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Les banques jouent un rôle déterminant dans la lutte contre le blanchiment d’argent

Les banques jouent un rôle déterminant dans la lutte contre le blanchiment d'argent

Les banques jouent en Suisse, depuis 1977, un rôle pionnier en matière de lutte contre le blanchiment d’argent; une question qui est également liée au financement du terrorisme. Ce rôle a évolué au fil du temps, à tous les échelons de la réglementation et tend à faire des banques des auxiliaires des autorités de poursuite pénale. Cela comporte un coût et celui-ci a considérablement augmenté ces dernières années. On ne peut donc envisager d’étendre encore les obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent que si ces coûts sont clairement définis et justifiés au regard de leur utilité. Un transfert aux banques de compétences en matière de contrôle actuellement assumées par les autorités ou des entreprises privées, ou l’institutionnalisation de contrôles cumulés, ne saurait améliorer les choses.

Dès 1977, les banques s’étaient déjà engagées dans notre pays à respecter certaines obligations de diligence lorsqu’il s’agissait d’accepter des valeurs patrimoniales. Celles-ci ont été formalisées dans la Convention relative à l’obligation de diligence des banques (CDB). La vérification de l’identité du cocontractant et l’identification de l’ayant droit économique furent les premières mesures préventives prises contre le blanchiment d’argent. Les banques ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur rôle de pionnier. Les règles qu’elles appliquent en Suisse ont eu un écho au-delà de nos frontières, bien que l’autorégulation continue de susciter la méfiance au sein des instances internationales concernées.

L’évolution réglementaire


Les directives de la Commission fédérale des banques (CFB) sur la lutte contre le blanchiment d’argent dans le secteur bancaire en 1991 ont renforcé le sentiment que ce problème était exclusivement, ou en tout cas principalement, celui des banques. Les choses n’ont commencé à changer qu’en 1998, avec la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent dans le secteur financier (LBA), qui soumettait non seulement les banques, mais aussi les autres intermédiaires financiers à des règles de diligence concernant les clients et les fonds leur appartenant. L’art. 305ter CP avait déjà étendu l’obligation d’identifier l’ayant droit économique à toutes les personnes qui, dans l’exercice de leur profession, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers. En 2002, la CFB révisa ses directives et les transforma en ordonnance applicable dès le 1er juillet 2003. Celle-ci prévoit désormais le classement des clients et des opérations en catégories de risque, ainsi qu’une surveillance automatisée des transactions. Ces nouvelles mesures entraînant des frais considérables pour les banques, la CFB accorda à ces dernières un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance pour appliquer les nouvelles prescriptions.

Des banques chargées d’enquêter sur leurs clients


En ce qui concerne les mesures de prévention contre le blanchiment d’argent, l’accent est de moins en moins mis sur les formalités d’ouverture de compte et de plus en plus sur de véritables activités d’enquêtes au sein de la banque. Selon la catégorie de risque à laquelle le client a été rattaché, l’établissement doit procéder à des vérifications approfondies sur ce dernier, sur l’origine et l’utilisation de son patrimoine, etc. Ces mêmes informations doivent être collectées, le cas échéant, sur les ayants droit économiques. Toutes ces données permettent à la banque de détecter d’éventuelles anomalies susceptibles de fonder un soupçon de blanchiment d’argent. L’obligation de déclarer stipulée à l’art. 9 LBA constitue le lien avec les autorités de poursuite pénale. Par les obligations de vérification et d’investigation que leur impose la loi, les banques assument certaines de leurs fonctions. Cela apparaît de manière particulièrement claire à l’art. 24 de l’ordonnance de la CFB, qui oblige la banque à communiquer ses soupçons, y compris lorsqu’elle rompt des négociations visant à l’ouverture d’une relation d’affaires.

Une mise en conformité qui a des conséquences


Sur mandat de l’Association des banques suisses commerciales et de gestion, le Swiss Banking Institute a réalisé une étude dont il ressort que le domaine de la prévention du blanchiment d’argent arrive en tête des frais engendrés par la mise en conformité («compliance»), puisqu’il en représente 45%. Ce chiffre pourrait bien provenir de l’application de l’ordonnance de la CFB sur le blanchiment d’argent, qui a entraîné une véritable escalade des frais en matière de mise en conformité. L’étude révèle également que le nombre de postes à plein temps liés à ce domaine a plus que triplé entre 1998 et 2002 dans les banques commerciales et de gestion analysées. Davantage de réglementation entraîne inévitablement davantage de charges en matière de contrôle. Dès lors, il est bien compréhensible que les banques suivent avec inquiétude les propositions de mise en oeuvre des recommandations révisées du Gafi, dans la mesure où leurs retombées au niveau des fonctions bancaires de contrôle sont pour l’heure difficiles à estimer.

Proposition de citation: Renate Schwob (2005). Les banques jouent un rôle déterminant dans la lutte contre le blanchiment d’argent. La Vie économique, 01 novembre.