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Les investissements directs: évolution actuelle en théorie, pratique et politique

Les investissements directs étrangers (IDE) prennent une importance grandissante avec la mondialisation. Ils constituent, en effet, un élément primordial de la stratégie d'internationalisation des entreprises, tandis que leur apport est essentiel pour la croissance économique, l'emploi, la balance des paiements et les transferts de technologie. Les IDE sont aussi devenus un enjeu de la politique économique. La tendance est à la libéralisation, mais parfois aussi au durcissement des réglementations. Les économistes expliquent ce phénomène de différentes façons. Le présent article offre une vue d'ensemble de ce thème à la fois actuel et complexe.



L’importance des investissements directs étrangers (pour la définition, voir

encadré 1
La définition internationale des investissements directs se trouve dans Définition de référence de l’OCDE des investissements directs internationaux, à l’adresse www.oecd.org/dataoecd/39/45/40632182 .pdf. La quatrième édition de cette définition est parue en avril 2008. En résumé, les investissements directs étrangers (IDE) sont ceux effectués dans un pays extérieur dans l’intention d’établir avec les entreprises qui en bénéficient une relation stratégique durable et d’exercer une influence significative sur leur gestion. L’existence d’un «intérêt durable» est établie à partir du moment où l’investisseur direct détient au moins 10% des droits de vote de l’entreprise dans laquelle il investit.Divers types de transactions entrent dans la définition des investissements directs – de l’ouverture d’agences indépendantes jusqu’aux achats d’entreprises et aux fusions, en passant par la participation à une coentreprise et la mise sur pied de filiales. Contrairement aux IDE, les investissements de portefeuille ne visent pas à exercer une influence sur la direction de l’entreprise étrangère. Dans ce cas, l’investisseur s’intéresse principalement aux revenus découlant de l’acquisition, du maintien et de la vente d’actions et d’autres valeurs mobilières, sans chercher à exercer un contrôle ou une influence sur l’entreprise.) s’est nettement accrue ces dernières décennies: le flux des IDE a été multiplié par plus de 100 entre 1970 et 2007, passant de 13,4 milliards d’USD en termes nominaux à 1537 milliards (sources de données: voir

encadré 2
Le Rapport sur l’investissement dans le monde, publié chaque année par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), fournit un bon aperçu de l’activité internationale en matière d’investissements directs. La première partie du rapport donne généralement un aperçu des données et de l’évolution actuelle, la seconde partie est consacrée à des thèmes qui changent chaque année. Les rapports parus depuis 1991 peuvent être téléchargés à l’adresse www.unctad.org , «Programmes», «Foreign Direct Investment Statistics», «World Investment Directory» (en anglais). Le site de la Cnuced livre aussi d’utiles renseignements sur l’investissement direct par pays, sous: www.unctad.org , «Programmes et activités», «Investissement et entreprises», «Investissement étranger direct», «Rapport sur l’investissement dans le monde», «WIR-Série complète» (année 2007 en français, les autres en anglais).La Cnuced entretient également un portail statistique sur les investissements directs: www.unctad.org , «Statistics», «Statistical databases on-line», «Foreign Direct Investment» ou http://stats.unctad.org/FDI.L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) offre une banque de données et des statistiques sur les investissements directs transfrontières. Les usagers ayant un accès autorisé à «SourceOECD» peuvent consulter la banque de données afférente à l’adresse www.sourceoecd.org . Par ailleurs, le nouveau portail statistique de l’OCDE (http://stats.oecd.org) donne accès à de nombreuses statistiques, dont certaines portent sur les investissements directs. Chaque année en décembre, la Banque nationale suisse (BNS) publie pour sa part des données sur les investissements directs effectués en Suisse ou à partir de la Suisse. On y accède sous www.snb.ch , «Statistiques», «Publication de données statistiques», «Investissements directs». Des tableaux détaillés et des séries longues sont, en outre, accessibles sous www.snb.ch , «Statistiques», «Publication de données statistiques», «Bulletin mensuel des statistiques économiques», série S.). Les deux tiers environ de ces capitaux ont été investis dans des pays industrialisés et un tiers dans les pays émergents, en développement ou en transition (voir graphique 1). Pourquoi les investissements directs sont-ils donc si intéressants pour les entreprises?

