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Les marges de manœuvre budgétaires rétrécissent pour la Confédération

Le budget de la Confédération subit des pressions d’origines diverses. Alors que la croissance des recettes ralentit, de nouvelles dépenses apparaissent. Pour respecter le frein à l’endettement, il faut des programmes d’économies à court terme. À long terme, des réformes structurelles seront également nécessaires.

Les marges de manœuvre budgétaires rétrécissent pour la Confédération

La formation et la recherche sont particulièrement touchés par le programme d'économies 2017-2019. Un chercheur au centre de micro et nanosciences de l'EPF Zurich.

Durant les années écoulées, la Confédération a enregistré des excédents parfois considérables. Par conséquent, d’importants moyens supplémentaires ont pu être alloués à des domaines prioritaires. Ainsi, entre 2009 et 2015, les dépenses de formation et de recherche ont augmenté de 3,6 % en moyenne annuelle. De même, les dépenses au titre des relations extérieures ont affiché durant cette période une croissance de 6,3 % par an. Cette hausse est due principalement au fait que le Parlement a décidé de porter à 0,5 % la quote-part du produit national brut consacrée à l’aide publique au développement (APD). Ces priorités ont pu jusqu’ici être financées dans le cadre du frein à l’endettement. Toutefois, les marges de manœuvre s’amenuisent.

Plus de dépenses, alors que la croissance des rentrées fiscales ralentit


Quelques années seulement après la chute du cours de l’euro en 2010 et 2011, l’abandon du taux plancher par la Banque nationale suisse (BNS) en janvier 2015 a confronté l’économie à un second choc du franc fort. Celui-ci a considérablement assombri les perspectives conjoncturelles de la Suisse. Ainsi, après la décision de la BNS, les prévisions de la Confédération relatives à la création nominale de valeur ont été revues à la baisse de près de 5 % pour les années 2015 à 2018.

Une croissance économique réelle moindre et un renchérissement nettement et durablement en recul ne sont pas sans conséquences pour les finances fédérales. En effet, l’impôt fédéral direct et la taxe sur la valeur ajoutée – les deux principales sources de revenus de la Confédération – croissent bien moins vite que prévu. D’autres recettes fiscales, telles que l’impôt sur les huiles minérales et l’impôt sur le tabac, régressent également en raison du franc fort.

Simultanément, dans plusieurs domaines, des décisions parlementaires entraînent d’importantes dépenses supplémentaires. Le Parlement, ou du moins le premier conseil concerné, a décidé de grever le budget de 1,5 milliard de francs supplémentaire par an par rapport aux messages du Conseil fédéral. Ce montant n’inclut que la réforme de la prévoyance vieillesse 2020, le fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (Forta), le plafond de dépenses 2017-2020 de l’armée et la troisième réforme de l’imposition des entreprises. La prorogation probable du taux spécial de TVA pour les prestations d’hébergement l’augmentera encore de 200 millions de francs.

Suite à la crise migratoire, les dépenses afférentes ont plus que doublé en l’espace de quelques années et devraient atteindre quelque 2,5 milliards de francs en 2018. Enfin, en ce qui concerne les dépenses au titre des intérêts de la dette, la marge de manœuvre découlant de la réduction de la dette et du niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt a été entretemps entièrement utilisée.

Évolution du solde structurel 2019 estimé




Remarque : les surfaces vertes témoignent d’un solde positif ou d’une amélioration du solde. Les surfaces rouges représentent un solde négatif ou une détérioration du solde. Entre juillet 2015 et juillet 2016, le solde structurel estimé est passé d’un excédent de 250 millions de francs (après les coupes du programme de stabilisation 2017-2019) à un déficit de 2 milliards.

