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Les petites entreprises souffrent visiblement d’un excès de règles bureaucratiques. C’est pourquoi il faut stopper la frénésie régulatrice des parlements.
Roland Bühlmann, Membre du Forum PME de la Confédération, président du conseil d’administration de Bühlmann Laboratories à Schönenbuch

Prise de position

Bruno S. Frey, professeur suisse d’économie, faisait récemment le constat suivant: «Toujours plus de personnes actives sont improductives. Le terme improductif fait référence à un contexte dans lequel on ne produit ni biens ni services. On travaille sans contribuer à la consommation et à l’investissement[1]

Malheureusement, cette tendance semble irréversible. Elle prend des proportions toujours plus importantes en raison de la marée réglementaire qui déferle sur la Suisse et sur le monde. Ordonnances et décrets obligent les entreprises à introduire un volume croissant de travail improductif dans leurs activités courantes. Même la vie du simple citoyen est réglementée de manière impitoyable.

Le Forum PME de la Confédération corrige le tir


Comme chacun sait, les ordonnances ne peuvent plus être commentées ou modifiées par le Parlement. L’office fédéral compétent est le seul à pouvoir s’exprimer. À une exception près : au sein du Secrétariat d’État à l’économie (Seco), un groupe d’entrepreneurs petit mais efficace, le Forum PME, a pour tâche de vérifier la « compatibilité PME » de tels textes – notamment la surcharge administrative qu’ils peuvent engendrer.

Est-ce David contre Goliath? À vrai dire, cette commission a fustigé, au cours des dernières années, quelques articles controversés d’ordonnances ou de lois. Ses prises de position, précises et ciblées, ont parfois été écoutées. Ainsi, c’est sur la recommandation du Forum PME que le Parlement a relevé les valeurs seuils dans le droit de la révision. De ce fait, les entreprises peuvent économiser chaque année environ 370 millions de francs[2].

Outre la charge administrative générée en Suisse – due notamment à la certification ISO exigée par le marché et donc au respect de normes souvent vagues –, les prescriptions spécifiques de l’UE imposent d’innombrables contrôles aux entreprises exportatrices.

Certes, la charge qui découle de la législation suisse est encore supportable. Dans les prochaines années, une nouvelle avalanche de règles, d’une ampleur incalculable, rapprochera les entreprises et les privés de la réglementation totale. Citons à titre d’exemples le tournant énergétique et l’initiative « Économie verte ». Cela ne cache rien d’autre que la volonté de rééduquer tout le monde – citoyens et entrepreneurs.

Les nouveaux règlements étouffent les PME


D’où vient donc cette frénésie régulatrice? D’un côté, elle trouve bien sûr son origine dans la quête toujours plus astucieuse de failles par les personnes qui cherchent à se procurer des avantages. D’un autre côté, les parlements élaborent de nouvelles lois pour améliorer la justice sociale par l’impôt et la redistribution. On pénalise ainsi toutes les entreprises et pas seulement les 2 ou 3 % d’entre elles qui adoptent sciemment un comportement incorrect.

La pression exercée par la réglementation sur les petites entreprises n’est pas pour déplaire à celles de taille plus importante. Un nombre croissant de PME disparaissent, car elles n’atteignent plus la masse critique qui leur permettrait de maîtriser la charge administrative supplémentaire. Les grandes firmes en profitent et créent des conglomérats toujours plus vastes.

C’est pourtant clair : les mesures réglementaires devraient corriger les défaillances du marché et non servir d’outils de redistribution ou au protectionnisme[3]. Malgré tout, on continue de réglementer joyeusement – jusqu’à ce que le vase déborde.

Un mémorandum comme celui qui a été formulé pour la biotechnologie verte ne serait pas transposable à la réglementation. Pourquoi, dès lors, les parlements ne feraient-ils pas preuve d’une autodiscipline tacite, en supprimant deux règles pour une nouvelle produite ?

Si les parlements ne renoncent pas à leur boulimie réglementaire, nos structures démocratiques risquent de devenir chaotique d’ici 2050… avec ou sans tournant énergétique.

  1. Bruno S. Frey, «Das Übel der unproduktiven Arbeit», Finanz und Wirtschaft, 24 juin 2015. []
  2. D’autres recommandations concernent le droit des denrées alimentaires et des produits chimiques, la loi sur le CO2, la loi relative à la recherche sur l’être humain, etc. Au total, 68% des recommandations émises par le Forum PME durant les périodes 2004-2007 et 2008-2011 ont été mises en œuvre. []
  3. Voir Peter Buomberger, Des chemins pour sortir de la jungle réglementaire, Avenir Suisse, 2014. []

Proposition de citation: Roland Bühlmann (2015). Prise de position: Les règles bureaucratiques augmentent la pression sur les PME. La Vie économique, 24 septembre.