Théorie des investissements directs: des approches diverses


La littérature économique propose de nombreuses explications sur les motifs de l’investissement direct (voir

encadré 3
– Pour la théorie des mouvements interna-tionaux de capitaux: Iversen Carl, Aspects of the Theory of International Capital Movements, Copenhague, Levin and Munksgaard/London, Oxford University Press, 1935.- Pour un éclairage sur l’économie industrielle: Hymer Stephen H., The International Operations of National Firms: a Study of Direct Foreign Investment, Dissertation, Cambridge, Mass., The MIT Press, 1960/1976; Caves Richard E., «Industrial Corporations: The Industrial Economics of Foreign Investment», Economica, vol. 38, n° 149, 1971, p. 1-27.- Sur la théorie du cycle de vie des produits: Vernon Raymond, «International Investment and International Trade in the Product Cycle», The Quarterly Journal of Economics, vol. 80, n° 2, 1966, p. 190-207. – Sur le comportement oligopolistique stratégique en matière d’investissement direct: Knickerbocker Frederick T., Oligopolistic Reaction and the Multinational Enterprise, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1973.- Sur les avantages de l’internalisation par les investissements directs: Buckley Peter J. et Casson Mark, The Future of the Multinational Enterprise, London, Macmillan, 1976.- Sur le motif de la diversification: Rugman Alan M., International Diversification and the Multinational Enterprise, Lexington, Mass., D. C. Heath, Lexington Books, 1979.- Sur le paradigme «OLI» (approche éclectique): Dunning John H., «Toward an Eclectic Theory of International Production – Some Empirical Tests», Journal of International Business Studies, vol. 11, n° 1, 1980, p. 9-31.- Approches plus récentes: Conner Kathleen R., «A Historical Comparison of Resource-Based Theory and Five Schools of Thought Within Industrial Organization Economics: Do We Have a New Theory of the Firm?», Journal of Management, vol. 17, n° 1, 1991, p. 121-154; Prahalad C. K. et Doz Yves L., The Multinational Mission, New York, The Free Press, 1987; Bartlett Christopher A. et Ghoshal Sumantra, Managing Across Borders – The Transnational Solution, Boston, MA, Harvard Business School Press, 1989.), mais il n’a pas été possible jusqu’ici de développer une théorie générale. Les approches initiales – comme la théorie des mouvements de capitaux – assimilent en gros les investissements directs à des investissements de portefeuille et les expliquent par les différentiels de taux internationaux, c’est-à-dire par la possibilité de tirer un meilleur rendement du capital investi. Dans les années soixante, les analyses se focalisaient en première ligne sur les imperfections du marché: en économie industrielle, les investissements directs sont donc surtout considérés comme des instruments permettant d’exploiter à l’étranger les avantages monopolistiques d’une entreprise (par ex. le savoir). Un autre concept, développé durant cette même décennie, est la théorie du cycle de vie des produits, qui interprète les IDE comme une forme de production pour les produits arrivés à maturité. D’autres approches présentent les IDE comme le résultat d’un comportement stratégique ou d’une aspiration à la diversification des risques. Nous devons à John H. Dunning la théorie qui domine actuellement pour expliquer les investissements directs. Son paradigme «éclectique» publié en 1980 («paradigme OLI») intègre plusieurs approches théoriques. Selon l’auteur, le volume, la répartition géographique et la structure internationale des activités de production d’une société multinationale dépendent de trois facteurs principaux: les avantages spécifiques de l’entreprise (O = Ownership), ceux provenant de la localisation dans certains pays (L = Location) et ceux issus de l’internalisation des transactions au sein de l’entreprise (I = Internalization). Des théories plus récentes mettent divers aspects managériaux au premier plan ou tentent d’introduire une composante évolutive, comme les variations dans le temps des avantages spécifiques des entreprises. Ces diverses explications reflètent la diversité et l’inconstance des paramètres auxquels obéissent les investissements directs dans la pratique. En voici quelques exemples: – diversité des raisons qui poussent une entreprise à investir (par ex. accès aux ressources, création de nouveaux débouchés, réduction des coûts ou motifs stratégiques) et des restrictions auxquelles elle se heurte (considérations liées aux contrôles, aux ressources ou au risque); – diversité des acteurs des diverses branches, par ex. multinationales, PME en phase initiale d’internationalisation, entreprises étatiques, instruments de placement tels que fonds souverains, fonds de couverture («hedge funds») ou sociétés de capital-investissement («private equity»); – diversité des formes de marché, des situations de concurrence (par ex. monopole, oligopole, concurrence monopolistique ou atomisée), des tailles des marchés et de leur degré de maturité; – diversité des modèles d’entreprise et de management, des formes d’organisation et des cultures (aussi bien de l’entre-prise que des pays d’origine et de destination); – diversité des réglementations commerciales, des politiques d’investissement et des conditions locales.

