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La mesure des services publics du point de vue des cantons

Le fédéralisme vit de la comparaison des services publics entre États fédérés ou entre communes: les meilleures pratiques peuvent faire leur preuve et s'imposer grâce à cette concurrence. Quels sont les critères ou les approches qui permettent une telle comparaison sur les plans aussi bien quantitatif que qualitatif? Quelle que soit la réponse, il faut considérer que l'État fédéré et le souverain sont libres de définir eux-mêmes la qualité requise d'une prestation - avec ou sans comparaison scientifique!
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Possibilités…


Il est typique du domaine public d’échapper au jeu du marché. Ce n’est donc pas ce dernier qui décide de l’évolution du chiffre d’affaires ou du bénéfice, ou encore si les bonnes prestations sont offertes au juste prix. L’analyse comparative permet, toutefois, de montrer où les fonds publics sont réellement utilisés conformément au budget et où les services collectifs sont vraiment fournis avec efficacité. Les études comparatives portant sur différents domaines des services publics, établies sur mandat du Département fédéral de l’économie (DFE), sont à ce titre naturellement appréciées. Avec la volonté constante d’apprendre des meilleures pratiques, les collectivités publiques profitent de ces comparaisons, dont les résultats les incitent à augmenter l’efficience de leurs services. Pour définir des directives de management intelligentes et des budgets globaux adéquats dans le cadre de la nouvelle gestion publique, il est essentiel d’avoir des chiffres de comparaison pertinents. De même, le nouvel instrument de la convention-programme entre Confédération et cantons, introduit par la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), requiert des analyses de coûts pour définir «correctement» les contributions forfaitaires prévues. Tous ces motifs justifiant comparaisons et analyses de coûts afférentes relèvent fondamentalement de l’économie d’entreprise. Les responsables décisionnaires disposent ainsi de bases optimales pour définir des directives de gestion utiles, que ce soit au sein de l’administration ou dans le processus politique.

…et limites de l’analyse comparative dans le domaine public


Pour la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC), comme d’ailleurs pour la Confédération, il est impossible dans notre État fédéral d’accorder un rôle prioritaire à des rapports d’inefficacité constatés dans certains cantons ou à un palmarès d’efficience. Les 26 cantons sont des États partiellement souverains qui assument leur propre responsabilité en matière de prestations et de coûts. Notre conception du fédéralisme veut que le souverain de chaque canton soit libre de déterminer son offre de services, ce qui entraîne des différences en termes aussi bien de qualité que de quantité, mais également du point de vue de l’efficience exigée pour la prestation. Les résultats des études comparatives peuvent donc jouer un rôle important pour les décideurs cantonaux, mais ils sont dénués de toute force normative. Il peut très bien exister des raisons de convenir politiquement d’autres critères pour certains services, car il convient de nuancer en fonction des circonstances. Ainsi, on ne peut guère comparer la quantité de papier déposée – et donc son élimination – dans une boîte aux lettres en Haute-Conches ou en ville de Berne.

Un domaine d’application:les charges spéciales de la RPT


Le fédéralisme sous-tend la liberté de définir des services; c’est également le cas pour la RPT. En effet, le principe qui consistait jusqu’à présent à subordonner la péréquation financière à l’importance de la charge fiscale est remplacé par un système qui repose exclusivement sur le potentiel des ressources. En remplaçant des transferts de fonds affectés par des versements compensatoires librement disponibles, la RPT renforce la marge de décision de chaque canton. Les études comparatives sont nécessaires pour définir les charges spéciales. Il s’agit là d’apprécier l’impact de facteurs exogènes – et qui échappent donc au canton – sur le coût des services de base et de compenser les charges excessives. Pour obtenir des chiffres indicateurs utiles au processus décisionnel, qui permettent de mesurer l’économicité de la prestation d’un service, il faut réunir trois conditions de base: – relever les facteurs de coûts non influençables et leur impact sur les coûts de la prestation; – définir et mesurer la qualité, en particulier celle de la prestation fournie; – disposer d’études compréhensibles et de résultats crédibles. On peut, certes, trouver intéressant de constater, par exemple, qu’une forte capacité financière ou économique est liée à plus de dépenses ou que les cantons de Suisse occidentale ont généralement un niveau de dépenses supérieur à celui de Suisse centrale ou orientale. Pour juger, toutefois, de l’efficience de la prestation d’un service spécifique, on ne saurait considérer de tels facteurs comme non influençables, car ils sont eux-mêmes le résultat de choix différenciés du peuple ou des décideurs.

Conclusion


Dans la plupart des domaines de l’administration publique, les difficultés commencent dès lors qu’il s’agit d’apprécier la quantité de prestations fournies. Le contrôle de la qualité est, de loin, encore plus difficile. N’oublions pas que, dans le secteur public, c’est moins la prestation qui est importante que son impact. Dans ce sens, il est plus utile de comparer et d’étalonner certaines prestations publiques particulières, comme le transport public de personnes, que de faire des déclarations générales sur le volume adéquat de dépenses cantonales et communales. L’analyse comparative doit donc fournir des bases de décision. Pour que les décideurs puissent en tirer les conclusions qui s’imposent, il est important qu’ils en comprennent les relations causales. Relevons à ce propos qu’il est tout à fait possible – comme le montre l’étude sur la collecte du vieux papier – d’aboutir à différents optima d’efficience et qu’un «mauvais» résultat de collecte peut être optimisé. Les études comparatives constituent un élément précieux pour améliorer certains domaines du service public. Néanmoins, elles n’en sont qu’un parmi d’autres, et il faut notamment tenir compte des aspects qualitatifs, voire même émotionnels, pour répondre au processus décisionnel en faveur de solutions plus efficaces. Au-delà de tous les critères objectifs, il faut également tenir compte du jugement subjectif que le particulier porte sur un service. On sait que les majorités sont faites de l’addition de points de vue subjectifs convergents.

Proposition de citation: Braun, Canisius (2008). La mesure des services publics du point de vue des cantons. La Vie économique, 01. juin.