Source : AFF / La Vie économique

Des coupes dans les dépenses à partir de 2016


Dans ce contexte, il devient plus difficile depuis 2015 de répondre aux exigences du frein à l’endettement et du financement de nouvelles tâches. Le Parlement a déjà décidé de mesures d’allégement dans le budget 2016. Pour l’essentiel, il s’agit d’une adaptation au faible renchérissement. Ce correctif n’étant pas automatique, notamment en ce qui concerne les dépenses peu liées, plusieurs domaines ont connu ces dernières années une augmentation réelle non prévue qui n’a pu être financée en raison d’une moindre croissance des recettes. La correction du renchérissement permet à ces groupes de tâches de se rapprocher de l’évolution en termes réels initialement prévue.

Les coupes – majoritairement durables – effectuées dans le budget 2016 représentent 1 milliard de francs environ. Outre les économies interdépartementales (telles que la correction du renchérissement ou la diminution des dépenses de personnel et de conseil), certaines réductions ciblées ont été opérées dans les domaines de la coopération internationale et de l’armée. Ces mesures d’allègement n’ont toutefois pas suffi et des déficits structurels allant jusqu’à 700 millions de francs sont budgétés pour les années 2017 à 2019.

Le programme de stabilisation 2017-2019


Le Conseil fédéral a décidé de mettre en œuvre le programme de stabilisation 2017-2019 dans le but d’alléger le budget de la Confédération de 800 à 1000 millions de francs supplémentaires. Pour ce faire, il a fixé les conditions-cadres ci-après.

  1. La consolidation doit porter en premier lieu sur les dépenses. Des raisons politiques et économiques s’opposent à un assainissement par le biais d’une hausse d’impôts. De nouvelles dettes de la Confédération sont exclues en raison du frein à l’endettement.
  2. Le programme de stabilisation doit être équilibré. Pour obtenir une majorité, tous les groupes de tâches doivent contribuer aux économies. Le Conseil fédéral a toutefois fixé des priorités ponctuelles : ainsi, les économies seront plus importantes dans le domaine de la coopération internationale et moindres en ce qui concerne l’armée.
  3. Le domaine propre de l’administration doit participer aux efforts d’économies, mais dans des limites raisonnables (voir encadré 1). Ce principe doit être souligné en raison des exigences minimales en matière de personnel.
  4. Les mesures d’économies ne doivent pas consister en un simple transfert de charges aux cantons. Si ces derniers étaient néanmoins directement affectés, ils devraient disposer d’une marge de manœuvre leur permettant de prendre eux-mêmes des mesures d’allègement.


Un train formé de 24 mesures a dès lors été décidé. Il est consigné dans la loi fédérale sur le programme de stabilisation 2017-2019 qui prévoit que 80 % du volume des allègements concerneront les dépenses peu ou moyennement liées. D’une part, on a procédé de facto à une nouvelle correction du renchérissement. D’autre part, les groupes de tâches dont les dépenses ont particulièrement augmenté durant les années écoulées fourniront un effort plus important que les autres. C’est le cas, par exemple, de la formation et de la recherche, de même que des relations extérieures.

La défense nationale et la prévoyance sociale, en particulier, sont moins touchées proportionnellement. En ce qui concerne la défense nationale, on prend en considération la décision du Parlement de fixer le plafond des dépenses à 20 milliards de francs. La prévoyance sociale devra être en grande partie réformée à travers des projets séparés, en raison de leur complexité.

Le dispositif ne devrait pas exagérément frapper les cantons et n’aura guère de répercussions sensibles sur la croissance économique. Le Conseil fédéral a approuvé le message relatif au programme de stabilisation en mai dernier et le Parlement en débattra encore cette année.

Amélioration à long terme de la qualité du budget


Le programme de stabilisation 2017-2019 ne suffira pas à équilibrer le budget. La forte augmentation des coûts de la migration obligera le Parlement à recourir à la clause d’exception du frein à l’endettement pour l’exercice 2017. Celle-ci permet de relever le plafond des dépenses déterminé par les recettes corrigées des effets conjoncturels en cas d’évolution extraordinaire non maîtrisable par la Confédération. Le Parlement devrait donc autoriser une partie des dépenses consenties au titre de la migration (400 millions de francs), en les considérant comme un besoin de financement extraordinaire.

