Le train de mesures 2007 pour l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle
La lutte contre le chômage des jeunes revêt un caractère prioritaire. En effet, toujours plus de jeunes peinent à s’intégrer dans la vie professionnelle ou sur le marché du travail après leur école obligatoire. Pour des raisons économiques et sociales, tous devraient pouvoir achever une formation scolaire ou professionnelle. Les autorités de la formation et du marché du travail doivent renforcer leur coopération en ce sens. Lors de la Conférence nationale sur les places d’apprentissage du 13 novembre 2006, une série de mesures, nouvelles ou éprouvées, ont été adoptées pour maintenir ou créer de nouvelles places et encourager de manière ciblée les jeunes qui en cherchent une.
Des premiers signes de détente apparaissent sur le marché des places d’apprentissage. La conjoncture favorable et les efforts de la Confédération, des cantons et de l’économie portent leurs fruits. En deux ans, le nombre des places d’apprentissage vacantes s’est accru de 2% environ. Pourtant, le passage de l’école obligatoire à la vie professionnelle est perçu comme posant de plus en plus de problèmes. Ainsi, les jeunes en butte à des difficultés scolaires et sociales et ceux de la dernière vague migratoire ont beaucoup de peine à trouver une solution appropriée et durable au sortir de leur scolarité.
La situation sur le marché des places d’apprentissage
Les statistiques de ces dernières années font état d’une inadéquation entre l’offre et la demande de places d’apprentissage selon les métiers, les branches et les régions. Les raisons de ce déséquilibre sont multiples. Si les attentes des personnes en formation changent, les exigences des personnes appelées à les former se modifient également.
L’offre de places d’apprentissage des entreprises
Outre les mutations démographiques et sociales, l’évolution économique façonne le marché des places d’apprentissage. L’offre étant basée sur la bonne volonté des entreprises, les changements tant conjoncturels que structurels de l’économie influent sur l’évolution de l’offre. En ce qui concerne l’évolution conjoncturelle, les entreprises ne peuvent former des apprentis qu’à condition d’avoir suffisamment de commandes. Si l’économie se redresse après une crise conjoncturelle, le marché des places d’apprentissage a besoin de plus de temps pour s’en remettre. Par ailleurs, les entreprises qui se créent en période de reprise économique sont nettement moins disposées à former des apprentis. Leur réserve s’explique tant par l’importance du risque économique que par leur absence initiale de compétences en matière de formation. Les changements structurels s’observent à travers la croissance de la quote-part du secteur tertiaire dans la création de valeur ajoutée et la diminution de celle de l’industrie. Or, le nombre de places d’apprentissage par rapport aux actifs est traditionnellement plus élevé dans la production que dans les services. En parallèle, la spécialisation toujours plus grande des petites et moyennes entreprises (PME), en particulier dans les domaines porteurs de la haute technologie et des services, a pour effet de restreindre l’offre de places d’apprentissage, les entreprises n’étant plus en mesure de couvrir tout l’éventail de la formation des apprentis.
La demande en places d’apprentissage des jeunes
L’évolution de l’offre des places d’apprentissage ne dépend pas que du besoin de main-d’oeuvre des entreprises. Un réservoir de jeunes disposés et aptes à accomplir une formation professionnelle représente aussi un critère décisif. Les attentes personnelles, les valeurs et le mode de vie des jeunes jouent ici un grand rôle. Conséquence de la vague démographique, le nombre d’élèves du degré secondaire II devrait croître jusqu’en 2008 avant de diminuer à nouveau. Dans le domaine de la formation professionnelle, il faut donc s’attendre, entre 2004 et 2008, à une augmentation de l’ordre de 7 à 8% du nombre de personnes en formation puis à une baisse de 5 à 8% à partir de 2008 jusqu’en 2014. De fortes différences régionales apparaissent. À l’échelle de la Suisse, la pression démographique devrait entraîner une hausse de la demande des places d’apprentissage jusqu’en 2010, car les jeunes qui ont opté pour une solution transitoire arriveront sur le marché du travail un à deux ans plus tard. À l’heure actuelle, il n’est pas possible de prédire dans quelle mesure le marché des places d’apprentissage se détendra suite au recul démographique annoncé. Du fait de la modernisation et de l’automatisation continue des processus de travail, de «nouvelles» professions montent. Les formations dans l’informatique, le design et les télécommunications sont particulièrement prisées.
