Les facteurs déterminant la répartition internationale des revenus
Durant ces deux dernières décennies, on a observé un retournement de tendance dans l’évolution de la répartition internationale des revenus. En effet, tant dans certains pays industrialisés que dans divers pays en développement (PED), l’écart entre les revenus s’est de nouveau creusé, alors qu’il s’était (parfois fortement) amenuisé durant les décennies précédentes. Les scientifiques ont identifié une série de facteurs qui peuvent être responsables de cette évolution et permettraient d’expliquer les inégalités entre nations. Parmi ces facteurs, on citera notamment la structure économique et son évolution, les conditions institutionnelles et, enfin, les différences politiques en matière fiscale, sociale et d’éducation.
Depuis qu’elle existe, l’économie s’attache à examiner les questions de répartition des revenus entre les groupes sociaux et entre les classes sociales ainsi que les problèmes (qui y sont liés) de la pauvreté et du développement économique. Si les économistes «classiques», comme David Ricardo et Karl Marx, se sont déjà préoccupés des questions de répartition, ces dernières occupent actuellement une place prépondérante, notamment dans la recherche en matière d’économie du développement, dans le cadre de la théorie de la croissance et dans le domaine de la nouvelle économie politique. La recherche moderne en matière de répartition ne se penche plus tant sur la répartition des revenus entre les différents groupes sociaux ou entre les classes sociales que sur celle qui affecte les personnes. Cette dernière peut être mesurée à l’aune de différents instruments, les plus répandus étant le coefficient de Gini et les quantiles de revenu (voir encadré 1 Les méthodes de mesure de la distribution des revenus
Le coefficient de Gini
Le coefficient de Gini mesure la concentration relative des revenus ou, en d’autres termes, leur inégalité. Sa valeur évolue entre 0 (répartition égale) et 1 (inégalité de répartition maximale). Le coefficient de Gini se base sur la courbe de Lorenz, qui met en relation les groupes de ménages (en partant des plus faibles revenus) et leur participation à l’ensemble des revenus. En d’autres termes, cette courbe représente la partie des revenus que réalise une certaine proportion de la population. Si la répartition des revenus était parfaitement égale, la courbe de Lorenz serait une droite linéaire avec une pente de 45 degrés (courbe de la répartition parfaite). Le coefficient de Gini permet de mesurer l’écart entre la courbe de la répartition parfaite et celle de Lorenz. C’est pourquoi, en cas de répartition parfaite, le coefficient de Gini vaut zéro; de l’autre côté, si la totalité des revenus sont concentrés sur une seule personne (répartition la plus inégale), le coefficient de Gini vaut 1. Par conséquent, si celui-ci augmente, cela signifie que l’inégalité des revenus augmente également. Malgré différentes limites, le coefficient de Gini est l’indicateur le plus souvent utilisé dans la plupart des pays pour chiffrer la répartition des revenus; toutes les organisations internationales l’utilisent.
Les quantiles de revenu
Ils indiquent le pourcentage d’un certain groupe de revenus par rapport au revenu global, par exemple le pourcentage par rapport au revenu global que réalisent les 10% touchant les revenus les plus élevés. Enfin, la valeur 90/10 indique le rapport entre le revenu total des 10% les mieux rémunérés et celui des 10% les moins bien lotis. Ce rapport figure souvent dans les statistiques internationales à côté du coefficient de Gini.).
Les données concernant la répartition à la Banque mondiale
La Banque mondiale récolte depuis de nombreuses années, et dans un grand nombre de pays, des données relatives à la répartition des revenus. Des normes de qualité ont été définies pour permettre leur comparaison. En général, les coefficients de Gini sont calculés sur la base d’études de ménages et se fondent sur le revenu de ces derniers. Faute de données relatives à certains PED, on a calculé leur coefficient de Gini d’après la consommation et non pas le revenu. Le tableau 1 présente un choix de données relatives à la répartition des revenus, tiré du World Development Report 2006 de la Banque mondiale; on a choisi pour chaque région le pays présentant la plus faible inégalité dans la répartition de ses revenus, celui souffrant de la plus forte inégalité ainsi que quelques autres pays. À l’échelle mondiale, les pays présentant la plus faible inégalité dans la répartition de leurs revenus sont la Hongrie et Taiwan, dont les coefficients de Gini sont de 0,24. C’est en Namibie que la disparité entre les revenus est la plus flagrante avec un coefficient de Gini de 0,70. Il est, par ailleurs, intéressant de relever qu’à Taiwan, les 10% les plus riches perçoivent au total un revenu à peine 3 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres tandis que, dans le même temps, les 10% les plus riches en Haïti (le World Development Report 2006 ne fait pas mention des quantiles de revenu en Namibie) touchent plus de 45 fois le revenu des 10% les plus pauvres. En ce qui concerne les différences de revenus entre les pays, d’une part, et en leur sein même, d’autre part, elles sont les plus faibles dans les pays occidentaux industrialisés et dans les États (anciennement communistes) d’Europe de l’Est. En Asie, ces différences sont aussi relativement faibles. C’est entre les pays (et au sein des pays) d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes que l’on observe les plus grandes inégalités entre les revenus.