Les tendances dans la pratique


La variété des paramètres qui influencent les investissements directs se reflète aussi dans les grandes tendances planétaires. Voici, présentés succinctement, quelques-uns des principaux développements.

Forte augmentation des investissements directs


Comme cela a été mentionné plus haut, on est frappé par la forte augmentation – surtout depuis les années nonante – des activités d’investissement direct

1
L’article de J. Atteslander, p. 14ss du présent numéro, contient des indications chiffrées sur l’importance des investissements directs pour la Suisse.. Cette progression est, d’une part, liée à la mondialisation des échanges et aux facteurs qui expliquent cette mondialisation, comme l’émergence de nouveaux acteurs sur la scène économique internationale (États de l’ancien bloc communiste, pays émergents et en développement), l’ouverture des marchés après le cycle de l’Uruguay, la création de zones d’intégration régionales ainsi que la croissance générale de l’activité économique et des échanges commerciaux. En vertu de ce qui précède, il existe un certain parallélisme entre les IDE et l’intensité des relations commerciales, même si parfois la causalité demande à être déterminée. Les stratégies d’expansion et d’internationalisation des entreprises demandent également davantage d’IDE. La hausse des cours boursiers a, en outre, entraîné une forte progression de la valeur des fusions et rachats transfrontaliers d’entreprises. La croissance des investissements directs reflète donc aussi l’évolution des marchés d’actions.

Des activités d’investissement soutenues dans les secteurs des services et des matières premières


En ce qui concerne la composition sectorielle des investissements directs, citons pour commencer l’importance croissante du secteur tertiaire: alors qu’il attirait environ 46,6% des IDE en 1990, cette proportion atteignait 67% en 2005. La récente augmentation de la part du secteur des matières premières mérite également d’être soulignée. Après avoir reculé sur plusieurs décennies pour tomber au niveau plancher de quelque 7% en 2003, elle a recommencé à croître pour atteindre près de 9% en 2005 et le mouvement s’est très probablement accéléré ces deux dernières années. Ce regain d’intérêt s’explique essentiellement par l’augmentation de la demande – et des prix – dans le domaine des matières premières. Ces investissements sont le fait des entreprises des pays industrialisés, certes, mais aussi d’un nombre grandissant de sociétés domiciliées dans des pays émergents (Chine, Russie, Inde). La pénétration de ce secteur par le biais des IDE permet, en effet, de mieux contrôler les ressources, ce qui n’est évidemment pas le cas si l’on se contente d’importer. L’entreprise s’expose en retour davantage aux mesures politiques étrangères, comme le montrent les expropriations touchant le secteur des ressources naturelles (par exemple en Bolivie). Il n’est donc pas surprenant que les entreprises étatiques et proches du gouvernement soient particulièrement actives dans ce secteur «politisé». Les efforts des multinationales sont souvent accompagnés par la politique extérieure et de développement de leur pays d’origine. On le voit, par exemple, avec l’engagement de plus en plus important de la Chine en Afrique.

Augmentation des investissements de fonds de couverture et de sociétés de capital-investissement


Le niveau attrayant des taux d’intérêt de ces dernières années et la propension au risque des investisseurs et des bailleurs de fonds – du moins jusqu’à l’éclatement de la crise financière – ont encouragé une forme particulière d’investissements directs, celle des fusions et acquisitions d’entreprises (en anglais «Mergers and Acquisitions», M&A). Au cours de la seule année 2006, 172 transactions de ce type représentant plus d’un milliard d’USD ont été conclues. Alors que ces opérations se matérialisaient principalement par des échanges d’actions lors du «boom» des années nonante, elles ont été de préférence financées par des dettes ou par la trésorerie durant la dernière phase d’expansion. En conséquence, de nouveaux acteurs comme les fonds de couverture ou les sociétés de capital-investissement sont apparus sur le marché

2
Les engagements de ces nouveaux acteurs présentent parfois des caractéristiques similaires à celles des investissements de portefeuille (voir encadré 1 sur la limite à établir entre ces derniers et les investissements directs). Voir aussi l’article de D. Gerber et D. Schmuki, p. 29ss du présent numéro..

