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Le nouveau modèle comptable de la Confédération

Afin de pouvoir répondre aux exigences croissantes auxquelles est confrontée la gestion financière, la comptabilité de la Confédération a été remaniée de fond en comble Voir Adamek Erich et Haniotis Antonios, «Le nouveau modèle comptable de la Confédération», La Vie économique, 10/2003, p. 40ss.. Le nouveau modèle comptable de la Confédération (NMC) est, pour la première fois, appliqué dans le cadre de l’établissement du budget 2007 et du plan financier 2008-10. Le NMC s’ordonne autour de deux principes fondamentaux: d’une part, ce seront désormais les résultats qui prévaudront, d’autre part, la comptabilité publique suisse intégrera les normes comptables internationales du secteur public (Ipsas) Le présent article est un travail collectif fourni par l’ensemble des membre de la rédaction du projet NMC; la signature des deux auteurs engage leurs collaborateurs. La brochure de l’Administration fédérale des finances NMC. Le nouveau modèle comptable de la Confédération, donne des informations plus détaillées. Elle peut être consultée sous www.efv.admin.ch , rubriques «Finances», «Les rapports sur l’état des finances de la Confédération – Budget 2007», «NMC»..

Deux nouvelles orientations fondamentales


Le nouveau modèle comptable traduit la volonté du Conseil fédéral d’informer de façon exhaustive et transparente sur l’état de ses finances, de ses revenus et de sa fortune. Ces informations doivent permettre aux cadres responsables et aux différents groupes cibles de se faire une idée fiable, différenciée et adaptée à leur niveau respectif, de la situation financière et des processus budgétaires, et, par là, de prendre les décisions qui s’imposent. Deux objectifs sont au centre de la réforme. Le nouveau modèle comptable place, tout d’abord, les processus budgétaires et les finances de la Confédération dans une double perspective. Comme la gestion globale des finances selon le frein à l’endettement exige l’équilibre des dépenses et des recettes, le compte de financement conserve une importance capitale. En revanche, ce sont désormais les résultats qui priment pour la gestion administrative et opérationnelle. Tout comme dans l’économie privée, on les retrouve dans le compte de résultats, complétés d’une comptabilité analytique d’exploitation. Les conditions permettant une utilisation économique et efficace des moyens sont ainsi sensiblement améliorées.  Par ailleurs, l’introduction du NMC permet à la Confédération de fonder sa comptabilité sur les normes comptables internationales du secteur public (en anglais «International Public Sector Accounting Standards», Ipsas), les seuls principes exhaustifs et largement reconnus dans le secteur public. Cette référence, gage de transparence et de continuité de la comptabilité, renforce la pertinence des rapports sur l’état des finances. La nouvelle structure comptable et le passage à une présentation commerciale des comptes permettent en outre à la Confédération de se rapprocher des pratiques prévalant dans d’autres collectivités et dans l’économie privée, ce qui facilite la comparaison. Transparence et comparabilité allègent, à leur tour, la gestion financière et éveillent la confiance du public.

Le remaniement en bref


Le remaniement de la comptabilité touche dans une même mesure la structure comptable, la présentation des comptes, la gestion budgétaire et les rapports sur l’état des finances. Les éléments exposés ci-dessous caractérisent le nouveau modèle comptable.

Structure


La structure comptable, qui suit pour l’essentiel le modèle prévalant dans l’économie privée, se compose du compte de résultats, du bilan et du compte de financement. Le compte de résultats, qui est géré au niveau de l’unité administrative et consolidé à celui de la Confédération, est le nouveau pilier de la comptabilité fédérale. Il sert de base à l’octroi des crédits et à l’élaboration de l’aperçu du financement. Le compte de résultats met en regard les charges (diminution de valeurs) et les revenus (augmentation de valeurs) de l’exercice. Son solde indique le résultat annuel, qui s’inscrit sous forme de bénéfice ou de perte dans le bilan.

Aperçu des investissements


Du fait qu’elle fournit une base de décision pour l’octroi des crédits, la comptabilité publique a pour particularité de présenter les investissements de façon séparée pour les différentes unités administratives (dans le secteur privé, ce genre de transactions est enregistré directement dans le bilan). En effet, comme les investissements représentent des flux financiers, le Parlement doit pouvoir se prononcer directement à leur sujet, afin de gérer le budget en respectant les dispositions du frein à l’endettement. Les investissements sont réunis, avec les postes du compte de résultats, dans ce qu’on appelle l’aperçu des crédits, lequel est présenté dans le budget et le compte des unités administratives.

