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Le mécanisme de développement propre nuit-il à la protection internationale du climat?

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Le Mécanisme de développement propre (MDP), établi par le Protocole de Kyoto, joue un rôle-clé dans la politique climatique internationale. Les crédits d’émission liés aux projets de protection climatique réalisés dans les pays en développement ne sont pas très coûteux et favorisent le développement durable… du moins à en croire l’objectif proclamé du MDP. Ils ont, en tout cas, suscité une véritable ruée vers l’or, puisqu’en trois ans seulement, plus de 700 projets totalisant une réduction des émissions estimée à 1 milliard de tonnes de CO2 ont été enregistrés par le Comité exécutif international du MDP. Depuis quelque temps, cependant, le mécanisme suscite le débat. De nombreux projets présentés sous cette étiquette ressemblent en fait à de banales opérations économiques. Dès lors, par quels moyens peut-on garantir l’intégrité environnementale des projets MDP?

Un pont entre le Nord et le Sud pour protéger le climat


En raison d’événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et après la publication d’une série d’études aux résultats préoccupants, la politique en matière de protection climatique est devenue un sujet d’actualité en Europe et, de façon plus surprenante, aux États-Unis. On l’oublie souvent, mais cela fait plusieurs décennies que l’on débat au niveau international de ce bien public qu’est le climat mondial. Les objectifs d’émission contraignants introduits en 1997 dans le Protocole de Kyoto à l’intention des pays industrialisés pour la période 2008-2012 ont été adoucis par divers mécanismes de marché non conventionnels. Le MDP est celui qui va le plus loin, sa portée s’étendant au-delà des pays industrialisés. Il consiste à offrir, pour des projets réduisant les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement, des crédits d’émission qui peuvent être vendus aux pays industrialisés et utilisés par ceux-ci pour atteindre leurs propres objectifs en la matière. Dans la mesure où il fournit aux entreprises et aux gouvernements des pays en développement une incitation concrète à réduire leur production de gaz à effet de serre, le MDP joue un rôle très important pour le développement durable et la politique internationale de protection du climat.

Le «boom» inattendu du MDP


Théoriquement, le MDP devait être opérationnel dès 2000, mais la mise sur pied des institutions et règles d’application nécessaires a repoussé ce délai à 2003. Le premier projet MDP a été officiellement enregistré en décembre 2003. Aujourd’hui, les règles continuent d’être élargies et adaptées. Face à la complexité de cet ouvrage normatif, maints observateurs estimaient au départ qu’il ne jouerait jamais un rôle significatif. Ils ont donc été grandement surpris par son succès, le MDP connaissant depuis la mi-2005 un véritable «boom». Chaque mois, plus de 100 nouveaux projets sont proposés à l’homologation (voir graphique 1). Aujourd’hui, plus de 1500 projets sont en attente, ce qui correspond à une diminution cumulée d’émissions estimée à 2 milliards de tonnes de CO2 jusqu’à fin 2012, d’une valeur totale dépassant 30 milliards de francs aux prix actuels du marché.

Si faire confiance est une bonne chose, contrôler ne l’est pas moins


Pourquoi le MDP a-t-il besoin d’un dispositif juridique compliqué, qui soumet chaque projet à un audit indépendant? Parce que tous ceux qui y participent ont intérêt à exagérer l’importance des réductions d’émission obtenues. Les promoteurs de projets veulent en retirer le maximum de recettes et les acquéreurs de crédits d’émission souhaitent l’offre la plus abondante possible au prix le plus bas. L’idéal serait donc que chaque partie puisse obtenir une quantité maximale de crédits d’émission pour un coût nul. Toutefois, la cause du climat mondial en souffrirait, car à chaque bon MDP correspondent des émissions supplémentaires dans les pays industrialisés. Il faut donc une «banque centrale» pour empêcher l’octroi de crédits d’émission fictifs. Le Comité exécutif du MDP, composé de dix membres sélectionnés au sein de la Conférence des États signataires du Protocole de Kyoto, joue ce rôle. Il accrédite les auditeurs chargés de contrôler et d’attester la conformité réglementaire de chaque projet déposé et de vérifier que ses promoteurs observent la procédure reconnue en matière de mesure des émissions de gaz à effet de serre. Actuellement, 17 entreprises sont agréées en qualité d’auditeurs, dont l’helvétique SGS. Chaque projet doit être formellement enregistré par le Comité exécutif du MDP qui, avec l’aide d’un groupe d’experts, contrôle une nouvelle fois les dossiers proposés. Jusqu’ici, 700 projets ont été homologués, soit la moitié du nombre de projets en attente. En termes de transparence et d’ouverture au public, la procédure MDP est exemplaire. Tous les documents concernant les projets et rapports d’auditeurs sont publiés sur le site du Secrétariat de la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques. Dans un délai d’un mois après la publication d’un dossier, toute personne intéressée peut faire valoir à son sujet un commentaire sur lequel l’auditeur est tenu de se prononcer dans son rapport. Malheureusement, on a trop peu fait usage de cette possibilité jusqu’ici. Si les organisations non gouvernementales (ONG) n’avaient pas, à la fin 2004, retiré leur initiative «CDM Watch» qui visait à évaluer les projets MDP déposés, il est probable que bon nombre des problèmes discutés dans le présent article n’auraient pas la même acuité qu’aujourd’hui.