Davantage d’investisseurs de pays émergents ou en développement


Ces dernières années, l’intégration de plus en plus sensible des pays émergents ou en développement dans l’économie mondiale s’est aussi traduite par une internationalisation de leurs entreprises. Un nombre croissant de multinationales ont désormais leur siège dans des pays émergents ou en développement. Parmi les 100 principales multinationales des pays en développement, 78 sont originaires d’Asie, 11 d’Afrique et 11 d’Amérique latine. Leurs activités sont largement diversifiées, mais la branche la plus importante est incontestablement l’industrie électrique/électronique.

Importance économique des investissements directs


Si les investissements directs résultent en première ligne de décisions prises par l’entreprise à titre individuel, l’ampleur des flux de capitaux n’en est pas moins une donnée très intéressante pour l’économie tant du pays de domicile de la multinationale que de l’État dans lequel l’investissement est effectué. Les investissements directs permettent un fractionnement efficace de la chaîne de valeur ajoutée et un renforcement de la division du travail. Les gains de spécialisation et les effets d’échelle qui en découlent améliorent le niveau de prospérité des économies impliquées. Les investissements directs peuvent, en outre, aider à stabiliser la balance des paiements, par exemple grâce à la compensation du déficit du commerce extérieur par l’apport d’IDE ou, à l’inverse, grâce à l’investissement à l’étranger des excédents de la balance commerciale.  Les pays industrialisés, dont la population vieillit, ont la possibilité de participer à la croissance des marchés émergents et en développement à travers les investissements directs et de bénéficier ainsi de taux de rendements du capital normalement plus élevés que sur leur territoire. Pour les pays émergents et en développement, les IDE sont des importations de capital susceptibles de créer des emplois productifs pour les jeunes qui arrivent en masse sur le marché du travail du fait de l’évolution démographique. Les investissements directs facilitent, en outre, les transferts de technologie et de savoir-faire managérial. Ceux-ci se transforment en gains de productivité qui peuvent rejaillir sur les entreprises locales. De pareils effets peuvent apparaître à travers les liens que tissent les multinationales avec les entreprises du pays-hôte ou au gré des fluctuations de personnel. Les IDE améliorent, enfin, les possibilités d’exportation du pays-hôte grâce au commerce intra-entreprise, c’est-à-dire aux échanges qui se produisent au sein d’une multinationale. Le public suit attentivement les activités des multinationales. Les investissements dans les pays en développement font d’ailleurs souvent l’objet de critiques arbitraires suite à des articles de presse sur les manquements de ces firmes, accusées, par exemple, de ne pas respecter les droits des travailleurs, de polluer l’environnement ou de collaborer avec des régimes autoritaires. Ces critiques, bien qu’en partie justifiées dans certains cas, menacent de faire passer au second plan la contribution générale des multinationales au développement des pays qui les hébergent: en plus des capitaux et des technologies, les multinationales transfèrent aussi dans les pays hôtes des facteurs «doux», tels que des normes de qualité, de formation ou de protection. Par ailleurs, elles offrent à la main-d’oeuvre locale de meilleures conditions de salaire et de travail que les employeurs locaux.

Politique d’investissement: entre libéralisation et néoprotectionnisme


L’importance croissante des investissements directs a aussi éveillé l’intérêt du monde politique pour les questions afférentes. Ces dernières années, la politique des pouvoirs publics en matière d’investissement tendait d’une manière générale vers l’ouverture et la libéralisation. Soucieux d’offrir le meilleur cadre économique possible, de nombreux pays ont ouvert leurs marchés aux investisseurs étrangers; ils ont également supprimé certaines restrictions touchant la convertibilité et les capitaux, ainsi que des exigences en matière de nationalité des détenteurs de capitaux, des restrictions sectorielles, ou encore des limites supérieures pour les participations étrangères. Le graphique 2 retrace l’évolution internationale observée en matière juridique. Cette libéralisation des IDE s’est déroulée sans cadre juridique cohérent au niveau multilatéral. La tentative de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de mettre sur pied un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) a échoué en 1998. Aujourd’hui, plusieurs organismes multilatéraux s’occupent de questions d’investissement. Ce sont notamment:  – l’OCDE (avec, par exemple, les Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales); – la Cnuced (voir

