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Mise en oeuvre de Bâle II: la nouvelle ordonnance sur les fonds propres

Mise en oeuvre de Bâle II: la nouvelle ordonnance sur les fonds propres

Conformément aux normes internationales, la nouvelle ordonnance fédérale sur les fonds propres entrera en vigueur le 1er janvier 2007, de même que les nombreuses circulaires afférentes de la Commission fédérale des banques (CFB). Dès lors, le nouvel Accord sur les fonds propres (Bâle II), publié par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, sera entièrement transposé en droit suisse. Cette nouvelle réglementation a été élaborée sous la conduite de la CFB en concertation avec les milieux directement concernés. Elle tient compte des conditions qui prévalent dans notre pays et n’impliquera aucun effort excessif dans son application, pas plus qu’elle n’induira d’effets redistributifs indésirables pour les exigences futures en termes de fonds propres. Les banques auront un laps de temps suffisant pour s’adapter L’auteur de cet article représente la Suisse au sein du Groupe d’application des accords («Accord Implementation Group», AIG) du Comité de Bâle. Il est responsable de la mise en oeuvre de Bâle II en Suisse et préside le groupe de travail national ad hoc..

Le 4 juillet 2006, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a publié le nouvel accord de Bâle sur les fonds propres (Bâle II) Comité de Bâle sur le contrôle bancaire: «Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres», juin 2006. Internet: On peut suivre l’évolution historique de la transposition de Bâle II en Suisse sous la rubrique «Dossiers, Bâle II» du site Internet de la CFB: www.ebk.admin.ch . L’article «Les fondements de l’Accord de Bâle II sur les fonds propres», paru dans le numéro 1/2004 de La Vie économique (p. 5 ss), donne un bon aperçu des raisons et des objectifs du remaniement de l’Accord de Bâle I.. Fondamentalement, rien ne change pour les banques en ce qui concerne la surveillance de la CFB, le régime ayant fait ses preuves (2e pilier de Bâle II). Il en va de même des devoirs de publication (3e pilier). Le présent article se focalise dès lors sur les modifications apportées aux prescriptions touchant les fonds propres (1er pilier). Il s’avère, en tous cas, que, pour les trois piliers, les attentes de la CFB à l’égard de la qualité de la gestion des risques pratiquée par une banque augmentent avec l’ampleur et la complexité des activités commerciales de l’établissement.

Concertation avec les intéressés


Sous la conduite de la CFB, un groupe de travail national (GTN), composé de représentants de tous les groupes d’intérêts de la place financière suisse directement concernés par la nouvelle réglementation CFB, Banque nationale suisse, Chambre fiduciaire, Association suisse des banquiers, Credit Suisse Group, UBS SA, Union des banques cantonales suisses, RBA-Holding, Union suisse des banques Raiffeisen, Association de banques suisses commerciales et de gestion, Association des banquiers privés suisses, Association des banques étrangères en Suisse, Schweizer Verband unabhängiger Effektenhändler., a oeuvré à la transposition en droit suisse du nouvel accord sur les fonds propres. Cette composition élargie et cette concertation ont permis de matérialiser dans la nouvelle réglementation les souhaits des intéressés. Tous les points importants ont fait l’objet d’un consensus au sein du GTN. Comme la majorité des banques suisses calculent leurs exigences de fonds propres à l’aide de méthodes peu sophistiquées, appelées approches standards, le GTN a décidé que seules ces dernières seraient réglementées de manière approfondie. La transposition des approches spécifiques aux établissements – l’«Internal Ratings Based Approach» (IRB) pour les risques de crédit et les «Advanced Measurement Approaches» (AMA) pour les risques opérationnels – a été définie directement lors de «réunions dites de dialogue» avec les banques concernées, notamment les deux grandes banques suisses. Le GTN introduira une foire aux questions (FAQ) sur son site Internet, dont le thème sera la mise en oeuvre de Bâle II.

