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L’industrie suisse des transports face à la généralisation de la concurrence

Suite à la libéralisation du marché et à l'augmentation de la concurrence, le secteur des transports s'oriente de plus en plus vers les services pour répondre aux exigences personnelles des clients. Cette orientation s'accompagne d'une augmentation du nombre des personnes actives. Comme le commerce extérieur de la Suisse se concentre surtout sur ses voisins - l'Allemagne, la France et l'Italie -, les transports par le rail et la route revêtent une importance nettement supérieure à ceux effectués par air. Pour le succès économique futur de l'industrie suisse des transports, il est donc vital que les relations commerciales transfrontalières se déroulent sans heurt et efficacement.
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Forte importance économique du secteur des transports


L’industrie des transports contribue notablement à la performance macroéconomique de la Suisse en assurant la liaison entre fournisseurs et acheteurs. Ces vingt-six dernières années, son importance – mesurée à la quote-part de sa valeur ajoutée nominale brute dans l’économie générale – est, cependant, tombée de 4,9% (1980) à 3,4% (2006, voir graphique 1). Ce recul relatif est avant tout dû à la tertiarisation persistante de l’économie et à l’importance prise parallèlement par d’autres branches comme les services aux entreprises. Il en résulte que les activités axées sur le marché intérieur, comme les transports ont perdu de leur importance relative. Prise isolément, l’importance effective du secteur des transports reste, toutefois, fortement sous-estimée. Les innovations véritables, telles que celles qui permettent des chaînes continues de logistique et d’information, procurent sur les marchés internationaux des avantages compétitifs décisifs aux industries. Cela dit, la part des transports dans les chaînes de production peut varier énormément d’une branche à l’autre. En Suisse, elle est, par exemple, relativement élevée dans le secteur du bois, à cause de la distance qui sépare généralement les lieux d’abattage des scieries et du fait de la faible valeur intrinsèque de la matière première. D’autres branches gourmandes en transports (plus de 4% de la valeur) sont la construction, le commerce de gros et l’agriculture. Dans le sillage de la tertiarisation générale de l’économie, on observe que les entreprises de transport se tournent elles aussi vers les services, comme le montre l’augmentation de leurs effectifs par rapport à la population active: 3,9% en 1980, 4,4% en 2006. En 1980, quelque 130000 personnes travaillaient dans le secteur des transports; en 2006, leur nombre était passé à 190 000. Si l’on considère l’évolution de la valeur ajoutée réelle – donc corrigée de l’influence des prix – ces vingt-six dernières années, il apparaît que l’industrie des transports a connu une légère croissance de 0,14% en moyenne par an (voir graphique 2). Sur la même période, le reste de l’économie s’est montrée nettement plus dynamique, avec une croissance de 1,6%. Tout récemment, cependant, l’écart semble avoir commencé à se combler. De 2000 à 2006, le secteur des transports a crû annuellement de 1%, alors que la valeur ajoutée de l’économie augmentait en moyenne de 1,3%.

Mutation structurelle: tertiarisation des transports


Au sein de l’industrie des transports, le segment le plus important, tant en ce qui concerne la valeur ajoutée que l’effectif des travailleurs, est celui des transports terrestres (pour la définition des différents segments, voir

encadré 1
D’après la Nomenclature générale des activités économiques (Noga), publiée en 2002 par l’Office fédéral de la statistique (OFS), la branche des transports recouvre ceux effectués par voies terrestres (Noga 49), eau (50) et air (51) ainsi que les services auxiliaires (52). Les transports terrestres recouvrent les déplacements des personnes et du fret par la route et le rail, ainsi que l’acheminement de marchandises par conduites. Les transports par eau se limitent en Suisse à la navigation intérieure sur les lacs et les fleuves. Les transports aériens concernent les personnes et les marchandises. Les services auxiliaires recouvrent toutes les activités liées aux transports, y compris la gestion du trafic (transbordement de fret, entreposage de biens, agences de voyage, sociétés d’expédition et autres activités connexes pour tous les types de transport).). En 2006, quelque 108000 personnes y travaillaient, soit 58% des personnes actives dans le secteur des transports; on leur doit 63% de la valeur ajoutée de la branche. Vient ensuite la catégorie «services auxiliaires des transports», qui comprend avant tout les entreprises de logistique et les agences de voyage. En 2006, plus de 65 000 personnes (35% des effectifs) étaient employées dans ce segment à forte vocation tertiaire, qui génère 30% de la valeur ajoutée de la branche. L’aviation et la navigation ont beaucoup moins d’importance, que ce soit en termes de valeur ajoutée ou d’emploi. En 2006, les transports aériens occupaient quelque 9000 personnes (5%), la navigation 3000 (2%). Depuis 1980, les services auxiliaires des transports sont le segment qui a connu la plus forte croissance, tant en valeur ajoutée réelle (+3,6%) qu’en effectif (+6,3%), ce qui montre bien la tertiarisation du secteur.

