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Agir pour améliorer l’efficacité énergétique et encourager les énergies renouvelables

Réuni en séance le 20 février 2008, le Conseil fédéral a pris un certain nombre de décisions destinées à assurer l'avenir énergétique de la Suisse. Celui-ci repose sur une stratégie déjà approuvée et formée de quatre piliers: efficacité énergétique, énergies renouvelables, politique étrangère dans le domaine de l'énergie et grandes centrales. Les principales dispositions entérinées doivent permettre d'accroître l'efficacité énergétique et de promouvoir les énergies renouvelables. Ce train de mesures doit assurer un approvisionnement énergétique à long terme, lutter contre le réchauffement climatique et réduire notre dépendance envers le pétrole. Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, décidés par le Conseil fédéral, sont économiquement supportables et vont de pair avec les mesures contenues dans les plans d'action.

Agir pour améliorer l'efficacité énergétique et encourager les énergies renouvelables



Le plan d’action destiné à améliorer l’efficacité énergétique comprend quinze mesures qui se répartissent dans les domaines suivants: bâtiment, mobilité, appareils, formation ordinaire et continue, recherche et transferts. Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (Detec) préparera les adaptations nécessaires dans la loi sur l’énergie et l’ordonnance qui l’accompagne. Le plan de promotion des énergies renouvelables comprend sept mesures: production de chaleur pour les bâtiments, production d’énergie à partir de la biomasse, soutien à l’hydroélectricité, recherche, transferts technologiques, formation ordinaire et continue. La loi sur l’énergie et celle sur la protection des eaux devront subir certaines adaptations qui seront prêtes dans le courant de cette année. Le Detec vise, à travers ces plans d’action, une réduction de la consommation d’énergie fossile de 20%. Les énergies renouvelables devront représenter 50% de la consommation totale et celle-ci ne pourra pas augmenter de plus de 5% entre 2010 et 2020.

Adhérer aux objectifs en matière de politique climatique de l’UE


Les mesures à prévoir dans le domaine de l’énergie sont étroitement liées à la politique climatique, dans un pays où près de 80% des rejets de gaz à effet de serre sont imputables à la combustion d’agents fossiles. Elles n’ont pas seulement un objectif climatique, mais visent aussi à sécuriser l’approvisionnement et doivent être compatibles avec les règles du marché; en effet, l’acquisition d’énergie est un important facteur de coûts dans l’économie. Le Conseil fédéral a décidé que les rejets de gaz à effet de serre devront diminuer de 20% d’ici 2020 et de 50% d’ici 2050 (par rapport au niveau de 1990). Ces objectifs devront être atteints par des mesures prises sur le territoire national comme à l’étranger. Si l’attention se porte davantage sur ces dernières, la Suisse pourra envisager des objectifs plus ambitieux pour elle-même. La Commission européenne a défini ses objectifs en matière de CO2, d’efficacité énergétique et de promotion des énergies renouvelables dans un document stratégique (Energy for a Changing World). Son Plan d’action pour l’efficacité énergétique vise à réduire d’ici 2020 de 20% la consommation d’énergie par rapport au scénario de référence; il opte également pour une réduction du CO2 de 20% par rapport à 1990 d’ici la même date. Si d’autres nations industrialisées plaident pour des objectifs plus ambitieux, la réduction sera de 30%. La directive de 2006 sur l’efficacité et les services énergétiques visait déjà une sensible amélioration de l’efficacité énergétique. Autre composante de la stratégie de la Commission européenne, les énergies renouvelables doivent tripler leur présence dans la consommation globale d’énergie.

Instruments et principes directeurs


Dans le choix des instruments, les plans d’action suisses combinent de façon pragmatique des mesures d’incitation et d’encouragement ainsi que des prescriptions en matière de consommation (standards minimaux). Priorité sera donnée aux instruments qui pèsent le moins sur l’économie et les budgets publics, tout en encourageant massivement la réduction de la consommation d’énergie ou le recours aux énergies renouvelables. L’accent est mis sur les instruments qui sont du ressort de la Confédération, même si les cantons et les communes sont parfois sollicités: dans le domaine du bâtiment et des prescriptions sur la construction, voire dans l’aménagement du territoire, le Conseil fédéral a élaboré des recommandations visant une démarche commune. On a veillé tout particulièrement à combiner les instruments de manière optimale pour que l’efficacité économique dégagée ne soit pas entravée dans sa mise en oeuvre et que les synergies puissent être exploitées. Les instruments ci-après ne peuvent déployer leurs effets qu’à condition que le transfert de technologie permette aux produits et services efficaces de pénétrer le marché et que la clientèle visée réagisse en conséquence grâce à un surcroît d’efforts dans la formation ordinaire et continue ainsi que dans l’information et les conseils.