Le plan financier 2018-2020, approuvé en août dernier par le Conseil fédéral, prévoit un déficit structurel permanent qui oscille entre 1,4 et 2 milliards de francs.

Dans un premier temps, il faut mettre intégralement en œuvre le programme de stabilisation 2017-2019 et renoncer largement à de nouvelles tâches tant qu’un financement compensatoire fait défaut.

Dans un deuxième temps, il faudra élaborer un train de mesures de stabilisation 2018-2020, dont les paramètres seront définis par le Conseil fédéral cet automne. En raison de l’urgence d’une action à court terme, on peut s’attendre à ce que ces mesures, au moins en 2018 et 2019, touchent surtout le domaine non lié. L’ampleur du programme dépendra également de la décision du Parlement, durant sa session d’automne, de maintenir ou non les dépenses supplémentaires (réforme de la prévoyance vieillesse, Forta, taux spécial de TVA), et de la possibilité de proposer qu’une partie des dépenses liées à la migration soient considérées comme un besoin de financement extraordinaire durant les années 2018 à 2020.

Les programmes d’allègement récurrents nuisent à la sécurité de la planification et à la qualité du budget. Dans une troisième étape du programme d’assainissement, et pour remédier à cette situation, le budget de la Confédération devrait retrouver son équilibre à long terme grâce à des réformes structurelles. L’objectif est de limiter les obligations légales ou, du moins, de les assouplir (voir encadré 2). En y ajoutant les suppressions de tâches, on pourra élargir la marge de manœuvre budgétaire.

Proposition de citation: Sandra Balmer (2016). Les marges de manœuvre budgétaires rétrécissent pour la Confédération. La Vie économique, 22 septembre.

Encadré 1. Économiser dans l’administration ?

Le domaine propre de la Confédération, soit les dépenses de personnel, de biens et services et d’exploitation, de même que les dépenses d’armement et les investissements propres, est régulièrement dans le collimateur du Parlement qui ne cesse d’exiger des économies. C’est ainsi qu’il a accepté, l’année dernière, une motion en vertu de laquelle les effectifs du personnel de la Confédération devraient être plafonnés à 35 000 postes à plein temps. De plus, une motion encore en suspens vise à limiter, d’ici à 2019, les dépenses de personnel au niveau du compte 2014. Or, le domaine propre de l’administration ne représente que 20 % environ des charges de la Confédération et les dépenses de personnel 8 %. Même s’il est appelé systématiquement à contribuer aux programmes d’économies, il ne peut en assumer l’essentiel du fardeau, car plus des trois quarts des dépenses relèvent du domaine des transferts. C’est a fortiori le cas lorsque le Parlement réclame ouvertement un renforcement des effectifs dans le domaine de la sécurité, coûteux en main-d’œuvre, notamment auprès de l’armée, du corps des gardes-frontière, de fedpol et du service de renseignement.

Encadré 2. Examiner les possibilités d’assouplir les obligations légales

En raison d’obligations légales, une part non négligeable des dépenses ne peuvent être infléchies à court terme. Ces obligations découlent d’une loi ou de la Constitution. Citons notamment la part des cantons et des assurances sociales aux recettes de la Confédération (par exemple le pour-cent de TVA en faveur de l’AVS), les contributions aux assurances sociales et les dotations aux fonds du trafic. Ces obligations légales peuvent également relever de facteurs exogènes, tels que les taux d’intérêt. C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne les intérêts dus. Plus la part des dépenses fortement liées est importante, plus la marge de manœuvre du Conseil fédéral et du Parlement est faible. Or, cette part représente aujourd’hui 55 % et elle dépassera les 60 % durant la législature en cours. En raison du manque de souplesse budgétaire à court terme, les déficits structurels doivent généralement être compensés dans le domaine faiblement lié. Cela peut se transformer en un effet d’éviction et nuire globalement à la qualité du budget. Pour récupérer une plus grande marge de manœuvre, le Conseil fédéral veut examiner les possibilités d’assouplir les obligations légales existantes.