Importance régionale variable du secteur suisse des transports


Le poids des transports dans l’économie de chaque canton varie. Ils contribuent, par exemple, de manière décisive à la valeur ajoutée nominale dans les cantons d’Uri et des Grisons (5,6% en 2006, voir graphique 3). Ces régions alpines se caractérisent par une structure économique plutôt traditionnelle, avec un secteur tertiaire faible, les transports y jouent donc un rôle relativement important. Le canton du Valais se range dans la même catégorie; les transports contribuent à la valeur ajoutée pour 5%. Le secteur des transports revêt une importance différente, mais non moins marquée, dans la Suisse du Nord-Ouest au fort maillage. Dans le canton relativement peu étendu de Bâle-Ville, sa quote-part dans la valeur ajoutée totale est de 5,1%, à Soleure de 4,7%, à Bâle-Campagne de 4,3%. La forte importance des transports à Bâle-Ville est due en premier lieu à son ancien rôle historique de noeud commercial avec son port florissant sur le Rhin. À cause de sa situation favorable à l’intersection de trois pays, le canton-ville a longtemps été qualifié de «porte d’or» de la Suisse. Des expéditeurs internationaux – Panalpina, DHL Logistics et DHL Express – ont aujourd’hui leur siège à Bâle. Plusieurs entreprises de transport et de logistique sont également implantées dans la région d’Olten (canton de Soleure), entre autres le centre des lettres et paquets de la Poste et le centre de distribution de Migros. En chiffres absolus, le tableau est légèrement différent. Le secteur des transports réalise sa plus forte valeur ajoutée nominale brute dans les grandes agglomérations, et surtout dans les régions MS Glattal-Fruttal (environs de Zurich), Bâle-Ville, Zurich, Genève et Berne (voir graphique 4).

Concentration du commerce extérieur sur les pays voisins


À part la demande intérieure et l’évolution de la conjoncture, le commerce extérieur représente un indicateur important pour connaître l’état actuel et l’évolution future de l’industrie des transports. Il fournit, en outre, un indice quant à l’interprétation possible de la répartition du trafic entre les différents modes de transport. L’économie suisse entretient ses relations commerciales extérieures les plus fortes avec ses voisins immédiats, soit l’Allemagne, la France et l’Italie. 37% de tous les biens exportés de Suisse vont en Allemagne et 34% des biens importés en proviennent. Le deuxième partenaire commercial est la France, qui exporte 6,9 millions de tonnes de marchandises (15%) vers la Suisse et en importe 2,1 millions de tonnes (13%). L’Italie vient en troisième position. Les transports terrestres sont ainsi la voie la plus importante pour les échanges. Le commerce extérieur avec les pays industrialisés d’outremer (États-Unis, Japon et Canada) est très faible en volume, mais a une importance relativement élevée en valeur. De janvier à novembre 2007, il s’est exporté aux États-Unis des biens d’une valeur de 17 milliards de francs, ce qui correspond à 62% de toutes les ventes outremer. En contrepartie, les importations des États-Unis ont porté sur quelque 8 milliards de francs (70% des importations d’outremer). Les relations commerciales avec le Canada et le Japon viennent au deuxième rang.

Un nombre de passagers aériens en dents de scie


Le nombre des passagers dans les trois principaux aéroports de Suisse (Zurich, Bâle et Genève) est un bon indicateur pour éva-luer l’évolution du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée dans les deux segments des transports aériens et des services auxiliaires. Après les attentats du 11 septembre 2001, l’immobilisation de la flotte de Swissair et la crise consécutive de l’aviation suisse, le nombre des passagers a impitoyablement chuté en 2001 et 2002 (voir graphique 5). Alors que celui-ci augmentait encore de 10,8% en 2000, ce chiffre se réduisait à 0,6% en 2001. L’étendue des conséquences de la crise n’est, cependant, apparue pleinement qu’en 2002, où les aéroports ont dû affronter un recul des passagers de 17%. La stabilisation survint en 2003, où le recul n’était plus que de 5%. Depuis 2004, les aéroports enregistrent de nouveau des taux de croissance positifs: jusqu’à 8% en 2007. Il est probable que les chiffres continueront à évoluer dans le bon sens.

