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La concurrence des prix dans le commerce de détail

La concurrence déjà passablement intense qui règne dans le commerce suisse de détail continue de s’exacerber. C’est principalement l’arrivée sur le marché du hard-discounter Aldi qui a mis en évidence la mutation que connaît actuellement ce secteur: d’une manière générale, les prix de vente des magasins fléchissent. En plus des actions habituelles sur les prix, le marché voit constamment surgir de nouvelles lignes de produits à bas prix destinées à lutter contre l’offre des marques dans les rayonnages. On peut, toutefois, se demander ce qu’il reste de l’intensité et de la qualité de la concurrence sur le marché suisse, puisque, malgré la multiplication des canaux de distribution, celle-ci se réduit manifestement à une pure concurrence de prix.

Le chiffre d’affaires du commerce suisse de détail est de 87 milliards de francs – dont 37% pour les trois grands du commerce suisse de détail. Ni les nouveaux «hard-discounters» ni les nouveaux «convenience-shops» ne changeront grand-chose à cet état de fait.

L’annonce de l’arrivée de Aldi laisse partout des traces


La seule annonce par Aldi de son intention de s’implanter en Suisse a réussi à bousculer l’activité de l’ensemble des détaillants de ce pays. Ils ont commencé à réagir lorsque les médias helvétiques ont fait au discounter allemand une publicité initiale gratuite équivalent à des dizaines de millions. La réplique a pris la forme d’une publicité agressive sur les prix, précédant de peu de nouvelles actions promotionnelles (encore plus avantageuses): Migros a élargi sa gamme actuelle de prix bas M-Budget et, début 2005, Coop a lancé une ligne semblable: «Prix Garantie». Cette activité s’est accompagnée, de la part des grands distributeurs, d’appels de plus en plus pressants en faveur de mesures politiques d’aide à la corporation (dans le sens d’une libéralisation) et – ce n’est pas le moindre – du soutien apporté par les fournisseurs sous la forme de concessions sur les prix, pour minimiser les différences qui existent en la matière entre la Suisse et l’Allemagne. La comparaison entre les deux pays est-elle, toutefois, correcte?

Il existe de grandes inégalités de coûts et de marges entre la Suisse et l’Allemagne


En Europe, l’Allemagne est le pays qui, dans l’absolu, offre les biens de consommation journalière aux prix les plus bas. Cela s’explique d’un côté par le différentiel de prix bien connu entre nos deux pays, de l’autre par la persistance de droits de douane parfois élevés. Il y a cependant un facteur de poids qui n’est que très rarement ou jamais pris en compte: celui des grandes différences de coûts et de marges que présente le commerce de détail en Suisse par rapport à l’étranger, et en particulier l’Allemagne. Une étude sur les PME fait apparaître en Europe de sensibles différences entre les marges commerciales des détaillants. Alors que le discounter Aldi réalise un bénéfice d’exploitation de plus de 6% grâce à une marge moyenne d’environ 15%, Migros a besoin, selon ses propres dires (M-Magazine) d’une marge brute près de deux fois plus élevée (29,6%) pour obtenir un bénéfice d’exploitation de 2,4%. Pour son concurrent Coop, les chiffres sont du même ordre. Le plus intéressant est la comparaison des charges de personnel. Chez les deux grands distributeurs suisses, elles sont quatre fois plus élevées que parmi leurs concurrents allemands. Pour être honnête, cependant, il faut tenir compte de la nette supériorité des deux coopératives helvétiques en termes de choix d’une manière générale, d’offre de produits frais et de confort d’achat: des éléments appréciés de la clientèle.

Une pression permanente


En raison de la mondialisation, de l’évolution socio-démographique, des nouvelles technologies et de la constante modification des besoins des consommateurs, l’ensemble du commerce de détail suisse sera en permanence contraint de s’adapter. Ce défi, l’industrie des articles de marque en ressent également les effets, puisque l’actuelle pression exercée sur le commerce se répercute en fin de compte sur les fournisseurs. Plus que jamais, la qualité, la sécurité des produits et leur force d’innovation vont jouer un rôle primordial. Une hyperactivité axée à court terme sur des offres de prix bas apparaît aussi peu indiquée pour créer des liens de confiance que pour conserver la qualité des marques dans la durée. La concurrence est également appelée à s’accentuer dans le commerce. Bien que la Suisse soit connue comme un petit marché complexe et fort diversifié, on ne cesse de voir de nouveaux détaillants étrangers manifester leur intérêt pour ce marché. C’est ainsi que le «hard-discounter» allemand Lidl envisage son prochain déploiement en terre helvétique, et que le britannique Marks & Spencer vient d’ouvrir, début mai, son premier magasin suisse à Genève. Il reste à savoir, néanmoins, si les détaillants récemment installés, de pair avec les nouveaux arrivants potentiels, réussiront à disputer sérieusement leur clientèle – donc leur parts de marché – aux deux grandes coopératives établies.

Proposition de citation: John Peter Strebel (2006). La concurrence des prix dans le commerce de détail. La Vie économique, 01 juin.