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Le projet de loi relative à la recherche sur l’être humain

Les progrès réalisés par la médecine au cours des dernières décennies auraient été impensables sans la recherche sur l’être humain. En même temps, comme des cas d’abus et de violations des droits de l’homme sont notoires dans ce domaine, des mesures de protection appropriées doivent être prises. Ainsi, quiconque met à la disposition de la science sa personne ou du matériel et des données le concernant aura droit en contrepartie à la protection de son intégrité physique et psychique ainsi qu’à celle de sa sphère privée. Cette protection ne doit pas pour autant empêcher la recherche, dont il faut considérer la liberté et l’importance pour la société et la santé. La recherche doit toujours être possible et ne subir des restrictions que si cela sert réellement à protéger les individus.

Harmoniser les conditions qui s’appliquent à la recherche sur l’être humain


Les critiques formulées en raison de l’hétérogénéité et des lacunes présentées par la législation suisse relative à la recherche sur l’être humain ont donné lieu à l’élaboration d’un projet de loi. Au niveau fédéral, seuls les essais cliniques concernant les produits thérapeutiques ou la médecine de transplantation sont réglementés. Le code pénal règle, en outre, les conditions d’utilisation des données personnelles des patients dans la recherche, même dans le cas où la personne concernée ne donne pas explicitement son accord. Enfin, la loi relative à la recherche sur les cellules souches est en vigueur depuis mars 2005; elle réglemente le prélèvement de cellules souches embryonnaires humaines ainsi que leur étude. Outre ces deux domaines, l’élaboration des prescriptions légales en matière de recherche est du ressort des cantons, ce qui entraîne des différences au niveau de la précision des textes et des modes d’application. Dans l’intérêt de la recherche ainsi que des personnes qui y participent, il faut maintenant uniformiser les conditions nécessaires à l’exécution des projets à l’échelon national.

Un champ d’application qui se limite à la santé


Le projet de loi se limite – en vertu de l’article constitutionnel de même teneur – à la recherche sur l’être humain dans le domaine de la santé. La recherche clinique ou biomédicale au sens classique n’est pas la seule intéressée; le projet intègre toute discipline active dans le champ défini. Sont ainsi réglées la recherche sur des personnes vivantes ou décédées, celle sur du matériel biologique associant ou non des données personnelles et celle sur les embryons ou foetus (in vivo, avortés ou mort-nés).

Dispositions essentielles


Les normes de protection déjà existantes dans le domaine de la recherche clinique sur des sujets sont intégrées dans le projet de loi et s’appliqueront donc également à d’autres domaines de recherche. Les principes suivants sont donc essentiels pour la recherche sur l’être humain: – celle-ci n’est autorisée que dans le cas où un consentement éclairé a été donné. Les exceptions à ce principe sont fixées dans la loi; – le principe de subsidiarité doit être pris en considération dans plusieurs cas. Ainsi, la recherche sur des personnes particulièrement vulnérables n’est possible que lorsqu’il n’existe pas d’autre option comparable en termes d’efficacité; – la confidentialité des données utilisées dans le cadre de la recherche doit être garantie; – l’analyse risque/utilité doit tenir compte du fait qu’un projet de recherche aura une utilité directe ou indirecte pour le sujet. Lorsque l’on escompte une utilité directe, on peut envisager une prise de risque plus grande que dans le cas contraire; – la Confédération tient un registre central et public des essais, recensant tous les projets de recherche autorisés et résumant les résultats obtenus; – l’exécution de projets de recherche ainsi que la gestion de certaines biobanques sont contrôlées par des commissions interdisciplinaires organisées selon le système de milice (commissions d’éthique) et sont exclusivement soumises à leur autorisation. Le contrôle est effectué sur la base des critères fixés dans la loi et doit garantir la protection des sujets.  Compte tenu de l’organisation des commissions d’éthique et des procédures qui y sont liées, deux modèles sont soumis à discussion. Celui des «commissions cantonales d’éthique» reprend les modalités d’exécution établies par la loi sur les produits thérapeutiques et respecte la répartition traditionnelle des tâches entre la Confédération et les cantons. Le modèle des «commissions fédérales d’éthique» redéfinit les rôles actuels de la Confédération et des cantons. En effet, les commissions d’éthique y sont conçues comme des autorités fédérales compétentes au niveau régional, siégeant dans les centres de recherche les plus importants. Il est proposé de confier à une commission directrice unique la coordination des commissions d’éthique concernées – quel que soit le modèle choisi -, lors de l’évaluation des études multicentriques. L’objectif est la délivrance d’une autorisation unique, valable sur toutes les zones intéressées.

