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Les finances publiques en Suisse

Le solde de financement du secteur étatique s’est fortement détérioré jusqu’en 2010, dans le sillage de la crise financière et économique. Les chiffres rouges ont toutefois été évités, grâce aux bonnes années qui se sont accumulées avant la crise financière et économique. Les budgets publics ont ainsi traversé sans trop de dommages les perturbations de 2008/09. Si l’ensemble des administrations publiques améliorent leurs résultats à partir de 2011, il faudra compter avec le tassement conjoncturel de 2012.

Les comptes 2010 des administrations publiques, selon le modèle FS


Le solde de financement des administrations publiques suit le modèle FS, qui lui confère une base uniforme, nécessaire pour comparer les différents niveaux institutionnels (Confédération, cantons, communes et assurances sociales). Ce modèle se base sur la structure du nouveau modèle comptable harmonisé pour les cantons et les communes (MCH2), complété par les données du nouveau modèle comptable de la Confédération (NMC). Le tableau 1 indique les résultats du compte de financement de toutes les administrations publiques depuis 2009.Le solde de financement ordinaire de l’État a fortement reculé – près de 8 milliards de francs – en raison de la crise économique de 2009; l’année suivante, le redressement se faisait encore attendre. Le secteur étatique a dégagé, dans son ensemble, un excédent ordinaire de trois milliards de francs, soit près de 900 millions de moins qu’en 2009. Seule la Confédération a réalisé, avec 2,9 milliards de francs, un meilleur solde ordinaire que l’année précédente. L’ important solde global de 2009 tenait au revenu extraordinaire tiré cette année-là de la vente de l’emprunt à conversion obligatoire d’UBS. Par contre, les trois autres niveaux de l’administration publique ont fait moins bien qu’en 2009. Ainsi, le solde ordinaire des cantons a encore baissé de 400 millions de francs pour atteindre 1,8 milliard de francs, voire 1,4 milliard avec les postes extraordinaires. Quant aux comptes des communes, les dernières estimations indiquent un déficit ordinaire de 364 millions, soit une détérioration de près de 160 millions par rapport à l’année précédente. Ces résultats tiennent, d’une part, aux programmes d’allégements fiscaux menés par plusieurs grands cantons, dont Genève et Saint-Gall; d’autre part, aux nouvelles mesures de soutien à la conjoncture appliquées en 2010, sur le plan cantonal et communal. Les comptes des assurances sociales publiques se présentent également sous un jour nettement moins favorable en 2010 par rapport à l’année précédente: leur déficit atteint 1,3 milliard de francs, en raison principalement de l’évolution de l’AVS et de l’AC, cette dernière ayant pâti du niveau élevé de chômage.

Il faut s’attendre à de meilleurs résultats en 2011…


Après des années 2009 et 2010 plutôt difficiles, les dernières prévisions de la statistique financière annoncent, pour la majorité des secteurs, de meilleurs soldes de financement dès 2011. Le solde ordinaire des cantons grimpe à plus de deux milliards de francs, et les communes ainsi que les assurances sociales renouent avec les excédents. Il est vrai que le solde global des cantons reste négatif (–255 millions) en raison de la contribution extraordinaire à l’assainissement de la caisse de pensions du canton de Zurich. Seule la Confédération réalise un excédent de financement inférieur à 2010, en raison notamment du train de mesures visant à atténuer les effets du franc fort (entre autres la contribution versée à l’assurance-chômage). Le secteur public devrait, toutefois, afficher en 2011 un excédent global substantiel de 3,2 milliards de francs.

… au contraire de 2012


En 2012 par contre, une détérioration marquée des finances publiques est à prévoir. Le fort ralentissement conjoncturel de l’exercice en cours et la diminution des bénéfices distribués par la BNS laisseront leurs traces dans les comptes des administrations publiques. Les excédents obtenus par les cantons et les assurances sociales permettront, toutefois, à l’ensemble des administrations publiques d’afficher un solde ordinaire positif de plus de 800 millions. Selon les prévisions actuelles, la situation devrait de nouveau se détendre en 2013 dans la plupart des secteurs. Seule la Confédération doit s’at-tendre à un déficit de 1,5 milliard, dû notamment aux charges générées par les comptes spéciaux.