Évolution de la répartition mondiale des revenus
Quant à l’évolution historique (observée sur plusieurs années) de la répartition des revenus au sein des nations, elle ne peut être étudiée de manière approfondie que depuis quelque temps, grâce à l’existence de données temporelles détaillées. On a analysé cette évolution pour une série de pays industrialisés Voir Piketty T., «Income Inequality in France 1901-1998», Journal of Political Economy, 111, 2003, p. 1004-1042; Piketty T. et Saez E., «Income Inequality in the United States, 1913-1998», Quarterly Journal of Economics, 118/1 2003; Atkinson A.B., Income Inequality in OECD Countries: Data and Explanations, CESifo Working Paper 881, février 2003; Dell F., Piketty, T. et Saez, E.: Income and Wealth Concentration in Switzerland over the 20th Century, CEPR Discussion Paper No. 5090, 2005.. Selon ces études, l’inégalité entre les revenus a fortement baissé au sein de tous les pays considérés, durant la première moitié du XXe siècle. Ainsi, en France et aux États-Unis, le pour cent le plus riche de la population gagnait près de 20% de la masse totale des revenus du pays au début du siècle précédent; jusqu’à la fin des années septante, ce rapport avait fondu jusqu’à environ 8%. Dans d’autres pays, comme le Canada, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, l’évolution historique de la répartition des revenus était comparable: comme l’a observé Simon Kuznets en 1955, elle dessinait, pour tous ces pays, une courbe en «U inversé» (voir encadré 2 En 1955, Simon Kuznets a posé comme hypothèse qu’il existait une relation en «U inversé» entre la croissance économique et la répartition des revenus. Se fondant sur les données empiriques relatives à plusieurs pays, il est arrivé à la conclusion que, durant une période de développement, l’inégalité de la répartition des revenus dans un pays se divisait en trois phases: une augmentation, une stabilisation au sommet et, enfin, une diminution. Il expliquait ces phases par l’évolution de la société du secteur primaire traditionnel vers le secteur de l’industrie moderne. Pendant la phase de développement, deux effets se conjuguent: les inégalités entre ces secteurs augmentent et le poids du secteur industriel s’accroît alors que la répartition des revenus de subsistance en son sein est inégale, puisqu’ils dépendent du produit marginal du travail. D’après Kuznets, l’inégalité entre les revenus ne diminue que lorsque tous les acteurs du secteur secondaire sont intégrés dans les structures politiques et économiques d’un pays et qu’ils exercent une influence politique. La diminution des inégalités est alors, entre autres, régie par des réglementations plus strictes (conventions tarifaires, organisations en syndicats, prescriptions légales) et par les mesures de redistributions que prennent les États.). Cette tendance s’est, toutefois, inversée entre la fin des années septante et le début des années quatre-vingt. Plusieurs études montrent en effet une augmentation de l’inégalité des revenus, tout d’abord aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais un peu plus tard également en Australie, en France, au Japon, aux Pays-Bas, en Norvège et en Suède Gottschalk P. et Smeeding, M., «Empirical Evidence on Income Inequality in Industrial Countries», dans Atkinson A.B. et Bourguignon, F. (éd.), Handbook of Income Distribution, vol. 1, Handbooks in Economics, 16, Amsterdam 2000, p. 261-308; Atkinson (2003); François J.F. et Rojas-Romagosa, H., The Construction and Interpretation of Combined Cross-Section and Time-Series Inequality Datasets, World Bank Policy Research Working Paper 3748, octobre 2005.. De récentes études indiquent également des tendances comparables dans les PED, par exemple en Inde, où la quote-part des revenus les plus élevés a décru depuis le début du XXe siècle jusqu’aux années quatre-vingt, pour augmenter de nouveau fortement durant les deux décennies suivantes Banque mondiale, Equity and Development. World Deve-lopment Report 2006, Oxford, 2006; Bertola G., Foellmi R. et Zweimüller. J., Income Distribution in Macroeconomic Models, Princeton/Oxford, 2006.. C’est la raison pour laquelle les auteurs scientifiques parlent d’une «courbe en U», ce qui signifie que les inégalités dans la répartition des revenus des pays industrialisés et de certains PED, après avoir continuellement diminué depuis 1945, augmentent de nouveau depuis la fin des années septante ou le début des années quatre-vingt François et