Conférence nationale sur les places d’apprentissage: le train de mesures 2007
Le but des politiques de l’économie et de la formation est d’intégrer la majorité des jeunes dans le marché du travail à travers une formation professionnelle initiale. Aujourd’hui, environ 90% En moyenne de tous les pays de l’OCDE, 68% des 25-64 ans ont achevé une formation du degré secondaire II, autrement dit ils possèdent soit un diplôme d’un lycée soit un titre sanctionnant une formation professionnelle initiale. En Suisse, cette proportion est nettement plus élevée puisqu’elle atteint 89%. des adultes en Suisse sont diplômés du degré secondaire II. Ce chiffre doit encore être augmenté durant les années à venir. En dépit des efforts conjoints de la Confédération, des cantons et de l’économie, quelque 4% des jeunes qui cherchaient une place d’apprentissage n’ont rien trouvé l’année dernière. Pour remédier à ce déséquilibre des places d’apprentissage à court et à moyen termes, il faut que tous les acteurs concernés s’engagent davantage. À l’invitation de la cheffe du Département fédéral de l’économie (DFE), les responsables de la formation et de l’économie se sont réunis à Genève le 13 novembre 2006 pour la deuxième Conférence nationale sur les places d’apprentissage. Ils ont adopté un train de mesures, éprouvées ou nouvelles, destinées à maintenir ou à créer de nouvelles places d’apprentissage et à encourager de manière ciblée les personnes qui en cherchent une.
Les mesures éprouvées
Actuellement, la Confédération et les cantons disposent d’un éventail de mesures qui ont fait leurs preuves. Celles-ci sont efficaces et doivent être conservées.
Augmentation de l’offre des places d’apprentissage
L’intervention de promoteurs de places d’apprentissage et le financement de départ de réseaux d’entreprises formatrices favorisent la création de nouvelles places d’apprentissage. La promotion des places d’apprentissage a démontré son efficacité, ces dernières années, et a trouvé sa place dans le marketing que les cantons déploient en la matière. Pour favoriser la création de nouvelles places, un nombre toujours plus grand de cantons recourent à des promoteurs bien intégrés dans l’économie régionale, qui exploitent leur réseau de relations pour encourager les entreprises à offrir plus de places d’apprentissage ou rejoindre un réseau d’entreprises formatrices. Grâce au réseau d’entreprises formatrices, des PME peuvent participer activement à la formation professionnelle. Deux ou plusieurs entreprises ayant des activités complémentaires s’unissent pour former ensemble des apprentis. L’utilisation de ressources communes permet de mettre en place une formation conforme à l’ordonnance fédérale et optimise l’investissement de chaque entreprise dans la formation. Avec la formation en réseau, des entreprises qui avaient jusqu’alors renoncé à former des apprentis pour des raisons financières ou en raison de leur taille ou de leur spécialisation, peuvent désormais prendre part à la formation professionnelle2. La formation professionnelle initiale de 2 ans, sanctionnés par une attestation, prévue dans la nouvelle loi, donne aux jeunes qui possèdent des aptitudes pratiques la possibilité d’obtenir un titre fédéral recherché par les entreprises. Les quatre premières formations sanctionnées par une attestation ont été lancées en été 2005 (commerce de détail, restauration). Quatre autres ont suivi au début de l’année scolaire 2006 (économie domestique, transformation du lait, secteur des pneumatiques, menuiserie) et cinq sont planifiées pour 2007 (automobile, bureau, logistique, métallurgie, remontées mécaniques).
Amélioration des chances des personnes à la recherche d’une place d’apprentissage
Ce sont surtout les élèves en butte à des difficultés scolaires et sociales et ceux de la dernière vague migratoire qui ont le plus de peine à trouver une place d’apprentissage. La mesure la plus prometteuse pour intégrer ces jeunes est un accompagnement individuel lors du passage de l’école obligatoire à la formation professionnelle. Entrent dans ce cadre les offres transitoires, les programmes de mentorat et d’accompagnement individuel, les plans spéciaux pour immigrés et les mesures liées au marché du travail (semestres de motivation, stages professionnels, etc.). Dans l’accompagnement individuel et le mentorat, des personnes compétentes signalent les places d’apprentissage aux jeunes. Elles les conseillent et les placent dans les entreprises. Les jeunes issus de l’immigration sont encadrés par des personnes proches de leur milieu culturel. L’expérience montre que l’envie d’accompagner bénévolement un jeune sur le chemin du travail est réelle. Ainsi, les travailleurs retraités sont de plus en plus nombreux à assumer cette fonction. De nombreuses activités de promotion (p. ex. vignette nationale de la formation) ont été conduites ces dernières années. Les cantons ont aussi introduit plusieurs mesures liées au marketing des places d’apprentissage. L’une d’elles consiste à approcher les entreprises internationales et à leur présenter les atouts et les possibilités de notre système de formation professionnelle. Il est également prévu de développer la campagne nationale de sensibilisation Internet: www.chance06.ch . à l’intention des jeunes et des entreprises, lancée par la Confédération en collaboration avec les cantons et les organisations du monde du travail. Une plate-forme Internet centralise les offres et sert de guide à la fois aux entreprises, en leur facilitant les prises de contact sur place, et aux jeunes, en leur permettant d’accéder à un ensemble d’informations et de conseils diffusés par les offices cantonaux de la formation professionnelle et les services de l’orientation professionnelle.