Bilan


Le bilan renseigne sur la structure de la fortune et des capitaux de la Confédération. Le solde du bilan indique le découvert (ou, si le solde est positif, le capital propre) accumulé les années précédentes. Le NMC ne modifie presque pas la structure du bilan. En revanche, le nouveau système établit déjà le bilan au niveau de l’unité administrative.

Compte de financement


Le compte de financement indique le besoin de financement global. Dans son volet financier, il présente – en principe comme l’ancien compte de financement – les dépenses et les recettes. De ce fait, il revêt une importance particulière pour la gestion globale des finances fédérales et l’équilibre du budget. Le compte de financement est établi directement sur la base des postes du compte de résultats et du bilan dits avec incidences financières (transactions engendrant un flux financier) et sur la base de l’aperçu des investissements.

Établissement du budget, tenue et présentation des comptes


Avec le NMC, l’établissement du budget ainsi que la tenue et la présentation des comptes suivent des principes commerciaux où l’aspect des résultats prévaut. Cela signifie que toutes les valeurs sont comptabilisées sur la période pendant laquelle elles sont utilisées ou produites («comptabilité et budgétisation d’exercice»). De même, des processus purement comptables comme les amortissements sont désormais saisis. L’évaluation des postes du bilan suit le principe familier à l’économie privée de la présentation fidèle, qui vient remplacer la logique de prudence inspirée du droit des obligations. Ce changement entraîne parfois des variations considérables dans les valeurs du bilan par rapport à l’ancien système.

Gestion des finances


Avec le NMC, la gestion des finances obéit au principe de la gestion duale (voir graphique 1). Désormais, les unités administratives seront gérées par le biais des comptes de résultats et des investissements, ainsi que par la comptabilité analytique d’exploitation. Dans ce cadre, tant les critères de politique budgétaire du Parlement (décision budgétaire) que le point de vue de la gestion d’entreprise propre aux unités administratives (exécution du budget) ont leur importance. La décentralisation systématique des responsabilités en matière de gestion des crédits et l’introduction de l’imputation interne des prestations renforcent la conscience des coûts et encouragent l’engagement parcimonieux des ressources. Peu de changements interviennent par contre pour la gestion globale des finances fédérales, le compte de financement continuant d’occuper la place centrale, conformément aux dispositions du frein à l’endettement. De même, le plan financier reste l’instrument de pilotage central du Conseil fédéral et du Parlement pour la fixation des priorités politiques et budgétaires à moyen terme dans la planification des tâches.

Présentation des comptes


Avec le NMC, les rapports sur l’état des finances se présentent sous un nouveau jour et avec un contenu plus étoffé. Comparés à l’ancien système, ils gagnent en pertinence. La structure modulaire permet aux différents groupes d’intérêts de se faire rapidement une idée de l’état de la fortune, des revenus et des finances de la Confédération et, au besoin, de se procurer des informations plus détaillées.

De l’ancien au nouveau système


La refonte de la comptabilité de la Confédération marque indéniablement une rupture dans la présentation des comptes, rupture qui limite les possibilités de comparaison avec les chiffres établis selon l’ancien système. Des changements importants apparaissent notamment dans le bilan, dans le compte de résultats ainsi que – tout particulièrement – dans l’aperçu des crédits, qui est restructuré et présente de nouveaux éléments. Seuls les résultats du compte de financement peuvent, en général, être comparés sans réserve à ceux des années précédentes. Pour établir le premier budget selon le nouveau modèle, il est indispensable de déterminer les opérations et les faits financiers des années précédentes selon les nouvelles règles. Pour corriger le bilan, on procède à un retraitement (ou «restatement») au moment du changement de système: les postes du bilan sont réévalués selon les nouveaux principes applicables. Pour comparer, ensuite, l’aperçu des crédits, à savoir le budget et le compte des unités administratives, avec celui des années précédentes, il convient de regrouper les anciens postes de crédits selon les nouvelles règles de classification et de les attribuer à de nouvelles catégories. Les principaux aspects du changement de système sont brièvement décrits ci-dessous.

Un bilan transformé


Sur la base des normes Ipsas, le bilan sera dorénavant établi selon le principe de la présentation fidèle. L’ancien principe de prudence, qui avait tendance à favoriser la constitution de réserves latentes, est aboli. Ceci nécessite une réévaluation systématique des postes du bilan selon les nouveaux principes régissant son établissement et l’évaluation. La structure du bilan reste, elle, essentiellement inchangée. Les travaux relatifs au retraitement du bilan sont en cours. Pour établir le premier budget selon le nouveau modèle comptable, il importe que l’actif du bilan ait été réévalué préalablement pour servir de base aux amortissements. Les résultats de ces réévaluations montrent que le patrimoine administratif, notamment les immeubles et les participations, connaîtra une revalorisation substantielle. L’objectif du retraitement du bilan est de présenter toutes les corrections de valeur, dans le bilan d’ouverture au 1er janvier 2007. Ces corrections interviennent ainsi directement par le biais du découvert du bilan. Ainsi, elles n’ont pas d’incidence sur le résultat et n’influencent ni l’ancien ni le nouveau compte de résultats. Le bilan d’ouverture sera établi en 2007 et vérifié par le Contrôle fédéral des finances. Il sera soumis à l’approbation du Parlement au printemps 2008 avec le compte d’État 2007.