La clôture des comptes cantonaux en 2010


Le tableau 2 indique en détail les soldes de financement des cantons. Seize d’entre eux bénéficient d’un excédent de financement, à commencer par Vaud et Zurich. Bien que son solde de financement recule de 200 millions de francs, Vaud prend la tête du classement grâce à ses réserves élevées et affiche un excédent de 840 millions. Zurich se classe deuxième avec un solde qui approche les 500 millions, après avoir présenté en 2009 un compte de financement tout juste en équilibre. La différence provient de la forte hausse des recettes fiscales. D’une part, le canton de Zurich a étonnamment bien surmonté la crise, ce qui a permis aux impôts des personnes tant physiques que morales de croître vigoureusement. D’autre part, la «petite amnistie fiscale» lui a valu une manne supplémentaire. Grâce à l’impunité accordée à la dénonciation spontanée, le produit du rappel d’impôt a décuplé.Quant aux dix cantons affichant un déficit de financement, leurs soldes ne sont que faiblement négatifs, à l’exception de Bâle-Campagne, Saint-Gall et Genève. Après avoir déjà enregistré l’année précédente un déficit de 128 millions de francs, Bâle-Campagne s’est encore un peu plus enfoncé dans les chiffres rouges (–142 millions). En l’occurrence, les contributions versées par les communes ont fortement baissé depuis la refonte de la péréquation intercommunale. Les déficits élevés de deux autres cantons, à savoir Genève (–323 millions) et Saint-Gall (–187 millions), s’expliquent par les programmes d’allégements fiscaux mentionnés précédemment.En 2010, les dépenses d’investissement effectuées par les cantons ont dépassé les recettes correspondantes de 4,7 milliards de francs au total. Tandis que les premières progressaient de 470 millions, les secondes n’augmentaient que de 124 millions. Les principaux postes d’investissement ont été le bâtiment, le génie civil et les biens meubles. Parmi les cantons ayant massivement investi figurent Zurich, qui se classe en tête de liste avec 769 millions de francs, Berne et Genève.Le compte de résultats ne comprend pas, à la différence du compte de financement, les dépenses et les recettes d’investissement. En revanche, il inclut toute une série de postes comptables absents du compte de financement, comme les amortissements, les réévaluations ou les apports et les prélèvements touchant les fonds et financements spéciaux. En 2010, le compte de résultats des cantons et des concordats affichait un solde total de 2,7 milliards de francs, ce qui représente une forte hausse par rapport à l’année précé- dente. Comme pour le compte de financement, la grande majorité des cantons ont dégagé un excédent, parfois substantiel, du compte de résultats.

Les indicateurs de la politique budgétaire selon le modèle SFP


Les indicateurs des administrations pu-bliques publiés par la Statistique financière se composent de cinq agrégats, tous exprimés par rapport au PIB. Ils permettent d’analyser les variations des finances publiques, compte tenu de l’évolution conjoncturelle et du contexte international. Les indicateurs de politique financière sont présentés selon les normes du Fonds monétaire international (FMI), conformément au Manuel de statis-tiques des finances publiques de 2001 (MSFP 2001). Le taux d’endettement fait toutefois exception, puisqu’il est calculé en fonction des critères européens de Maastricht. Des résultats provisoires, comparables aux données du modèle FS, sont disponibles pour l’exercice 2010 en ce qui concerne la Confédération, les cantons et les assurances sociales. En outre, des estimations ont été faites concernant les communes (2010), puis tous les secteurs (2011 à 2013). Le tableau 3 présente un récapitulatif des indicateurs de politique financière.

Des tendances semblables à celles du modèle SF


Dans le modèle SFP, le solde budgétaire (soit la quote-part du déficit ou de l’excédent des administrations publiques) est déterminé à l’aide de normes qui diffèrent de celles utilisées dans le modèle SF. On note néanmoins des tendances similaires. Les résultats de l’exercice 2009 ont été marqués par le fort ralentissement conjoncturel dû à la crise. Le secteur des administrations publiques, qui avait bénéficié d’une série de très bonnes années jusqu’en 2008, est parvenu à un excédent malgré la dégradation économique. L’année suivante, le solde budgétaire a, de nouveau, reculé dans tous les secteurs, tout en restant positif (+0,2% du PIB). En 2011, l’évolution indiquée par le modèle SFP tient pour beaucoup aux charges extraordinaires de la Confédération (refinancement de la caisse de pensions des CFF) et des cantons (refinancement de la caisse de pensions du canton de Zurich), qui entrent dans le calcul des indicateurs et accentuent le recul du solde constaté dans ces secteurs. En revanche, les communes, et plus encore les assurances sociales (grâce aux réformes de l’AI et de l’AC), reprennent des couleurs: ainsi, le solde budgétaire des administrations publiques augmente de 0,2 point, ce qui le porte à 0,4% du PIB. La détérioration des résultats en 2012, décrite sur la base du modèle FS, se répercute également sur le modèle SFP, puisque le solde budgétaire recule à 0,1% et stagne à ce niveau l’année suivante.

