L’impact pour les pays tiers de la libéralisation du commerce des services et des investissements en Asie
Les États membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) sont de plus en plus actifs en matière de libéralisation et d’intégration commerciale dans le domaine des services, dans leur propre région aussi bien qu’avec des tiers partenaires de première importance, comme la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Ce processus de libéralisation a pris la forme d’accords commerciaux régionaux, tel l’Accord-cadre de l’Asean sur les services (Afas), mais comprend aussi des accords de libre-échange (ALE) bilatéraux. Si certains des accords commerciaux préférentiels ne vont pas de manière significative au-delà des règles et des engagements pris dans le cadre du système commercial multilatéral, d’autres, en revanche, dépassent de beaucoup la portée des obligations et des règles de l’OMC. Les derniers développements observés dans ce domaine soulèvent d’importantes questions quant à leurs effets potentiels, positifs ou négatifs, sur des pays tiers Le présent article se fonde sur un travail de recherche effectué pour le compte du Seco et cosigné avec Lauge Skovgaard Poulsen, Lior Herman et Edward M. Graham; voir Sauvé et al. (2007). Les opinions qui y sont exprimées sont celles de ses auteurs, mais ne représentent pas nécessairement la position du Seco ou de la Suisse..
L’Accord-cadre de l’Asean sur les services (Afas)
L’Afas offre un cadre pour la libéralisation progressive des services au sein des États membres de l’Asean (voir encadré 1 L’Asean réunit 10 pays de l’Asie du Sud-Est: Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie/Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Jusqu’ici, l’Asean a été l’une des associations régionales qui a eu le plus de succès parmi les pays en développement. Son PIB cumulé (à parité de pouvoir d’achat) totalisait 2860 milliards d’USD à la fin de 2006, soit en gros 4,3% du PIB mondial, tandis que ses exportations ont atteint 769 milliards d’USD, ou quelque 8% des exportations mondiales. L’objectif suprême de la zone de libre-échange de l’Asean (Afta), en tant que région productive tournée vers le marché mondial, est d’accroître le niveau de compétitivité de ses pays membres par la libéralisation du commerce et des investissements autant que par le resserrement de la coopération économique. Actuellement, quatre principaux accords Asean cherchent à atteindre cet objectif. Ce sont:- l’Accord relatif aux tarifs préférentiels communs pour la zone de libre-échange Asean (CEPT-Afta), signé en 1992;- l’Accord-cadre de l’Asean sur les services (Afas), signé en 1995;- l’Accord fondamental sur la coopération industrielle de l’Asean (AICO), signé en 1996;- l’Accord-cadre sur la zone d’investissement de l’Asean (AIA), signé en 1998.), fondée sur une série de réglementations semblables à celles de l’AGCS Accord général sur le commerce des services. et sur la négociation périodique de disciplines qui fixent collectivement des séries d’engagements individuels pris par les pays de l’Asean en matière de libéralisation dans des secteurs spécifiques. Les efforts portent en priorité sur le transport aérien, les services commerciaux, la construction, les services financiers et maritimes, les télécommunications, le tourisme et les services professionnels (à ce jour, au moyen d’accords de reconnaissance mutuelle dans les domaines de l’ingénierie et des services du personnel infirmier). Les engagements pris au titre de l’Afas s’étendent, en outre, à toute une série d’autres secteurs des services dans les programmes individuels des États signataires. La présente étude a évalué les réalisations de l’Afas pour aboutir aux conclusions développées ci-après.
Règles
Peu de progrès ont été enregistrés sous le régime de l’Afas en matière de réglementation des services, à deux notables exceptions près: – d’abord, les membres de l’Asean ont conclu deux accords de reconnaissance mutuelle (ARM) sur les régimes de licences et de pratique professionnelle concernant les services d’ingénierie et du personnel infirmier; ils sont sur le point d’adopter un troisième ARM sur l’architecture. Les accords de ce type définissent des principes et des institutions destinés à faciliter les mouvements transfrontières de personnes; – ensuite, la règle d’origine pour le mode 3 des services (établissement d’une présence commerciale) étend le bénéfice de la libéralisation interne de l’Asean aux personnes morales qui réalisent d’importantes opérations commerciales sur les territoires des États signataires de l’Afas. Les règles de l’Afas demeurent en deçà de celles de l’AGCS à maints égards, avec des disciplines généralement faibles sur les réglementations en matière de transparence et de non-discrimination dans leur application interne. Notons encore qu’il ne peut être fait état d’aucun progrès, dans le cadre de l’Afas, à propos des mesures de sauvegarde immédiates pour le commerce des services, sujet sur lequel les pays de l’Asean sont restés en position de demandeurs dans les discussions de l’OMC/AGCS.