Prescriptions et standards


Prescriptions et standards sont importants pour atteindre les objectifs concernant les bâtiments, les appareils et les véhicules. Est préconisée en l’occurrence une démarche nouvelle, en harmonie avec les prescriptions de l’UE, comportant des conventions d’objectifs et certaines mesures concrètes adoptées avec les importateurs/producteurs.

Mesures promotionnelles


Limitées dans le temps, les mesures promotionnelles directes et les aides financières peuvent se transformer en autant de «coups de pouce» lorsque les investissements requis pour de nouvelles techniques sont un obstacle insurmontable. On s’accommode du fait que ces mesures ont des inconvénients (profits d’aubaine, bénéficiaires fortuits) et qu’en comparaison des taxes d’incitation compatibles avec les lois du marché, leur rapport coût/utilité n’est pas le meilleur.

Incitations fiscales et taxes d’incitation


Une importance croissante reviendra à l’avenir à des instruments qui déterminent l’imputation la plus équitable des coûts, qui ne grèvent pas le budget ni n’entravent les mécanismes du marché, tels que les incitations fiscales et les taxes d’incitation. Toutefois, leur adoption dans le cadre d’une taxe d’incitation générale sur l’énergie ou d’une réforme fiscale écologique réclame un complément d’études dans la perspective de la révision de la législation sur le CO2 et de la future politique climatique de la Suisse après 2012.

Plan d’action pour l’efficacité énergétique


La définition des objectifs se base sur les perspectives énergétiques de l’Office fédéral de l’énergie (Ofen) et s’appuie sur des potentiels technologiques réalistes (voir

encadré 1
– chauffage et eau chaude des bâtiments neufs et assainis: 70%;- réfrigération/congélation: 45%;- lessive/vaisselle: 50%;- information et communication: 35 à 70%;- éclairage: 70%.). Ceux-ci ont, en outre, été harmonisés avec les objectifs du plan d’action pour la promotion des énergies renouvelables et avec les objectifs de politique climatique à long terme. Le plan d’action se compose de quinze mesures applicables dans les domaines du bâtiment, des appareils et de la mobilité. La mise en oeuvre est tributaire du processus législatif (voir graphique 1). Les calculs qui sont à l’origine des perspectives énergétiques ont montré que seule l’adoption d’une taxe d’incitation générale sur l’énergie permettrait d’atteindre des objectifs plus ambitieux. Dans le domaine du bâtiment, il existe nombre d’entraves non monétaires. Le secteur locatif, malgré une taxe CO2 sur les combustibles, n’offre par exemple guère de mécanismes efficaces incitant les propriétaires à prendre des mesures d’assainissement énergétique. Nombreux sont, en outre, les investisseurs à ne pas être informés sur la question, alors que, de leur côté, peu d’architectes et de concepteurs sont réellement au courant des possibilités en matière d’efficacité énergétique. Le programme national d’assainissement concerté, auquel participent la Confédération, les cantons et les communes, est la principale mesure adoptée en ce domaine. Diverses possibilités de financement, dont l’affectation partielle de la taxe CO2 sur les combustibles, sont à l’étude. La Confédération attend des cantons la mise en place de prescriptions plus sévères qu’actuellement et harmonisées au plan suisse en ce qui concerne les bâtiments neufs et les rénovations. Elle veut, enfin, introduire un «certifi-cat de performance énergétique pour les bâtiments» uniforme pour toute la Suisse, ce qui améliorera la transparence sur le marché. Dans le domaine des appareils, on suit, comme cela se fait ailleurs, une stratégie dite «des meilleures pratiques», qui consiste à renforcer continuellement les standards minimaux, en retirant du marché les produits les moins performants. On commercialise aujourd’hui des techniques efficaces et économiques (le calcul étant fait sur leur durée de vie). Les prescriptions à ce sujet sont donc judicieuses. Dans le domaine de la mobilité, on mise sur l’incitation. Ainsi, un bonus financé par la hausse de l’impôt automobile poussera l’acheteur à choisir un véhicule peu gourmand en énergie et faiblement polluant. Cette mesure doit être soutenue par une nouvelle convention d’objectifs signée avec les importateurs d’automobiles, qui à son tour facilitera la mise en oeuvre des mesures d’incitation. La Confédération soutient les efforts des cantons pour imposer les véhicules à moteur en fonction de leur consommation. Elle poursuit le développement de l’étiquette Énergie en une étiquette Environnement adaptée à la pratique. Cette dernière doit être harmonisée avec les cantons. Il ne faut pas non plus négliger l’apport des pouvoirs publics, qui peut avoir valeur d’exemple, et auxquels il convient d’ajouter une recherche coordonnée et revalorisée ainsi que la formation ordinaire et continue. Cette dernière forme la base sur laquelle s’implante les mesures nécessaires à moyen et long terme.

