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Analyse comparative des prestations publiques

L'analyse comparative des entreprises et des unités administratives a pour but d'introduire un élément de concurrence dans la fourniture de prestations qui - parfois pour de bonnes raisons - ne sont souvent fournies que par une seule unité économique dans un territoire limité. Ces prestations sont régulièrement réglementées - et parfois aussi co-financées - par les cantons et les communes, pour autant qu'elles ne soient pas fournies par l'administration elle-même. Comme il ne s'agit pas seulement d'efficacité économique, mais aussi d'utilisation judicieuse des fonds publics, l'analyse comparative devrait prendre davantage d'importance. C'est d'ailleurs ce qu'exige et encourage la nouvelle péréquation financière, qui mesurera les indemnisations non pas à l'aune de la dépense effectuée, mais au résultat économique.

Analyse comparative des prestations publiques



La structure fédérale de la Suisse se prête en principe bien à l’application de l’analyse comparative, puisque, au grand nombre de prestations publiques offertes, s’opposent une foule de fournisseurs locaux susceptibles d’être pris en compte dans la comparaison. Cela ne signifie pas pour autant que ce type d’analyse soit bien acceptée. Ceux qui en font l’objet contestent souvent les comparaisons directes en invoquant les particularités locales. C’est pourquoi il est très important, pour mesurer l’efficacité économique, d’appliquer des méthodes avancées qui tiennent compte de ces objections. L’équité croissante des comparaisons exige, cependant, des méthodes de mesure de plus en plus complexes, qui n’encouragent pas les fournisseurs de prestations à en faire leur profit. Commandées par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco), les études résumées ici ont donc pour but d’illustrer les possibilités d’une analyse comparative scientifique à partir d’exemples concrets tirés de différents domaines.

Comparer des chiffres clés ne suffit pas


L’idée de l’analyse comparative est avant de tout de récompenser le premier de classe. Qui est-il, cependant, lorsque, par exemple, la population desservie par un hôpital régional varie en taille et en besoins, et que la palette des prestations diffère donc d’une région à l’autre? Si l’on dispose d’un nombre suffisant d’unités économiques comparables, les techniques de l’économétrie permettent de déterminer la taille idéale d’un hôpital régional quant aux coûts d’exploitation et le bonus qui doit être ajouté à un hôpital périphérique si, à cause de la taille limitée de la population locale, celui-ci n’atteint pas le nombre de cas qui permette une production optimale. L’analyse comparative scientifique n’entend, cependant, pas ajuster seulement les chiffres clés en y apportant des facteurs de correction. Elle est foncièrement ouverte aux facteurs qui induisent des coûts ou diminuent le rendement. Même ceux qui ne peuvent être chiffrés en francs, comme la satisfaction des clients, peuvent être intégrés dans ses modèles explicatifs, ce qui est certainement un des avantages des méthodes d’analyse comparative scientifique fondées sur la régression.

