Compétitivité: un concept complexe de nature microéconomique
L’observation montre qu’il n’est pas adéquat de traiter la compétitivité au niveau d’une économie nationale globale. En effet, aucun pays n’est compétitif dans tous les secteurs d’activité. On remarque que c’est au niveau d’industries spécifiques que tel ou tel pays bénéficie d’avantages compétitifs majeurs, à l’instar de la Suisse dans les domaines des services financiers, de la pharmacie et de la chimie par exemple. Par ailleurs, dans la plupart des pays, les industries les plus compétitives se caractérisent par une concentration géographique des entreprises (par exemple, le pôle de la chaussure en Italie du nord, des TIC dans la Silicon Valley, des services financiers à Singapour, etc.) Christian H. Ketels, «Microeconomic Determinants of Location Competitiveness for MNEs», dans John Dunning et Philippe Gugler, Foreign Direct Investment, Location and Competitiveness, Elsevier, London, 2008, pp. 111-132.. La création de valeur est donc un processus essentiellement local.
Les moteurs de la compétitivité
Quels sont les moteurs permettant d’expliquer la compétitivité d’une industrie précise dans une économie nationale ou une région données? Il convient de distinguer les conditions macroéconomiques, politiques, légales et sociales d’une part, des facteurs microéconomiques d’autre part Michael E. Porter, Christian Ketels et Mercedes Delgado, «The Microeconomic Foundation of Prosperity: Findings from the Business Competitiveness Index», World Economic Forum, The Global Competitiveness Report 2007-2008, Genève, 2007.. Si les premières sont indispensables à l’augmentation de la pro-ductivité et à la création de valeur, elles ne sont pas suffisantes. En effet, toute lacune au niveau des conditions macroéconomiques (par exemple, l’instabilité monétaire) freinera l’efficacité de l’économie. En revanche, ces conditions, si elles sont favorables, ne garantissent pas encore une prospérité écono-mique. On remarque que des pays ayant des situations à peu près semblables aux plans macroéconomique, politique, légal et social enregistrent des résultats très différents en termes de PIB par habitant. L’explication est donc à chercher dans les composantes microéconomiques qui caractérisent chacune des économies. Les fondements microéconomiques de la compétitivité reposent sur deux composantes en interaction: la sophistication des activités et des stratégies des entreprises ainsi que l’environnement des affaires. Ce dernier, qui a été modélisé par Michael Porter sous la forme d’un diamant, regroupe quatre types de déterminants en matière de compétitivité: les facteurs de production; les conditions de concurrence; les industries de support et apparentées et les conditions de la demande Michael Porter, The Competitive Advantage of Nations, Free Press, New York, 1990.. Les politiques gouvernementales ont un rôle fondamental par leur capacité à influencer les composantes et la dynamique de ce système à travers notamment la politique éducative et technologique, la mise en place d’infrastructures efficientes, la promotion de pôles de compétitivité, l’ouverture des marchés à la concurrence, etc.
Le rôle crucial des institutions
Une telle approche permet de mieux cerner le rôle crucial des entreprises, des associations industrielles, des institutions de recherche et d’éducation ainsi que des institutions gouvernementales. On remarque que le renforcement de la compétitivité dépend essentiellement de la contribution de ces instances à l’innovation, qui permet de créer de la valeur en augmentant la productivité. La cible est ainsi donnée et devrait aussi nous permettre de tordre le cou à des recettes inefficaces ,voire contre-productives. Par exemple, vouloir associer la compétitivité à de bas salaires ou à une monnaie faible ne répond pas à la question. En effet, le but d’une société est-il vraiment d’appauvrir la population ou de solder sa production? C’est bien le contraire dont il s’agit. Seule une forte productivité permet d’assurer des salaires élevés et une réelle prospérité économique. La logique d’une politique de compétitivité doit donc être de nature fortement microéconomique et structurelle pour atteindre de réels résultats en termes de productivité.
Proposition de citation: Gugler, Philippe (2008). Compétitivité: un concept complexe de nature microéconomique. La Vie économique, 01. mars.