Le changement de génération sur le marché du travail et dans les entreprises
La conjonction du vieillissement démographique et de l’accélération des mutations économiques et technologiques place l’économie et les entreprises devant des défis de taille. Dans l’histoire de l’espèce humaine, jamais encore une société n’a eu à résoudre, comme la nôtre aujourd’hui, le problème consistant à garder intactes la productivité économique et la capacité d’innovation d’une population vieillissante. Pour répondre à ce défi, on discute aujourd’hui de mesures comme l’élévation de l’âge de la retraite et le maintien dans la vie active des travailleurs âgés. Pour les entreprises, il s’agit avant tout de conserver et de renforcer les prestations des seniors et d’assurer des rapports harmonieux entre collaborateurs jeunes et moins jeunes.
Les perspectives démographiques de l’évolution du marché du travail
Sur le marché du travail, le vieillissement démographique est appelé à s’accélérer en raison surtout de l’arrivée prochaine à l’âge de la retraite des générations issues des années de forte natalité, alors que celles-ci ont, elles-mêmes, eu moins d’enfants La première poussée de natalité a été enregistrée en Suisse dès 1943, contrairement aux pays en guerre. De 1943 à 1950, nos taux de naissance se situaient autour de 2,4. De 1951 à 1956, ils diminuèrent un peu, pour remonter ensuite à 2,4-2,6 entre 1957 et 1966. Les années 1943 à 1950 furent des années particulièrement fécondes («baby-boom» du temps de guerre et de l’après-guerre). Cela vaut également pour les années 1957 à 1966 («baby-boom» de la prospérité).. Dans un premier temps, cela se traduira par un vieillissement sensible de la population active. Actuellement, un bon quart de la population active est âgé de 50 ans et plus. Dès 2010, cette proportion devrait passer à un tiers. Le vieillissement des actifs met la politique du personnel des entreprises à rude épreuve, par exemple pour la planification des carrières au-delà de 50 ans ou la promotion de la formation continue dans les phases d’activité tardives. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre: à l’avenir, les changements structurels de l’économie se dérouleront moins facilement qu’aujourd’hui où on profite des changements de générations, c’est-à-dire de l’entrée de jeunes adultes dans la vie professionnelle, et les mutations économiques et techniques reposeront davantage sur les classes d’âge intermédiaires et supérieures. Cette réalité va encore renforcer la nécessité pour les travailleurs d’apprendre tout au long de leur vie professionnelle et de se recycler ou de se perfectionner dans ses phases tardives. Après leur départ à la retraite, les générations issues des années de forte natalité laisseront sur le marché du travail un vide important que les générations suivantes ne pourront pas combler. Ces nombreuses sorties de la vie active pourront se traduire par une baisse du potentiel d’activité et le marché du travail de demain devra «tourner» grâce à des personnes actives à la fois moins nombreuses et plus âgées. Une riposte envisageable consiste à prolonger la durée de la vie active, ce qui augmentera le volume de travail disponible, mais accentuera du même coup le vieillissement de la population active. Il serait également possible d’augmenter les quotas de travailleurs étrangers immigrés pour accroître et rajeunir la population. La rareté des jeunes actifs peut contribuer à exacerber la concurrence entre les entreprises qui ont besoin de travailleurs jeunes et qualifiés. Les entreprises de dimension internationale auront surtout la possibilité de rajeunir leur personnel en transférant des activités vers des pays démographiquement plus dynamiques. En d’autres termes, les entreprises peuvent maîtriser de différentes manières les effets qu’exerce la démographie sur le marché de l’emploi. Dans de nombreuses entreprises, les structures d’âge et les relations intergénérationnelles ne doivent pas nécessairement coïncider avec l’évolution générale du marché du travail.