Méthodes fondées sur la régression


L’estimation des fonctions flexibles de production est un sous-groupe ou élément partiel des différentes méthodes d’analyse comparative fondées sur la régression. Ces dernières obéissent habituellement à la forme fonctionnelle générale, présentée ci-dessous, qui corrèle les prestations et les coûts avec leurs déterminants respectifs Pour des raisons de place, nous renonçons ici à présenter la forme fonctionnelle en miroir, utilisée pour estimer le coût/rendement et pour optimiser le rapport entre les intrants et les résultats physiques.. L’étalonnage des coûts ou du rendement dépend: – d’un aménagement optimal de la production (ou éventuellement des prestations); – de l’impact d’autres facteurs inducteurs de coûts et/ou réducteurs de rendement qui échappent la plupart du temps à l’influence de l’unité économique; – d’une ou plusieurs grandeurs perturbatrices destinées à compenser les erreurs de mesure du résultat et des facteurs de coût observables, de même que des variables proxy, utilisées pour exprimer les éléments influençant le coût et le rendement qui ne peuvent être tirés directement de la comptabilité.  Les estimations des fonctions flexibles de production apportent des indications sur l’affectation optimale du capital et du travail, ainsi que sur la taille optimale d’une entreprise ou sa spécialisation. Dans ces études, on exprime l’impact d’autres inducteurs de coût et réducteurs de rendement échappant la plupart du temps à l’influence de l’entreprise par une variable indicatrice, qui permet à chaque unité économique étudiée un certain écart – invariant dans le temps – par rapport à la frontière des meilleures pratiques, afin de tenir compte des particularités locales. Cette méthode est donc tolérante vis-à-vis des inefficacités invariantes dans le temps, pour autant que les écarts par rapport à la frontière des meilleures pratiques les concernant ne fassent pas l’objet d’un éclaircissement spécifique. Contrairement aux estimations des fonctions flexibles de production, les estimations fondées sur la régression de modèles explicatifs corrèlent les coûts et rendements avec des grandeurs externes – par exemple avec l’existence d’une taxe sur les sacs-poubelles, dans le cas du ramassage des ordures. La démarche régulatrice consiste alors à imputer à l’unité de production les effets qui ne découlent pas de ces facteurs exogènes et à l’inciter à procéder aux améliorations correspondantes de son exploitation. En approfondissant ce système, on peut distinguer, entre les facteurs qui déterminent le rapport qualité/prix, ceux qui peuvent être qualifiés d’inducteurs de coût (réducteurs de rendement) admissibles et ceux qui ne peuvent être invoqués pour excuser un rapport qualité/prix défavorable. L’étude de Filippini, Fetz et Farsi sur les avantages de l’intégration horizontale de la fourniture d’eau, de gaz et d’électricité est un exemple de la première méthode, celle qui se concentre sur l’optimisation de la production. Le seul inducteur de coûts/réducteur de rendement pris en compte explicitement dans les calculs est la densité de la population. D’autres facteurs analogues sont exprimés par la grandeur perturbatrice, invariante dans le temps, concédée à chaque unité étudiée. Le constat principal est qu’une grande zone de desserte présente certes des coûts avantageux, mais que l’intégration de la distribution d’eau, de gaz et d’électricité dans une seule entreprise permet aussi des gains d’échelle. On ne peut en tout cas affirmer que toutes les communautés régionales distribuant séparément eau, gaz ou électricité soient supérieures aux entreprises communales qui offrent ces mêmes prestations de façon intégrée. L’étude de Kuster et Meier sur le ramassage du vieux papier recourt à la deuxième méthode, celle d’un modèle explicatif qui met l’accent sur les facteurs externes. La question est: quelles directives peut-on formuler à l’égard des organisations de ramassage? Il en ressort que, dans leurs conventions de prestations, les communes qui n’ont pas encore introduit la taxe sur les sacs-poubelles doivent fixer le résultat du ramassage par habitant 30 kilos plus bas que celles qui l’ont introduite. Le phénomène des écarts admissibles ou inadmissibles par rapport au meilleur résultat est très bien illustré par un volet de l’étude de Kellermann sur le comportement dépensier des 26 cantons et de leurs com-munes. L’étude relève que les dépenses par habitant sont notablement élevées pour un nombre excessif de communes dans un canton et intègre ces surcoûts dans l’étalon chargé de mesurer les comportements dispendieux des pouvoirs publics. En faisant de la structure communale une variable modulable, le modèle explicatif devient modèle normatif. La formulation de la grandeur cible a aussi une importance considérable. Dans l’étude d’Ecoplan présentée par Osterwald et Walter, cette grandeur est la minimisation des coûts par km dans le trafic des voyageurs à courte distance. Dans une perspective d’optimisation, cette cible peut être recherchée quand les grandeurs qui déterminent le rendement et le gain échappent au contrôle de l’entreprise de transports responsable. Si, par exemple, l’horaire est dicté par la cadence et le tarif par les directives de la communauté régionale des transports, l’exploitant d’une ligne particulière n’a effectivement pratiquement pas d’autre tâche que de minimiser ses coûts. La frontière des meilleures pratiques se situe entre 8 et 20 francs, selon les lignes, pour les entreprises ferroviaires et entre 2 et 6 francs pour les entreprises d’autocar. La plupart des analyses présentées combinent des identificateurs plutôt rudimentaires de l’efficience des exploitations avec une sélection d’autres inducteurs de coûts et réducteurs de rendement. L’étude de Frick sur les coûts de la formation des apprentis pour les pouvoirs publics réduit une foule de variables, qui pourraient être invoquées par les écoles professionnelles comme génératrices de coûts, à une petite sélection, dont on peut prouver empiriquement qu’elles sont déterminantes pour les dépenses. En ce qui concerne les apprentis, outre la proportion de ceux qui sont entièrement formés en école professionnelle, leur orientation professionnelle revêt une importance déterminante.

