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Le baromètre suisse des relations humaines: qui profite le plus des bonnes conditions de travail?

Les résultats du baromètre suisse des relations humaines (baromètre RH) montrent que les personnes actives occupées en Suisse bénéficient de bonnes conditions de travail. Qui en profite le plus? En prenant l’exemple de la participation et de l’autonomie, l’article ci-après révèle que les employés disposant d’une bonne formation et occupant une position supérieure sont les principaux bénéficiaires de ces conditions de travail. On ne peut que se réjouir que celles-ci soient positives dans l’ensemble, car elles contribuent au bien-être et aux performances du personnel. La préférence accordée à certaines catégories de collaborateurs accentue, par contre, les différences entre salariés.

Le baromètre RH suisse est une étude de l’université et de l’école polytechnique fédérale de Zurich. Depuis 2005, près de 1000 salariés sont interrogés chaque année par téléphone à leur domicile (voir encadré 1 Le baromètre RH est établi tous les ans en alternance par Gudela Grote, professeur en psychologie du travail et de l’organisation à l’EPF Zurich, et le Pr Bruno Staffelbach, titulaire de la chaire de gestion des ressources humaines de l’université de Zurich. L’édition actuelle (baromètre RH suisse 2007) est parue en mars 2007 aux éditions NZZ Libro. Il a pu être établi grâce à l’appui généreux d’Adecco, partenaire du projet. D’autres institutions ont apporté leur soutien au projet: Novartis, Migros, Winterthur et la fondation Ecoscientia.). L’entretien téléphonique porte sur différents aspects de la gestion des ressources humaines, les changements vécus dans les entreprises, les contrats psychologiques (attentes et prestations réciproques des employeurs et des employés), l’évolution de la carrière et les rapports professionnels (par exemple satisfaction, motivation et intention de résilier des contrats de travail). Le baromètre RH fournit donc un instantané des conditions de travail et des relations professionnelles en Suisse. Le rythme annuel de cette enquête représentative permet par ailleurs de comprendre certaines évolutions et, à partir de là, de formuler d’éventuelles recommandations à l’intention des entreprises. Les résultats du baromètre pour 2005 et 2006 se réfèrent à la Suisse alémanique. Dans l’enquête 2007, la Suisse romande sera prise en compte pour la première fois.

Les salariés suisses ont de bonnes conditions de travail


Pour 2005 et 2006, le baromètre RH livre des résultats similaires à ceux de l’enquête de Dublin Voir les articles de M. Graf et R. Krieger (p. 4-8) et de U. Pekruhl (p. 9-12) dans ce numéro.. Il en ressort que les salariés suisses bénéficient, dans l’ensemble, de bonnes conditions de travail. Les résultats publiés ci-après seront ceux de 2006, car aucune différence notable ne se dessine entre 2005 et 2006. Pendant les douze mois qui ont précédé l’enquête, plus des deux tiers des salariés ont participé à un cours de formation continue, dont la durée s’est élevée à cinq jours en moyenne. Plus des trois quarts des sondés ayant répondu (83%) travaillent dans des entreprises imprégnées d’une culture plutôt participative, puisqu’ils déclarent se sentir suffisamment informés des décisions qui concernent l’organisation du travail et qu’ils peuvent y prendre part. Près des trois quarts (72%) affirment disposer d’une autonomie élevée ou plutôt élevée dans leur travail. Celle-ci a été mesurée en demandant aux participants à l’enquête s’ils ont suffisamment de liberté dans leur travail, s’ils peuvent l’organiser comme ils l’entendent et décider eux-mêmes de son rythme. Plus d’un tiers des personnes ayant répondu (36%) ont la possibilité d’exercer leur travail à différents endroits. Un peu moins des deux tiers (61%) ont des horaires de travail flexibles. Autre indice révélateur des bonnes conditions de travail, un grand nombre d’employés en Suisse (76%) estiment exercer une activité intéressante et variée. Les conventions sur les objectifs avec les supérieurs et les retours d’information réguliers semblent un peu moins répandus. Un peu moins de la moitié (45%) des employés font état de telles mesures.