Du compte financier au compte de résultats


Dans le NMC, le compte de résultats remplace le compte financier de l’ancien modèle comptable en tant que base de l’aperçu des crédits et de l’établissement des comptes des unités administratives. Le passage de l’ancien compte financier au nouveau compte de résultats et de l’ancien aperçu des crédits au nouveau, peut se résumer en trois étapes (voir graphique 2). La première étape doit tenir compte des distorsions liées à l’application du principe du produit brut. La comptabilisation brute de certains éléments nouveaux – en particulier les pertes sur débiteurs liées à la taxe sur la valeur ajoutée et la charge locative du domaine des EPF – conduit en effet à un gonflement symétrique des revenus et des charges avec incidences financières. La deuxième étape consiste à déduire les dépenses d’investissement de ce montant. Par définition, les investissements n’entrent pas dans le cadre du compte de résultats: seuls leurs amortissements s’y retrouvent. La troisième étape consiste à ajouter toutes les opérations sans incidences financières, mais se reflétant sur le résultat. Il s’agit essentiellement d’amortissements et de régularisations dans le temps, autrement dit de postes purement comptables qui, suivant les principes de la comptabilité commerciale, se répercutent sur les résultats. Ces trois corrections permettent de parvenir au compte de résultats consolidé. Pour passer à l’aperçu des crédits, une quatrième correction est nécessaire: l’ensemble des revenus et des charges liés à l’imputation des prestations au sein de la Confédération doit être additionné au compte de résultats consolidé de la Confédération. Sur le plan formel, ces postes n’ont pas d’incidences financières, mais ils ont des répercussions sur les crédits. En effet, si ces montants sont intégralement repris dans la synthèse des comptes de résultats des unités administratives, ils sont éliminés du compte de résultats consolidé de la Confédération, faute de quoi ils seraient comptabilisés en double.

La conversion des chiffres rend les comparaisons approximatives


La conversion de l’ancien au nouveau système doit permettre de transposer les postes de l’ancien compte de financement dans la structure du nouvel aperçu des crédits. Il s’agit de faire en sorte que les budgets et les comptes calculés suivant l’ancien système puissent être directement comparés avec les chiffres issus du nouveau. Cette conversion ne s’arrête, toutefois, pas aux mécanismes décrits au paragraphe précédent, qui expliquaient comment passer de l’ancien compte de financement au compte de résultats sur la base de groupes globaux de charges et de dépenses. Ce processus intègre les chiffres des années précédentes dans la nouvelle structure. Le résultat figure dans le budget 2007 des unités administratives (deuxième tome des rapports sur l’état des finances). Cela permet de comparer avec les autres années. Certaines réserves d’ordre technique sont, cependant, de mise: – les comparaisons sont possibles sans la moindre réserve dès lors qu’il s’agit de postes budgétaires ayant des incidences financières et que celui qui figurait dans l’ancienne structure peut être repris tel quel dans la nouvelle; – en l’absence d’une telle correspondance directe, les anciens postes se répartissent entre plusieurs nouveaux. Par exemple, ceux autrefois intitulés «prestations de services de tiers» et «autres biens et services» sont désormais répartis de façon proportionnelle en trois nouveaux postes dénommés «autres charges de personnel», «charges de conseil» et «autres charges d’exploitation»; – l’application des nouveaux principes de présentation des comptes (par exemple relèvement des seuils d’inscription à l’actif) entraîne des reports entre charges et crédits d’investissement – notamment pour les dépenses informatiques – qui ne sont pas pris en considération dans le cadre de la conversion.  De façon générale, il est à noter que le passage d’une logique de comptabilisation axée sur l’aspect du financement aux principes de la comptabilité commerciale ne permet pas toujours de comparer l’ancien et le nouveau système. Si la prudence s’impose pour les postes de charges propres, la comparabilité est en principe garantie pour les charges de transfert (subventions et contributions à des tiers). Les tableaux des rapports des finances présentent des remarques en ce sens.