Le changement de génération sur le marché du travail et dans les entreprises
Les sociétés dynamiques se caractérisent par un changement de génération permanent sur le marché du travail. Celui-ci s’effectue surtout par l’arrivée de jeunes gens (que leur formation récente rend porteurs de nouvelles compétences) dans la vie professionnelle. En matière d’intégration professionnelle, un sujet de débat classique est l’inadéquation réelle ou supposée des compétences inculquées aux jeunes par les centres de formation avec les qualifications exigées dans le monde du travail. Les entreprises se voient toujours confrontées à des déficits de «socialisation» liés à la formation reçue par ces jeunes, et le prolongement de la période de formation purement scolaire ou académique accentue le danger d’un hiatus entre les connaissances formelles et les exigences professionnelles. De nombreuses entreprises se définissent ouvertement aussi comme des organes de socialisation des jeunes entrant dans la vie professionnelle. Beaucoup d’entre elles s’emploient à compenser le manque de pratique de certains diplômés de hautes écoles par des mesures d’intégration ciblées, comme des stages pratiques, des cours d’initiation, le mentorat (voir encadré 2), etc. Ou encore, elles cherchent à prévenir les problèmes d’intégration et intergénérationnels en évitant de ne recruter que des jeunes collaborateurs dont la formation n’est pas trop longue. Maîtriser la transition du système de formation vers la vie professionnelle est un exercice qui varie donc aussi bien en fonction du niveau de formation des jeunes que des structures de transition institutionnalisées. Le système de formation dual qui s’applique à une majorité de jeunes en Suisse (avec son enseignement professionnel spécifique) offre entre l’école et le monde professionnel une structure de liaison qui tend à maintenir le chômage des jeunes à un bas niveau. À l’autre bout, les travailleurs vieillissants peuvent sortir de la vie active par les portes de la retraite ou de l’invalidité. Le changement de génération sur le marché du travail a été accéléré en partie par des départs (forcés) à la retraite anticipée, souvent compris comme une stratégie de lutte contre le chômage des jeunes. D’une manière générale, cependant, on commence à s’apercevoir aujourd’hui que ces sorties anticipées de la vie active n’ont qu’une influence limitée sur la situation de ces mêmes jeunes sur le marché du travail. Sur un plan économique général, en effet, resserrer l’offre de groupes d’âge déterminés ne contribue pas à diminuer le chômage d’autres groupes. Le concept selon lequel les jeunes et les vieux travailleurs se font directement concurrence sur le marché du travail – comme dans un jeu à somme nulle – n’est pas démontrable en termes économiques. Bref, l’idée d’un «conflit de générations sur le marché du travail» est un mythe. Qui plus est, la structure du personnel dans les entreprises ne se résume pas à une simple dichotomie jeunes/vieux. Elle comporte aussi des éléments sociodémographiques comme le sexe, le niveau de formation ou la nationalité. Se focaliser uniquement sur la structure des âges et des générations revient à négliger les connexités existant entre divers autres paramètres, comme l’âge et le diplôme de fin de formation ou le sexe et les types de carrières.
Le mélange des générations dans les entreprises
La société est de plus en plus consciente de la nécessité d’un mélange judicieux de collaborateurs jeunes et âgés dans un monde vieillissant (que ce soit pour les travailleurs et les clients âgés). Toujours plus nombreuses sont les entreprises qui veillent à assurer un équilibre optimal des âges au sein de leurs équipes. Des structures d’âges et de générations déséquilibrées peuvent entraîner – à long terme surtout – toutes sortes de problèmes pour la politique d’entreprise ou du personnel. C’est ainsi que des établissement qui comptent de nombreux collaborateurs vieil-lissants – surtout chez les cadres – peuvent passer à côté de nouvelles tendances et de l’évolution en cours, et que l’avenir d’une entreprise de services au personnel vieillissant peut être compromis par le vieillissement simultané de ses collaborateurs et de sa clientèle. Les collaborateurs employés depuis de longues années dans un hôtel, par exemple, sont certes les mieux qualifiés pour répondre aux besoins de la clientèle traditionnelle, mais les clients vieillissent et leur fidélité peut représenter un obstacle à leur renouvellement. Inversement, un