Rojas-Romagosa (2005).. Si l’on observe l’évolution de la répartition des revenus à l’échelle internationale, on constate que, depuis le début du XIXe siècle, la signification relative de l’inégalité a évolué: tandis qu’elle était manifeste au sein même des pays à l’époque, on observe actuellement surtout des différences entre les nations. Au début du XIXe siècle, les différences de revenu à l’échelle mondiale étaient surtout dues à des inégalités au sein des pays. L’industrialisation a ensuite fortement accentué l’inégalité entre les pays, et ce, jusque dans la seconde moitié du XXe siècle. Durant les deux dernières décennies de celui-ci, cette inégalité a diminué (un phénomène surtout dû au développement de la Chine et de l’Inde) alors que, dans le même temps, elle augmentait de nouveau au sein même des pays Heshmati A., The Relationship between Income Inequality and Globalization, The United Nations University, avril 2003.. Au début du XXIe siècle, l’inégalité entre les revenus à l’échelle mondiale provient à quelque 60% des différentes inégalités internationales et à 40% environ de celles existant au sein des pays Bertola et al. (2006)..
État de développement et répartition des revenus
Depuis la moitié des années cinquante, l’étude de la corrélation entre la répartition des revenus et la croissance a enregistré un véritable «boom» en raison de l’hypothèse de Kuznets, d’une part, et de l’accès facilité aux données relatives à la répartition des revenus, d’autre part. Tandis que les études transversales menées à l’époque tendaient encore à prouver la justesse du «U inversé» de Kuznets, les travaux plus récents, fondés sur des données de meilleure qualité, n’ont pas permis d’aboutir à un résultat aussi clair Deininger K. et Squire L., «A New Data Set Measuring Income Inequality», World Bank Economic Review, 10/3, 1996, p. 565-591.. Les spécialistes ont cependant réussi à identifier certains facteurs influant sur la répartition des revenus: il s’agit, entre autres, de la propriété foncière, du degré de formation et de la croissance démographique. La plupart des auteurs estiment, par ailleurs, que la répartition des revenus ne dépend pas tant du niveau de développement d’un pays que de sa structure économique, de ses patrimoines géographique et historique et, surtout, de sa politique (en matière sociale, fiscale et d’éducation) Kanbur R., «Income Distribution and Development», dans Atkinson A.B. et Bourguignon F. (éd.), Handbook of Income Distribution, vol. 1. Handbooks in Economics, 16, Amsterdam, 2000, p. 791-841.. Ces dernières années, l’intérêt pour la courbe de Kuznets a baissé et on analyse la corrélation entre la répartition des revenus et la croissance économique sous un angle nouveau. Plusieurs scientifiques ont en effet commencé à étudier l’influence de la répartition des revenus sur le taux de croissance Pour avoir un aperçu de la question, voir Perotti, R., «Growth, Income Distribution and Democracy: What the Data Say», Journal of Economic Growth, 1, 1996, p. 149-187; Bertola et al. (2006).. Leurs travaux ont permis de découvrir différentes relations entre ces deux réalités. Par exemple, une répartition inégale des revenus peut avoir des effets négatifs sur la croissance parce que les dépenses de l’État et les impôts qui les accompagnent entraînent des distorsions dans les décisions prises en matière d’inves-tissement et d’épargne. On peut aussi étudier l’interaction entre l’inégalité des revenus, la stabilité des droits de propriété et la croissance économique: une plus forte inégalité entre les revenus peut avoir, par effet de polarisation sociale, une influence négative sur la stabilité des droits de propriété et, de ce fait, ralentir la croissance. D’autres facteurs influant sur la croissance économique ont été identifiés, notamment la formation, le taux de fertilité, les lacunes des marchés de capitaux, les investissements dans les ressources humaines et les effets liés à la demande des consommateurs. Pour la plupart des études, une répartition plus égale des revenus aurait une influence favorable sur le taux de croissance d’une économie publique, au contraire d’une répartition inégale. Ces résultats étaient, dans une certaine mesure, contraires à l’opinion dominante à l’époque, d’après laquelle l’inégalité dans la répartition des revenus était une condition nécessaire à la croissance, car elle seule pouvait fournir les bonnes incitations en matière de travail, d’épargne et d’investissement.
