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Une journée de travail à l’OCDE

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pratique un horaire méridional: avant neuf heures du matin, on ne voit presque personne, alors que même après six heures du soir, les bureaux sont tous occupés! Comme dans tout métier informatisé, ma journée commence par un coup d’oeil au courriel: la Suède et l’Australie ont rempli le questionnaire concernant la libéralisation de leurs services publics; le ministère français des Finances demande comment fonctionne la péréquation financière allemande; la déléguée slovaque est prête à participer à une brève étude sur le partage des compétences entre les communes et l’État dans le domaine de la formation; et le ministère portugais de l’Intérieur, qui prépare une réforme complète des finances communales, m’invite à une conférence à Lisbonne.

Ma statisticienne a mis à jour les données nécessaires pour notre publication La péréquation financière dans les pays de l’OCDE. Je passe le reste de la matinée à y apporter les dernières corrections et envoie finalement le document aux délégués du comité pour approbation.

Fédéralisme financier et décentralisation


Depuis fin 2005, je dirige le secrétariat du Réseau OCDE sur le fédéralisme financier. Comme tous les organes de l’OCDE, celui-ci consiste en un comité de 30 membres, qui siège deux fois par an pour fixer le programme de travail, et un secrétariat qui l’exécute. Son agenda regroupe toutes les questions politiques et économiques concernant le fédéralisme financier et la décentralisation: autonomie financière, concurrence fiscale, péréquation financière, freins aux dépenses et à l’endettement au niveau local et régional, transferts intragouvernementaux, collaboration entre les collectivités territoriales, ou encore libéralisation et amélioration des services publics. Parce que l’OCDE ne traitait pas jusqu’ici les questions de fédéralisme financier, ou alors seulement à l’occasion, plusieurs États membres ont décidé en 2003 de fonder un comité particulier. La Suisse y est actuellement représentée par le Département fédéral des finances (DFF) et en fait partie depuis la fondation. C’est surtout grâce au succès de sa gigantesque «Nouvelle péréquation financière» qu’elle fait autorité. L’après-midi commence par une discussion sur les programmes de travail 2008 et 2009 avec les directeurs du Département économique. Il y a deux mois, nous avons demandé aux États membres d’énoncer les thèmes qui avaient leur préférence, mais la réponse n’est pas univoque. De nombreux États souhaitent qu’on traite de la concurrence fiscale, d’autres des transferts intraétatiques, d’autres encore de l’amélioration de l’efficacité des services publics. Ces divergences reflètent les différentes réalités des États membres. Alors que dans certains, les collectivités territoriales sont responsables de presque tous les services publics et lèvent les impôts correspondants, ailleurs, c’est le centre qui est chargé du bien-être général. Certains États connaissent, en outre, une valse des réformes tandis que, pour d’autres, les chiffres clés ne bougent que d’un dixième de point. Beaucoup de questions sont encore ouvertes, peu de choses arrêtées définitivement; le comité sert donc avant tout à échanger des expériences et ne développera sans doute qu’avec le temps une position commune sur la décentralisation, le fédéralisme financier et l’autonomie infranationale.

Dialogue interculturel


Après cela, je discute un nouveau questionnaire avec un collaborateur. À la demande du comité, nous mettons au point un indice de l’autonomie des collectivités locales et régionales en matière de dépenses et avons besoin pour cela d’informations en provenance des États membres. Il s’agit là de dialogue interculturel par excellence: à nous de formuler le questionnaire de façon que les destinataires de 30 pays différents comprennent nos termes, en anglais ou en français. Sur ce point, il ne faut pas seulement bien connaître les institutions, mais faire preuve de tact linguistique, car ce qui est dit n’est pas toujours ce que l’on voulait exprimer. Nous passons l’après-midi avec des dictionnaires et le guide stylistique de l’OCDE pour nous exprimer de façon compréhensible. Heureusement, il s’est développé avec le temps un vocabulaire spécialisé de politique économique, que tous comprennent à peu près de la même manière… et qu’on ne peut souvent traduire dans sa propre langue! Il y a quand même des pannes. Ainsi, ce n’est qu’après avoir expédié le questionnaire de l’année dernière que nous nous sommes rendu compte que plusieurs États ignoraient complètement le terme de «péréquation financière», bien qu’ils appliquent des procédures analogues. À la fin de l’après-midi, j’ai enfin le temps de survoler deux études sur la concurrence fiscale et la croissance des dépenses au niveau communal. Je réponds, en outre, oui aux organisateurs de Lisbonne. Les «missions» – ce terme en dit long sur l’image que l’OCDE se fait d’elle-même – donnent au secrétariat l’occasion d’inscrire plus solidement son travail dans la politique des États membres. Grâce au bon réseau des transports publics de Paris, le retour à la maison se fait sans problème. À moins que la station de métro ne soit justement fermée à cause d’une réunion des ministres de l’OCDE!

Proposition de citation: Hansjörg Blöchliger (2007). Une journée de travail à l’OCDE. La Vie économique, 01 octobre.