Le cadre juridique


La Suisse introduit dans sa réglementation tous les «menus» ainsi que les trois piliers prévus par Bâle II. Les approches IRB ainsi que celles qui ont trait aux risques opérationnels et aux modifications des risques de marché ont été reprises pratiquement sans changement. Bâle II a pu être transposé sous le régime de l’actuelle loi sur les banques (LB) dans le cadre d’une nouvelle Ordonnance du Conseil fédéral sur les fonds propres et la répartition des risques des banques et des négociants (Ordonnance sur les fonds propres, OFR), qui reprend un certain nombre des prescriptions de l’actuelle ordonnance sur les banques (OB). Comme précédemment, les décisions fondamentales ainsi que les pondérations de risque standardisées et les facteurs d’assujettissement sont réglementées par le Conseil fédéral. Le 29 septembre 2006, celui-ci a approuvé l’OFR, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2007 Voir le communiqué de presse de la Confédération: www.news.admin.ch , «Documentation», «Communiqué», «Bâle II: le Conseil fédéral approuve la nouvelle ordonnance sur les fonds propres» (29 septembre 2006).. Les prescriptions de l’OB concernant la notion de fonds propres et la répartition des risques ont été reprises et intégrées dans l’OFR. Les dispositions de la loi sur les banques concernant la surveillance des groupes et des conglomérats financiers, entrées en vigueur le 1er janvier 2006, sont consignées dans une «novelle» apposée à l’ordonnance sur les banques, avec force de loi dès le 1er janvier 2007. Les explications techniques relatives aux prescriptions de l’OFR seront réglées au moyen de six circulaires CFB. Il y a lieu de souligner que celle sur les «risques de crédit» concernant l’IRB renvoie directement à la version anglaise des standards minimaux du Comité de Bâle et qu’elle se limite aux précisions nécessaires à leur application en Suisse.

Deux approches standards pour les risques de crédit


La transposition achevée, la Suisse admet dorénavant deux approches standards pour le calcul des exigences de fonds propres des risques de crédit. L’approche standard suisse (AS-CH), destinée aux banques universelles actives en Suisse, repose sur les prescriptions de fonds propres actuellement applicables et éprouvées. Les modifications apportées se limitent aux adaptations nécessaires pour assurer la compatibilité avec Bâle II. Les coûts d’adaptation dans le domaine technique peuvent ainsi être maintenus à un faible niveau. L’approche standard internationale (AS-BRI) répond à la nécessité pour les banques actives au niveau international de ne pas devoir procéder à un double calcul pour répondre aux normes suisses et internationales. Les directives de Bâle II ont été transposées dans l’AS-BRI avec le moins de changements possibles. Pour des raisons de concurrence, la forme s’inspire étroitement des deux directives de l’UE Voir les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE; Internet: Internet: www.c-ebs.org.. Ce formulaire paraissait idéal à l’approche AS-BRI. Pour l’AS-CH, d’importantes adaptations auraient dû, de toutes façons, être apportées à l’état actuel des fonds propres.

Audition et consultation


Au quatrième trimestre 2005, la CFB a procédé, auprès des associations faîtières de l’économie, des associations de banquiers ainsi que des services et offices fédéraux intéressés, à une audition et à des consultations portant sur les projets d’ordonnance et de circulaires. La démarche a rencontré une large adhésion – même parmi ceux qui, dans un premier temps, craignaient que Bâle II ne mette en danger le financement des PME. Des propositions techniques de simplification destinées à réduire les coûts de la transposition ont été discutées au sein du GTN. La plupart d’entre elles ont pu être adoptées.