encadré 2
Le Rapport sur l’investissement dans le monde, publié chaque année par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), fournit un bon aperçu de l’activité internationale en matière d’investissements directs. La première partie du rapport donne généralement un aperçu des données et de l’évolution actuelle, la seconde partie est consacrée à des thèmes qui changent chaque année. Les rapports parus depuis 1991 peuvent être téléchargés à l’adresse Voir les articles de M. Schmid et F. Bürki en p. 22ss, et de H. Reisen en p. 26ss, dans le présent numéro.. Les États-Unis, à leur tour, ont l’intention de renforcer leur mécanisme de filtrage des investissements étrangers… et cette liste n’est pas exhaustive. Les nouvelles réglementations visent surtout des secteurs considérés comme stratégiques, tels ceux des matières premières, des infrastructures ou de la technologie. Ce regain d’activité normative a des origines multiples. Il provient d’abord d’un besoin supplémentaire de sécurité né du 11 septembre 2001. S’y ajoutent des craintes diffuses à l’égard de nouveaux investisseurs comme les opérateurs en fonds de couverture, les multinationales d’économies émergentes, les sociétés de capital-investissement (qualifiées parfois de «locustes») ou encore les fonds souverains étrangers. La lutte de plus en plus âpre pour le partage des matières premières pourrait aussi jouer un rôle, face à la hausse des prix et au sentiment de plus en plus répandu d’une raréfaction inévitable. D’une manière générale, une partie de ces réflexes de défense s’inspirent aussi d’un «nationalisme économique» qui ne dit pas son nom, comme on l’observe ces derniers temps dans d’autres domaines. Le fait que les réglementations qui en résultent soient très rarement utiles à la compétitivité des entreprises et des économies nationales est le plus souvent brouillé par l’activisme politique.

Conclusion


La crise financière actuelle, le durcissement des critères d’attribution de crédits et le tassement de la croissance économique mondiale pourraient entraîner à court ou à moyen termes un ralentissement de la croissance des investissements directs internationaux. Cette perspective concerne plus particulièrement les activités des fonds de couverture et des sociétés de capital-investissement dans le secteur M&A. Les tendances fondamentales, comme l’expansion continue des pays en développement et émergents, la poursuite du processus d’internationalisation des entreprises en général, ainsi que le réveil du secteur des matières premières, annoncent, toutefois, à plus long terme une relance des investissements directs. L’intérêt du monde politique pour les IDE ne va certainement pas faiblir, même si l’on peut penser que les efforts de libéralisation observés ces dernières décennies risquent progressivement de faire place à une re-réglementation ou tout au moins de s’accompagner de règles nouvelles. Tout au long de la période de libéralisation, l’absence d’un cadre multilatéral global n’a guère eu d’impact négatif sur les investissements transfrontières. Si la tendance à la re-réglementation se confirme, les appels à la mise en place d’un dispositif normatif multilatéral pourraient à nouveau se faire plus nombreux. Nul doute que les investissements directs vont rester un sujet d’intérêt pour l’économie comme pour les politiques et les économistes.

Graphique 1 «Investissements directs mondiaux selon les pays de destination»

Graphique 2 «Modifications juridiques dans le domaine des investissements directs»

Encadré 1: Définition des investissements directs étrangers
La définition internationale des investissements directs se trouve dans Définition de référence de l’OCDE des investissements directs internationaux, à l’adresse www.oecd.org/dataoecd/39/45/40632182 .pdf. La quatrième édition de cette définition est parue en avril 2008. En résumé, les investissements directs étrangers (IDE) sont ceux effectués dans un pays extérieur dans l’intention d’établir avec les entreprises qui en bénéficient une relation stratégique durable et d’exercer une influence significative sur leur gestion. L’existence d’un «intérêt durable» est établie à partir du moment où l’investisseur direct détient au moins 10% des droits de vote de l’entreprise dans laquelle il investit.Divers types de transactions entrent dans la définition des investissements directs – de l’ouverture d’agences indépendantes jusqu’aux achats d’entreprises et aux fusions, en passant par la participation à une coentreprise et la mise sur pied de filiales. Contrairement aux IDE, les investissements de portefeuille ne visent pas à exercer une influence sur la direction de l’entreprise étrangère. Dans ce cas, l’investisseur s’intéresse principalement aux revenus découlant de l’acquisition, du maintien et de la vente d’actions et d’autres valeurs mobilières, sans chercher à exercer un contrôle ou une influence sur l’entreprise.

