UE/AELE a donc renforcé l’intérêt commun des employeurs et des syndicats à fixer les conditions de travail de leur branche dans le cadre de CCT étendues. Cela vaut en particulier pour certains secteurs, jusqu’alors protégés en quelque sorte de la concurrence étrangère. Les prestations de services transfrontalières étant facilitées, cette concurrence provient désormais de l’UE/AELE[8]. Dans ce contexte, la possibilité donnée à d’étendre le champ d’application d’une CCT a constitué une forte motivation. Elle a, par exemple, joué un rôle prépondérant dans la conclusion de CCT dans les secteurs de la sécurité privée et du nettoyage en Suisse alémanique.

Quelle place pour la Suisse au niveau international?


Les défenseurs de l’initiative populaire sur les salaires minimums s’appuient sur le fait qu’en Suisse, 50% des contrats de travail ne sont pas soumis à une CCT. Leur taux de couverture serait également plus élevé à l’étranger. Les comparaisons internationales doivent toutefois être interprétées avec une certaine prudence: le taux de couverture des CCT ne permet pas de déductions concernant le contenu, le caractère contraignant des dispositions ou encore leur actualité. Le cadre institutionnel, spécifique à chaque pays, peut en outre grandement influencer le niveau du taux de couverture.

Dans le comparatif de l’OCDE, la Suisse se place, avec 50%, en milieu de classement[9]. Là où les syndicats sont puissants, les employeurs sont davantage poussés à conclure une CCT. C’est pourquoi, dans des pays comme la Suède, la Finlande, le Danemark, mais aussi la Belgique, le taux de couverture tend à être supérieur (voir tableau 1). En ce qui concerne le taux de syndicalisation les conditions-cadres institutionnelles peuvent également jouer un rôle. Ainsi, les pays scandinaves et la Belgique font partie du «système Ghent», qui intègre les syndicats dans la gestion de l’assurance-chômage. Le fait que les travailleurs bénéficient parfois de meilleures prestations en cas d’adhésion, tire le taux de syndicalisation vers le haut.

201404_07F_Tabelle01.eps[1]

Il existe toutefois toute une série de pays, où le taux de couverture en CCT est élevé sans que les syndicats ne puissent s’appuyer sur un grand nombre de membres. L’Autriche, la France, l’Espagne ou les Pays-Bas appartiennent ainsi à cette catégorie. Ici, les conditions-cadres institutionnelles spécifiques à chaque pays peuvent jouer un rôle décisif. En France, la loi oblige les entreprises employant plus de cinquante salariés à négocier une CCT. En Autriche, les employeurs sont tenus de s’affilier à une chambre de commerce qui les représente lors des négociations collectives (obligation de former une coalition). Les conditions selon lesquelles l’État étend le champ d’application d’une CCT varient également d’un pays à l’autre. Par exemple, en France et en Espagne, les conventions de branches peuvent être étendues à d’autres qui leur sont proches et qui ne disposent pas de CCT. Il faut garder ces particularités à l’esprit si l’on veut comparer le taux de couverture suisse avec celui d’autres pays.

Malgré un taux de syndicalisation moindre, la couverture reste stable


En Suisse, comme dans la plupart des pays, le taux de couverture des CCT (50%) est nettement supérieur au taux de syndicalisation (18%). Cela découle notamment du fait que plusieurs d’entre elles ont vu leur champ d’application s’étendre et que leurs dispositions s’appliquent, dans la plupart des entreprises, également aux salariés non syndiqués. Comme on peut le voir dans le graphique 1, en Suisse, le taux de syndicalisation a également reculé depuis le début des années nonante. Toutefois, comme l’importance des CCT s’est accrue depuis l’introduction de la libre circulation des personnes, la Suisse se profile comme l’un des rares pays de l’OCDE qui combinent un faible taux de syndicalisation et un taux de couverture stable depuis le début des années nonante. La possibilité d’étendre le champ d’application d’une CCT à des non-membres y a sans doute contribué.

201404_07F_Grafik01.eps[1]

On notera finalement qu’un taux élevé de couverture par des CCT ne signifie pas automatiquement une faible proportion de bas salaires au sens de l’initiative. En Suisse, les salaires minimums négociés par les partenaires sociaux tiennent compte de la situation économique et de la valeur ajoutée d’une branche. Selon les branches, les partenaires sociaux se sont parfois entendus sur des salaires minimums inférieurs aux 22 francs de l’heure exigés par l’initiative: c’est le cas dans l’hôtellerie-restauration, le secteur des nettoyages ou encore la coiffure. Ainsi, même dans des branches couvertes par des CCT, des salaires en dessous de 22 francs de l’heure ne sont pas exclus.

