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Le crédit-cadre FRI vu par les cantons

Le crédit-cadre FRI vu par les cantons

Le 22 juin 2006, l’Assemblée plénière de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) a adopté une déclaration sur l’engagement de la Confédération dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation (période FRI 2008-2011)1. Elle y expliquait qu’une augmentation annuelle d’au moins 8% des crédits de la Confédération alloués à la FRI était indispensable si celle-ci voulait faire face à ses obligations financières et prendre en compte de façon appropriée l’augmentation des effectifs estudiantins. Ceci a, depuis lors, été confirmé par le Conseil fédéral Motion Langenberger sur le message FRI 2008-2011 (06.3303) et réponse du Conseil fédéral du 13 septembre 2006..

Les cantons sont les principaux responsables de l’enseignement obligatoire et de son financement (souveraineté cantonale). Dans le domaine postobligatoire, la Confédération assure, elle aussi, des responsabilités: elle réglemente l’ensemble de la formation professionnelle (exception faite des professions de l’enseignement) et tous les domaines de formation relevant des hautes écoles spécialisées (HES, exception faite des hautes écoles pédagogiques). Au niveau des universités, les compétences sont actuellement encore partagées. La révision des articles constitutionnels sur la formation – adoptée en votation populaire le 21 mai 2006 avec 86% de oui – a confirmé cette répartition des compétences. La Confédération et les cantons doivent, cependant, dans le cadre de leurs compétences respectives, veiller conjointement à la qualité et à la perméabilité du système suisse de formation (art. 61a Cst.) et piloter ensemble le domaine des hautes écoles dans sa globalité (art. 63a Cst.).

Qui réglemente finance en conséquence


Conformément à leurs responsabilités, les cantons (et leurs communes) assument 86% des 26 milliards de dépenses qu’occasionne le domaine scolaire OFS 2003, sans l’aide fédérale à la recherche.. Le partage de la compétence réglementaire au niveau postobligatoire correspond aussi à un partage des responsabilités en matière de financement. En réglementant certains domaines, la Confédération en détermine également les coûts et doit participer à leur financement de façon appropriée:  – la loi fédérale sur la formation professionnelle (LFPr) de 2002, en vigueur depuis 2004, établit que la Confédération, seule responsable de sa réglementation, devait financer un quart des dépenses publiques relatives à ce secteur. Selon les dispositions transitoires, ce montant devrait être atteint d’ici le début de la période FRI 2008-2011; – dans la loi sur les HES de 1995, le législateur fédéral a établi que la Confédération devait prendre en charge un tiers des frais d’exploitation et d’investissement des HES. Cela sera également le cas, à partir du 1er janvier 2008, pour les filières d’études santé, social et art, musique y comprise (filières SSA), placées jusque-là sous l’égide des cantons; – d’après le nouvel article constitutionnel sur les hautes écoles, la Confédération gère les écoles polytechniques fédérales et soutient les universités cantonales. Étant donné l’élargissement des compétences de la Confédération, cette dernière assertion revêt désormais un caractère contraignant.

Remplir les obligations légales et participer à l’augmentation des coûts


Ces dernières années, la Confédération et les cantons ont, à l’instigation de la CDIP, élaboré des «masterplans» pour la formation professionnelle et les HES, améliorant ainsi leur base de données commune en matière de financement. Ces «masterplans» fournissent aussi des bases de planification plus fiables que celles sur lesquelles était fondé le message FRT 2004-2007.

Formation professionnelle


Les dépenses publiques pour la formation professionnelle augmenteront durant la période FRI 2008-2011. Cela est notamment dû à la hausse des effectifs scolaires et à la mise en oeuvre des réformes prévues par la nouvelle LFPr (p. ex., allongement des études). La Confédération devrait alors, à la fois, cofinancer en proportion cette augmentation et atteindre les 25% prévus par la loi d’ici à 2008 (16,9% en 2005). Ces deux facteurs expliquent la nécessité d’une augmentation massive des montants alloués à la formation professionnelle dans le cadre des crédits FRI pour la période 2008-2011: le crédit quadriennal devrait être porté à 3,36 milliards de francs, soit environ 1,3 milliard de plus que pour la période 2004-2007.