Le plan d’action «Énergies renouvelables»


Le Detec vise, avec ce plan d’action, à porter à 24% la part des énergies renouvelables, qui est aujourd’hui de 16%. Il s’appuie sur les nouvelles dispositions législatives (loi sur l’énergie prescrivant des tarifs d’injection qui couvrent les coûts dès 2008; loi sur les huiles minérales dès 2008) et doit compléter les mesures d’encouragement qui y figurent dans les domaines de l’électricité et des carburants. L’objectif a été fixé en considération des mesures légales déjà adoptées, telles que la rétribution de l’injection de courant vert dès 2009. C’est la raison pour laquelle les mesures se concentrent sur la production de chaleur au moyen d’agents renouvelables. Cela s’applique tant au chauffage et à la préparation d’eau sanitaire dans le logement qu’à la production de chaleur industrielle. Le chauffage à distance offre précisément beaucoup de possibilités en ce domaine. Les mesures du plan d’action complètent la politique actuelle de promotion des agents renouvelables. L’accent est mis sur une stratégie pour la biomasse (bois et autre biomasse). Dans l’immédiat et à moyen terme, c’est sans doute la source d’énergie renouvelable la plus importante et la plus attrayante d’un point de vue économique. Elle peut jouer un rôle non négligeable dans des réseaux de chauffage et pour de petits équipements à couplage chaleur-force. La préparation d’eau chaude au moyen d’équipements thermiques solaires représente aussi un potentiel important pouvant être commercialisé. Encore maintenant, les deux techniques n’ont une chance de percer que si elles bénéficient d’encouragements et d’incitations. C’est pourquoi les plans d’action proposent un financement alimenté par des fonds publics à affectation prescrite. Les différentes études devront développer les mesures de financement nécessaires (affectation prescrite de la taxe sur le CO2, taxe sur la valeur ajoutée, rétribution de l’injection de chaleur issue d’énergies renouvelables). Dans le domaine des énergies renouvelables aussi, les mesures accompagnatrices joueront un rôle décisif, qu’il s’agisse d’incitations fiscales ou de facilités concédées aux équipements à énergie renouvelable dans l’aménagement du territoire, par exemple. En l’occurrence, la Confédération ne peut avoir qu’une fonction coordinatrice et formuler des recommandations. Il incombe aux cantons et aux communes d’assurer la réalisation des mesures prévues. Berne cherchera, conjointement avec les cantons, les moyens de simplifier les procédures et de supprimer les obstacles légaux qui empêchent la diffusion des énergies renouvelables. Une stratégie en faveur de ces dernières ne va, toutefois, pas sans un engagement déterminé en faveur de la force hydraulique. Une bonne pondération des intérêts respectifs de la protection des cours d’eau et de leur exploitation doit permettre de mieux tirer parti de la force hydraulique à l’avenir. Le programme contenu dans le plan d’action pour l’efficacité énergétique a pour but de stimuler la recherche, le transfert de technologie ainsi que la formation et le perfectionnement professionnels. Tous les intéressés, à savoir les collectivités publiques, la recherche publique et privée ainsi que les institutions d’enseignement, sont invités à mettre davantage encore l’accent sur les énergies renouvelables.