Étendue et profondeur de la libéralisation
Les cinq trains de libéralisation progressive négociés à ce jour dans le cadre de l’Afas étendent de quelque 50%, estime-t-on, la portée des engagements sous-sectoriels pris actuellement par les pays membres de l’Asean dans le cadre de l’AGCS. Néanmoins, de telles décisions n’améliorent, dans beaucoup de cas, que marginalement les engagements pris ou offerts dans ce cadre. Au sein de l’Asean, la Thaïlande, l’Indonésie et les Philippines ont, certes, étendu de manière significative leurs engagements en matière de libéralisation par rapport à l’AGCS. De tels gestes tendent, toutefois, à mettre en évidence la minceur de leurs engagements actuels devant l’OMC ou l’insuffisance de leurs offres faites dans le cadre du processus de Doha, plutôt que la profondeur de leurs concessions au titre de l’Afas.
Conséquences pour la Suisse
Selon l’étude, l’on peut s’attendre à ce que les effets de diversion commerciale liés à la libéralisation des services dans le cadre de l’Afas soient limités, du fait de la marge préférentielle relativement faible prévue dans les engagements Afas des États membres de l’Asean et de leur attitude libérale à l’égard des investisseurs de pays tiers. On ne peut, toutefois, exclure que la libéralisation de l’Afas, si elle est approfondie, puisse avoir des répercussions négatives pour les fournisseurs de pays tiers, particulièrement dans les modes 1 (fourniture transfrontière), 2 (consommation à l’étranger) et 4 (mouvement de personnes physiques), de sorte que la Suisse serait bien avisée de cibler les récents engagements Afas, notamment ceux des modes 1 et 4, dans ses tractations au sein de l’OMC avec des partenaires importants de l’Asean. De plus, comme certains secteurs prioritaires de l’Afas comprennent des domaines intéressants pour la Suisse, tels les services logistiques, financiers et commerciaux, les autorités helvétiques devront sans doute réfléchir au moyen de s’assurer un accès préférentiel sur la même base (parité Afas ou parité UE-Asean) que les principaux partenaires commerciaux et concurrents de la Suisse.
Les accords commerciaux préférentiels asiatiques avec les pays tiers
Les États asiatiques ont déjà conclu 25 accords réglementant le commerce des services; en outre, une quarantaine de négociations supplémentaires sont en cours. Le réseau d’accords commerciaux préférentiels couvrant les services dans lequel les pays de l’Asean se sont impliqués ces dernières années avec des partenaires extérieurs s’agrandit et peut se définir comme un Afas+ et un AGCS+ eu égard à la fois à la réglementation (bien que sur ce point de manière moins systématique) et à l’ouverture des marchés (ici de manière quasi systématique, particulièrement dans les accords conclus avec les États-Unis).