Un nouveau domaine d’application: la recherche sur du matériel biologique et les biobanques


Tous les actes en rapport avec la recherche sur du matériel biologique pouvant associer des données personnelles – depuis le prélèvement du matériel ou la collecte des données jusqu’à leur stockage dans des biobanques, en passant par leur utilisation – sont visés par les dispositions proposées dans le projet. L’atteinte à l’intégrité physique n’est plus possible au moment de l’utilisation de matériel biologique, ce qui n’est pas le cas lors de son prélèvement ou de la collecte de données. Par contre, une atteinte à la sphère privée ne peut être exclue. Les réglementations proposées tiennent particulièrement compte du droit de la personnalité des personnes concernées et des risques d’atteinte à la sphère privée. Dans le cadre de la recherche sur du matériel biologique associant des données personnelles non codées, la sphère privée doit bénéficier d’une protection toute particulière, alors qu’il est peu probable que la recherche sur du matériel et des données personnelles anonymisés présente une quelconque menace. Dans le cas d’une simple manipulation de matériel biologique ou de données personnelles anonymisés, le législateur ne prévoit qu’un droit d’opposition. L’utilité de soumettre au projet de loi la recherche sur du matériel anonymisé devra, cependant, être réexaminée. Des stocks de matériels biologiques (biobanques) existent déjà aujourd’hui. Leur importance ainsi que leurs objectifs respectifs sont très différents. Les biobanques doivent légalement satisfaire aux critères de qualité déterminés et garantir la transparence du point de vue de la finalité, de la responsabilité et des conditions d’exploitation, etc.; elles sont, toutefois, soumises pour l’essentiel à l’auto-contrôle de leurs exploitants. Seules celles dépassant une certaine taille doivent être pourvues d’un règlement (comprenant la politique suivie) accessible au public et comportant les conditions d’utilisation prévues par la loi. L’objectif est de tenir compte de l’intérêt public pour l’exécution en bonne et due forme de tels projets. Les biobanques sont également soumises à autorisation. Les directives récemment publiées par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) constituent le cadre de référence pour ces établissements, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi relative à la recherche sur l’être humain.

Encadré 1: Le projet de loi dans le contexte européen Les essais cliniques de produits thérapeutiques font l’objet d’une réglementation spécifique dans de nombreux pays européens. Il existe également de nombreuses dispositions réglementant la recherche biomédicale sur les personnes en général, alors qu’il n’en existe que peu sur la manipulation de matériel biologique. Les principes internationaux pour l’exécution d’études cliniques, reconnus et qualifiés de «bonnes pratiques cliniques» et qui se basent sur la Déclaration d’Helsinki de 1964, ont été intégrés dans différentes législations. Le projet de loi relative à la recherche sur l’être humain se conforme également à ces standards; certaines de ses dispositions, reprises notamment des Directives de la Conférence internationale sur l’harmonisation («International Conference on Harmonisation of Technical Requirements for Registration of Pharmaceuticals for Human Use», ICH) de 1996, seront à discuter dans le cadre de l’ordonnance d’exécution. La Convention européenne du 4 avril 1997 sur les droits de l’Homme et la biomédecine (Convention sur la biomédecine), signée mais non encore ratifiée par la Suisse, fait pour l’essentiel l’unanimité. De même, l’actuel projet de loi est compatible avec la législation de la Communauté européenne, notamment avec la directive 2001/20/CE, en ce qui concerne la protection des participants, l’obligation d’obtenir l’avis positif des comités d’éthique et la procédure d’évaluation des essais cliniques multicentriques.

Encadré 2: Perspectives L’évaluation des résultats de la consultation et la rédaction du rapport y afférent prendront quelques mois, mais le processus devrait s’achever à la fin de novembre 2006. Puis viendra l’élaboration des messages concernant l’article constitutionnel et la loi. Le début des débats parlementaires n’est pas prévu avant 2007. La votation populaire devrait se dérouler au deuxième semestre 2008. Ensuite, comme il faudra encore préparer les ordonnances et l’exécution, la loi relative à la recherche sur l’être humain entrera en vigueur au plus tôt en 2010.

Proposition de citation: Andrea Arz de Falco (2006). Le projet de loi relative à la recherche sur l’être humain. La Vie économique, 01 juillet.