  1. L’auteur a déjà publié un article qui répond à la première partie de cette initiative populaire: «Les bas salaires en Suisse: analyse de la situation», La Vie économique, 09-2013. []
  2. Voir le site de l’OFS: http://www.bfs.admin.ch, «Travail, rémunération», «Organisation du marché du travail, conventions collectives de travail». []
  3. Ce chiffre se réfère aux CCT comprenant des dispositions normatives. Voir OFS 2012., les conditions de travail de quelque 1 742 100 travailleurs ont été réglées dans 592 CCT différentesPour en savoir plus sur l’évolution des CCT au début des années nonante, voir D. Oesch (2011). []
  4. Pour en savoir plus sur l’évolution des CCT au début des années nonante, voir D. Oesch (2011). []
  5. Le taux de couverture des CCT concerne la part des travailleurs soumis à une CCT relativement à l’ensemble des employés qui pourraient y être soumis (à l’exclusion des cadres, des indépendants, des employeurs-collaborateurs et des membres de la famille, ainsi que des collaborateurs de la fonction publique). Voir chiffres détaillés dans SECO (2013), page 80. []
  6. Voir Oesch (2012), page 120. []
  7. Par exemple dans le secteur de la vente au niveau can-tonal ou communal, dans les magasins des stations-service ou dans les blanchisseries. []
  8. Voir également: D. Oesch (2007), page 348. []
  9. OCDE (2012), page 136. []

Bibliographie

  • OFS, Enquête sur les conventions collectives de travail en Suisse, Neuchâtel, 2012.
  • OFS, Accords salariaux conclus pour 2013 dans les domaines conventionnels, Neuchâtel, 2014.
  • Lampart D. et Kopp D., Les CCT en Suisse: problèmes, mesures requises, solutions, dossier n° 95 de l’USS, août 2013.
  • SECO, Bas salaires en Suisse et alternatives à l’initiative sur les salaires minimums dans le domaine des conditions aux conventions collectives de travail étendues et à l’adoption de contrats-types de travail, août 2013.
  • SECO, GAV-Standortbestimmung, 2014 (à paraître).
  • Oesch D., «Weniger Koordination, mehr Markt? Kollektive Arbeitsbedingungen und Neokorporatismus in der Schweiz seit den 1990», Swiss Political Science Review, 13(3), 2007, pp. 337–368.
  • Oesch D., «Swiss trade unions and industrial relations after 1990: a history of decline and renewal», dans Trampusch C. et Mach A. (éd.), Switzerland in Europe. Continuity and Change in the Swiss Political Economy, Londres, 2011, Routledge.
  • Oesch D., «Die Bedeutung von Gesamtarbeitsverträgen für die Arbeitsmarktregulierung in der Schweiz», Droit du travail. Revue de droit du travail et d’assurance-chômage, 2012.
  • OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2012, 2012, Publications de l’OCDE.

Bibliographie

  • OFS, Enquête sur les conventions collectives de travail en Suisse, Neuchâtel, 2012.
  • OFS, Accords salariaux conclus pour 2013 dans les domaines conventionnels, Neuchâtel, 2014.
  • Lampart D. et Kopp D., Les CCT en Suisse: problèmes, mesures requises, solutions, dossier n° 95 de l’USS, août 2013.
  • SECO, Bas salaires en Suisse et alternatives à l’initiative sur les salaires minimums dans le domaine des conditions aux conventions collectives de travail étendues et à l’adoption de contrats-types de travail, août 2013.
  • SECO, GAV-Standortbestimmung, 2014 (à paraître).
  • Oesch D., «Weniger Koordination, mehr Markt? Kollektive Arbeitsbedingungen und Neokorporatismus in der Schweiz seit den 1990», Swiss Political Science Review, 13(3), 2007, pp. 337–368.
  • Oesch D., «Swiss trade unions and industrial relations after 1990: a history of decline and renewal», dans Trampusch C. et Mach A. (éd.), Switzerland in Europe. Continuity and Change in the Swiss Political Economy, Londres, 2011, Routledge.
  • Oesch D., «Die Bedeutung von Gesamtarbeitsverträgen für die Arbeitsmarktregulierung in der Schweiz», Droit du travail. Revue de droit du travail et d’assurance-chômage, 2012.
  • OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2012, 2012, Publications de l’OCDE.

Proposition de citation: Daniel Baumberger ; Rudolf Kindler ; (2014). Les conventions collectives de travail reprennentleur progression au début des années nonante. La Vie économique, 01 avril.

Information

Cet article comprend des extraits du r­apport du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) «GAV Standortbestimmung», qui sera publié en mai. Signalons que Daniel Oesch, professeur à l’université de Lausanne, a contribué au chapitre «Évolution et situation des conventions collectives de travail en Suisse».