Règles
Les avancées comprennent des règles nouvelles et améliorées régissant le commerce et les investissements dans le domaine des services financiers, de la transparence des réglementations et des télécommunications. Un certain nombre d’accords commerciaux préférentiels définissent aussi des standards, principes et disciplines favorisant le mouvement des personnes physiques dans certains secteurs professionnels et encouragent la coopération réglementaire et d’autres formes de coopération dans divers domaines de la politique des services, tels que les PME ou la recherche et le développement (R&D). Pas moins de 40% de la totalité des accords commerciaux préférentiels passés entre pays membres de l’Asean et pays tiers (ceux de l’AELE exceptés) reposent en matière d’ouverture du marché sur une approche par liste négative, encore que les gains de transparence et de libéralisation varient en fonction de la portée sectorielle et de l’importance des réserves annexées (voir encadré 2 Près de la moitié (12 sur 25) des ACP de l’Asie du Sud-Est couvrant les services reposent sur l’approche de l’AGCS qui utilise des listes d’engagement hybrides. Cette approche combine une énumération de secteurs, sous-secteurs et modes de fourniture que chaque pays s’engage à libéraliser et une liste négative où des domaines spécifiques sont soustraits à l’obligation générale de ne pas restreindre les importations de services.Une autre méthode réside dans l’approche par liste négative, qui veut que toutes les mesures restreignant le commerce et l’investissement dans les services soient automatiquement exclues, à moins de faire l’objet d’une limitation mentionnée spécifiquement dans les annexes de l’accord (y compris celles permettant de futures limitations). 10 ACP d’Asie du Sud-Est sur 25 couvrant les services reposent sur cette méthode.Une troisième approche est celle de la liste purement positive, dans laquelle les membres spécifient uniquement les engagements exempts de restrictions dans des secteurs, sous-secteurs et modes de fourniture spécifiques. Il n’existe que deux accords semblables en Asie du Sud-Est. Tous deux concernent la Chine et les territoires douaniers séparés lui appartenant (Hong Kong et Macau).L’étude des engagements pris dans les accords commerciaux préférentiels d’Asie en matière de services invite à nuancer quelque peu la conviction passablement répandue selon laquelle une liste négative s’accompagne nécessairement d’une libéralisation plus importante et transparente. Bien que l’on puisse s’attendre à pareil résultat en ce qui concerne du moins la transparence de la réglementation, le diable se cache souvent dans les détails – de sorte que si certains accords fondés sur la liste négative fournissent un tableau très clair des obstacles réglementaires existants, d’autres, en revanche, ne sont pas aussi transparents qu’on serait en droit de l’attendre en raison du recours à de larges limitations sectorielles ou «modales», ou encore de l’exclusion de catégories entières de mesures (subnationales, p.ex.).).
Étendue et profondeur de la libéralisation
La profondeur de la libéralisation varie considérablement d’un bout à l’autre de l’échantillon d’accords commerciaux préférentiels passés en revue dans l’étude. Le maintien de barrières bloquant l’accès au marché est nettement plus fréquent dans le cadre de tels accords que dans les engagements actuels envers l’AGCS des pays membres de l’Asean ou leurs propositions dans le cycle de Doha. En termes «modaux», de substantielles améliorations AGCS+ ont été obtenues en ce qui concerne le mode 3. On note aussi des progrès dans certains accords concernant le mouvement des personnes physiques (mode 4), sauf dans les récents accords avec les États-Unis. Notons, cependant, que dans les domaines 3 et 4, les engagements demeurent assortis de nombreuses restrictions, de sorte que la libéralisation intégrale est plus poussée (que sous le régime de l’AGCS) pour les modes 1 et 2.
Conséquences pour la Suisse
La Suisse pourrait subir des effets de diversion – autrement dit être désavantagée en raison de la non-extension de l’accès préférentiel à des secteurs intéressants pour elle – plus graves dans le cas des accords commerciaux préférentiels asiatiques entrés en vigueur que dans le cadre de l’Afas. De tels effets diffèrent selon les secteurs et les modes de fourniture aussi bien qu’en fonction des membres individuels de l’Asean et de leur importance pour la Suisse en tant que partenaires commerciaux et d’investissement. Les possibilités de diversion du commerce qui méritent un examen attentif de la part des négociateurs suisses sont liées aux points que voici: – Brunei: services d’architecture, d’ingénierie, informatiques, modes 1 et 2; – Laos: tous les secteurs dans les modes 1, 2 et 3; services professionnels, financiers et de distribution; – Philippines: services d’ingénierie, financiers et de transport aérien; – Singapour: modes 1 et 2, ainsi que services financiers; – Thaïlande: services de distribution, d’architecture et d’ingénierie, de transport aérien et financiers. La plupart des accords commerciaux préférentiels entrés en vigueur entre des membres individuels de l’Asean et des pays tiers tendent à choisir une règle d’origine libérale pour des investissements dans les services: autrement dit une clause dite de «refus des avantages» qui accorde l’entier bénéfice du processus d’intégration aux investisseurs, y compris ceux de pays tiers qui entretiennent un volume substantiel d’opérations commerciales dans n’importe quel État signataire de l’accord commercial préférentiel. Un tel choix comporte un potentiel généralement limité de diversion des investissements préjudiciable aux opérateurs suisses, qu’ils soient établis ou désireux d’entrer sur ces marchés à la faveur d’une présence commerciale. Notons, toutefois, que le haut degré de protection résiduel des marchés des services de l’Asean dans plusieurs secteurs intéressant le commerce helvétique donne à penser que des accords individuels bilatéraux ou un accord approfondi de l’AELE avec l’Asean dans son ensemble pourraient être avantageux dans tous les secteurs clés.
