Transport public régional: davantage pour le même prix?
Chaque année, la Confédération et les cantons commandent pour environ 1,7 milliard de francs de prestations dans le transport public régional. Ces contributions se basent sur les offres des entreprises de transport qui répondent aux soumissions concernant certaines lignes. Les entreprises de transport n’entrent en concurrence directe les unes avec les autres que s’il y a un appel d’offres, c’est-à-dire très rarement. Aussi est-il important pour la Confédération et les cantons de procéder à des comparaisons croisées des offres qui ne font pas l’objet d’une mise au concours. Jusqu’à présent, le système d’indices de l’Office fédéral des transports (OFT) avait été exploité dans le cadre de simples comparaisons indicielles, qui ne permettaient aucunement de déterminer l’efficience d’une ligne. L’influence réelle des différents facteurs, la plupart du temps prédéterminés dans l’exploitation d’une ligne (comme la longueur), sur les coûts n’était pas connue non plus. Les auteurs de la présente étude Ecoplan, Benchmarking: Beispiel öffentlicher Regionalverkehr, 2008. ont réalisé une analyse de frontière déterministe en utilisant les chiffres contenus dans les offres de 760 lignes de bus et de 220 lignes de train pour 2008. Ensemble, elles représentent près de 75% des indemnités de la Confédération et des cantons.
Résultats pour les lignes de train
L’analyse comparative se réfère aux coûts par kilomètre productif. Certes, pour la Confédération et les cantons, ce ne sont pas les coûts qui sont déterminants, mais les indemnités versées pour les déficits non couverts. Étant donné, cependant, que les indemnités dépendent aussi des recettes et que celles-ci sont fortement influencées par des facteurs communs le plus souvent à toutes les lignes – tels le système tarifaire ou le volume de passagers -, l’examen des coûts est plus précis. En ce qui concerne les lignes de train, 59% des différences de coûts sont dues à des conditions spécifiques qui peuvent être mises au jour sur la base des données disponibles. Le modèle montre que les éléments suivants ont des conséquences significatives sur les coûts Outre les facteurs de coûts susmentionnés, il en existe encore d’autres, pour lesquels aucune donnée n’était disponible, p. ex. la part de fonds étrangers ou l’âge, donc les coûts d’amortissement, du matériel roulant.: – la longueur de la ligne à offrir; – la vitesse moyenne; – la charge de la ligne (voyageurs); – l’occupation; – la taille de l’entreprise (exprimée comme la longueur totale du réseau d’une entreprise de transport). Si, compte tenu des facteurs ci-dessus, toutes les lignes de train étaient exploitées aussi efficacement que la ligne la plus efficace, les coûts de celle-ci se trouveraient sur la frontière correspondant à la meilleure pratique selon le graphique 1 Le graphique 1 montre que dans le cas présent, plusieurs lignes sont proches de la limite d’efficience. Un problème se poserait si tel n’était pas le cas et si la limite des coûts était déterminée par un «cas extrême». Dans ce cas, il faudrait l’ignorer pour déterminer une autre limite des coûts.: les coûts effectifs se situent parfois nettement au-dessus des coûts efficients. Les inefficiences supposées sont importantes. Ainsi, si l’on choisit au hasard une ligne moyenne, une ligne efficiente coûterait environ 40% moins cher, compte tenu des conditions-cadres. Le graphique révèle aussi qu’une simple comparaison de coûts peut induire en erreur. La ligne symbolisée par le point vert est certes chère, mais les surcoûts s’expliquent par des conditions-cadres différentes. Comme cette ligne est beaucoup plus proche de la limite d’efficience que celle représentée par un point rouge, il faut en déduire qu’elle est nettement mieux placée dans la comparaison L’efficience correspond au rapport entre les coûts efficients de la ligne «z» et ses coûts effectifs..