La mondialisation entraîne-t-elle une augmentation des inégalités dans la répartition des revenus?
Pour quelles raisons les inégalités dans la répartition des revenus ont-elles de nouveau augmenté durant ces deux dernières décennies dans plusieurs pays industrialisés et en développement, et ce contrairement aux prévisions de Kuznets? On a essayé d’expliquer cette inversion de tendance par l’accélération de la mondialisation, définie comme l’intégration des économies et des sociétés à travers les flux internationaux d’informations, d’idées, d’activités, de technologies, de biens, de services, de capitaux et de ressources humaines. De nombreuses recherches ont été consacrées aux effets de la mondialisation sur la répartition des revenus. D’après ces études, la mondialisation, à elle seule, n’a pas de retombées sur la répartition des revenus. En d’autres termes, il n’existe pas de corrélation systématique entre les indices de la mondialisation (commerce, investissements à l’étranger et flux financiers) et ceux concernant la répartition des revenus Heshmati (2003) ; Glaeser E.L., Inequality, HIER Discussion Paper 2078, juillet 2005.; Nollmann G., «Erhöht Globalisierung die Ungleichheit der Einkommen?» Kölner Zeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie, 58/4, 2006, p. 638-659., Harjes T., Globalization and Income Inequality: A European Perspective, IMF Working Paper 169, juillet 2007.. Les nouvelles inégalités de salaires et de revenus observées dans les pays industrialisés s’expliquent surtout par l’avènement de la technologie moderne, qui privilégie les ressources humaines qualifiées par rapport aux autres. Autrement dit, on attribue la croissance de l’écart entre les revenus observée dans les pays industrialisés à l’augmentation de la demande de travail qualifié, à l’évolution de la technologie, à l’accélération du commerce international et de la mondialisation, au changement structurel de la société (glissement du secteur secondaire vers le tertiaire), à la diminution du pouvoir des syndicats (notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne), à une évolution des normes sociales et, enfin, à des mesures de privatisation et de déréglementation. Il est, par ailleurs, apparu que les échanges commerciaux internationaux, les investissements à l’étranger et la migration ne permettaient d’expliquer qu’une très faible partie de l’augmentation de l’inégalité des revenus Glaeser (2005), Harjes (2007) et Nollmann (2006).. Bien que la plupart des causes énumérées ci-dessus permettent également d’expliquer en partie la croissance de cette inégalité dans les PED et les pays émergents, on l’attribue surtout aux mesures de réadaptation structurelle et de libéralisation qui ont été prises dans ces pays au cours des 20 dernières années Cornia (2003).. À en croire les scientifiques, la mondialisation n’a donc qu’une faible influence sur la répartition des revenus: l’évolution technologique et les changements structurels liés au passage d’une économie fondée sur l’industrie à une autre fondée sur les services – avec toutes les transformations que cela implique au niveau du travail, qu’on l’observe sous l’angle de l’offre, de la demande ou du marché – sont bien plus importants que la mondialisation. En fin de compte, ce sont surtout les mesures politiques que prend un pays (comme les réformes agraires, les efforts consentis dans le domaine de l’éducation, les mesures en matière de politique régionale, fiscale et sociale) qui permettent de contrôler les conséquences de l’évolution technologique sur la disparité des revenus.
Quel est le rôle de la politique?