Limites de l’analyse comparative


Un principe général est qu’il faut être sélectif quant au nombre d’intrants et de conditions pris en compte dans le modèle définitif, sinon l’analyse régressive manquera de pertinence statistique, ou, dans le cas de la DEA (voir encadré 1 Une alternative aux estimations fournies par les modèles explicatifs est la Data Envelopment Analysis (DEA), qui cherche surtout à déterminer les solutions techniquement efficaces. Choisir entre ces dernières la solution économiquement efficace est l’affaire d’une décision ultérieure.Il y a efficacité technique quand, avec les ressources données, aucune autre unité économique n’obtient de rendement supérieur ou qu’un rendement donné n’est obtenu par aucune autre unité économique à moindre coût. Si, avec un nombre de véhicules donné, l’unité A effectue moins de kilomètres que l’unité B, elle n’exploite pas à fond son potentiel (efficacité technique), à moins de dépasser l’unité B en dépensant moins en frais de personnel. Le passage de l’efficacité technique à l’efficacité économique s’effectue en comparant les coûts salariaux économisés par A aux coûts de capital économisés par B. Dans certaines conditions, il peut être indiqué de n’aspirer qu’à l’efficacité technique, sans rechercher simultanément l’efficacité économique. C’est, par exemple, le cas quand le capital ou le personnel engagés ne peuvent être modulés à court terme. La méthode non paramétrique de la DEA a en outre des avantages si on n’entend pas déterminer d’emblée comment les cibles économiques seront comparées à d’autres qui se laissent moins bien mesurer en termes économiques (dans le cas évoqué du ramassage des ordures d’une commune, ce sera par exemple le financement de la vie associative). La DEA a, toutefois, le défaut que le nombre des entreprises classées comme efficaces parce qu’elles surpassent les autres sur un point peut devenir rapidement très grand. Si une commune qui récolte le vieux papier deux fois par an dépasse toutes celles qui en font autant, cela ne dit pas si celle qui fait quatre ramassages par an pourrait dépasser celles qui en font deux en n’en faisant elle-même que deux. C’est pour répondre à de telles objections qu’on recourt à l’estimation de fonctions flexibles de production. Là, on déduit des données de toutes les unités économiques étudiées dans quelle mesure le résultat diminue avec chaque ramassage. Cette méthode des fonctions flexibles de production est plus objective que la méthode linéaire simple, souvent retenue pour des raisons de commodité dans les modèles explicatifs, et selon laquelle le passage de trois à quatre ramassages produit la même augmentation que celui de onze à douze. Les méthodes fondées sur la régression divergent encore de la DEA dans la mesure où elles postulent que, pour obtenir un résultat donné, il n’existe pas plusieurs technologies foncièrement différentes.), trop de solutions seront identifiées comme techniquement efficaces. En outre, dans les méthodes fondées sur la régression, il est souvent difficile de spécifier l’équation d’estimation, alors qu’avec la DEA, il y a risque que, parmi les solutions techniquement efficaces, on en choisisse une qui implique un compromis absurde entre certains résultats souhaités et la dépense effectuée. Ces objections militent d’une part en faveur du pluralisme des méthodes, de l’autre pour le recours au dialogue dans l’analyse comparative. Avant de déterminer un étalon, il faudrait donc demander aux responsables des unités économiques comparées quelles sont pour eux les stratégies les plus prometteuses pour optimiser leur exploitation et où ils se heurtent à des directives qui leur interdisent un meilleur résultat économique. Si l’estimation respecte ces questions, elle aura plus de chances d’être acceptée.  On ajoutera que l’analyse comparative est une méthode relativement étatiste. Une de ses applications typiques est le cas où un mandant (public) est confronté à un fournisseur unique, de droit public ou privé, qui jouit d’une position forte sur le marché et dans le monde politique (lobbysme), d’où la difficulté de lui imposer des critères d’efficacité économique.  Une telle situation de départ peut, pourtant, être modifiée. Lancer un appel d’offres public pour les prestations concernées peut être la sanction d’une inefficacité prouvée On rappellera que le sujet des sanctions possibles – et de leurs effets – contre des opérateurs économiques inefficaces n’était pas l’objet des études présentées. L’instrument de la convention de prestations négociée offre ici de nombreuses possibilités., mais aussi une procédure appliquée systématiquement. Le service chargé de formuler les mandats de prestation doit également se rendre compte qu’il n’agit qu’en tant que représentant des citoyens-clients. C’est quand le client final a plus de choix que la concurrence et l’innovation s’imposent d’elles-mêmes.