Large dispersion de l’inefficience
L’efficience correspond au rapport entre les coûts estimés et effectifs. Dans un modèle de frontière déterministe, le niveau d’efficience maximal est, par définition, égal à 100%. Le niveau d’efficience moyen s’établit à 56% et celui d’efficience minimal à 14%. Cette importante dispersion est illustrée dans le graphique 2. Sur la base des données actuellement disponibles, les raisons de cette inefficience ne peuvent faire l’objet que d’hypothèses; elles devraient être clarifiées une à une avec les entreprises de transport concernées.
Résultats pour les lignes de bus
Pour les lignes de bus, des facteurs similaires ont pu être identifiés et leur incidence sur les coûts est significative. Ainsi, 44% des différences de coûts sont dues à des conditions-cadres différentes en ce qui concerne: – la longueur de la ligne à offrir; – la vitesse moyenne; – la charge de la ligne; – le nombre de passagers montant par kilomètre productif; – le type de trafic (en agglomération ou régional). Si, compte tenu des facteurs de coûts ci-dessus, toutes les lignes de bus étaient exploitées aussi avantageusement que celle considérée comme la plus efficace, elles seraient 44% moins chères en moyenne et se situeraient sur la limite du graphique 3. Il s’agit ici aussi pour l’instant d’une inefficience supposée, car d’autres facteurs non influençables pourraient jouer un rôle. Les résultats poussent à examiner cette affirmation de plus près.
Effets d’échelle
Tant pour le train que pour le bus, la longueur de la ligne fait apparaître des effets d’échelle (avantages liés à la taille, économies d’échelle): il est moins cher d’exploiter une ligne longue qu’une ligne courte. En ce qui concerne la taille de l’entreprise, le résultat est un peu moins probant. Ainsi, aucun effet d’échelle n’a pu être constaté avec les lignes de bus. Pour les entreprises de chemins de fer, des déséconomies d’échelle ont même été trouvées: les petites entreprises travaillent à des coûts plus faibles que les grandes. Cet effet ne renvoie pas spécialement aux CFF, mais vaut généralement selon le modèle utilisé (rail).
Exploitation des résultats
Il est possible d’établir un classement de toutes les lignes en fonction de leur efficience. Celui-ci pourrait se subdiviser en trois catégories: les lignes les plus efficientes (25%), les lignes d’efficience moyenne (50%) et les lignes les moins efficientes (25%). Les entreprises de transport de cette dernière catégorie pourraient au moins être invitées à expliquer pourquoi leurs lignes sont offertes à un prix relativement élevé – compte tenu des coûts provoqués par les conditions-cadres selon le modèle de frontière – par kilomètre productif. Comme le montrent les graphiques, la prise en compte des conditions-cadres est essentielle lors de la comparaison des coûts. En effet, les modèles proposés améliorent sensiblement la comparaison. Ainsi, la méthode utilisée peut être considérée comme un progrès essentiel par rapport à une simple comparaison heuristique basée sur différents indices ou à une comparaison des coûts sans prise en compte des conditions-cadres. Sur la base de toutes les informations disponibles, un classement pertinent de l’efficacité a été établi. Pourtant, les coûts peuvent être influencés par des facteurs importants qui ne sont pas contenus dans le modèle, comme la qualité ou l’âge – et donc les coûts d’amortissement – du matériel roulant. Par conséquent, le classement de l’efficience ne saurait être utilisé à l’aveuglette. Il aide, cependant, à identifier les lignes pour lesquelles il faudrait demander des explications supplémentaires. Des analyses individuelles par ligne sont envisageables. Elles pourraient être présentées pour la ligne hypothétique «z» comme dans le graphique 4. Les coûts par kilomètre productif de la ligne «z» se montent à environ 31 francs/km. Dans les conditions-cadres de la ligne la plus efficiente, celle-ci ne coûterait que 4,70 francs/km. Étant donné que d’autres conditions-cadres sont valables sur la ligne «z», un surcoût de 4,80 francs/km apparaît. L’inefficience de la ligne «z» se chiffre ainsi à 21,50 francs/km. Un tel chiffre (supposé) est élevé et doit être clarifié avec l’entreprise de transport concernée.