Évolution de la quote-part fiscale


En 2009, la quote-part fiscale du secteur des administrations publiques est remontée à 29,7%, frôlant ainsi la barre de 30% pour la première fois depuis 2002. Le mouvement tient en bonne partie au recul marqué du PIB cette année-là. On peut observer une ten-dance inverse en 2010: le recul de la quote-part fiscale de la Confédération (–0,2 point) s’explique par les répercussions de la crise, alors que, pour ce qui concerne les assurances sociales, il est dû à la légère augmentation du chômage depuis 2009. Quant aux cantons, les allégements fiscaux consentis par certains d’entre eux ont sensiblement atténué la progression de leurs recettes fiscales. L’année suivante, la quote-part fiscale des administrations publiques augmente de nouveau de 0,5%, pour atteindre 29,8%. Cette évolution tient avant tout aux réformes des assurances sociales, ainsi qu’à la dissolution des provisions constituées par la Con-fédération au titre de l’impôt anticipé. Par la suite, les recettes fiscales exprimées en pour-cent du PIB devraient à nouveau diminuer légèrement et se monter à 29,7% en 2013.

Quote-part des dépenses de l’État dans le PIB


Au cours des dernières années, les dé- penses étatiques calculées en % du PIB ont elles aussi évolué en fonction de la situation économique. Tous les secteurs des administrations publiques ont ainsi enregistré des dépenses en hausse qui, compte tenu de la contraction concomitante du PIB, ont fait grimper la quote-part de l’État à 34,4%. Après un léger recul en 2010, celle-ci est remontée à 34,8% en 2011, en raison principalement des charges extraordinaires supportées par la Confédération et le canton de Zurich. Les dépenses des cantons et des assurances sociales croîtront, toutefois, plus rapidement que le PIB en 2012. En 2013 enfin, la quote-part de l’État devrait se stabiliser dans la plupart des secteurs des administrations publiques et donc afficher le même niveau que l’année précédente. Seules les dépenses de la Confédération diminueront probablement de 0,1 point, ramenant la quote-part de l’État à 34,7% du PIB en 2013.

Un taux d’endettement en recul


Le taux d’endettement selon la définition de Maastricht poursuit sa décrue durant la période sous revue, à l’exemple de la précédente décennie. Le frein à l’endettement a, en particulier, contribué à résorber graduellement la dette de la Confédération et les règles similaires mises en place au niveau cantonal et communal ont elles aussi amélioré la discipline budgétaire. Le taux d’endettement brut des administrations publiques devrait ainsi refluer en 2011 à 36,5% du PIB. Le tassement conjoncturel se traduira, ensuite, par une brève hausse, limitée à l’année 2012. Puis la quote-part d’endettement fléchira probablement d’un point pour s’élever en 2013 à 35,7% du PIB, soit le plus faible taux depuis 1991.

… comme pour la quote-part des capitaux de tiers


La quote-part des capitaux de tiers comprend, à la différence de l’endettement au sens de Maastricht, la quasi-totalité des capitaux de tiers, évalués non à leur valeur nominale mais à celle des dettes sur le marché. L’agrégat qui en résulte est généralement plus important et soumis à des variations plus fortes que le taux d’endettement au sens de Maastricht. Son évolution est, toutefois similaire au cours de la période sous revue: selon les prévisions, la quote-part des capitaux de tiers repassera en 2011, pour la première fois depuis 1993, sous la barre de 50% du PIB (48,7%). Sa hausse temporaire à 49,1% en 2012 sera également suivie, l’année suivante, d’un reflux d’un point à 48,1%.

Conclusion


Les résultats provisoires de l’exercice 2010 confirment l’hypothèse voulant que les administrations publiques aient surmonté la crise financière et économique de 2008 et 2009 sans que les dommages soient trop importants. Le solde des comptes a beau afficher une légère détérioration, les déficits ont été en bonne partie évités. Selon les pré- visions actuelles, une nette embellie des comptes s’annonce pour les administrations publiques en 2011, avant que le ralentissement conjoncturel annoncé pour 2012 et la baisse des bénéfices distribués par la BNS ne les confrontent à de nouveaux défis.

Tableau 1: «Clôture des comptes selon le modèle SF, 2009–2013»

Tableau 2: «Clôture des comptes cantonaux selon le modèle SF, 2010»

Tableau 3: «Indicateurs selon le modèle SFP, 2009–2013»

Zitiervorschlag: Adrian Bruelhart (2012). Les finances publiques en Suisse. Die Volkswirtschaft, 01. April.