Les mesures politiques influent sur la répartition des revenus et la croissance. Les gouvernements sont chargés non seulement de mettre des biens publics et des services à la disposition de la population, mais également de gérer la répartition des revenus au moyen de transferts, d’impôts et de mesures législatives. La théorie normative de la redistribution et les principes fondamentaux de l’État-providence moderne encouragent la redistribution des biens entre les riches et les pauvres; autrement dit, des mesures politiques doivent être prises pour assurer une redistribution plus équitable des revenus. Les premiers modèles politico-économiques de redistribution, comme celui de l’électeur médian, ont tenté d’expliquer cette nécessité de manière positive. En réalité, la redistribution des biens entre les riches et les pauvres ne constitue qu’une petite partie des mesures de redistribution existantes Mueller D.C., Public Choice III, Cambridge, 2004; Tullock G., Economics of Income Distribution, 2nd edition, Dordrecht, 1997.. Certains modèles politico-économiques voient la redistribution comme le résultat d’un bras de fer politique entre les électeurs rationnels et pragmatiques, les groupes d’intérêts, les politiciens et les bureaucrates. Ils considèrent que la plus grande partie des biens transférés revient à des groupes bien organisés et ayant une forte influence politique, aux dépens de ceux qui sont le moins à même de lutter contre les transferts Tullock (1997).. Le potentiel d’influence politique s’acquiert en s’engageant dans le monde politique et en organisant des groupes d’intérêts. Des études empiriques montrent que la plupart des programmes gouvernementaux s’adressent à des groupes sociaux bien organisés et influents sur le plan politique Tullock (1997).. D’après ces modèles politico-économiques, ce sont donc surtout la répartition des pouvoirs au sein de la société et la participation de la population aux processus politiques qui jouent un rôle déterminant dans le domaine de la répartition des revenus. Les études en matière de répartition des revenus n’ont pas seulement porté sur l’influence du processus politique en tant que tel, mais aussi sur le rôle des institutions et des conditions-cadres Pour avoir un aperçu de ces études, voir Baur M., Einkommensverteilung: Konzepte, Fakten und Theorien, Arbeitspapier der ESTV, Berne, 2007.. Leurs auteurs se sont notamment concentrés sur l’influence des droits de propriété, des marchés libres, des idéologies, des religions, des mesures de démocratisation historiques, de l’engagement politique (participation aux élections ou organisation de groupes d’intérêt) ou encore de différents systèmes politiques (démocratie ou dictature, scrutin majoritaire ou proportionnel, système présidentiel ou parlementaire, démocratie directe ou représentative). Toutes ces études montrent que les institutions jouent, d’une manière générale, un rôle important dans le cadre de la répartition des revenus. Il est intéressant de mentionner à ce propos que celles qui ont analysé les conséquences de masses démocratiques agrégées sur la répartition des revenus n’ont pas donné des résultats clairs, tandis que celles qui ont traité des aspects spécifiques de la démocratie, comme l’égalité des chances ou l’implication de la population dans les processus politiques, ont donné des résultats plus convaincants. On retiendra en substance que les conditions politiques et l’engagement de la population (sous la forme de participation aux élections ou d’organisation de groupes d’intérêt) semblent jouer un rôle important dans le cadre de la répartition des revenus.
Conclusion
Durant de nombreuses années, l’idée a dominé que la répartition des revenus évoluait (au moins dans les pays industrialisés) suivaient une courbe de Kuznets et s’accroissait régulièrement. Des études plus récentes ont, cependant, montré que, dans de nombreux pays industrialisés et dans certains PED, l’inégalité entre les revenus a de nouveau augmenté ces dernières années. Les raisons de cette évolution se trouvent nettement moins dans la mondialisation que dans les modifications structurelles de la société (glissement du secteur secondaire vers le tertiaire) et les changements politiques qui en découlent. Même si la recherche empirique n’a pas permis de découvrir avec certitude les facteurs déterminant réellement la répartition des revenus, les scientifiques sont tout de même parvenus à identifier certains facteurs qui pourraient avoir une influence sur cette répartition. En ce qui concerne les inégalités de revenus à l’échelle internationale, elles sont dues, en plus des patrimoines géographique et historique des pays, à des facteurs tels que la propriété foncière, le degré de formation, la croissance démographique, l’évolution technologique, les changements structurels et, enfin, les conditions politiques (degré d’implication de la population dans les choix politiques et politiques menées dans le cadre de la fiscalité, de la société et de l’éducation). Des études ont, en outre, montré qu’une répartition équilibrée des revenus peut avoir des retombées favorables sur la croissance économique. En tout état de cause, ces résultats donnent à penser qu’il n’existe pas forcément une corrélation négative entre la redistribution des revenus et la croissance économi-que.
