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Les possibilités d’utilisation du modèle des coûts standard: analyse du contexte suisse

La réduction des charges administratives supportées par les entreprises est d’une importance capitale pour la Suisse. Il paraît donc judicieux d’analyser les expériences faites au niveau international et de développer des solutions sur mesure pour notre pays. À l’origine, le modèle des coûts standard (MCS) a été créé aux Pays-Bas; puis, d’autres pays européens l’ont adopté. Quelle est la méthode la plus efficace pour réduire les charges administratives en Suisse? Faut-il intégrer progressivement les divers composants des instruments qui existent déjà et qui visent à simplifier la réglementation? Si la réponse est affirmative, il faut les adapter au MCS, comme dans le cas des analyses ex post des lois.

Coûts de l’obligation d’informer


Le MCS est une méthode destinée à mesurer les coûts administratifs que les entreprises doivent acquitter en raison des d’informer contenues dans la réglementation en vigueur. Il faut comprendre par là l’obligation légale de tenir des informations à la disposition des autorités ou de les leur fournir. Toute obligation d’informer peut se décomposer en demandes de données. Les produire entraîne des charges administratives pour l’entreprise. Le MCS consiste, pour l’essentiel, à répartir de manière analytique les réglementations en obligations d’informer, demandes de renseignements, etc.; s’y ajoutent le recensement des activités administratives nécessaires et l’examen des charges administratives qui en découle. Le calcul proprement dit est effectué de manière traditionnelle au moyen d’entretiens par échantillonnage, dont les résultats sont ensuite extrapolés sur la masse. Le résultat de l’évaluation selon le MCS donne la charge administrative en francs occasionnée par la réglementation en question. Dans ce contexte, il faut savoir que les résultats du MCS n’indiquent pas les coûts globaux d’une réglementation. Ils ne permettent pas non plus de tirer des conclusions sur son utilité sociale ou le volume des coûts d’opportunité. L’évaluation selon le MCS peut être réalisée en entier ou en partie. Dans le premier cas, on analyse toutes les réglementations et, dans le second, une ou plusieurs d’entre elles. Une évaluation complète selon le MCS peut faire ressortir les réglementations responsables de charges administratives et les chiffrer en francs. Une mesure partielle permet d’évaluer le volume des charges administratives découlant d’une ou plusieurs réglementations spécifiques. Dans les deux cas, l’analyse détaillée du texte de loi renseigne sur l’origine exacte des charges administratives.

Utilité du MCS


La somme obtenue par le calcul des charges administratives ne doit pas être confondue avec l’utilité d’une évaluation selon le MCS. Cette dernière inspire des réformes; la réduction des charges administratives obtenue en est la justification. L’utilité du MCS se justifie par les informations qu’il produit. Si elles indiquent qu’une réglementation génère des charges administratives, on peut en conclure qu’il existe un espace pour des réformes. Celui-ci dépend davantage de la structure de la réglementation que du montant des charges administratives qu’elle implique. Les résultats quantitatifs de l’évaluation (complète), obtenus selon le MCS, peuvent être utilisés pour accorder un statut de priorité à certaines des réformes prévues. L’évaluation méthodique des textes de loi est une valeur ajoutée évidente du MCS. Même si on sait déjà qu’une réglementation génère des charges administratives, l’analyse détaillée de la base légale au moyen du MCS fournit des informations précieuses sur l’autorité ou l’instance au niveau fédéral qui en est responsable, sur les éléments redondants de la réglementation ou sur les aspects qui peuvent être simplifiés. Cette manière de procéder permet, d’une part, de renforcer la réforme des réglementations en place et, d’autre part, d’optimiser dès le départ celles prévues.

