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Les procédures fédérales d’autorisation sont-elles vraiment toutes nécessaires?

Présentes sur Internet1 depuis 2000, les procédures d’autorisations issues du droit fédéral viennent de faire l’objet d’une nouvelle évaluation en 2005 sur mandat du Conseil fédéral. Celle-ci a permis de vérifier le bien-fondé de quelques 500 procédures et d’identifier celles qui peuvent être supprimées ou simplifiées. Une dizaine de changements ont déjà eu lieu tandis que d’autres modifications sont en cours ou prévues à moyen terme. En 2006, de nouvelles mesures seront proposées au Conseil fédéral.

Qu’entend-on par procédure d’autorisation? Les interventions étatiques peuvent se décliner sous différentes formes: autorisation d’exercer, concession, contingent, autorisation exceptionnelle, titres professionnels requis, permis, patente, homologation, licence, obligation d’annonce, brevet ou enregistrement. Ces procédures peuvent se regrouper en cinq catégories: exceptions (E), autorisations (A), obligations d’annonce (O), prescriptions (P) et obligations d’information (I, voir encadré 1 Classification des interventions étatiques

Exceptions (E)

L’objectif est de limiter la quantité pour des raisons de défaillances du marché (ex: ressources naturelles limitées) ou d’inter-ventionnisme politique (ex: soutien à l’agriculture). C’est la forme la plus contraignante.

Autorisations (A)

L’objectif est de préserver un certain niveau de qualité et de sécurité. L’autorisation est délivrée si tous les critères sont

remplis. Le nombre d’autorisations n’est pas limité à la différence des exceptions (E).

Obligations d’annonce (O)

Le requérant annonce son activité à l’état et il peut commencer sans délai. L’autorité peut organiser un contrôle a posteriori.

Prescriptions (P)

Normes légales à respecter (le contrôle a lieu soit par l’état, soit par l’action en droit de tiers concernés). Les prescriptions comprennent également les procédures préliminaires.

Obligations d’information (I)

Mise à disposition d’information (labels de qualité), transparence pour des tiers. Cette catégorie comprend également les procédures facultatives. ). Au sens large, les procédures dites d’autorisations se définissent comme un «passage obligé auprès d’une autorité, généralement lié à l’exercice d’une activité économique et donnant lieu à une approbation explicite ou implicite par cette même autorité». Leur légitimité se fonde sur des objectifs de protection de l’intérêt public (vie, santé, sécurité, environnement, etc.), de politique sociale ou économique, ainsi que sur des raisons fiscales ou statistiques. Elles concernent essentiellement les trois premières catégories (E,A,O). Notons que les autorisations exceptionnelles face à une interdiction générale (E) sont à différencier des autorisations de police (A), car pour le requérant, les premières représentent souvent un allégement plutôt qu’une charge; toute procédure n’est donc pas nécessairement une contrainte en soi qu’il s’agirait de supprimer. Il est, par ailleurs, également possible de l’alléger plutôt que de la supprimer (ex: passer de E/A à 0 ou P ).

Mandat, méthode et résultat


Suite à la publication en février 2005 du rapport Les procédures d’autorisation du droit fédéral s’appliquant aux activités économiques: état actuel et évolution 1998-2004,2 le Conseil fédéral, dans un souci de simplification administrative et d’efficacité économique, a souhaité réduire de 20% le nombre de procédures fédérales. Pour atteindre ce but ambitieux, les trente-quatre offices fédéraux avaient pour mission de démontrer la pertinence des procédures selon une grille de critères, le postulat de base étant que, sans justification, les autorisations rarement délivrées seraient supprimées et remplacées par un contrôle a posteriori. Entre septembre et octobre 2005, les offices ont ainsi examiné 345 procédures délivrées par leur soins ainsi que les 160 autres exécutées par les cantons. Les résultats de l’enquête ont montré que sur ce total de 505 procédures, au moins 62 d’entre elles (45 fédérales et 17 cantonales) pourraient à terme être supprimées. Cela signifie que par rapport à la situation actuelle, une proportion de 12% de réduction des autorisations est d’ores et déjà garantie.