Analyse quantitative d’impact


Le maintien du niveau global de dotation des fonds propres au sein du système financier constituait l’un des objectifs affichés de la transposition en Suisse. Afin de calibrer comme il convient la nouvelle réglementation – c’est-à-dire d’adapter la pondération des risques selon l’approche AS-CH et d’ajuster l’approche AS-BRI à celle de l’AS-CH -, la CFB a procédé à une analyse quantitative d’impact Étude «Quantitative Impact Study Suisse» (QIS-CH); Internet: www.ebk.admin.ch/f/dossiers/pdf/Analysebericht_f.pdf. au cours du quatrième trimestre 2005, parallèlement à la procédure d’audition. Un échantillon représentatif, composé de 70 banques et de 7 négociants en valeurs mobilières, a participé à cette enquête. Les résultats ont révélé que les nouvelles prescriptions de Bâle II occasionnaient dans l’ensemble une légère diminution des exigences de fonds propres pour l’ensemble du système. En l’occurrence, les banques actives dans les affaires de crédit en sont les principales bénéficiaires. Cela s’explique non seulement par l’utilisation des notations externes et des techniques de réduction des risques visant à amoindrir les exigences en termes de fonds propres, mais aussi et surtout par le fait que les nouvelles normes sont désormais moins élevées pour les crédits hypothécaires sur immeubles d’habitation, les crédits lombards et ceux octroyés à la clientèle de masse («retail»). Les nouvelles exigences concernant la couverture des risques opérationnels entraînent, en revanche, une augmentation des besoins pour les établissements essentiellement actifs dans le conseil, la gestion de patrimoines et le négoce. En règle générale, ces établissements sont assez peu concernés par les risques de crédit et de marché. Ils bénéficient donc d’exigences moindres en matière de fonds propres, qui correspondaient, jusqu’ici, implicitement à celles relatives aux risques opérationnels. Les nouvelles exigences de fonds propres pour les risques opérationnels résultent de la diminution des besoins en ce qui concerne les risques de crédit. Elles entraînent donc pour ces établissements des contraintes plus lourdes que pour ceux qui sont principalement actifs dans le domaine du crédit. Le graphique 2 présente la façon dont les exigences en fonds propres ont évolué parmi les 77 établissements ayant participé à l’évaluation. On notera que l’ensemble des établissements, sans exception, disposent déjà de fonds propres supérieurs à ceux requis par la nouvelle réglementation.

Pas de distorsion de concurrence


La nouvelle réglementation tient compte des différents besoins des banques, tout en restant neutre du point de vue de la concurrence. Les exigences de fonds propres du standard international AS-BRI ont été ajustées au standard suisse AS-CH à l’aide de différents multiplicateurs, de telle sorte que l’application de l’AS-BRI, avec sa moindre pondération des risques reprise directement de Bâle II, ne crée aucun avantage par rapport à l’AS-CH. Avec l’approche AS-BRI, la réglementation suisse correspond à celle de l’UE. Ainsi, les banques suisses ne sont pas défavorisées par rapport à leurs homologues européennes, sur les marchés étrangers.

Des simplifications qui évitent les coûts excessifs


Bien que les banques, sous le régime de Bâle II, aient le choix entre divers modes de calcul, l’application des nouvelles règles peut leur occasionner des dépenses considérables. Conformément à la pratique actuelle de Bâle I, l’art. 15 OFR permet à une banque de ne pas appliquer les dispositions à la lettre ou de les mettre en oeuvre sous une forme simplifiée si cela lui permet d’éviter des coûts disproportionnés. Pour préserver l’esprit de la loi, cette souplesse est cependant assortie de conditions. Elle n’est, ainsi, possible que si, d’une part, les banques garantissent que la gestion du risque est adaptée à leur activité opérationnelle et si, d’autre part, la proportion des fonds propres nécessaires par rapport à ceux pris en compte est au moins maintenue. De plus, les banques sont tenues de documenter les modalités de l’application simplifiée. Par rapport à la pratique actuelle, cette dernière disposition améliore les conditions de transparence pour les autorités de surveillance.