Perspectives d’avenir
L’analyse a mis en évidence l’importance et la nécessité de l’examen entrepris par l’OFT pour déceler des erreurs et des incohérences dans les séries de données. Une nouvelle correction des données pourrait encore modifier les résultats présentés. Il reste à savoir si le modèle proposé ici sera effectivement appliqué par les cantons et la Confédération. Pour affiner l’analyse dans le futur, d’autres facteurs d’influence possibles devraient être intégrés dans le système d’indices: – la longueur effective de la ligne; – la taille de l’entreprise (nombre de collaborateurs et prestation de transport); – le cas échéant, les coûts et les quantités d’intrants, afin de calculer les coûts par unité d’intrant et de les utiliser comme variables explicatives (p. ex. niveau des salaires); – des indicateurs de qualité (respect de l’horaire, qualité des moyens de transport, etc.). Les données des offres 2008 peuvent être complétées avec celles des années à venir. Cela permettrait d’étendre le modèle transversal à un modèle de frontière avec des données de panel.
Graphique 1 «Limite d’efficience des lignes de train»
Graphique 2 «Limite d’efficience des lignes de bus»
Graphique 3 «Distribution du niveau d’efficience dans le cas du rail»
Graphique 4 «Exemple: analyse individuelle pour la ligne «z»»
Encadré 1: Méthode: analyse de frontière déterministe Un modèle de frontière repose sur une analyse régressive et est capable de prendre en compte simultanément différents facteurs de coûts. Le résultat permet d’établir ainsi un «classement de l’efficience», sur la base duquel il est possible d’évaluer les lignes et les offres soumises.Dans l’analyse de frontière déterministe, la limite d’efficience est déterminée par la ligne qui enregistre les plus faibles coûts par kilomètre productif, compte tenu des facteurs ayant une incidence sur les coûts. Les paramètres obtenus par l’équation régressive permettent d’adapter cette valeur pour chaque ligne à partir des différents facteurs ayant une incidence sur les coûts. Dans le cas présent, les coûts par kilomètre productif ont été considérés comme une variable dépendante et évalués dans des modèles séparés pour les lignes de train et de bus. Toutes les données exploitables dans le système d’indices ont été utilisées comme facteurs d’influence potentiels (variables indépendantes). Un modèle reposant sur une formule logarithmique des variables indépendantes et dépendantes s’est avéré le meilleur. La valeur explicative des modèles varie entre 44% et 59%. La part des différences de coûts est due à des facteurs (conditions-cadres différentes) qui se répercutent sur les indices.
Encadré 2: Que faut-il entendre par inefficience? L’inefficience désigne la différence entre les coûts effectifs et la limite d’efficience, soit les coûts d’une ligne efficiente attendus selon le modèle. Celui-ci évalue les coûts attendus sur la base de facteurs comme l’occupation, le nombre de passagers, la charge de la ligne, la vitesse moyenne ou le respect de l’horaire sur chaque ligne. A contrario, l’inefficience peut aussi être considérée comme les surcoûts qu’il n’est pas possible d’expliquer sur la base des indices par rapport à la ligne la plus avantageuse dans les mêmes conditions-cadres.Comme d’autres conditions-cadres sont susceptibles selon le cas d’entraîner des surcoûts qui ne sont pas contenus dans le modèle, l’inefficience ne peut en aucune manière être assimilée à un potentiel d’économies. Un surcoût important non explicable peut, toutefois, inciter à examiner celui-ci de plus près. Le modèle lui-même fournit des pistes au service chargé des marchés publics pour abaisser les coûts (par un prolongement des lignes p. ex.).
Proposition de citation: Osterwald, Stephan; Walter, Felix (2008). Transport public régional: davantage pour le même prix? La Vie économique, 01. juin.