Les procédures exécutées par les offices fédéraux


Sur plus de 300 procédures, les offices fédéraux ont identifié 45 candidats à la suppression, soit lors d’un processus en cours ou récemment terminé, soit sur proposition de l’office suite au mandat du Conseil fédéral ou, plus rarement, par fusion de deux procédures. Le graphique 2 présente le nombre total de procédures fédérales par office, précise celles qui se justifient par des exigences internationales («socle incompressible») ainsi que celles qui peuvent être supprimées. En voici quelques exemples: – l’Office fédéral de l’agriculture (Ofag), qui occupe la tête du classement, a annoncé une diminution des procédures de près de 30%, dont la moitié se réfère au contingentement laitier qui sera aboli en 2009.3 Une mise à jour de l’allocation des contingents tarifaires, ainsi que des suppressions dans d’autre secteurs agricoles (élevage, végétaux) sont également prévues; – malgré un nombre élevé de procédures, l’Office fédéral de l’aviation civile (Ofac) possède une marge de manoeuvre très faible (exigences sécuritaires et internationales à respecter) et seuls des regroupements de procédures expliquent la baisse constatée; – toujours dans le peloton de tête, l’Administration fédérale des douanes (AFD) propose lors de cette évaluation que la «patente commerciale de métaux précieux», chère (1630 francs par an) et sans réelle contre-partie, soit remplacée par une simple obligation d’annonce; elle justifie le faible pourcentage d’autres suppressions par le fait que leurs procédures représentent surtout des allégements par rapport aux contraintes douanières habituelles; – en bon élève, l’Office vétérinaire fédéral (OVF), en 7e position, propose de nombreuses suppressions, notamment pour éviter des doublons entre offices ou niveaux étatiques; d’autre améliorations se réfèrent à des simplifications de transit entre l’UE et la Suisse; – l’Office fédéral de la communication (Ofcom) souhaite, de son côté, alléger de manière significative ses obligations étatiques (4 propositions de suppression sur 11); – l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ou l’Institut suisse des médicaments (Swissmedics) ne renoncent, par contre à aucune procédure d’autorisation pour des raisons d’intérêt public ou d’exigences internationales. Les bases juridiques sur lesquelles l’office fonde son action seront, du reste, bientôt renouvellées; – Il est également difficile de réduire les procédure d’autorisations du Secrétariat d’état à l’économie (seco), le socle incompressible étant important (ex. contrôle à l’exportation). Ainsi, les autorisations liées au droit du travail assurent aux salariés une certaine protection, et les récentes votations et/ou décisions politiques (ex: heure d’ouvertures des commerces) confirment cette tendance. Seules deux procédures pourraient être remises en question suite à l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE; – l’Office fédéral de la justice (OFJ) souhaite supprimer l’autorisation pour l’acquisition d’immeubles par des étrangers (2000 par an); – la Régie fédérale des alcools (RFA) avait déjà répercuté la libéralisation du marché sur la réglementation entre 1998 et 2004. L’abolition de l’«autorisation fédérale de commerce de détail de boissons distillées hors canton» représente un nouvel allégement de taille, puisque celle-ci venait en sus de la patente cantonale.4 Les autres suppressions proposées sont surtout des simplifications administratives au niveau interne (fusion de procédures); – l’Office fédéral des routes (Ofrou) a supprimé depuis octobre 2005 la «dispense de la réception par type» (procédure pour véhicule non homologué, 6000 par an) par volonté de simplification et suite à des suppressions de personnel; – enfin, dans le cadre d’une révision en cours, l’Office de métrologie et d’accréditation (Metas) prévoit de fusionner deux procédures relatives aux «laboratoires de vérification» en une seule autorisation, donnant lieu à un allégement des deux côtés.

Les procédures exécutées par les cantons


Seule la moitié des offices fédéraux sont concernés par des procédures issues du droit fédéral, mais dont l’exécution est confiée aux cantons. Sur 160 procédures, 17 peuvent être supprimées: – premier de ce classement, l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (Ofefp) propose l’abolition de 9 procédures sur un total de 43, soit presque un quart de toutes celles gérées par les cantons. Précisons que cette législation s’est particulièrement enrichie depuis une vingtaine d’années, notamment avec la prise de conscience des nuisances faites à l’environnement et la notion de développement durable. Cela se répercute auprès des cantons sous forme de prescriptions normatives à faire respecter et d’autorisations touchant aux permis de construire. Leur nombre restant élevé, il est possible que d’autres allégements soient envisageables à moyen terme; – l’OFJ chapeaute une vingtaines de procédures cantonales dont les thèmes diffèrent beaucoup de l’un à l’autre: loteries, tutelle et accueil d’enfants, droit foncier et bail à ferme, acquisition d’immeubles par des étrangers. Parmi les deux derniers thèmes, cinq procédures sont candidates à la suppression. Quant aux loteries, la situation légale nécessite d’être clarifiée, car elle est notoirement insatisfaisante compte tenu des pratiques actuelles;5 – en 3e position, l’Office fédéral des migrations (ODM) a déjà fortement réduit ses exigences pour les ressortissants de l’UE et de l’AELE, grâce aux accords bilatéraux sur la libre-circulation des personnes. On constate, toutefois, que les procédures sont encore très nombreuses en termes de fréquence,6 ce qui mériterait une réflexion plus approfondie; – le problème est le même du côté de l’Ofrou où certaines autorisations sont si fréquemment délivrées au niveau cantonal que l’on peut difficilement les considérer comme exceptionnelles.7 Il serait intéressant d’examiner le passage éventuel de (E) à (P) en codifiant les critères utilisés dans l’autorisation; – dans le cas de l’Office fédéral de topographie (Swisstopo), il est probable que l’autorisation liée à la «reproduction commerciale des données cadastrales»8 tombe en 2008.