Encadré 2: Sources d’informations et de données sur les investissements directs
Le Rapport sur l’investissement dans le monde, publié chaque année par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced), fournit un bon aperçu de l’activité internationale en matière d’investissements directs. La première partie du rapport donne généralement un aperçu des données et de l’évolution actuelle, la seconde partie est consacrée à des thèmes qui changent chaque année. Les rapports parus depuis 1991 peuvent être téléchargés à l’adresse www.unctad.org , «Programmes», «Foreign Direct Investment Statistics», «World Investment Directory» (en anglais). Le site de la Cnuced livre aussi d’utiles renseignements sur l’investissement direct par pays, sous: www.unctad.org , «Programmes et activités», «Investissement et entreprises», «Investissement étranger direct», «Rapport sur l’investissement dans le monde», «WIR-Série complète» (année 2007 en français, les autres en anglais).La Cnuced entretient également un portail statistique sur les investissements directs: www.unctad.org , «Statistics», «Statistical databases on-line», «Foreign Direct Investment» ou http://stats.unctad.org/FDI.L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) offre une banque de données et des statistiques sur les investissements directs transfrontières. Les usagers ayant un accès autorisé à «SourceOECD» peuvent consulter la banque de données afférente à l’adresse www.sourceoecd.org . Par ailleurs, le nouveau portail statistique de l’OCDE (http://stats.oecd.org) donne accès à de nombreuses statistiques, dont certaines portent sur les investissements directs. Chaque année en décembre, la Banque nationale suisse (BNS) publie pour sa part des données sur les investissements directs effectués en Suisse ou à partir de la Suisse. On y accède sous www.snb.ch , «Statistiques», «Publication de données statistiques», «Investissements directs». Des tableaux détaillés et des séries longues sont, en outre, accessibles sous www.snb.ch , «Statistiques», «Publication de données statistiques», «Bulletin mensuel des statistiques économiques», série S.

Encadré 3: Références bibliographiques de basesur les investissements directs
– Pour la théorie des mouvements interna-tionaux de capitaux: Iversen Carl, Aspects of the Theory of International Capital Movements, Copenhague, Levin and Munksgaard/London, Oxford University Press, 1935.- Pour un éclairage sur l’économie industrielle: Hymer Stephen H., The International Operations of National Firms: a Study of Direct Foreign Investment, Dissertation, Cambridge, Mass., The MIT Press, 1960/1976; Caves Richard E., «Industrial Corporations: The Industrial Economics of Foreign Investment», Economica, vol. 38, n° 149, 1971, p. 1-27.- Sur la théorie du cycle de vie des produits: Vernon Raymond, «International Investment and International Trade in the Product Cycle», The Quarterly Journal of Economics, vol. 80, n° 2, 1966, p. 190-207. – Sur le comportement oligopolistique stratégique en matière d’investissement direct: Knickerbocker Frederick T., Oligopolistic Reaction and the Multinational Enterprise, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1973.- Sur les avantages de l’internalisation par les investissements directs: Buckley Peter J. et Casson Mark, The Future of the Multinational Enterprise, London, Macmillan, 1976.- Sur le motif de la diversification: Rugman Alan M., International Diversification and the Multinational Enterprise, Lexington, Mass., D. C. Heath, Lexington Books, 1979.- Sur le paradigme «OLI» (approche éclectique): Dunning John H., «Toward an Eclectic Theory of International Production – Some Empirical Tests», Journal of International Business Studies, vol. 11, n° 1, 1980, p. 9-31.- Approches plus récentes: Conner Kathleen R., «A Historical Comparison of Resource-Based Theory and Five Schools of Thought Within Industrial Organization Economics: Do We Have a New Theory of the Firm?», Journal of Management, vol. 17, n° 1, 1991, p. 121-154; Prahalad C. K. et Doz Yves L., The Multinational Mission, New York, The Free Press, 1987; Bartlett Christopher A. et Ghoshal Sumantra, Managing Across Borders – The Transnational Solution, Boston, MA, Harvard Business School Press, 1989.

Proposition de citation: Thomas A. Zimmermann (2008). Les investissements directs: évolution actuelle en théorie, pratique et politique. La Vie économique, 01 juillet.