Les salariés suisses sont satisfaits et en bonne santé


Les résultats brossent dans l’ensemble un tableau réjouissant des conditions de travail en Suisse. Celles-ci se reflètent aussi dans le l’état d’esprit des employés. Les résultats du baromètre RH montrent que les sondés sont très satisfaits de leur travail et qu’ils estiment concilier harmonieusement vie privée et obligations professionnelles. En 2006, l’enquête s’est aussi intéressée à la santé psychique et physique des employés. Elle a montré que plus des trois quarts des salariés suisses déclarent être en bonne santé et 4 à 8% en très bonne santé (que celle-ci soit psychique ou physique), en comparaison avec un échantillon américain standard. Par contre, 11 à 13% des salariés jugent que leur état de santé est, en moyenne, moins bon. Malgré des conditions de travail qui encouragent la formation, l’employabilité est évaluée de façon plutôt négative. La moitié seulement des sondés ayant répondu (52%) sont d’avis qu’ils pourraient trouver un emploi comparable sur le marché du travail, interne ou externe. Ce résultat tient peut-être au fait que de nombreux employés se plaisent dans leur entreprise, qu’ils ne s’informent pas des possibilités existantes et qu’ils ne les connaissent donc pas. Il se pourrait aussi qu’une partie des personnes interrogées aient effectivement peu confiance dans leur employabilité, parce qu’elles n’ont que rarement dû mettre celle-ci à l’épreuve: en Suisse, la durée moyenne d’engagement est élevée. Le baromètre RH a examiné si certaines catégories d’employés profitent plus que d’autres de bonnes conditions de travail. Certains critères applicables aux employés (par exemple âge, sexe ou formation) et/ou aux entreprises (par exemple taille ou modifications internes) provoquent-ils des différences? Pour répondre à cette question, diverses analyses statistiques ont été réalisées. Elles permettent de savoir un peu mieux dans quelles entreprises les conditions de travail sont particulièrement bonnes et à quels employés profite cette situation.

Les employés au bénéfice d’une bonne formation et occupant des positions supérieures sont favorisés


Selon les chiffres obtenus, les bonnes conditions de travail bénéficient avant tout aux actifs occupés justifiant d’une bonne formation et occupant une position supérieure. Les liens observés entre les critères applicables aux employés et les conditions de travail se révèlent similaires pour tous les facteurs énumérés ci-dessus (formation continue, participation, autonomie, flexibilité dans le temps et dans l’espace, conventions sur les objectifs). Examinons ces résultats un peu plus en détail dans l’exemple de la participation et de l’autonomie. Les possibilités des dirigeants en ces domaines sont particulièrement importantes. L’étude montre aussi que les salariés d’un certain âge et au bénéfice d’une bonne formation sont les plus nombreux à bénéficier d’une large marge de décision dans l’accomplissement de leur travail. Les cadres obtiennent donc des conditions de travail qui correspondent à leurs exigences et à leur formation. Il serait intéressant à ce propos de connaître la position exacte des employés (par exemple cadres inférieurs, moyens ou supérieurs) ainsi que la nature des tâches dont ils sont chargés. Le baromètre RH actuel ne permet pas de le savoir. Aucune différence n’apparaît non plus entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la participation et l’autonomie. Les hommes ont, toutefois, beaucoup plus souvent la possibilité de travailler à des endroits différents et de profiter d’horaires de travail flexibles que les femmes. La question se pose également de savoir si certaines branches et entreprises offrent une plus large autonomie et de plus grandes possibilités de participation. Les employés dans le commerce, la réparation et l’enseignement possèdent une marge de décision particulièrement grande dans l’exécution de leur travail. Par contre, les employés de la restauration, des communications et des médias ont moins de liberté au travail. S’agissant des possibilités de participation, aucun effet de branche n’est apparu. En revanche, la taille de l’entreprise joue un rôle décisif. Dans les microentreprises (moins de dix employés), les possibilités de participation sont plus élevées que dans les autres. Cette réalité s’explique par le fait que dans les petites entreprises, l’information circule plus facilement et efficacement que dans les grandes. Si les très petites entreprises ont besoin de davantage de participation de la part de leurs employés, c’est parce qu’il est pour elles vital que ceux-ci puissent faire preuve de flexibilité et assumer différentes tâches. Dans les entreprises où des réductions d’effectifs ont eu lieu au cours des douze derniers mois, les thèmes de la participation et de l’autonomie sont moins présents. Il se peut, toutefois, que ce résultat ne soit que le reflet de la politique descendante pratiquée dans beaucoup d’entreprises en période de réduction des effectifs, qui restreint les possibilités de participation aux restructurations en cours. Ce contexte peut ainsi avoir des répercussions négatives sur l’évaluation de la participation, même si le degré de participation à l’issue de la réorganisation n’est pas modifié.

