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Osons le marché!

Osons le marché!

Si la loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité (LApEl) est entrée en vigueur le 1er janvier 2008, l’ordonnance correspondante, elle, se fait attendre. La consultation a mis en lumière des divergences concernant la place à laisser au marché lors de l’ouverture. Pour le secteur de l’électricité, il est primordial que la libéralisation du marché mérite son nom et qu’elle ne s’accompagne pas d’une politique réglementaire douteuse et d’interventions dommageables. Répondre à la hausse des prix en restreignant l’ouverture ne constituerait pas une solution satisfaisante.

Après plusieurs années d’atermoiements, la libéralisation du marché de l’électricité est devenue réalité en Suisse. La solution trouvée prévoit une ouverture par étapes, contrairement à la voie choisie en Allemagne, dont le marché a immédiatement été ouvert à tous les consommateurs. Il ne s’agissait peut-être pas de la solution idéale et la libéralisation s’est déroulée dans une certaine confusion. On constate, toutefois, que les distributeurs d’électricité ont trouvé le temps de procéder aux adaptations nécessaires malgré la rapidité de l’opération. On redoutait la disparition immédiate des services urbains, ce qui ne s’est pas confirmé. En Suisse, toutes les tentatives du secteur de l’électricité visant à libéraliser le marché de sa propre initiative ont été étouffées dans l’oeuf. L’explication réside principalement dans l’absence de mandat politique pour les entreprises publiques, mais aussi dans la crainte d’être confrontées à des pertes financières majeures. Personne n’a été sensible au fait que la libéralisation pouvait représenter une chance pour la branche, notamment en raison des investissements importants devenus nécessaires au niveau des infrastructures. En Allemagne comme dans les autres pays de l’UE, la libéralisation du marché a eu lieu pendant une période d’offre excédentaire et de recul des prix. En Suisse, il en va tout autrement, puisque notre pays connaît une situation de pénurie relative et subit la hausse internationale des prix, ce qui ne facilite de loin pas l’acceptation de l’ouverture du marché par la population. À l’heure actuelle, personne ne peut dire qui, de la Suisse ou de l’Allemagne, s’en sortira le mieux. Les questions qui se posent sont les suivantes.

La libéralisation du marchésuisse est-elle menacée?


La LApEl prévoit une libéralisation en deux étapes: au cours des cinq premières années, seuls les grands clients auront accès au marché. Ensuite, tous les consommateurs finaux pourront choisir librement leur fournisseur. Le retard de la Suisse sur l’UE s’élèvera alors à six ans. Si une grande partie de la loi est entrée en vigueur au début de cette année, l’élaboration de l’ordonnance accuse, elle, un certain retard. Il n’est pas étonnant que celle-ci rencontre quelque opposition. En effet, si les prix du marché devaient de nouveau être remplacés par des coûts de revient, la libéralisation n’aurait servi à rien. La question est sérieuse, car le document proposé n’a plus grand-chose à voir avec le marché. Pour que la libéralisation soit effective, il faut se montrer cohérent.

La procédure de libéralisation se fonde-t-elle sur la pratique?


Afin de garantir le bon fonctionnement du marché , les distributeurs d’électricité ont bien préparé son ouverture, en prenant leurs responsabilités et en élaborant différentes règles. Ils ont, en outre, rédigé d’innombrables documents et étudié les expériences réalisées dans les autres pays. L’objectif était de pouvoir assurer une libéralisation réglementée du marché sur la base de critères équitables et transparents. Les résultats sont à la disposition de l’autorité compétente. Ils lui épargneront des procédures longues et coûteuses.

Une libéralisation incomplète du marché serait-elle viable à long terme?


La deuxième étape de l’ouverture du marché est soumise au référendum facultatif. Si celui-ci devait avoir lieu et si le peuple devait s’opposer à ce que la libéralisation se poursuive, le marché resterait fractionné. Cette situation ne serait pas viable à long terme, l’expérience le prouve. L’obstacle serait contourné par différents moyens et le tout progressivement vidé de son sens. Pour les entreprises d’électricité, il s’agit dès lors de tout mettre en oeuvre pendant cette première phase pour que le peuple n’ait aucune raison de demander un référendum.

Proposition de citation: Kurt Rohrbach (2008). Osons le marché!. La Vie économique, 01 janvier.