Renonciation à l’analyse coûts-bénéfices


Contrairement à ce que préconisent les directives du Département fédéral des finances (DFF) à propos de la réglementation des marchés financiers Voir www.efd.admin.ch , «Documentation», «Documents de base», «Lignes directrices applicables à la réglementation des marchés financiers»., on a renoncé à une analyse coûts/bénéfices pour la mise en oeuvre de Bâle II – en ce qui concerne notamment la préparation, la transposition et l’application courante. Cette décision a été prise en accord avec les responsables de l’Association suisse des banquiers et la CFB. Compte tenu des dépenses considérables d’une telle étude, le moment a été jugé particulièrement défavorable pour la mettre en route. D’un côté, les banques étaient déjà surchargées par la mise en application de Bâle II, de l’autre, les travaux liés au nouveau dispositif réglementaire étaient trop avancés pour que le calendrier, très serré, puisse encore admettre des modifications importantes. Cette renonciation s’entend, toutefois, sans préjudice d’éventuelles analyses coûts/bénéfices quantitatives concernant des projets de réglementation ultérieurs.

Activités transfrontalières


Les banques étrangères en Suisse sont presque exclusivement actives dans le domaine de la gestion privée et ne font pas de commerce de détail au sens classique du terme. En raison de cette spécificité, leur dotation en fonds propres est importante. À peu d’exceptions près, elles n’appliqueront pas d’approches spécifiques à l’établissement. Les banques suisses à l’étranger sont actives soit dans la gestion privée, soit dans l’investissement, mais fort peu dans le commerce de détail. De ce fait, les banques en Suisse ou les maisons-mères de groupes étrangers ne connaissent guère de «problèmes transfrontaliers». Même le report d’un an de la mise en application de Bâle II aux États-Unis ne changera rien à cette situation On trouvera un aperçu de la transposition de Bâle II aux États-Unis sous www.federalreserve.gov, «Banking Information and Regulation», «Basel II Capital Accord»..

Calendrier


L’OFR entrera en vigueur le 1er janvier 2007. Les dispositions transitoires prévoient que les banques se conformeront aux nouveaux textes dans le courant de 2007; les pouvoirs publics feront preuve d’une certaine souplesse au plan du calendrier. L’adaptation aux nouvelles approches interviendra simultanément pour les risques de crédit et de marché ainsi que pour les risques opérationnels. Le nouvel état des fonds propres basé sur les directives de Bâle II pourra ainsi être, pour la première fois, établi entre le 31 mars 2007 et le 31 mars 2008. Les instituts utilisant des approches spécifiques (Advanced IRB, AMA) devront être prêts le 1er janvier 2008. Ce calendrier cadre avec celui de l’UE. En Suisse, la CFB accompagne les banques dans leur transition vers le nouveau régime, en publiant par exemple un guide d’interprétation dans une FAQ. L’enregistrement – autrement dit les examens et autorisations – des premières approches spécifiques à l’établissement sera probablement terminé fin 2007.

Comment se présente l’avenir?


Pour s’adapter à toute nouvelle réglementation, les banques ont besoin de temps et il leur faut donc un cadre juridique sûr et prévisible. C’est pour cette raison surtout que le Comité de Bâle n’a pas voulu faire du nouvel Accord sur les fonds propres – à l’instar des logiciels – une sorte de document «en floraison perpétuelle», c’est-à-dire actualisé en permanence. Avec l’entrée en vigueur de Bâle II, l’ancien standard de Bâle I n’est plus mis à jour. La pause réglementaire annoncée par le Comité de Bâle rend donc plutôt improbable la perspective d’un Bâle III dans un proche avenir. Ces prochaines années, néanmoins, les autorités de surveillance des banques se pencheront sur un certain nombre de sujets comme les modèles de risques en matière de crédit (portefeuilles de titres, modèles de risques), la définition des fonds propres pris en compte, les relations entre la régulation relative aux fonds propres et celle liée à l’établissement des comptes, les liquidités et les risques de concentration, la désintermédiation, la réglementation des fonds spéculatifs. Il faut donc s’attendre à ce que des modifications ou des ajouts ponctuels soient apportés à Bâle II à ces divers titres.

Graphique 1 «Transposition de Bâle II en Suisse: cadre juridique»

Graphique 2 «Exigences de fonds propres: modifications relatives entre Bâle I et Bâle II (AS-CH)»

Proposition de citation: Daniel Sigrist (2006). Mise en oeuvre de Bâle II: la nouvelle ordonnance sur les fonds propres. La Vie économique, 01 novembre.