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Mesurer la performance et l’efficience est-il plus qu’une amorce de réflexion?

Tous les auteurs des articles publiés dans ce numéro parviennent certes à mesurer les prestations fournies dans leur domaine d'étude, mais ils ne peuvent expliquer que la moitié - ou à peu près - des écarts observés. La plupart en concluent que leurs résultats nécessitent de nouveaux éclaircissements, ce qui est insatisfaisant, surtout dans une logique d'efficience. La variance inexpliquée doit-elle être considérée comme un indice d'inefficience ou comme une invitation à commander de nouvelles études? Étant donné que toutes celles rapportées dans ce numéro prouvent sans exception des inefficiences, on aurait souhaité des conclusions plus courageuses dans la plupart des cas, car on n'effectue pas de mesurage pour le seul plaisir!
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Cette introduction critique ne signifie pas que l’auteur porte un jugement négatif sur les articles publiés ici, car il est déjà positif en soi que le sujet «mesure de la performance et de l’efficience du secteur public» soit soumis à une analyse comparative. Celle-ci porte, à travers ces études, sur les prestations et leurs déterminants dans les cantons et les communes. L’efficience fait également l’objet de mesurages pour aboutir à des classements ou tableaux du même ordre. Ce que les articles ne fournissent pas – bien que cela soit faisable -, ce sont des analyses des causes de l’inefficience. Les données ne permettent, en revanche, pas d’analyse comparative des prestations fournies par le privé.

Mesurabilité des prestations publiques


Mesurer les prestations étant donc possible et les méthodes connues (voir l’article introductif de Balastèr ainsi que les études spécialisées), on se contentera ici d’une brève remarque. L’économiste y trouve la confirmation que la méthode paramétrique est plus substantielle que la DEA, surtout si l’on ne dispose que de peu d’observations, et cela aussi bien en ce qui concerne le mesurage différencié de l’efficience que l’identification des facteurs qui influent sur la fourniture de prestations. Comme il fallait s’y attendre, la DEA s’avère une méthode «charitable»: là où elle est appliquée de préférence aux estimations frontière, un grand nombre d’observations aboutissent régulièrement à la mention «efficiente». Cette propriété de la DEA, que nous jugeons problématique, apparaît le plus nettement dans l’analyse du ramassage de vieux papier, où presque toutes les communes sont efficientes à 100%, y compris celles qui semblent parfaitement inefficientes selon la méthode de la frontière. Que, malgré cela, des auteurs comme Kuster et Meier manifestent un net penchant pour la DEA ne peut s’expliquer que par des préférences personnelles. Dans leurs tableaux, huit communes sur onze sont efficientes à 100% en DEA, bien que cette sélection comprenne la première et la dernière de 66 communes d’après les chiffres clés, et la deuxième et l’avant-dernière selon l’estimation frontière. Fait remarquable, quatre communes apparaissent dans les cinq meilleures avec les trois méthodes – un résultat qui mériterait un commentaire plus franc de la part des auteurs, à savoir que les communes manifestement efficientes peuvent être identifiées quelle que soit la méthode utilisée.

Les analyses causales encore insatisfaisantes


Même si la performance est mesurable, il faut remarquer que les analyses causales restent insatisfaisantes: plus de 50% de la variance n’est guère expliquée (l’auteur de ce commentaire ne se base, toutefois, que sur les études publiées ici). Il est douteux que cela justifie la prudence extrême des conclusions des différents responsables de ces travaux, quand on connaît les solutions qu’offre généralement la littérature spécialisée. Lorsque plus de 90% de la variance est expliquée à l’aide de variables muettes, comme dans le cas des dépenses cantonales (Frick), les coefficients restants peuvent être considérés comme relativement sûrs.