intense rajeunissement du personnel peut créer des problèmes, par exemple là où la jeunesse et le dynamisme sont si fortement célébrés comme faisant partie de la culture d’entreprise que les difficultés apparaîtront lorsqu’une phase de consolidation succédera à celle d’expansion initiale, ou même avant. En effet, les établissements qui, au début d’une révolution technologique, connaissent une rapide expansion – grâce au recrutement de jeunes collaborateurs – risquent ensuite d’avoir des difficultés à surmonter les phases de ralentissement ou de croissance qualitative. Une forte proportion de nouveaux collaborateurs peut aussi résulter d’un taux de rotation du personnel élevé, en raison, par exemple, de mauvaises conditions de travail ou de faibles salaires. De plus, l’afflux constant de nouveaux travailleurs qui, ensuite, quittent plus ou moins vite leur emploi est une cause de coûts supplémentaires, notamment en raison des carences de leurs rapports à la clientèle. Enfin, un fort taux de rotation de jeunes collaborateurs qualifiés est souvent l’indice d’un manque de débouchés au sein de l’entreprise. Dans différents secteurs des services, un rajeunissement rapide du personnel peut accélérer l’assimilation de nouvelles modes et tendances propres aux jeunes générations, mais faire fuir en contrepartie les clients de longue date ou d’un certain âge. Lorsque les produits proposés se transforment rapidement sous l’effet de modes ou pour des raisons techniques, les clients âgés se rabattent plus souvent que les jeunes sur des marques ou des articles traditionnels éprouvés. Une politique des prix opaque ou le manque de confiance dans la compétence de (nouveaux) fournisseurs ont aussi des effets particulièrement négatifs auprès des consommateurs seniors. Étant donné que l’âge (chronologique) ne constitue pas en soi une dimension réellement significative, la proportion de collaborateurs jeunes ou âgés dans une entreprise est un élément souvent moins déterminant, pour la politique du personnel, que la domination d’une classe d’âge ou d’années de service donnée: tout département, entreprise, mais aussi association ou parti fortement dominé par un groupe d’âge homogène est particulièrement exposé au risque du «barrage à l’innovation». La domination de certaines cohortes compromet généralement la capacité d’adaptation de l’entreprise à l’évolution de son environnement, surtout quand on est en présence d’une classe d’âge à la culture très typée. Les cohortes dominantes peuvent aussi contrarier le processus nécessaire des échanges continus et bloquer des carrières. Par exemple, lorsque les décisions sont prises uniquement par des collaborateurs de 50 ans, le risque est grand de perdre le contact avec d’autres générations, donc avec l’évolution culturelle. Ce danger est encore plus grand lorsque les membres d’une cohorte de même âge ont une origine commune au plan social et de la formation. Une équipe de personnes ayant le même âge et travaillant bien ensemble a aussi de la peine à accepter de nouveaux membres en son sein. Actuellement, ce sont surtout les partis politiques et le Parlement fédéral qui se caractérisent par une dominance très prononcée, celle de la cohorte vieillissante des années du «baby-boom». Dans l’économie, les dominances s’observent principalement parmi les entreprises comptant une très forte proportion d’hommes. Pour l’instant, celles qui ont une proportion élevée de femmes sont moins marquées par ce problème. Cependant, les conséquences négatives d’une combinaison de générations mal équilibrée sont souvent inconscientes et ne se manifestent directement que dans les cas extrêmes. Compte tenu du vieillissement démographique qui se dessine, tant de la population active que de la clientèle, la question de la combinaison optimale des générations et de l’aménagement de bonnes relations intergénérationnelles au sein des entreprises prend de plus en plus d’importance. On observe plus particulièrement parmi les entreprises de services modernes un équilibre précaire entre esprit d’innovation et expérience. C’est ce qui a poussé l’Union patronale suisse à souligner, dans son document «Stratégie pour l’emploi des seniors», toute l’importance d’une analyse de la structure des âges pour la politique du personnel. À l’avenir, la gestion des âges et l’optimisation du mélange des générations peuvent faire partie intégrante de la gestion de la diversité ou de celle du personnel considérée sur un cycle de vie professionnelle.