Faible dynamisme en comparaison internationale, malgré une productivité élevée


En comparaison internationale, la participation du secteur suisse des transports à la valeur ajoutée de l’économie générale (4,2% en moyenne de 1980 à 2006) place la Suisse vers le milieu du peloton (voir graphique 6). Le poids économique du secteur est nettement supérieur en Finlande (7%) et légèrement supérieur en Italie et en Autriche (autour de 5%). Toutefois, si l’on considère la dynamique de la croissance pendant toute la période 1980-2006, le secteur suisse des transports est largement battu. Sa croissance n’a été que de 0,15%, tandis que d’autres pays enregistraient des taux nettement supérieurs: plus de 4% aux États-Unis et plus de 3% en Italie, Allemagne et Royaume-Uni. La croissance bloquée du secteur suisse des transports indique que les potentiels de progression ne sont pas assez exploités. Or une comparaison de la productivité horaire nominale avec les principaux concurrents européens et avec les États-Unis montre en revanche que l’industrie suisse des transports n’est pas à la traîne sur ce point. En 2006, la valeur ajoutée horaire d’un salarié suisse a été de 45 francs et se situe donc assez exactement dans la moyenne d’Europe occidentale. En comparaison internationale, seuls les transports français et suédois présentent une productivité horaire supérieure. Le secteur est, cependant, à la traîne par rapport à la productivité horaire nominale de l’économie suisse en général (61 francs). Cela doit, avant tout, être attribué à la part élevée des services dans ce secteur si on le compare, par exemple, à l’industrie de production. La concurrence accrue et les voeux personnels des clients obligent à adapter l’acheminement du trafic de façon différenciée, ce qui complique entre autres l’exploitation des effets d’échelle et amoindrit la productivité par rapport à d’autres secteurs.

Futurs défis


Puissance économique importante, mais aussi pays de transit au coeur de l’Europe élargie, la Suisse est mise spécialement en demeure d’améliorer durablement la qualité et l’efficacité de ses systèmes de transport pour renforcer l’économie et soutenir les mutations structurelles. Ces objectifs nécessitent des voies, réseaux et noeuds de transport fiables et suffisants. Étant donné la concentration du commerce extérieur sur les pays limitrophes et le fait que celui-ci aura tendance à augmenter suite à l’accord de Schengen et à l’ouverture des frontières, il s’agit en premier lieu d’éliminer ou d’éviter les pertes de charge régulière dans les échanges transfrontaliers de marchandises. En 2007, l’inauguration et la mise en service du tunnel de base du Lötschberg ont marqué une étape importante dans la bonne direction. Il importera encore et toujours d’améliorer les processus pour gagner de nouveaux clients et garder les anciens par des offres novatrices et des prix attrayants.

Graphique 1 «Quote-part de l’industrie des transports dans l’économie suisse, 1980 et 2005»

Graphique 2 «Évolution de la valeur ajoutée brute réelle de l’industrie des transports en comparaisonavec le reste de l’économie, 1980-2006»

Graphique 3 «L’industrie des transports dans les cantons suisses, 2006 Valeur ajoutée brute par rapport à l’ensemble de l’économie, en %»

Graphique 4 «Valeur ajoutée de l’industrie des transports dans les régions MS suisses, 2006»

Graphique 5 «Évolution du nombre de passagers aériens dans les aéroports de Zurich, Bâle et Genève, 1983-2006»

Graphique 6 «Productivité nominale horaire dans l’industrie des transports ainsi que dans l’économie nationale, 2006»

Graphique 7 «Contribution de l’industrie des transports à la croissance de l’économie générale, 1980-2006»

Encadré 1: L’industrie des transports
D’après la Nomenclature générale des activités économiques (Noga), publiée en 2002 par l’Office fédéral de la statistique (OFS), la branche des transports recouvre ceux effectués par voies terrestres (Noga 49), eau (50) et air (51) ainsi que les services auxiliaires (52). Les transports terrestres recouvrent les déplacements des personnes et du fret par la route et le rail, ainsi que l’acheminement de marchandises par conduites. Les transports par eau se limitent en Suisse à la navigation intérieure sur les lacs et les fleuves. Les transports aériens concernent les personnes et les marchandises. Les services auxiliaires recouvrent toutes les activités liées aux transports, y compris la gestion du trafic (transbordement de fret, entreposage de biens, agences de voyage, sociétés d’expédition et autres activités connexes pour tous les types de transport).

Proposition de citation: Haisch, Tina (2008). L’industrie suisse des transports face à la généralisation de la concurrence. La Vie économique, 01. mars.