Soutien des diplômés ayant accompli une formation du degré secondaire II
L’assurance-chômage prévoit des mesures pour éviter l’exclusion des personnes désirant travailler après leur formation et se retrouvant sans emploi. C’est ainsi que la Confédération subventionne des stages professionnels L’assurance-chômage offre la possibilité d’accomplir des stages professionnels dans l’administration publique ou dans des entreprises privées. Elle finance 75% des coûts. Les 25% restants (au moins 500 francs par mois pour un emploi à plein temps) sont à la charge de l’employeur. et des entreprises d’entraînement L’entreprise d’entraînement offre à l’assuré, par le principe «Apprendre en travaillant», la possibilité d’acquérir, au sein d’un environnement proche de la pratique, de l’expérience et de nouvelles connaissances professionnelles dans le domaine commercial et en partie dans des branches artisanales et techniques.. Ces possibilités constituent, cependant, l’exception pour ceux qui ne possèdent pas de premier diplôme professionnel. Le mot d’ordre reste le même: priorité à la formation des jeunes.
Les nouvelles mesures
Aujourd’hui, les jeunes n’ont que peu de chances de décrocher un poste sans qualification. Dès lors, un nombre toujours plus grand de jeunes en difficulté sur le plan scolaire ou social doivent pouvoir suivre une formation professionnelle initiale. La situation ne changera pas en dépit de l’évolution démographique. Il faut s’attendre à ce qu’il subsiste un certain nombre de jeunes qui se heurtent à leurs propres limites. La formation professionnelle jouera un rôle-clé dans leur intégration sur le marché du travail. Des mesures ciblées et personnalisées seront nécessaires. Ce constat impose une étroite collaboration avec la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et les institutions du marché du travail et les services sociaux («collaboration interinstitutionnelle»). Il faut aussi intégrer de nouveaux dispositifs dans les structures existantes en accordant davantage d’attention à la formation en entreprise.
Plus d’offres dans le domaine pratique
La création de formations professionnelles initiales sanctionnées par une attestation doit avoir la priorité dans le «Masterplan Formation professionnelle» Le «Masterplan Formation professionnelle» veille à ce que la mise en oeuvre de la loi sur la formation professionnelle se passe dans de bonnes conditions pour les cantons. Compte tenu de la complexité, de la précarité des ressources en personnel et des conséquences financières d’éventuelles innovations dans le domaine de la formation professionnelle, un partenaire ne peut fixer seul le début des réformes dans ce domaine. Celles-ci doivent être adaptées aux moyens disponibles et négociées avec tous les partenaires (Confédération, cantons et organisations du monde du travail)..
Accompagnement et conseil des entreprises formatrices
À l’heure où certaines entreprises ne sont plus disposées à former des apprentis en raison des faibles capacités d’apprentissage des jeunes sortant du système scolaire, des exigences particulières que demandent certains d’entre eux ou du coût administratif qu’implique une formation, la situation ne pourra s’améliorer qu’au prix d’un soutien approprié. Il faut renforcer l’offre en ce domaine. Les entreprises doivent pouvoir bénéficier de conseil et de soutien dans les domaines juridique, organisationnel et social ainsi que d’une médiation en cas de conflits ou de crises.
La gestion personnalisée, une nouvelle approche
La gestion personnalisée doit aider les jeunes à risques à s’autoresponsabiliser (voir encadré 1 – La Confédération soutient les cantons dans l’élaboration d’un programme de gestion personnalisée dans la formation professionnelle.- Le soutien est conditionné à la mise en place d’un concept général par les cantons.- La Confédération paie un forfait pour l’élaboration dudit concept par les cantons.- La demande d’un soutien à des mesures destinées à élaborer un tel programme sont remises par les cantons à l’OFFT et évaluées par rapport au concept général.)7. Ceux-ci sont repérés suffisamment tôt et, tout en profitant de mesures d’accompagnement et d’encouragement individuelles, conduits vers une formation du degré secondaire II. La gestion personnalisée est un concept d’appui continu des jeunes à risques, depuis l’école jusqu’au monde du travail en passant par la formation professionnelle. Elle permet, en outre, d’améliorer la coordination des activités de tous les acteurs concernés. Pour atteindre cet objectif, il faut identifier les jeunes à risques dès la scolarité obligatoire. Cette mesure ne doit, cependant, pas se limiter aux performances scolaires, mais également tenir compte de la maturité de ces jeunes dans le choix d’une profession ainsi que de leurs compétences personnelles et sociales.