Marché du travail et entreprises confrontés à un triple changement de générations
La question du changement de génération touche le monde du travail moderne de trois manières. Comme signalé plus haut, les entreprises doivent sans cesse recruter et «socialiser» dans le monde professionnel de nouveaux collaborateurs – jeunes pour la plupart -, par exemple pour remplacer des travailleurs sortants ou pour se développer. Dans le même temps, les collaborateurs en place doivent être intégrés et encouragés à rester compétitifs et à structurer leurs carrières. La fidélisation, la promotion et la qualification à l’interne du personnel constituent les grands axes d’une bonne politique de l’emploi et du personnel. Parallèlement à cela, il y a constamment des collaborateurs qui quittent l’entreprise, que ce soit pour raison d’âge ou sur résiliation de leurs rapports de travail. Là où l’effectif doit être maintenu, chaque départ exige un nouveau recrutement. Dans toute politique du personnel, le changement de génération du personnel est une tâche essentielle. Des tâches analogues s’imposent à la vente et au marketing, en vue de maîtriser le mieux possible les changements de clientèle dus en partie au passage des générations: il s’agit de gagner de nouveaux clients, de conserver la fidélité des habitués et de remplacer ceux qui s’en vont. À ce titre aussi, les entreprises sont confrontées à la tâche permanente qui consiste à assurer le changement dans la douceur et attirer à soi les jeunes clients sans perdre les plus anciens ou ceux qui sont âgés. La structure du personnel et de la clientèle peuvent dépendre l’une de l’autre, par exemple lorsqu’une clientèle vieillissante exige d’être conseillée par du personnel expérimenté d’un certain âge ou, au contraire, quand de jeunes clientes préfèrent être servies par de jeunes employé(e)s. Toujours plus d’entreprises constatent que le vieillissement démographique de la société modifie également la structure d’âges de leurs clients. Il y a des clients qui ne veulent pas être approchés en tant que seniors et qui pourtant réagissent négativement à une composition déséquilibrée du personnel conseillant ou traitant Cela s’explique aussi par le fait que la génération vieillissante issue du «baby-boom» d’après-guerre forme un groupe de consommateurs plutôt exigeants et relativement aisés.. Enfin, le changement de génération touche aussi les produits ou les services, dont nombre doivent être conçus et développés, fabriqués et vendus en remplacement des anciens devenus caducs. Il en va ainsi pour des générations entières de produits ou de technologies. Pour ces produits et services, le changement de génération est parfois déterminé par la structure démographique du personnel et de la clientèle, par exemple par le fait que techniquement, de nouveaux produits sont conçus par de jeunes collaborateurs pour de jeunes utilisateurs et que des collaborateurs vieillissants se soucient surtout de lignes de produits en voie d’obsolescence. Dans les sociétés dynamiques, l’expérience professionnelle des collaborateurs vieillissants se dévalorise parce que ce sont le plus souvent les jeunes qui ont la plus large expérience des nouvelles technologies ou des nouvelles langues ou formes de culture. Les seniors perdent ainsi leur avance en termes d’expérience et courent le risque de voir leur savoir professionnel devenir sans objet. Dans une société dynamique, il s’agit donc de redéfinir l’expérience comme la faculté d’actualiser ce qui n’est plus actuel et de comparer avec des éléments qui ne correspondent plus aux données présentes. Par exemple, on observe souvent que si de nouvelles technologies ou de nouveaux principes d’organisation ont pu être introduits avec succès, c’est uniquement en référence à des expériences précédentes réussies: ainsi, une vendeuse âgée ne pourra gagner des clients à une nouvelle technologie que parce qu’elle connaît aussi les «limites sociales» de cette technologie ou parce qu’elle est capable de lier le neuf à l’ancien. Il est vrai que l’innovation donne souvent l’occasion de parler du passé.
Conclusion
Dans l’ensemble, le marché du travail, comme la plupart des entreprises, est confronté en permanence à un triple changement de génération (qui touche le personnel, la clientèle et les produits). Un management moderne vise toujours à maîtriser de manière optimale ce processus de mutation sur trois fronts. Alors que dans les sociétés traditionnelles, les innovations sociales ou techniques devaient être légitimées, aujourd’hui c’est le manque d’intérêt pour l’innovation qui doit se justifier sous la pression sociale. Même le personnel âgé ou depuis longtemps au sein de l’entreprise – et apparemment aussi un certain nombre de retraités – peut de moins en moins échapper à cette pression qui demande d’être constamment innovant. Socialement et professionnellement, les travailleurs vieillissants qui ne maîtrisent pas les nouveautés sociales et technologiques se retrouvent rapidement hors jeu. Voilà pourquoi, dans une société vieillissante mais qui souhaite rester dynamique, l’accent est mis non seulement sur les problèmes d’intégration professionnelle et à l’entreprise des jeunes travailleurs, mais aussi sur le maintien au travail et les capacités productives des travailleurs âgés. Cette exigence est naturellement renforcée par le vieillissement démographique de la population active (travailleurs de plus de 50 ans). À cet égard, l’enseignement mutuel des générations – des jeunes à l’égard des anciens et vice versa – ne cesse de prendre de l’importance.m
Encadré 1: Évolution de la population active
Le scénario «Tendance» de l’Office fédéral de la statistique (OFS) pour 2000-2060 entrevoyait un léger recul de la population active dès 2010. Dans les grandes régions urbaines de Suisse, toutefois, l’immigration de travailleurs étrangers – notamment en provenance d’Allemagne – s’est révélée plus forte que prévue ces dernières années. Dans le scénario «Tendance» 2005-2050 actualisé, on compte dès lors avec un recul de la population active à partir de 2018/2020 seulement. Les scénarios intégrant une immigration plus importante et une participation nettement plus élevée des femmes au monde professionnel font même apparaître une (légère) augmentation de la population active jusqu’en 2040. De même, une diminution du nombre des préretraites et une progression de la part des actifs de 65 ans et plus peuvent contribuer à l’avenir à maintenir la population active en Suisse à un niveau élevé. En revanche, le prolongement de la durée de la vie active ou l’élévation de l’âge de la retraite accentue le vieillissement démographique de la population active. En cas de maintien de l’âge actuel de l’AVS (65+), les travailleurs de plus de 50 ans formeront en 2020 un bon tiers de la population active. Dans l’hypothèse où l’âge de la retraite serait de 67 ans en 2020, près des deux cinquièmes des actifs auraient alors plus de 50 ans, ce qui rendrait encore plus impérative la nécessité d’une bonne gestion des différences d’âges et de générations au sein des entreprises. Quant à la solution d’un renforcement de l’immigration de jeunes travailleurs, elle aurait pour effet de recouvrir – et finalement d’accentuer – les différences intergénérationnelles par des différences culturelles.