Encadré 1: Efficacité technique ou économique? Une alternative aux estimations fournies par les modèles explicatifs est la Data Envelopment Analysis (DEA), qui cherche surtout à déterminer les solutions techniquement efficaces. Choisir entre ces dernières la solution économiquement efficace est l’affaire d’une décision ultérieure.Il y a efficacité technique quand, avec les ressources données, aucune autre unité économique n’obtient de rendement supérieur ou qu’un rendement donné n’est obtenu par aucune autre unité économique à moindre coût. Si, avec un nombre de véhicules donné, l’unité A effectue moins de kilomètres que l’unité B, elle n’exploite pas à fond son potentiel (efficacité technique), à moins de dépasser l’unité B en dépensant moins en frais de personnel. Le passage de l’efficacité technique à l’efficacité économique s’effectue en comparant les coûts salariaux économisés par A aux coûts de capital économisés par B. Dans certaines conditions, il peut être indiqué de n’aspirer qu’à l’efficacité technique, sans rechercher simultanément l’efficacité économique. C’est, par exemple, le cas quand le capital ou le personnel engagés ne peuvent être modulés à court terme. La méthode non paramétrique de la DEA a en outre des avantages si on n’entend pas déterminer d’emblée comment les cibles économiques seront comparées à d’autres qui se laissent moins bien mesurer en termes économiques (dans le cas évoqué du ramassage des ordures d’une commune, ce sera par exemple le financement de la vie associative). La DEA a, toutefois, le défaut que le nombre des entreprises classées comme efficaces parce qu’elles surpassent les autres sur un point peut devenir rapidement très grand. Si une commune qui récolte le vieux papier deux fois par an dépasse toutes celles qui en font autant, cela ne dit pas si celle qui fait quatre ramassages par an pourrait dépasser celles qui en font deux en n’en faisant elle-même que deux. C’est pour répondre à de telles objections qu’on recourt à l’estimation de fonctions flexibles de production. Là, on déduit des données de toutes les unités économiques étudiées dans quelle mesure le résultat diminue avec chaque ramassage. Cette méthode des fonctions flexibles de production est plus objective que la méthode linéaire simple, souvent retenue pour des raisons de commodité dans les modèles explicatifs, et selon laquelle le passage de trois à quatre ramassages produit la même augmentation que celui de onze à douze. Les méthodes fondées sur la régression divergent encore de la DEA dans la mesure où elles postulent que, pour obtenir un résultat donné, il n’existe pas plusieurs technologies foncièrement différentes.

Proposition de citation: Peter Balaster (2008). Analyse comparative des prestations publiques. La Vie économique, 01 juin.