Le principe de l’additionnalité


Il n’est pas facile de déterminer si un bon d’émission est «authentique». À cet égard, la question fondamentale consiste à savoir si le projet concerné ne doit son existence qu’au caractère incitatif des crédits MDP et présente, donc, un caractère «additionnel». Cette qualité est facile à établir pour certains types de projets qui ne font qu’occasionner des coûts: par exemple l’incinération ou la destruction catalytique du protoxyde d’azote qui se dégage lors de la production d’acides adipique et nitreux, ou le brûlage des gaz de décharge.  L’évaluation de l’additionnalité devient, toutefois, difficile pour les projets qui débouchent sur des productions à valeur commerciale. C’est le cas, par exemple, de tous ceux destinés à produire ou économiser de l’énergie électrique. Il n’existe, toutefois, qu’une seule alternative méthodologique pour déterminer l’additionnalité. On peut définir l’importance des taux de rendement internes du projet MDP pour établir s’ils sont inférieurs à ceux d’une solution de rechange réaliste. Si, par exemple, le rendement annuel d’une installation éolienne est de 15%, contre 30% pour celui d’une installation au charbon, la première est additionnelle. Toute la question est, bien sûr, de savoir si les solutions de rechange évoquées et leur potentiel de rendement sont vraiment réalistes. On peut, sinon, démontrer que le projet s’est heurté à des obstacles considérables que seule l’incitation du MDP a permis de surmonter. Cette approche ouvre, néanmoins, un large champ d’interprétation.

Pourquoi les grands projets destinés à éviter la production de certains gaz chimiques sont-ils pleinement légitimes?


Une grande partie des critiques émises par le public envers le MDP Voir, par exemple, Wara (2007). visent certains projets destinés à réduire un gaz rare à effet de serre émis par l’industrie chimique. Il s’agit du HFC23, dérivé de la fabrication du réfrigérant HFC22. Cette dernière substance n’est plus autorisée dans les pays industrialisés, conformément à la politique internationale de protection de la couche d’ozone stratosphérique, mais sa fabrication et son utilisation sont admises dans les pays en développement jusqu’en 2040. Il existe dans ces régions une vingtaine d’usines fabriquant du HFC22. Moyennant un investissement relativement modeste de 10 à 15 millions de francs, le HFC23 peut y être éliminé. Grâce à son fort potentiel en termes d’effet de serre (11700 fois celui du CO2), à chaque projet d’élimination peuvent correspondre plusieurs millions de bons d’émission par année. À ce compte-là, un crédit ne coûte que 30 à 50 centimes. Étant donné que ces projets sont clairement additionnels, ils sont comparables aux belles pépites que l’on trouve en premier lors d’une ruée vers l’or. Aussi, toutes les fabriques de Chine et d’Inde ont déposé leurs demandes et escomptent d’ici 2012 un demi-milliard de crédits d’émission. Pour le MDP, cependant, la construction de nouvelles installations de production de HFC22 n’est pas admissible. Cette position se justifie pleinement. Les recettes provenant de la vente de bons d’émission liés à cette production seraient, en effet, si élevées que le HFC22 finirait presque par être distribué gratuitement, voire traité comme un déchet. Étant donné qu’il ne s’agit pas seulement d’un gaz à effet de serre, mais aussi d’un destructeur de la couche d’ozone, on comprend qu’une telle situation soit absolument à éviter.