HES


À dater du 1er janvier 2008, la Confédération devra assumer de nouvelles obligations financières par rapport aux HES, les 33% de participation prévus par la loi devant également s’appliquer aux frais d’exploitation des filières SSA, musique y comprise. L’augmentation générale des coûts sera, du reste, générale en raison du nombre croissant d’étudiants, de la mise en place de filières master et du développement ciblé de la recherche appliquée. Selon le «masterplan» Confédération-cantons, il convient de tabler, du côté de la Confédération, sur un crédit de 2 milliards de francs (CTI et FNS inclus), soit 750 millions de plus que pour la période 2004-2007 (voir graphique 1). Il ressort du graphique que, même si la Confédération s’acquitte de ses obligations légales, on ne pourra parler d’un véritable allégement financier pour les cantons.

Universités


Selon la Conférence universitaire suisse (CUS), il faut que la Confédération accroisse de 6% par an les subsides qu’elle alloue aux universités, les cantons augmentant parallèlement les leurs. C’est seulement ainsi que l’on pourra améliorer l’encadrement que réclamera la hausse des effectifs estudiantins, clore le processus de Bologne (largement initié par la Confédération), réformer la formation doctorale et renforcer la position de la recherche suisse dans le contexte international.

Les cantons peuvent-ils envisager de se décharger au niveau de la scolarité obligatoire?


On entend dire parfois que, vu la baisse des effectifs scolaires, les cantons pourraient se décharger financièrement au niveau de la scolarité obligatoire, afin de ne plus dépendre entièrement des indemnités et subventions fédérales pour la formation professionnelle et les HES. Hormis le fait que cette réflexion est hors de propos, il ne s’agit pas – comme cela a déjà été expliqué – d’une question de compensation des charges entre Confédération et cantons. L’argument ne tient pas non plus quant au fond.  Le recul des effectifs scolaires n’est pas partout le même et ne va pas entraîner systématiquement des suppressions de classes, seul moyen de réduire les coûts à travers les salaires. Ainsi, dans les régions périphériques, les classes doivent souvent être maintenues en dépit de la faiblesse des effectifs. En outre, au niveau de la scolarité obligatoire, les cantons sont confrontés à d’importants défis: scolarisation précoce, introduction d’un cycle élémentaire, renforcement de l’encadrement préscolaire et extrascolaire, extension des blocs horaires, évaluation de l’enseignement à travers des standards de formation, renforcement de l’enseignement des langues, etc.

Priorités de l’engagement de la Confédération, du point de vue des cantons


Pour les cantons, dans la détermination des priorités à l’intérieur de l’enveloppe financière qui va être allouée, c’est l’ensemble du système de formation et de recherche, avec tous ses objectifs, qu’il convient de garder présent à l’esprit: il faut s’attacher à promouvoir l’excellence aussi bien que les «maillons faibles» du système. Les obligations internes ne devraient pas non plus passer après les engagements internationaux; ainsi, le souci d’obtenir des conditions d’encadrement appropriées dans les hautes écoles devrait passer avant l’engagement dans des programmes internationaux de recherche. Sur l’ensemble de l’enveloppe financière allouée, les priorités cantonales sont les suivantes: – dans tous les domaines, la Confédération doit supporter le renchérissement, voire participer proportionnellement à l’augmentation des effectifs; – la Confédération se doit de respecter ses obligations légales: a) son taux de participation au financement des dépenses publiques dans le secteur de la formation professionnelle doit résolument se rapprocher des 25% prévus par la loi, b) elle doit financer l’intégration dans la loi sur les HES des formations SSA à hauteur de 33%; – dans le cadre de la promotion de la recherche, il faut que des fonds soient alloués en priorité au Fonds national de la recherche (FNS) et à la CTI; – d’entente avec la CDIP, il convient de prévoir des crédits destinés à cofinancer les dépenses découlant du pilotage commun, tel qu’il est prévu par les nouveaux articles constitutionnels sur la formation (par exemple, monitorage de la formation).

Graphique 1 «Coûts globaux des HES: dépenses cantonales et contributions fédérales, 2004-2011»

Proposition de citation: Hans Ambuehl (2007). Le crédit-cadre FRI vu par les cantons. La Vie économique, 01 janvier.