Utilisation du MCS en Suisse


Si on procède à une comparaison internationale, la Suisse connaît bien les charges administratives qui découlent des lois, même si elle n’appréhende pas précisément l’impact et le rôle de certains paragraphes (contrairement aux pays qui ont réalisé une évaluation complète). La démocratie directe et, en particulier, le recours à la procédure de consultation dans le processus de législation entraînent un intense échange d’informations entre l’État (gouvernement et administration) et les entreprises concernées. D’autres sondages ont, en outre, mis en lumière les réglementations dont dérivent les charges administratives. Il faut, dès lors, se poser les questions suivantes pour évaluer l’applicabilité du MCS en Suisse: – est-il approprié dans ce pays? – la valeur des informations supplémentaires obtenues par ce biais justifie-t-elle sa mise en place? – la mise en place doit-elle passer par un nouvel instrument ou par l’intégration des instruments existants? – faut-il une évaluation complète ou partielle? – à quel niveau fédéral le MCS doit-il est mis en place?  Le succès remporté par le MCS dans divers pays européens montre que celui-ci peut efficacement contribuer au traitement des charges administratives. La Suisse doit aussi contrôler régulièrement les réglementations existantes et prévues. On peut donc en déduire que le MCS est adapté à notre pays.

Introduction d’un MCS à la faveur des instruments déjà en place


La Suisse dispose déjà de plusieurs instruments dédiés à la question des charges administratives. Outre la procédure de consultation, il convient de mentionner l’analyse d’impact de la réglementation (AIR), le test de compatibilité PME et le Forum PME. Les éléments du MCS, qui présentent une valeur ajoutée par rapport au statu quo, s’ajoutent aux instruments en place, si bien qu’il est recommandé d’intégrer le MCS dans ces trois instruments. La méthode d’évaluation des textes de loi doit être intégrée dans l’AIR et les résultats ajoutés directement à la procédure de consultation. Ainsi, on peut améliorer considérablement la qualité des informations pour toutes les parties concernées. Dans certains cas, des tests PME doivent être effectués au moyen du MCS sous la forme d’une évaluation ex ante. Comme on réalise de toute façon des entretiens avec les entreprises lors des tests PME, on peut envisager de les structurer selon le MCS, cette procédure fournissant bon nombre d’informations supplémentaires. Le Forum PME pourrait proposer les domaines qui doivent se soumettre à une analyse.

Évaluation de l’ensemble des réglementations au moyen du MCS


Même si, au départ, l’analyse des nouveaux projets de loi – dans le cadre, par exemple, des réformes en cours – est prioritaire, à moyen terme c’est l’ensemble des réglementations suisses qui devrait être analysé ex post à l’aide de la méthode d’évaluation du MCS. On verrait alors clairement les aspects des réglementations qui génèrent des charges administratives. Comme alternative, les réglementations pourraient être réparties en fonction des départements compétents, qui les analyseraient systématiquement. On peut aussi imaginer accorder un droit de propositions au Forum PME, celui-ci indiquant les réglementations prioritaires en cas d’analyse. La valeur du MCS résidant dans les informations obtenues, une telle évaluation n’a d’intérêt que si la volonté politique est suffisamment forte et que ces informations sont utilisées pour mettre en place des réformes (sur le moment ou plus tard). Dans le cas contraire, l’évaluation ne représente qu’une charge administrative de plus pour l’entreprise.