Les auditeurs dansent sur l’air des promoteurs


Les auditeurs indépendants jouent un rôle-clé pour garantir l’intégrité du MDP. Ils devraient se défaire des moutons noirs et éviter de les laisser entrer dans le processus. Malheureusement, dans le mécanisme d’approbation des dossiers, il est de plus en plus évident qu’ils ne manifestent pas toute la prudence requise. C’est ainsi qu’en règle générale, les rapports de validation ne mentionnent pas les raisons pour lesquelles un projet est qualifié d’additionnel. Il est proprement scandaleux que certains auditeurs ignorent les commentaires publics, même formulés dans les délais, lorsque ceux-ci n’émanent pas d’observateurs du processus de changement climatique accrédités par l’ONU. Les règles du MDP stipulent pourtant clairement que tout observateur extérieur est autorisé à faire enregistrer un commentaire. Par ailleurs, des auditeurs n’hésitent pas à reprendre à leur compte pratiquement mot pour mot l’argument, fût-il tiré par les cheveux, d’un promoteur de projet. C’est ainsi que la société norvégienne de certification De Norske Veritas a déclaré sans autres qu’un projet mis en route dès la fin des années nonante en Guinée équatoriale en vue d’exploiter des rejets de gaz naturel jusqu’ici brûlés en torchère satisfaisait bel et bien aux critères du MDP, parce qu’il avait été suspendu en 2000. Dès lors, ajoutait-elle, ce projet, qui porte sur un impressionnant volume de bons d’émission estimé à 2,4 millions par année, peut être considéré comme ayant démarré en 2001 (remplissant ainsi les critères du MDP, qui veulent que pour être étudié et admis, un projet ne doit pas avoir commencé avant le 1er janvier 2000). Quelle est la principale raison de cette complaisance de certains auditeurs? Elle tient au fait qu’ils sont aux prises avec une âpre concurrence pour des mandats de promoteurs. S’ils refusent de valider trop de projets, leur future part de marché diminuera car les promoteurs problématiques ne leur confieront plus de mandats. D’où une tendance à la «dévaluation» des audits. La concurrence a aussi pour effet qu’un nombre croissant d’examens sont confiés à des collaborateurs engagés et formés à la hâte. Les contrôles effectués par les employés expérimentés des sièges des sociétés d’audit dans les pays industrialisés sont de plus en plus superficiels, en raison de la charge de travail croissante.

Une activité comme une autre en Inde?