Encadré 2: Le mentorat, ou conseil intergénérationnel
Le mentorat est une forme classique de structuration des rapports intergénérationnels au sein de l’entreprise. Il consiste à offrir à de jeunes collaborateurs l’encadrement professionnel ou technique de collègues plus âgés (les mentors). Dans ce système, il est essentiel que le dévouement des mentors pour leurs jeunes collègues soit autant que possible désintéressé. Parce qu’ils ont déjà atteint leurs objectifs en termes professionnels et de carrière, les mentors ne sont pas a priori en concurrence avec la jeune génération et leur parcours professionnel leur confère auprès des jeunes un prestige élevé qu’ils peuvent notamment mettre à profit pour développer les contacts sociaux. Comme le montrent les expériences du secteur privé, les systèmes de mentorat efficaces requièrent des conditions précises.D’abord, ils ne fonctionnent bien que si les professionnels vieillissants restent compétents et maîtrisent les nouvelles techniques d’organisation et de communication. Un mentorat installé dans la durée suppose donc une formation continue des mentors eux-mêmes.Ensuite, étant donné que beaucoup de cadres ont de la peine à passer du rôle de dirigeant à celui de conseiller, les bons mentors sont le plus souvent des personnes qui surmontent les différences entre générations dans la mesure où ils ne font pas que soutenir des jeunes, mais savent aussi en retirer des enseignements et se montrent généralement curieux à leur égard.Enfin, le mentor doit être socialement sensible. Il n’a pas à s’imposer, mais doit se contenter d’intervenir dans l’exacte mesure souhaitée par le jeune. Le mentorat est basé sur une relation empreinte de réserve, mais aussi de rapports personnels. Les deux partenaires doivent accepter pleinement – ce point est capital – leurs différences intergénérationnelles en matière d’expériences et de connaissances. Cette différence est d’ailleurs toute la raison d’être du mentorat.
Encadré 3: Bibliographie
– Clemens W., Höpflinger F. et Winkler R. (éd.), Arbeit in späteren Lebensjahren. Sackgassen, Perspektiven, Visionen, Berne, 2005, Haupt Verlag.- George R. et Struck O. (éd.), Generationenaustausch im Unternehmen, Munich, 2000, Rainer Hampp Verlag.- Graf A., Lebenszyklusorientierte Personalentwicklung. Ein Ansatz für die Erhaltung und Förderung von Leistungsfähigkeit und -bereitschaft während des gesamten betrieblichen Lebenszyklus, Berne, 2002, Haupt Verlag.- Höpflinger F., Beck A., Grob M. et Lüthi A., Arbeit und Karriere: Wie es nach 50 weitergeht. Eine Befragung von Personalverantwortlichen in 804 Schweizer Unternehmen, Zurich, 2006, Avenir Suisse.- Reday-Mulvey G., Encourager une vie professionnelle prolongée, Zurich, 2002, Avenir Suisse.- Riphahn R.T. et Sheldon G., Arbeit in der alternden Gesellschaft: Der Arbeitsmarkt für ältere Menschen in der Schweiz, Zurich, 2006, ZKB.- Union patronale suisse (éd.), Stratégie pour l’emploi des seniors, 2006, Zurich.
Proposition de citation: Hoepflinger, Francois (2007). Le changement de génération sur le marché du travail et dans les entreprises. La Vie économique, 01. juillet.