Fréquence annuelle et grille de critères


En ce qui concerne la fréquence des autorisations fédérales, on constate que 20% des procédures sont délivrées plus de 500 fois par an; parmi celles-ci, seul 1% dépasse les 20 000 par an. La moitié des procédures reviennent entre 2 et 100 fois par an. Pour ce qui relève des autorisations cantonales, les proportions sont relativement différentes, bien que pour près de la moitié d’entre elles, on ne connaisse pas leur fréquence exacte. Plusieurs procédures sont engagées plus de 30 000 fois par an (6%)9 et les autorisations délivrées entre 2 et 100 fois par an passent de 50% à 19% du total. Ces chiffres illustrent bien les problèmes institutionnels que connaît le fédéralisme suisse lors des tâches d’exécution. Si la fréquence est une information de base, d’autres critères permettent de cerner le ou les objectifs visés par l’autorisation (voirencadré 2 Critères de jugement des procédures

Liste des critères justifiant la suppression d’une procédure:

– obsolète;

– lourde pour l’administration (en terme de coût/bénéfice);

– lourde pour le requérant (en terme de coût/bénéfice);

– inefficace; la procédure ne permet pas d’identifier les « fraudeurs»;

– nouvelle solution légale ou autre forme de contrôle (abolition de l’intervention étatique au profit du droit privé, obligation d’annonce, contrôle a posteriori, prescription légale ou intégration dans une autre autorisation);

– autre.

Liste des critères justifiant le maintien d’une procédure:

– intérêt public qu’un contrôle a posteriori ne peut protéger (ex: nouveau médicament);

– octroi d’un droit spécifique (ex: brevet, concession);

– légitimation avant un lourd investissement (ex: permis de construire);

– dérogation à une disposition/interdiction;

– possibilité de recours/opposition par un tiers (transparence);

– facilitation de l’action en droit en cas d’infraction;

– confirmation d’un droit pour l’administration (ex: raccord d’infrastructure);

– exigences de droit international (ex: transport routier);

– autre. ). Nous avons constaté que le paramètre «exigences internationales», le seul qui ne peut être remis en question, expliquait un quart des autorisations délivrées au plan fédéral, mais moins de 10% des autorisations cantonales. Le critère le plus souvent cité est sans aucun doute l’intérêt public prépondérant pour toutes les types d’autorisations; viennent ensuite l’octroi d’un droit spécifique et la facilitation de l’action en droit pour les procédures de type fédéral tandis que les autorisations délivrées par les cantons sont plus souvent considérées comme une «dérogation à une interdiction».

Graphique 1 «Classification des interventions étatiques au plan fédéral»

Graphique 2 «Procédures d’autorisation de droit fédéral exécutées au niveau de la Confédération»

Graphique 3 «Procédures d’autorisation de droit fédéral exécutées au niveau cantonal»

Graphique 4 «Fréquence des procédures fédérales»

Graphique 5 «Fréquence des procédures cantonales»

Encadré 1 Classification des interventions étatiques

Exceptions (E)

L’objectif est de limiter la quantité pour des raisons de défaillances du marché (ex: ressources naturelles limitées) ou d’inter-ventionnisme politique (ex: soutien à l’agriculture). C’est la forme la plus contraignante.

Autorisations (A)

L’objectif est de préserver un certain niveau de qualité et de sécurité. L’autorisation est délivrée si tous les critères sont

remplis. Le nombre d’autorisations n’est pas limité à la différence des exceptions (E).

Obligations d’annonce (O)

Le requérant annonce son activité à l’état et il peut commencer sans délai. L’autorité peut organiser un contrôle a posteriori.

Prescriptions (P)

Normes légales à respecter (le contrôle a lieu soit par l’état, soit par l’action en droit de tiers concernés). Les prescriptions comprennent également les procédures préliminaires.

Obligations d’information (I)

Mise à disposition d’information (labels de qualité), transparence pour des tiers. Cette catégorie comprend également les procédures facultatives.

Encadré 2 Critères de jugement des procédures

Liste des critères justifiant la suppression d’une procédure:

– obsolète;

– lourde pour l’administration (en terme de coût/bénéfice);

– lourde pour le requérant (en terme de coût/bénéfice);

– inefficace; la procédure ne permet pas d’identifier les « fraudeurs»;

– nouvelle solution légale ou autre forme de contrôle (abolition de l’intervention étatique au profit du droit privé, obligation d’annonce, contrôle a posteriori, prescription légale ou intégration dans une autre autorisation);

– autre.

Liste des critères justifiant le maintien d’une procédure:

– intérêt public qu’un contrôle a posteriori ne peut protéger (ex: nouveau médicament);

– octroi d’un droit spécifique (ex: brevet, concession);

– légitimation avant un lourd investissement (ex: permis de construire);

– dérogation à une disposition/interdiction;

– possibilité de recours/opposition par un tiers (transparence);

– facilitation de l’action en droit en cas d’infraction;

– confirmation d’un droit pour l’administration (ex: raccord d’infrastructure);

– exigences de droit international (ex: transport routier);

– autre.

Proposition de citation: Anne Aymone de Chambrier (2006). Les procédures fédérales d’autorisation sont-elles vraiment toutes nécessaires. La Vie économique, 01 février.