L’Inde est un pionnier du marché MDP et présente toujours, malgré l’impressionnant rattrapage de la Chine, le plus grand nombre de projets déposés et homologués. L’autorité indienne de validation pratique une politique de laisser-faire. Récemment, dans son discours budgétaire, le ministre indien des Finances a même salué dans le MDP un brillant exemple de secteur économique prometteur. Il n’y a guère de pays où l’économie privée ait davantage conscience des chances offertes par le MDP. Aucun autre non plus n’abrite autant de projets douteux du point de vue de leur additionnalité (voir encadré 1 L’aciérie du groupe suédois JSW installée dans l’État indien du Karnataka rejetait des gaz provenant du traitement métallurgique, des hauts fourneaux et de la cokéfaction. Dans le même temps, elle utilisait du charbon pour produire de l’électricité dans des centrales installées sur place et dont le rendement total avoisinait 500 MW. Le groupe décida de remplacer le charbon par le gaz perdu de la production, en déposant à cette fin deux projets MDP qui devaient fournir annuellement 1,3 million de bons d’émission. Les seuls investissements que le groupe JSW a dû effectuer à cette fin ont été la construction d’une citerne pour stocker la production très fluctuante des gaz, et la pose de quelques kilomètres de conduites. Ces dépenses furent amorties en seulement quelques semaines grâce aux économies réalisées sur les achats de charbon. Le projet n’était donc pas «additionnel». Le groupe JSW affirma, cependant, que l’aciérie et les usines électriques étaient le fait de deux entreprises distinctes. La société exploitant les centrales électriques devait offrir à l’aciérie, pour le gaz, un prix correspondant à celui payé jusqu’ici pour le charbon. Elle n’avait donc aucun intérêt particulier à se convertir au gaz, de sorte que le projet devait être qualifié d’additionnel. Or, il n’a pas été tenu compte du fait que l’exploitant de l’aciérie, donc l’ensemble du groupe, retire désormais un bénéfice de la vente du gaz précédemment perdu. Bien que nous ayons attiré l’attention de la société de validation (la SGS) sur ce point dans un commentaire public, le projet a été entériné.). À quoi cela tient-il? La plupart des projets indiens sont «unilatéraux», dans le sens où leurs promoteurs, lors de la mise en oeuvre effective, n’obtiennent aucun investissement ou financement d’une entreprise issue d’un pays industrialisé, ce qui était en fait l’idée de base du MDP. En général, l’idée de soumettre de tels projets à ce mécanisme ne vient pas des promoteurs indiens eux-mêmes. On trouve, dans leur pays, un grand nombre de sociétés de conseils futées qui se déplacent d’une entreprise industrielle à l’autre pour leur proposer d’établir des dossiers de projets MDP sans, toutefois, leur réclamer immédiatement des honoraires de consultants. Ces derniers consisteront en une participation aux futurs crédits d’émission apportés par le projet. Le promoteur ne court donc aucun risque – aussi propose-t-il volontiers au titre de projets MDP toutes les activités qu’il a de toute façon prévu de réaliser. Pour sa part, le consultant rentre dans ses frais dès l’instant où une partie seulement des projets qu’il a préparés rapportent des crédits d’émission. Quant au gouvernement indien, il est heureux de constater que son pays occupe la première place dans le monde pour le marché des MDP. Il en résulte des projets dont l’additionnalité s’appuie sur des arguments effarants. La situation s’aggrave du fait qu’il existe depuis longtemps en Inde, pour les énergies renouvelables, un système de subventionnement bien rodé qui rend très attrayants les projets de production d’énergie éolienne ou de biomasse. De la sorte, les recettes correspondant aux crédits d’émission ne constituent que la «cerise sur le gâteau» (voir encadré 2 Pour diverses raisons, les installations éoliennes intéressent beaucoup les industriels indiens. Elles donnent lieu à des abattements fiscaux de 80% pour l’année de leur mise en service. En outre, le recours aux éoliennes permet aux investisseurs de réduire massivement leurs frais d’électricité, car ils ne dépendent plus des fournitures du réseau électrique public, à peu près deux fois plus chères que l’énergie éolienne. Les tarifs élevés du courant industriel fourni par le réseau public sont un résultat du subventionnement croisé des fournitures d’électricité aux paysans, politiquement très puissants. Les fabricants de turbines éoliennes fournissent aux investisseurs un ensemble de prestations «sans souci», qui incluent l’entretien et même la garantie d’une fourniture minimale d’électricité. Voici ce que dit le rapport annuel du fabricant de véhicules Bajaj Auto à propos de son projet d’éolienne, qui a été refusé ultérieurement par le Comité exécutif du MDP: «Le projet est en soi extrêmement bénéfique et sa durée d’amortissement est de trois ans, avec un taux de rendement interne de 28%. En plus de réduire les coûts d’énergie de Bajaj Auto, cet investissement est avantageux au titre de l’imposition du chiffre d’affaires et met les bénéficiaires à l’abri de l’impôt sur le revenu» (Bajaj Auto 2002, p. 18-19).).

Pourquoi le Comité exécutif du MDP ne prend-il pas de mesures sévères?


Le Comité exécutif du MDP a certes refusé 20 projets, mais cela ne correspond qu’à 3% de ceux enregistrés jusqu’à présent. La plupart ont échoué parce que leur caractère additionnel n’a pas pu être suffisamment démontré; parmi eux, citons deux projets indiens d’énergie éolienne et hydraulique. Le comité a refusé de manière relativement cohérente des projets utilisant les cendres provenant de centrales au charbon ou d’aciéries en tant qu’additifs pour la production de ciment et visant en principe une baisse des coûts de production: 14 projets de ce type ont été enregistrés et 8 refusés. Même si, par ses refus, le Comité exécutif a donné quelques signaux négatifs tout à fait nécessaires, il n’en continue pas moins d’enregistrer avec empressement des projets beaucoup plus importants qui sont aussi peu «additionnels» que ceux qu’il a refusés. C’est ainsi que le projet décrit dans l’encadré 1 a passé comme une lettre à la poste. De même, deux grands projets indiens d’énergie éolienne de plusieurs centaines de MW ont été homologués, bien qu’ils aient bénéficié d’aides encore plus importantes que les deux projets refusés et mentionnés plus haut. Cela peut seulement s’expliquer par la pression que les grands promoteurs de projet mettent sur le Comité exécutif. Ceux-ci l’ont plusieurs fois menacé de procès, l’ONU n’ayant, malheureusement, pas réussi à assurer à temps l’immunité de ses membres.