Libéralisation préférentielle des investissements en Asie
Les accords bilatéraux d’investissement constituent l’instrument traditionnel de protection des investisseurs étrangers. Au fil du temps, ils se sont enrichis de dispositions toujours plus nombreuses en ce domaine et ont inclus des mesures de libéralisation aussi bien que le règlement des différends, y compris pour l’arbitrage entre l’État et l’investisseur. L’étude porte son attention sur les dispositions essentielles liées à l’investissement dans un éventail de 19 accords commerciaux et d’investissement préférentiels de pays asiatiques et évalue leurs implications sur les investisseurs de pays tiers, y compris la Suisse. Étant donné que les investisseurs en services sont souvent traités séparément, les interactions entre investissement et services font aussi l’objet de discussions. À cet égard, les principaux constats de l’étude sont les suivants.
Définition
La plupart des accords commerciaux préférentiels de la région – y compris les deux passés par l’AELE avec la Corée et Singapour – appliquent une définition large des investissements «fondée sur les actifs», alors que, dans le cas des services, ils en retiennent une définition plus étroite «fondée sur l’entreprise». La plupart des définitions liées à la «présence commerciale» exigent la propriété ou le contrôle par des personnes physiques ou morales couvertes par l’accord, conformément aux règles d’origine ou à la clause de refus des avantages.
Règles d’origine
En général, les règles d’origine qui s’appliquent aux services et à l’investissement sont passablement libérales. Le critère d’origine le plus restrictif pour les personnes morales – celui de la propriété et du contrôle – n’est impératif que dans deux des accords commerciaux préférentiels passés en revue. Les personnes morales suisses constituées ou organisées de toute autre façon sous les lois d’un État signataire et menant de substantielles opérations commerciales sur son sol – ou, dans certains cas, sur le territoire de n’importe quel État signataire – jouissent donc d’un traitement préférentiel dans la plupart des accords. Les règles d’origine pour les personnes physiques étendent les bénéfices aux résidents permanents dans un certain nombre d’accords qui incluent ceux de l’AELE (avec la possibilité de limitations pour des catégories particulières de fournisseurs de services). Ce n’est pas le cas, cependant, des accords passés ou actuellement négociés avec les États-Unis ou l’UE. Même si les règles d’origine sont généralement libérales, les restrictions d’accès au marché touchant les services – par exemple sous la forme d’un plafonnement des participations en actions étrangères – n’en continuent pas moins de réduire substantiellement le champ d’application des accords dans certains cas. Par contraste, certains pays comme Singapour ont pris des engagements non négligeables en matière d’accès au marché. Les États ayant signé des accords commerciaux préférentiels avec l’AELE – la Corée et Singapour – semblent s’être engagés en faveur d’obligations d’accès plus «profondes» dans les accords de même type conclus avec les États-Unis aussi bien que dans ceux passés entre eux.
Traitement national
Les accords de l’AELE règlent la question du traitement national (TN) sur la base d’une liste positive pour les services et d’une liste négative pour les investissements, alors que d’habitude les partenaires de l’association – Corée et Singapour – utilisent des listes négatives pour les services et les investissements dans leurs autres accords. Tandis qu’une analyse en profondeur des programmes des secteurs et sous-secteurs de chaque pays est nécessaire pour établir si certaines obligations ont une plus large portée dans tel accord plutôt que dans tel autre, l’approche par la liste négative propre aux autres accords de services des partenaires de l’AELE dénote un champ d’application plus large.