Quelques conclusions intéressantes


En ce qui concerne les résultats, on trouve quelques constats très intéressants. Ainsi, les subventions diminuent l’efficience de la sylviculture (Mack et Schoenenberger); les auteurs de cette étude relèvent, en outre, «d’énormes disparités entre les exploitations», tout en laissant au lecteur le soin de tirer les leçons de cet intéressant constat. Osterwald et Walter concluent que «les lignes régionales de train et de bus les plus efficientes sont environ 40% meilleur marché qu’une ligne moyenne dans les mêmes conditions». La seule conclusion qui se dégage de cette inefficience spectaculaire – mais seulement supposée par les auteurs, malgré un échantillon de 760 lignes de bus et 220 lignes ferroviaires – est que d’autres éclaircissements seraient encore nécessaires! Les conclusions de Farsi, Fetz et Filippini sont intéressantes: le dégroupage (lire: la dérégulation) n’est pas indiqué, car il supprimerait les avantages existants de l’intégration horizontale, pratiquée surtout par de petites entreprises. Cependant, en raison des gains d’échelle, des fusions régionales pourraient être envisagées. Qu’il soit permis de poser deux questions: (1) les avantages de l’intégration horizontale se retrouveraient-ils en cas de fusion plus importante? (2) en cas de désenchevêtrement et de libéralisation, une diminution éventuelle des avantages de l’intégration horizontale ne serait-elle pas compensée par des gains d’efficience technique? L’article a au moins le mérite de présenter des conclusions politiques claires. Bien que les raisons de l’inefficience ne soient pas étudiées, nous l’avons dit, on trouve çà et là des résultats intéressants quant aux déterminants de la performance ou des coûts. Voici ceux que nous estimons les plus importants. (1) Pour le ramassage de papier, une redevance sur les sacs-poubelles accroît le volume récolté, toutes choses restant égales par ailleurs; l’introduction d’autres variables politiques (force des partis, etc.) et culturelles (religion, langue) aurait peut-être permis d’autres conclusions politiques, notamment quant à la non-introduction d’une telle redevance. (2) L’existence d’écoles à horaire continu accroît les dépenses cantonales de formation professionnelle, celle d’écoles privées subventionnées les diminue. Que doit-on en conclure? (3) Dans les transports régionaux de voyageurs, les principaux inducteurs de coûts sont la longueur du trajet, la vitesse moyenne et le taux d’occupation, mais si l’on omet la qualité de la production (ponctualité, horaire, etc.), on ne peut pas en tirer grand-chose. (4) Dans la fonction «classique» des coûts appliquée au domaine eau, gaz et électricité, le déterminant principal, à part la production et la rémunération des facteurs, est la densité de la clientèle – d’accord! mais affectée de quel signe (- /+)?

Conclusion et coup d’oeil sur l’avenir


Dans la perspective de nouvelles tentatives de passer à la loupe l’activité de l’État, ajoutons encore quelques remarques. (1) À l’exception de Farsi, Fetz et Filippini, aucune étude ne se penche sur des productions combinées. Or la plupart des services publics fournissent plus qu’une seule prestation: la sylviculture produit du bois et une valeur récréative, la formation recouvre diverses dépenses éducatives, etc. (2) Mesurer les avantages de l’intégration horizontale pourrait être une contribution utile à la discussion sur la libéralisation, mais il subsiste un malaise à propos de la demande: on ne tient, en effet, pas compte de la disposition à payer des services en fonction d’une certaine qualité. Est-il judicieux, du point de vue du mandant, de ne considérer que les coûts? Et ose-t-on espérer des études qui permettraient alors une comparaison qualité/prix dans les mêmes domaines? Les articles ont été discutés comme si leur qualité et leur rigueur méthodologiques étaient uniformes, ce qui n’est guère le cas. Non seulement certains appliquent plusieurs méthodes et les comparent entre elles, tandis que d’autres ne le font pas; de plus, certains travaux sont déjà entrés dans la littérature scientifique et ont ainsi été validés. Ceci pourrait éventuellement être à l’avenir un critère pour le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) ou d’autres services fédéraux, tout comme la mention de comparaisons internationales, que ce soit sous forme de bibliographie, de tableaux de résultats ou de commandes parallèles à des chercheurs étrangers. Qu’il soit donc permis de poser (timidement) une dernière question: à quel niveau faut-il porter les résultats présentés dans une comparaison internationale? ou bien ce travail est-il réservé aux publications scientifiques élargies?

Tableau 1 «Formes mesurées de l’inefficience dans divers services publics»

Proposition de citation: Maggi, Rico (2008). Mesurer la performance et l’efficience est-il plus qu’une amorce de réflexion? La Vie économique, 01. juin.