La participation et l’autonomie sont payantes


Dans une étape suivante, l’enquête a examiné comment l’existence de bonnes conditions de travail influe sur le bien-être des employés. Les résultats montrent que les personnes qui ont davantage de possibilités de participer à l’organisation de leur travail éprouvent une satisfaction supérieure, leur loyauté progresse et elles songent moins souvent à résilier leurs rapports de travail. Simultanément, elles se trouvent dans une meilleure santé psychique et sont plus optimistes envers leur employabilité. Les résultats sont pareils pour l’autonomie. Les employés dont le pouvoir de décision est élevé s’investissent plus, affichent une plus grande satisfaction au travail et une plus forte employabilité que ceux dont la marge de manoeuvre est faible. Les liens de causalité constatés s’expliquent peut-être par le fait que de bonnes conditions de travail augmentent le bien-être et les performances des employés. Ils peuvent aussi provenir du fait que les collaborateurs dont l’état d’esprit est bon et qui possèdent de grandes compétences/une grande employabilité sont davantage encouragés par leurs employeurs (par exemple conditions de travail particulièrement bonnes). Cela augmente leur valeur pour l’employeur. Il se produit ainsi un effet «boule de neige» entre les incitations prodiguées par ce dernier et les compétences de certains employés.

Conclusion


Les résultats du baromètre RH révèlent que les collaborateurs au bénéfice d’une bonne formation et occupant des positions de direction sont, en particulier, davantage intégrés dans les processus de décision et les flux d’information et qu’ils disposent d’une plus large autonomie dans l’aménagement de leur travail. On voit ici que de nombreuses entreprises investissent beaucoup dans leurs collaborateurs-clés. Ces personnes possèdent des connaissances précieuses et de bonnes qualifications. Elles occupent des postes importants dans des entreprises. Dans leurs fonctions, elles ont besoin d’une grande liberté de décision et doivent être informées pour assumer leurs responsabilités. Les entreprises veillent donc à ce qu’elles puissent exécuter leurs tâches de manière indépendante. Le traitement de faveur accordé à certaines catégories de collaborateurs accentue, cependant, les différences entre les employés. Les bons résultats d’ensemble laissent supposer qu’une partie au moins des employés les moins bien qualifiés, chargés de tâches simples, disposent déjà d’un pouvoir de décision approprié ainsi que de possibilités suffisantes de participation et de variation des tâches. Si tel n’était pas le cas, les entreprises devraient améliorer ces divers points en mettant en place les mesures qui s’imposent: rotation des tâches, travail d’équipe, système de propositions, processus d’amélioration en continu et système de qualité.

Encadré 1: Le baromètre RH suisse Le baromètre RH est établi tous les ans en alternance par Gudela Grote, professeur en psychologie du travail et de l’organisation à l’EPF Zurich, et le Pr Bruno Staffelbach, titulaire de la chaire de gestion des ressources humaines de l’université de Zurich. L’édition actuelle (baromètre RH suisse 2007) est parue en mars 2007 aux éditions NZZ Libro. Il a pu être établi grâce à l’appui généreux d’Adecco, partenaire du projet. D’autres institutions ont apporté leur soutien au projet: Novartis, Migros, Winterthur et la fondation Ecoscientia.

Proposition de citation: Marius Gerber ; Anette Wittekind ; (2007). Le baromètre suisse des relations humaines: qui profite le plus des bonnes conditions de travail. La Vie économique, 01 avril.