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Pourquoi réviser la directive relative à l’appel à des médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité au travail?

Éviter les risques, les combattre à la source, évaluer ceux qui peuvent être évités, remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins sont des principes généraux de prévention inscrits dans la loi sur l’assurance-accidents (LAA); ils offrent à tous les acteurs de l’entreprise un cadre pour aborder la prévention du risque en milieu professionnel. C’est pour aider les entreprises dans cette voie que la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) a édicté le 1er janvier 1996 la directive relative à l’appel à des médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité au travail (MSST). Dix ans après son lancement, le bilan peut être considéré comme globalement positif. Fallait-il dès lors la réviser? La CFST a répondu par l’affirmative à cette question, car, depuis l’entrée en vigueur de la directive, l’état des connaissances et des expériences en matière de santé et de sécurité n’a cessé de se développer.

La MSST concrétise toujours l’obligation faite aux entreprises de recourir à des spécialistes de la sécurité au travail Sont réputés spécialistes, les médecins du travail, les ingénieurs ou chargés de sécurité et les hygiénistes du travail qui ont acquis la formation et les expériences nécessaires., pour mettre en oeuvre une politique de prévention des risques professionnels. Avant d’examiner la directive elle-même, il fallait d’abord tenir compte des principaux problèmes d’exécution rencontrés à ce jour et explorer, sur la base des prises de position existantes, les différentes possibilités d’application, tout en évaluant leurs conséquences pratiques et économiques. Parmi les principaux problèmes inventoriés, le besoin d’allègement des petites entreprises sans dangers particuliers a été régulièrement soulevé. Ces dernières, qui représentent 88% des entreprises suisses et 26,3% des emplois, éprouvent, en effet, beaucoup de difficultés à élaborer un système de sécurité adapté à leurs besoins. Une partie d’entre elles s’en tenaient, par conséquent, à une application purement formelle et paperassière (les fameux «classeurs à poussière») sans mesures concrètes. Il fallait donc une directive davantage accessible et qui n’entraîne pas de surcharge administrative.

Les modifications en bref


Dorénavant, le taux de prime n’est plus le principal critère pour déterminer l’obligation de l’entreprise de faire appel aux spécialistes de la sécurité. Il y a au moins deux bonnes raisons à cela: – le taux de prime n’existe plus chez les assureurs privés; – il indique plus la maîtrise du risque que les dangers encourus.  Il conserve, néanmoins, par pragmatisme, une valeur de présomption. Ce qui importe avant tout, ce sont les dangers auxquels l’entreprise est confrontée ainsi que les connaissances et moyens dont elle dispose pour y faire face. Il n’existe, désormais, plus que deux catégories de dangers dans la nouvelle directive: ceux qualifiés d’ordinaires et ceux relevant d’un caractère particulier. La catégorie des dangers particuliers de faible ampleur a été, définitivement, laissée de côté pour des questions de clarté et de simplicité. Dans les entreprises sans dangers particuliers, il suffira de régler les tâches et d’organiser la prévention en se basant, par exemple, sur des listes de contrôle standardisées. Cela n’empêche pas que, pour les PME appartenant à des secteurs qui fonctionnent sur la base d’une culture de communication orale, les contrôles ne puissent pas davantage porter sur la manière dont le chef d’entreprise se préoccupe de la santé et de la sécurité au travail; des inspecteurs pourraient également contrôler les conditions matérielles de travail et dispenser directement leurs conseils. Les entreprises avec dangers particuliers devront pour leur part procéder à une appréciation des risques et mettre en place un véritable système de sécurité. Pour éviter les «nids à poussière» évoqués ci-dessus, il est important que les entreprises puissent attester qu’elles disposent des connaissances spécifiques nécessaires pour garantir un niveau acceptable de protection de la santé et de la sécurité aux postes de travail. Les exigences en ce domaine varient en fonction de la dangerosité et du nombre de personnes occupées dans l’entreprise. Cela est également vrai pour les branches ou les groupes d’entreprises qui doivent pouvoir démontrer qu’ils ne disposent pas de «solutions alibis», mais que le travail de prévention nécessaire est réalisé et que l’application sur le terrain n’est pas seulement formelle.

Sensibiliser les petites entreprises


Il faut rappeler ici que c’est le travail de prévention lui-même qui coûte à l’entreprise – en temps comme en argent – plus que la charge administrative liée à la mise en oeuvre de la directive. À moins de procéder d’une vision trop formaliste qui entraîne des contraintes superflues, ces coûts doivent être considérés comme des investissements et non des frais généraux. La moindre capacité financière des petites entreprises ne les encourage, cependant, pas à de telles dépenses dès lors que les bénéfices n’en sont que difficilement perceptibles à court terme. «MSST-Inside» et des outils sous forme de guide ont donc été créés afin de sensibiliser cette catégorie d’entreprises. La directive modifiée se conforme aux normes européennes qui opèrent une distinction entre les grandes entreprises (plus de 250 collaborateurs), les moyennes (50 à 249 personnes), les petites (10 à 49 personnes) et les très petites (moins de 10 personnes).

Encadré 1: Informations sur la directive MSST L’ajout d’un nouveau chapitre sur l’appel à des médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité au travail (MSST) dans l’ordonnance sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA) a déplacé les priorités en ce qui concerne la sécurité du travail en Suisse. Les tâches des organes d’exécution consistaient jusqu’alors à contrôler le respect des exigences de protection; l’encouragement et le contrôle des systèmes de sécurité dans les entreprises devenaient, désormais, leurs principales activités. En application de l’art. 11b OPA, la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST) élaborait en 1995 une directive concrétisant l’obligation faite à l’employeur de recourir à des spécialistes de la sécurité au travail. La «directive MSST» de la CFST a été publiée en janvier 1996. Elle était assortie d’une période transitoire de quatre ans.Si la directive n’est juridiquement pas contraignante, elle suppose, en droit, que l’employeur respecte l’obligation qui lui est faite. À défaut, celui-ci doit pouvoir prouver d’une autre manière qu’il garantit la protection de la santé et la sécurité au travail de ses employés. Dans la pratique, l’appel à des MSST a lieu souvent indirectement. En effet, la directive autorise des solutions inter-entreprises (p. ex. solutions de branche), à l’élaboration desquelles participent des médecins du travail et d’autres spécialistes de la sécurité au travail. La plupart des experts estiment que la sécurité au travail dans le cadre de la directive MSST et la diffusion des solutions de branche à une large échelle ont constitué un apport essentiel à l’amélioration de la sécurité au travail et à la maîtrise des coûts. À l’expiration de la période transitoire, en 2000, les plaintes provenant des petites et très petites entreprises ainsi que des exploitations sans dangers particuliers se sont, cependant, multipliées. Selon elles, les exigences documentaires de la directive MSST entraîneraient un travail administratif disproportionné.La CFST avait déjà exprimé son intention de revoir la directive MSST après dix ans d’existence. Après avoir pris connaissance des critiques exprimées et constaté les lacunes de la mise en oeuvre, en particulier dans les petites entreprises, la commission fédérale a commencé ses travaux en automne 2005. Pour améliorer la transparence sur ses répercussions au niveau économique, la révision s’est accompagnée d’une analyse d’impact de la réglementation. Celle-ci a été menée par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) en collaboration avec le groupe de travail mandaté par la CFST.

Proposition de citation: Marc-Andre Tudisco (2007). Pourquoi réviser la directive relative à l’appel à des médecins du travail et autres spécialistes de la sécurité au travail. La Vie économique, 01 avril.