Propositions pour sauver le MDP


Si l’on ne s’attaque pas rapidement aux problèmes liés à la mise en oeuvre du MDP, il faut s’attendre à de virulentes attaques – tout à fait justifiées – contre ce mécanisme de la part des représentants des ONG Bond et Dada (2006) montrent à quoi pourraient ressembler ces attaques.. Étant donné que la population, du moins en Europe, est plutôt sceptique à l’égard des mécanismes de marché, une campagne intensive contre le MDP pourrait fort bien conduire à sa disparition. L’intégrité écologique du MDP peut, néanmoins, s’améliorer en faisant appel à un ensemble de mesures relativement simples. Afin qu’ils soient réellement indépendants des promoteurs de projet, les auditeurs devraient être mandatés par le Comité exécutif du MDP et les projets devraient leur être attribués de manière aléatoire. Les promoteurs seraient tenus de verser au Comité exécutif une taxe destinée à couvrir les frais afférents. Enfin, les membres du comité doivent bénéficier d’une immunité personnelle à l’égard des décisions qu’ils prennent. Les éventuels procès seront menés par le Secrétariat de l’ONU sur les changements climatiques.

Graphique 1 «La ruée vers le MDP en chiffres»

Graphique 2 «Proportion de projets non additionnels dans le volume total du MDP et sur l’ensemble des projets»

Encadré 1: Prix de transfert fictifs pour l’exploitation des gaz perdus d’une aciérie suédoise L’aciérie du groupe suédois JSW installée dans l’État indien du Karnataka rejetait des gaz provenant du traitement métallurgique, des hauts fourneaux et de la cokéfaction. Dans le même temps, elle utilisait du charbon pour produire de l’électricité dans des centrales installées sur place et dont le rendement total avoisinait 500 MW. Le groupe décida de remplacer le charbon par le gaz perdu de la production, en déposant à cette fin deux projets MDP qui devaient fournir annuellement 1,3 million de bons d’émission. Les seuls investissements que le groupe JSW a dû effectuer à cette fin ont été la construction d’une citerne pour stocker la production très fluctuante des gaz, et la pose de quelques kilomètres de conduites. Ces dépenses furent amorties en seulement quelques semaines grâce aux économies réalisées sur les achats de charbon. Le projet n’était donc pas «additionnel». Le groupe JSW affirma, cependant, que l’aciérie et les usines électriques étaient le fait de deux entreprises distinctes. La société exploitant les centrales électriques devait offrir à l’aciérie, pour le gaz, un prix correspondant à celui payé jusqu’ici pour le charbon. Elle n’avait donc aucun intérêt particulier à se convertir au gaz, de sorte que le projet devait être qualifié d’additionnel. Or, il n’a pas été tenu compte du fait que l’exploitant de l’aciérie, donc l’ensemble du groupe, retire désormais un bénéfice de la vente du gaz précédemment perdu. Bien que nous ayons attiré l’attention de la société de validation (la SGS) sur ce point dans un commentaire public, le projet a été entériné.

Encadré 2: L’énergie éolienne en Inde: un investissement lucratif, même sans MDP Pour diverses raisons, les installations éoliennes intéressent beaucoup les industriels indiens. Elles donnent lieu à des abattements fiscaux de 80% pour l’année de leur mise en service. En outre, le recours aux éoliennes permet aux investisseurs de réduire massivement leurs frais d’électricité, car ils ne dépendent plus des fournitures du réseau électrique public, à peu près deux fois plus chères que l’énergie éolienne. Les tarifs élevés du courant industriel fourni par le réseau public sont un résultat du subventionnement croisé des fournitures d’électricité aux paysans, politiquement très puissants. Les fabricants de turbines éoliennes fournissent aux investisseurs un ensemble de prestations «sans souci», qui incluent l’entretien et même la garantie d’une fourniture minimale d’électricité. Voici ce que dit le rapport annuel du fabricant de véhicules Bajaj Auto à propos de son projet d’éolienne, qui a été refusé ultérieurement par le Comité exécutif du MDP: «Le projet est en soi extrêmement bénéfique et sa durée d’amortissement est de trois ans, avec un taux de rendement interne de 28%. En plus de réduire les coûts d’énergie de Bajaj Auto, cet investissement est avantageux au titre de l’imposition du chiffre d’affaires et met les bénéficiaires à l’abri de l’impôt sur le revenu» (Bajaj Auto 2002, p. 18-19).

Encadré 3: Indications bibliographiques – Bajaj Auto, Annual report 2001-2002, Pune, 2002.- Bond Patrick et Dada Rehana (éd.), Trouble in the air. Global warming and the privatised atmosphere, CCS Energy Series, Durban, 2006.- Wara Michael, «Is the global carbon market working», Nature, 445, 2007, p. 595-596.

Proposition de citation: Michaelowa, Axel (2007). Le mécanisme de développement propre nuit-il à la protection internationale du climat? La Vie économique, 01. septembre.