Nation la plus favorisée
La plupart des accords commerciaux préférentiels comportent une clause de la nation la plus favorisée (NPF). Celle-ci est particulièrement utile pour les investisseurs des secteurs extérieurs aux services puisqu’ils ne jouissent pas du traitement NPF à l’échelle multilatérale, contrairement aux fournisseurs de services qui bénéficient du régime de l’AGCS. Dans le contexte des accords commerciaux préférentiels asiatiques, cependant, la tendance à admettre de larges exceptions au traitement NPF réduit son importance pratique. Les accords inspirés de l’Alena – comme celui signé entre les États-Unis d’une part, la Corée et Singapour de l’autre – permettent aux parties de bénéficier du meilleur traitement accordé à des tiers dans tout autre accord commercial préférentiel signé après – mais pas avant – l’entrée en vigueur du premier. Dès lors que les plus récents accords tendent à inclure des engagements plus larges, l’approche Alena à l’égard de la NPF – même si elle n’est pas encore parfaite – est davantage en mesure de «multilatéraliser» les engagements préférentiels.
Règlement des différents
À l’exception de ceux de l’UE, tous les accords commerciaux préférentiels couvrant les investissements offrent aux investisseurs le choix, en matière de règlement des différends les opposant aux États, entre le recours au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), sous les auspices de la Banque mondiale, ou l’usage de procédures ad hoc fondées dans la plupart des cas sur la législation, reconnue internationalement, de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (Cnudci). Les investisseurs en services ne peuvent soumettre un différent à un arbitrage État-investisseur si celui-ci n’est pas couvert par le chapitre relatif aux investissements Ils doivent ainsi s’en remettre à un arbitrage ad hoc entre États. Les accords des États-Unis avec les partenaires de l’AELE – Corée et Singapour – couvrent les investisseurs en services aussi bien que ceux qui n’opèrent pas dans ce domaine. Les sociétés américaines de services ont dès lors accès à l’arbitrage État-investisseur pour tous les aspects intéressant les investissements en services, alors que dans les accords de l’AELE, le TN et la NPF se rapportant à la présence commerciale ne sont pas visés par le mécanisme État-investisseur. La Suisse, cependant, a systématiquement inclus les clauses d’arbitrage État-investisseur dans les nombreux accords bilatéraux d’investissement qu’elle a signés ces deux dernières décennies. De fait, son réseau d’accords concernant la promotion et la protection des investissements est le plus dense du monde après ceux de la Chine et de l’Allemagne.
Encadré 1: Le processus d’intégration de l’ Asean L’Asean réunit 10 pays de l’Asie du Sud-Est: Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Birmanie/Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Jusqu’ici, l’Asean a été l’une des associations régionales qui a eu le plus de succès parmi les pays en développement. Son PIB cumulé (à parité de pouvoir d’achat) totalisait 2860 milliards d’USD à la fin de 2006, soit en gros 4,3% du PIB mondial, tandis que ses exportations ont atteint 769 milliards d’USD, ou quelque 8% des exportations mondiales. L’objectif suprême de la zone de libre-échange de l’Asean (Afta), en tant que région productive tournée vers le marché mondial, est d’accroître le niveau de compétitivité de ses pays membres par la libéralisation du commerce et des investissements autant que par le resserrement de la coopération économique. Actuellement, quatre principaux accords Asean cherchent à atteindre cet objectif. Ce sont:- l’Accord relatif aux tarifs préférentiels communs pour la zone de libre-échange Asean (CEPT-Afta), signé en 1992;- l’Accord-cadre de l’Asean sur les services (Afas), signé en 1995;- l’Accord fondamental sur la coopération industrielle de l’Asean (AICO), signé en 1996;- l’Accord-cadre sur la zone d’investissement de l’Asean (AIA), signé en 1998.