Tableau 1 «Répartition des revenus dans 50 pays»
Encadré 1: Les méthodes de mesure de la distribution des revenus Le coefficient de Gini
Le coefficient de Gini mesure la concentration relative des revenus ou, en d’autres termes, leur inégalité. Sa valeur évolue entre 0 (répartition égale) et 1 (inégalité de répartition maximale). Le coefficient de Gini se base sur la courbe de Lorenz, qui met en relation les groupes de ménages (en partant des plus faibles revenus) et leur participation à l’ensemble des revenus. En d’autres termes, cette courbe représente la partie des revenus que réalise une certaine proportion de la population. Si la répartition des revenus était parfaitement égale, la courbe de Lorenz serait une droite linéaire avec une pente de 45 degrés (courbe de la répartition parfaite). Le coefficient de Gini permet de mesurer l’écart entre la courbe de la répartition parfaite et celle de Lorenz. C’est pourquoi, en cas de répartition parfaite, le coefficient de Gini vaut zéro; de l’autre côté, si la totalité des revenus sont concentrés sur une seule personne (répartition la plus inégale), le coefficient de Gini vaut 1. Par conséquent, si celui-ci augmente, cela signifie que l’inégalité des revenus augmente également. Malgré différentes limites, le coefficient de Gini est l’indicateur le plus souvent utilisé dans la plupart des pays pour chiffrer la répartition des revenus; toutes les organisations internationales l’utilisent.
Les quantiles de revenu
Ils indiquent le pourcentage d’un certain groupe de revenus par rapport au revenu global, par exemple le pourcentage par rapport au revenu global que réalisent les 10% touchant les revenus les plus élevés. Enfin, la valeur 90/10 indique le rapport entre le revenu total des 10% les mieux rémunérés et celui des 10% les moins bien lotis. Ce rapport figure souvent dans les statistiques internationales à côté du coefficient de Gini.
Encadré 2: La courbe de Kuznets En 1955, Simon Kuznets a posé comme hypothèse qu’il existait une relation en «U inversé» entre la croissance économique et la répartition des revenus. Se fondant sur les données empiriques relatives à plusieurs pays, il est arrivé à la conclusion que, durant une période de développement, l’inégalité de la répartition des revenus dans un pays se divisait en trois phases: une augmentation, une stabilisation au sommet et, enfin, une diminution. Il expliquait ces phases par l’évolution de la société du secteur primaire traditionnel vers le secteur de l’industrie moderne. Pendant la phase de développement, deux effets se conjuguent: les inégalités entre ces secteurs augmentent et le poids du secteur industriel s’accroît alors que la répartition des revenus de subsistance en son sein est inégale, puisqu’ils dépendent du produit marginal du travail. D’après Kuznets, l’inégalité entre les revenus ne diminue que lorsque tous les acteurs du secteur secondaire sont intégrés dans les structures politiques et économiques d’un pays et qu’ils exercent une influence politique. La diminution des inégalités est alors, entre autres, régie par des réglementations plus strictes (conventions tarifaires, organisations en syndicats, prescriptions légales) et par les mesures de redistributions que prennent les États.
Encadré 3: Mise en garde sur les comparaisons d’études internationales Pour que des comparaisons entre pays soient possibles, la Banque mondiale ne considère, pour ses tableaux internationaux, que les études nationales individuelles qui répondent à certaines normes de qualité (Deininger et Squire 1996, Francois et Rojas-Romagosa 2005). Les données ainsi réunies doivent être plus ou moins comparables l’une à l’autre. En cas de confrontation avec des données provenant d’autres organisations, il est conseillé d’agir avec prudence, car le coefficient de Gini qui en résultera dépendra fortement de l’architecture de l’étude. Il faudra donc accorder la priorité aux questions suivantes:- en quelle année l’étude a-t-elle été entreprise?- sont-ce les individus ou les ménages qui ont été pris en considération?- s’agit-il d’une étude budgétaire? des données fiscales sont-elles exploitées ou bien les chiffres proviennent-ils des comptes de la nation?- l’étude utilise-t-elle un échantillonage représentatif de l’ensemble de la population ou ne considère-t-elle qu’une certaine partie de celle-ci (comme les citadins/campagnards, contribuables, actifs)?- considère-t-on le revenu ou la consommation? Comment définit-on la notion de revenu (Brut ou net, avec ou sans les transferts et les retraites, revenu salarial/du capital, travail salarié/indépendant, avec ou sans les avantages non monétaires, etc.)?
Proposition de citation: Baur, Martin (2007). Les facteurs déterminant la répartition internationale des revenus. La Vie économique, 01. décembre.