Conséquences pour l’économie


On a utilisé dans les perspectives énergétiques un modèle d’équilibre macroéconomique afin de connaître les retombées en termes d’économie générale. En se fondant sur l’hypothèse selon laquelle les principaux partenaires économiques de la Suisse s’imposent des objectifs similaires de réduction du CO2, les calculs admettent la stabilité de ce que l’on appelle les «termes de l’échange». Il en résulte qu’en cas de politique de l’énergie et du climat coordonnée à l’échelon mondial, les conséquences économiques resteront limitées. Le recours aux instruments proposés entraîne un léger déplacement vers des branches moins productrices de CO2. L’ampleur du mouvement dépend de l’intensité de cette production par rapport à ce qu’elle est dans la branche correspondante à l’étranger. Les retombées positives sont les plus manifestes dans le bâtiment. Par contre, les grands classiques de l’énergie que sont l’électricité et le gaz, ainsi que les combustibles et les carburants, doivent s’attendre à des retombées légèrement négatives. Le glissement de l’industrie en direction des services s’accentue quelque peu. Toutefois, le renforcement du marché suisse des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique améliore la compétitivité des entreprises du pays qui travaillent dans ce secteur. Leurs chances à l’exportation augmentent du fait de la progression dynamique, à l’échelon mondial, de la demande de techniques pour l’utilisation des énergies renouvelables. En conséquence, la situation de l’emploi dans les services et dans le bâtiment s’améliorera quelque peu. Quant aux énergies renouvelables, elles représentent un potentiel de création d’emplois nouveaux. Parallèlement, les emplois dans les branches industrielles reculeront légèrement. En termes macroéconomiques, les retombées sont faiblement négatives, du fait que les salaires réels sont supposés flexibles à long terme en Suisse. Le bien-être, mesuré en termes de PIB, connaîtra une diminution en raison de l’affaissement de la consommation au cours de la période considérée. Il sera, toutefois, de quelque 0,6 milliard de francs inférieur à ce qu’il aurait été si aucune mesure n’avait été prise. Cela représentera environ 150 francs par habitant ou 0,11% du PIB en 2020. Il faut, néanmoins, souligner que ce calcul ignore les coûts des dégâts évités grâce à la protection globale du climat et ceux destinés à en limiter l’étendue. Selon une étude commanditée conjointement par l’Office fédéral de l’environnement (Ofev) et l’Ofen, les dégâts dus à une modification du climat coûteront à la Suisse un montant de l’ordre de 0,6 à 1 milliard de francs par année et par degré de réchauffement. Une politique énergétique et climatique faisant preuve de davantage de détermination atténuera encore d’autres nuisances, locales, pour l’homme et pour l’environnement. Il ressort des modélisations effectuées que si l’on tient compte des coûts externes de ces nuisances locales, la baisse du PIB n’est plus de 0,6, mais de 0,4 milliard de francs. Si les négociations internationales en vue de réduire les rejets de CO2 sont couronnées de succès et si, par conséquent, il existe une politique climatique mondiale, l’ensemble de la Suisse pourrait voir son bien-être s’accroître.

Graphique 1 «Introduction et mise en oeuvre des mesures de réduction de la consommation énergétique jusqu’en 2020»

Encadré 1: Efficacité énergétique: 30 à 70% des potentiels de réduction sont réalisables
Les possibilités d’économies varient selon le domaine d’application. Il faut prévoir les gains d’efficacité suivants si l’on tient compte du potentiel technique d’économies, c’est-à-dire de la meilleure technique disponible et de l’évolution à long terme.

Ménages:

− chauffage et eau chaude des bâtiments neufs et assainis: 70%;

− réfrigération/congélation: 45%;

− lessive/vaisselle: 50%;

− information et communication: 35 à 70%;

− éclairage: 70%.

Services et agriculture:

− chauffage et eau chaude: 70% pour les bâtiments neufs, 50% pour les bâtiments assainis;

− éclairage et appareils: 30 à 50%.

Industrie:

− production: 30 à 50%;

− chauffage et eau chaude: 80% pour les bâtiments neufs, 40% pour les bâtiments assainis;

− éclairage: 70%;

− appareil/moteurs: 20 à 50%.

Transports:

− voitures: 45%;

− camions: 20 à 30%;

− rail: 20%.

Encadré 2: Bibliographie
– Ofen, Perspectives énergétiques pour 2035, tome 1: Synthèse, 2007.- Vöhringer F. et Müller A., Die Energieperspektiven 2035, tome 3: Volkswirtschaftliche Auswirkungen, sur mandat de l’Ofen, Ecoplan, 2007.- Müller A., Roth U., Vöhringer F. et van Nieuwkoop R., Auswirkung der Klimaänderung auf die Schweizer Volkswirtschaft, sur mandat de l’Ofev et de l’Ofen, Ecoplan, 2007.- Kirchner A., Die Energieperspektiven 2035, tome 2: Scénarios I à IV, sur mandat de l’Ofen, Prognos, 2007.

Proposition de citation: Matthias Gysler (2008). Agir pour améliorer l’efficacité énergétique et encourager les énergies renouvelables. La Vie économique, 01 mars.