Encadré 2: Une approche par liste négative, positive ou hybride à la manière de l’AGCS? Près de la moitié (12 sur 25) des ACP de l’Asie du Sud-Est couvrant les services reposent sur l’approche de l’AGCS qui utilise des listes d’engagement hybrides. Cette approche combine une énumération de secteurs, sous-secteurs et modes de fourniture que chaque pays s’engage à libéraliser et une liste négative où des domaines spécifiques sont soustraits à l’obligation générale de ne pas restreindre les importations de services. Une autre méthode réside dans l’approche par liste négative, qui veut que toutes les mesures restreignant le commerce et l’investissement dans les services soient automatiquement exclues, à moins de faire l’objet d’une limitation mentionnée spécifiquement dans les annexes de l’accord (y compris celles permettant de futures limitations). 10 ACP d’Asie du Sud-Est sur 25 couvrant les services reposent sur cette méthode.Une troisième approche est celle de la liste purement positive, dans laquelle les membres spécifient uniquement les engagements exempts de restrictions dans des secteurs, sous-secteurs et modes de fourniture spécifiques. Il n’existe que deux accords semblables en Asie du Sud-Est. Tous deux concernent la Chine et les territoires douaniers séparés lui appartenant (Hong Kong et Macau).L’étude des engagements pris dans les accords commerciaux préférentiels d’Asie en matière de services invite à nuancer quelque peu la conviction passablement répandue selon laquelle une liste négative s’accompagne nécessairement d’une libéralisation plus importante et transparente. Bien que l’on puisse s’attendre à pareil résultat en ce qui concerne du moins la transparence de la réglementation, le diable se cache souvent dans les détails – de sorte que si certains accords fondés sur la liste négative fournissent un tableau très clair des obstacles réglementaires existants, d’autres, en revanche, ne sont pas aussi transparents qu’on serait en droit de l’attendre en raison du recours à de larges limitations sectorielles ou «modales», ou encore de l’exclusion de catégories entières de mesures (subnationales, p.ex.).
Encadré 3: Effets sur le commerce des accords commerciaux et d’investissement À la vue du récent développement spectaculaire des flux commerciaux en Asie et des influences respectives de la politique, de la technologie et des marchés sur les schémas de l’intégration régionale, la principale conclusion qui s’impose est que les mutations technologiques, les marchés et le secteur privé, en particulier les entreprises internationales – autrement dit les investissements directs étrangers (IDE) -, ont joué un rôle déterminant dans le renforcement de cette intégration. À ce jour, les études empiriques montrent que le commerce préférentiel et les accords d’investissement (ACP) n’ont eu qu’une incidence limitée sur le processus d’intégration économique de l’Asie, étant donné que les efforts de libéralisation les plus significatifs avaient un caractère unilatéral. Le degré d’interpénétration commerciale croissant que l’on observe dans les régions d’Extrême-Orient et d’Asie du Sud-Est est étroitement associé à des changements dans l’organisation industrielle et à la diffusion de la pratique de la division internationale du travail, ou encore à la fragmentation de chaînes d’approvisionnement intégrées verticalement. La rapide croissance économique de cette région a pour autre conséquence le renforcement du rôle qu’y joue le commerce intrarégional. Des signes incontestables montrent, cependant, que les forces à l’oeuvre dans le processus d’intégration asiatique sont en train de changer, surtout à cause des difficultés prolongées rencontrées lors des négociations commerciales multilatérales, mais aussi devant l’émergence de la Chine et de l’Inde considérées comme des géants régionaux, avec leur cortège de risques concurrentiels et d’opportunités. La récente évolution des négociations d’ACP ne peut pas être considérée comme dénuée de risques: les premiers, communs à tous les ACP, peuvent découler d’une prolifération d’accords en termes d’effets de diversion commerciale et d’investissement; il faut y ajouter ceux provenant des coûts de transaction, des appels au protectionnisme et de la complexité générale grandissante de l’environnement commercial que peuvent faire subir aux commerçants et investisseurs de pays tiers une multiplicité de disciplines entrelacées, particulièrement au titre des règles d’origine s’appliquant au commerce des biens et services. La possibilité pour les investisseurs et prestataires de services suisses de tirer profit, en tant que pays tiers, du commerce préférentiel et de la libéralisation des investissements en Asie implique que les ACP asiatiques conservent des clauses libérales en matière de refus des bénéfices et de règles d’origine dans les domaines des services et des investissements.
Encadré 4: Bibliographie – Fink Carsten et Molinuevo, East Asian Free Trade Agreements in Services.- Roaring Tigers or Timid Pandas?, East Asia and Pacific Region, rapport n°40175, Banque mondiale, Washington, 2007. Disponible sur http://go.worldbank.org/5YFZ3TK4E0.- Sauvé P., Skovggard Poulsen L., Herman L. et Graham E. M., Preferential services and investment liberalization in Asia: implications for Switzerland, rapport établi pour le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), Berne, 2007.
Proposition de citation: Sauve, Pierre (2007). L’impact pour les pays tiers de la libéralisation du commerce des services et des investissements en Asie. La Vie économique, 01. novembre.