Concept de mise en oeuvre
La mise en oeuvre de la gestion personnalisée8 repose sur les éléments suivants: 1. Identification, recensement et observation permanente des groupes à risques: la condition requise pour le bon fonctionnement de la gestion personnalisée (en anglais «case management») dans la formation professionnelle est l’identification, le recensement et l’observation permanente des groupes à risques. Ce travail d’identification doit débuter le plus tôt possible. Les jeunes qui peuvent en faire partie sont identifiés dès les 7e et 8e années scolaires. Dès que le risque d’abandon est décelé chez un jeune (pas de formation, interruption ou échec de la formation), un service désigné prend contact avec des organismes compétents pour fixer, avec ledit jeune, les éventuelles mesures à prendre. 2. Choix d’une profession: le réseau de compétences et de relatons des professionnels du monde économique ou institutionnel est mis à contribution afin d’appuyer efficacement les jeunes à risques se préparant à suivre un apprentissage. Les conventions d’objectifs garantissent la responsabilité, l’engagement et l’autonomie des jeunes. L’orientation professionnelle régulière constitue un des instruments déjà mis en oeuvre. 3. Phase transitoire: les jeunes qui n’entrent pas directement dans le degré secondaire II après avoir achevé leur scolarité obligatoire, mais qui se trouvent dans une phase transitoire entre les formations obligatoire et postobligatoire, bénéficient également d’une aide à l’autoresponsabilisation au moment de choisir une profession et de rechercher une place de formation qui leur correspond. Les offres transitoires et le choix de la formation appropriée font partie des mesures qui requièrent une harmonisation renforcée entre les institutions et les offres concrètes. 4. Formation professionnelle initiale: les jeunes qui ne peuvent pas être intégrés dans la formation professionnelle initiale ou qui interrompent leur formation se voient accorder une aide à l’autoresponsabilisation pour trouver une place de formation appropriée ou suivre à nouveau un apprentissage. Ici également, le réseau relationnel des organes de surveillance de l’enseignement, du mentor, etc. est mis à profit. La convention d’objectifs joue aussi un rôle important. 5. Mesures complémentaires: la gestion personnalisée se concentre sur les jeunes en difficultés sur le plan scolaire ou social. Les mesures complémentaires sont axées sur les systèmes, les procédures ou les institutions qui s’occupe d’eux. Il s’agit notamment d’offres de conseil et d’appui pour les entreprises formatrices en matière juridique, organisationnelle et sociale sous forme d’aide en ligne ou d’offres supplémentaires fournies par les associations professionnelles.
Conclusions et perspectives
La pression sur le marché des places d’apprentissage se maintiendra. Dans les dix années à venir, on assistera à la conjonction de deux phénomènes synonymes de grands défis, non seulement pour le système suisse de la formation, mais aussi pour celui de nombreux autres pays. Le besoin croissant de personnes très bien formées s’accompagnera d’un recul de la population jeune. Ainsi, ces jeunes manqueront sur le marché des places d’apprentissage. En parallèle, les mesures en faveur des jeunes en butte à des difficultés scolaires et sociales devront être renforcées pour les préparer à répondre aux exigences sans cesse croissantes de notre société et du marché du travail, et les y intégrer. Une offre destinée aux jeunes en butte à des difficultés scolaires et sociales devrait s’accompagner d’une demande croissante des entreprises pour les jeunes particulièrement capables. La concurrence entre les établissements de formation scolaire à plein temps et les entreprises industrielles et artisanales pour attirer les éléments les plus brillants s’intensifiera. Il est donc important de former le mieux possible le plus grand nombre possible de gens. Grâce aux mesures en place et à celles planifiées, notre système dual a toutes les cartes en main pour assurer son avenir. Il continuera, de manière déterminante, de contribuer à la compétitivité de l’économie suisse et à l’intégration de tous les jeunes sur le marché du travail.
Encadré 1: Le rôle de la Confédération dans la gestion personnalisée – La Confédération soutient les cantons dans l’élaboration d’un programme de gestion personnalisée dans la formation professionnelle.- Le soutien est conditionné à la mise en place d’un concept général par les cantons.- La Confédération paie un forfait pour l’élaboration dudit concept par les cantons.- La demande d’un soutien à des mesures destinées à élaborer un tel programme sont remises par les cantons à l’OFFT et évaluées par rapport au concept général.
Proposition de citation: Walther Weger, Belinda (2007). Le train de mesures 2007 pour l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle. La Vie économique, 01. mars.