L’utilisation se justifie au niveau cantonal


Les outils destinés à simplifier les réglementations – AIR, test PME et Forum PME – se limitent à l’administration fédérale, il est donc conseillé d’introduire, d’abord, le MCS à ce niveau. Ces instruments – y compris les composants du MCS – peuvent, toutefois, être utilisés au niveau cantonal, leurs avantages étant, en toute logique, valables aux deux échelons politiques. Néanmoins, la coordination et l’assistance de la Confédération sont nécessaires pour atteindre cet objectif, notamment dans les domaines techniques et méthodiques. On peut garantir ainsi que la même méthode est appliquée partout et que des évaluations comparables en ressortent. En échangeant des expériences, on évite, en outre, de recourir plusieurs fois aux processus d’apprentissage. L’analyse des réglementations cantonales selon la méthode du MCS est indiquée, puisqu’on sait qu’une partie des charges administratives proviennent de la législation cantonale. Une analyse adéquate est particulièrement recommandée en amont au cas où il faudrait la réformer. L’évaluation d’une grande partie ou de toutes les réglementations d’un canton peut devenir un problème en termes de coûts, en particulier pour les petits cantons. On peut les réduire si plusieurs cantons analysent leurs coûts ensemble et se répartissent les frais fixes. Des coopérations de ce type seraient judicieuses dans d’autres domaines où la réglementation pourrait être simplifiée, par exemple lors de la réalisation commune de tests de compatibilité PME. Une autre utilisation possible du MCS au niveau cantonal, irréalisable au niveau fédéral, consisterait en des évaluations ex post d’une réglementation dans plusieurs cantons. Un étalonnage des réglementations serait possible; il instaurerait, entre les cantons impliqués, une émulation pour la meilleure architecture réglementaire. De cette manière, on identifierait les bonnes pratiques qui dicteraient la direction que devraient prendre les réformes. Les possibilités d’utilisation du MCS sont plutôt limitées au niveau communal. Ce dernier est, certes, à l’origine de réglementations occasionnant des charges administratives dans les entreprises, mais celles-ci sont peu nombreuses dans les petites communes; un échantillonnage d’entretiens engloberait une grande partie des collectivités. De même, la mise en place d’instruments permanents destinés à simplifier la réglementation impliquerait des ressources élevées. On peut, toutefois, envisager, avec l’aide de la Confédération et des cantons, d’analyser quelques réglementations selon la méthode du MCS.

Perspectives


Les possibilités d’utiliser le MCS citées plus haut ne génèrent pas des coûts élevés dans la mesure où les instruments existants tels que l’AIR, le test PME et le Forum PME sont orientés en fonction des exigences du MCS. Il est, toutefois, important de tenir compte des aspects politico-économiques pour concrétiser ces propositions. Il faut également renforcer la dynamique actuelle de diminution des charges administratives et ne pas la laisser s’affaiblir. Le MCS est une méthode efficace de réduction des charges administratives. Avant d’être mis en place en Suisse «sur une large échelle», il devrait être développé et adapté aux particularités helvétiques, le fédéralisme notamment.

Encadré 1: Sources – AMVAB: www.amvab.dk.- Rapport du Conseil fédéral du 18 janvier 2006: Simplifier la vie des entreprises. Mesures pour réduire les charges administratives et alléger les réglementations, Grundlagen der Wirtschaftspolitik n° 13D, Secrétariat d’État à l’économie SECO, Berne, 2006.- Gouvernement fédéral, Programm Bürokratieabbau und bessere Rechtssetzung. Einführung des Standardkosten-Modells. Methodenhandbuch der Bundesregierung, Statistisches Bundesamt, Wiesbaden, 2006.- Commission européenne, Lignes directrices concernant l’analyse d’impact, SEC (2005) 791, 2005.- Hampton P., Reducing administrative burdens: effective inspection and enforcement, HM Treasury, London, 2005.- International SCM Network to reduce administrative burdens, International Standard Cost Model Manual. Internet: www.administrative-burdens.com.- Ministère des Finances des Pays-Bas, Réduction des charges administratives, en avant toute!, juin 2005. Internet: www.compliancecosts.com .- Ministère norvégien de la Modernisation, eNorway 2009 – the digital leaps, 2005.- OCDE, OECD Reviews of Regulatory Reform, Regulatory Reform in Switzerland: Enhancing Market Openness Through Regulatory Reform, 2006.- Schlange L. E., Administrative Entlastung von kleinen und mittleren Unternehmungen im Kanton Graubünden, enquête à l’attention du Département de l’intérieur et de l’économie du canton des Grisons, 2005.- Ministère suédois de l’Industrie, du Travail et de la Communication, The Swedish Governments Action Plan to reduce administrative burden for enterprises, Stockholm, 2004.- Banque mondiale, Doing Business 2007. Comment réformer, 2006. Internet: www.doingbusiness.org .- World Economic Forum, Global Competitiveness Report (2006-2007), 2006. Internet: www.weforum.org .

Proposition de citation: Jan Slodowicz ; Patrick Zenhäusern ; (2007). Les possibilités d’utilisation du modèle des coûts standard: analyse du contexte suisse. La Vie économique, 01 septembre.