Perspectives


Avec son entrée en service, le NMC va devoir tout d’abord être éprouvé dans la pratique. En effet, les personnes appelées à l’utiliser – du comptable au parlementaire, en passant par le directeur d’office – doivent apprendre à manier les instruments, les processus et les termes techniques nouveaux. La formation approfondie dont ils auront bénéficié les soutiendra dans leur travail avec le NMC. Cependant, seule l’utilisation quotidienne permet de s’approprier ces nouveaux outils et de découvrir des points, plus ou moins importants, susceptibles d’être améliorés. Une communication active et une bonne coordination, aussi bien au sein des unités administratives qu’entre elles, sont requises dans ce processus d’acquisition de connaissances pratiques. Elles contribuent à faire du NMC un instrument de travail efficace grâce à un processus d’apprentissage constant. Sur le plan technique et institutionnel également, des développements sont en cours. Ainsi, un compte annuel consolidé doit être établi et publié. Il devra également inclure les organisations juridiquement externalisées mais étroitement liées à la Confédération sur le plan économique (p. ex. le domaine des EPF). Un tel aperçu consolidé du domaine «administration fédérale publique» doit fournir de nombreuses informations supplémentaires sur les finances fédérales dans leur ensemble. De même, un développement du système d’imputation des prestations dans l’administration fédérale est à l’examen: la conscience et la transparence des coûts doivent encore être renforcées grâce à des mécanismes appropriés et à de nouveaux instruments d’information.

Graphique 1 «Principe de la gestion duale»

Graphique 2 «De l’ancien compte de financement au compte de résultats et à l’aperçu des crédits»

Encadré 1: Principales notions Bilan

Partie des comptes annuels dans laquelle est présentée la situation du patrimoine (actif) et des engagements (passif) à la date de clôture. Un excédent d’actif correspond à du capital propre et un solde de passif à un découvert du bilan.

Structure de l’actif: patrimoine financier, patrimoine

administratif et financements spéciaux.

Structure du passif: capitaux de tiers à court terme, capitaux de tiers à long terme, financements

spéciaux et capital propre / découvert du bilan.

Comptabilité analytique (CA)

Partie de la comptabilité d’exploitation dans laquelle les coûts sont calculés et présentés par nature, par centres de coûts et par unités d’imputation.

Le solde constitue le résultat d’exploitation.

Comptabilité d’exercice

Principe de la comptabilité commerciale par lequel les transactions sont comptabilisées dans la période durant laquelle la diminution ou l’augmentation

de valeur correspondante a lieu, et non au moment où les versements sont effectués.

Dualité

Double perspective du nouveau modèle comptable,

qui rend aussi bien l’aspect du financement

que celui des résultats. Cette double perspective

vise à répondre aux besoins de la gestion globale des finances fédérales (logique politique)

et de la gestion administrative inspirée de l’économie d’entreprise (logique de gestion) au niveau des unités administratives.

Compte de financement

Partie des comptes annuels dans laquelle sont présentés les flux financiers. Le compte de financement,

dont l’établissement suit la méthode dite

directe, peut être représenté par un processus à trois niveaux.

Niveau 1: recettes et dépenses courantes ordinaires

ainsi que recettes et dépenses d’investissement

ordinaires. Solde de financement résultant

des transactions ordinaires.

Niveau 2: addition des transactions extraordinaires

(selon la définition du frein à l’endettement).

Solde de financement global.

Niveau 3: addition des flux de fonds résultant des variations de la fortune (financement externe

et variations du patrimoine financier net).

Compte de résultats

Partie des comptes annuels dans laquelle sont présentées les diminutions et les augmentations de valeur au cours d’une année comptable ainsi que le résultat de cette année. Présentation à trois niveaux.

Niveau 1: revenus et charges ordinaires d’exploitation.

Résultat opérationnel ordinaire.

Niveau 2: addition des revenus et charges financiers.

Résultat ordinaire.

Niveau 3: addition des charges et des revenus extraordinaires selon la définition du frein à l’endettement.

Résultat annuel.

Frein à l’endettement

Mécanisme budgétaire fixant l’évolution du montant maximal des dépenses autorisées en fonction des recettes et de la situation conjoncturelle.

Le frein à l’endettement est inscrit dans la Constitution (art. 126, al. 1, Cst).

Imputation des prestations (IP)

Facturation de l’échange interne de prestations

entre les unités administratives (de la Confédération)

avec incidence sur les crédits.

Présentation des comptes

Établissement d’un rapport sur les comptes annuels, destiné à présenter l’état de la fortune, des finances et des revenus de la Confédération.

Proposition de citation: Marc Elsener ; Andreas Gasser ; (2006). Le nouveau modèle comptable de la Confédération. La Vie économique, 01 novembre.