Salaire minimum imposé par l’État ou par une CCT

La plupart des CCT contiennent des salaires ­minimaux obligatoires, mais les règles s’y référant peuvent différer de l’une à l’autre. Par exemple, dans la branche de la sécurité, il existe un nouveau salaire minimum pour chaque année de service jusqu’à la douzième année. Dans certaines CCT, le niveau des salaires minimaux ­varie selon les régions. Par exemple, celui convenu pour les travailleurs non qualifiés dans l’actuelle CCT de l’industrie des machines, des équipements électrique et des métaux (MEM) est plus élevé à Zurich qu’à Fribourg, où le salaire minimum est à son tour supérieur à celui du Tessin. Les partenaires sociaux connaissant parfaitement leur branche, les salaires minimums fixés dans le cadre de CCT peuvent tenir compte des particularités des entreprises et des régions. Dans certaines CCT, les partenaires sociaux se sont par exemple mis d’accord sur un «article de crise» permettant aux entreprises de s’écarter de la CCT en situation économique difficile, afin d’éviter les pertes d’emplois.

Les salaires minimaux ne sont pas seulement fixés à des niveaux variables, mais leur évolution varie également d’une branche à l’autre. Selon l’OFS, ceux contenus dans les CCT du commerce ont été relevés de 1,8% en 2013, tandis que dans l’hôtellerie-restauration, il n’y a eu aucune ré-évaluation a. Les salaires minimaux dans les CCT permettent de prendre en considération la situation économique de chaque branche. Ils offriraient moins de marge de manœuvre s’ils étaient ancrés dans la Constitution. En outre, l’initiative exige que le salaire minimum légal soit régulièrement ajusté à l’évolution des prix et des salaires, mais au minimum au niveau de l’indice des rentes de l’assurance-vieillesse et survivants. En cas d’acceptation de l’initiative, l’évolution des prix et des salaires depuis 2011 devra être prise en compte. À l’heure qu’il est, personne ne sait à combien se montera cette adaptation en cas d’entrée en vigueur de l’initiative. Les prévisions actuelles de l’Office fédéral des assurances sociales tablent sur une augmentation de 4,8% de l’indice mixte d’ici 2018.

a OFS (2014).

L’extension du champ d’application des conventions collectives de travail

En principe, l’État n’intervient pas dans la politique des partenaires sociaux en matière de CCT. Celles-ci n’ont besoin d’une approbation gouvernementale ni pour le fond ni pour la forme. Elles sont directement valables et applicables. L’activité de l’État se limite à la seule extension de leur champ d’application. Pour autant qu’elles respectent les différentes conditions préalables fixées par la loi fédérale permettant d’étendre le champ d’application d’une convention collective de travail (LECCT), les autorités fédérales ou cantonales peuvent, à la demande des parties signataires, étendre le champ d’application d’une CCT à l’ensemble de la branche. Cette décision administrative l’élargit à tous les employeurs et ­salariés du secteur professionnel ou économique concerné, soit aux non-membres (dissidents). Ces derniers ne doivent, dès lors, pas seulement respecter les dispositions minimums de la CCT en ce qui concerne le salaire et les conditions de travail, mais également, au cas où ce serait prévu, contribuer aux frais d’exécution ou participer aux coûts de la formation initiale et continue.

L’extension du champ d’application d’une CCT obéit à deux objectifs: il s’agit, d’une part, de protéger les accords destinés à éviter la concurrence des bas salaires et, d’autre part, de ne pas désavantager économiquement les dissidents. L’extension du champ d’application des CCT en matière de salaires minimums signifie en quelque sorte un abandon du principe de la libre fixation des salaires, en ceci que les dissidents se voient imposer les conditions salariales et de travail qu’ils devront appliquer. Étant donné que ce n’est pas l’objectif de l’extension du champ d’application d’une CCT que d’éliminer les concurrents indésirables et d’ériger des obstacle à l’accès au marché, dans le cadre de la LECCT, le législateur a clairement défini les conditions préalables selon lesquelles une CCT peut être déclarée de force obligatoire. Les quorums, qui doivent dans une certaine mesure garantir la légitimité démocratique d’une CCT, jouent ici un rôle déterminant. C’est pourquoi, avant l’extension, plus de la moitié des employeurs d’une branche doivent être soumis à la CCT (quorum des employeurs), plus de la moitié des travailleurs doivent y être soumis (quorum des travailleurs employés); enfin, les employeurs impliqués doivent employer plus de la moitié de tous les travailleurs de la branche (quorum mixte). Ces quorums garantissent que la majorité d’une branche n’est pas soumise à la volonté d’une minorité. En revanche, une règle est considérée comme acceptable lorsqu’elle est déjà valable pour une majorité d’acteurs de la branche et est déclarée également, par le biais de l’extension, applicable à la minorité.