Rechercher

Rareté de l’énergie et évolution des prix

Depuis la fin de 2001, le prix du pétrole augmente sans discontinuer, hormis une correction partielle durant la seconde moitié de 2006 ainsi que ces derniers mois. Le marché du pétrole est mondial; les prix se forment sous l'influence d'événements qui se produisent aux quatre coins du globe. Étudier l'origine de ces fluctuations est une tâche passionnante Voir également à ce sujet S. Defilla, Energiepolitik. Wissenschaftliche und wirtschaftliche Grundlagen. Verlag Rüegger, 2007.. Qu'est-ce qui fait fluctuer les prix? Comment situer l'actuelle hausse par rapport aux périodes de pétrole cher des années septante et quatre-vingt? Cette tendance est-elle appelée à durer? Dans quelle mesure le remplacement du pétrole utilisé sous forme de carburant est-il réaliste? C'est à ces questions et à d'autres que l'article ci-dessous tente d'apporter une réponse.

Rareté de l'énergie et évolution des prix



Une étude de l’Office fédéral de l’éner-gie (Ofen) de 2007 sur les conséquences à long terme d’une hausse durable du pé-trole Voir Auswirkungen langfristig hoher Ölpreise. Einfluss eines langfristigen hohen Ölpreises auf Wirtschaftswachstum, Strukturwandel sowie Energieangebot und -nachfrage, Energiewirtschaftliche Grundlagen, Ofen, mars 2007, www.bfe.admin.ch (en allemand seulement). parvient à la conclusion qu’en raison des différentes possibilités de substitution, un niveau des prix durable de plus de 100 USD le baril en termes réels (niveau des prix de 2001, ce qui correspond aujourd’hui en termes nominaux à environ 125 USD) n’est pas très vraisemblable. Toutefois, de brusques hausses des prix sont possibles en tout temps. Le profane peut aujourd’hui s’informer relativement facilement sur l’actuelle flambée des prix Voir par exemple http://fr.wikipedia.org, «pétrole» ou www.wtrg.com/prices.html .. Il aura, par contre, souvent un peu plus de peine à se faire une image plus ou moins claire de ses causes.

Une flambée aux causes multiples


Parmi les causes d’augmentation citées à tort figurent les attentats du 11 septem-bre 2001 aux États-Unis. Même s’il coïn-cide avec le début de la hausse des prix et qu’une influence initiale ne soit pas exclue, cet événement ne parvient pas à expliquer pourquoi les prix ont tendu presque exclusivement à la hausse au cours de ces dernières années. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que depuis plusieurs années, de grands pays émergents, comme la Chine et l’Inde, se développent à une vitesse fulgurante et que leur demande de pétrole ne cesse d’augmenter. Dans le cas de la Chine, il est de plus établi que l’élément qui a déclenché l’essor du trafic motorisé privé est l’éclatement de l’épidémie de Sras au début de 2002 et la mauvaise image dont ont souffert les transports publics, les taxis collectifs et le vélo en raison du risque élevé de contagion. Mais il serait faux de croire que la tendance s’est essoufflée depuis la fin de l’épidémie. La croissance économique effrénée a modifié le mode de vie et généralisé l’usage de la voiture privée. En Chine, la consommation totale d’énergies fossiles rejoindra le niveau des États-Unis dans les années qui viennent, même si, calculée par habitant, elle est encore cinq fois plus faible. Ce qui laisse également entrevoir l’évolution potentielle encore à venir.

Comparaison avec le choc pétrolier des années septante


Pour mieux comprendre le phénomène de la hausse des prix, une comparaison avec les deux chocs pétroliers des années sep-ante peut être utile. À l’époque, le cours du pétrole, qui s’établissait à 2 USD en 1971, a grimpé en dix ans à 36 USD, soit une multiplication par 18. Les proportions sont similaires si l’on prend comme point de départ le plancher historique de 12 USD à la fin de 1998. Si on le compare avec le dernier record en date de 145 USD, cela correspond à une multiplication par 12 en dix ans. La différence fondamentale par rapport aux années septante réside dans les causes du renchérissement. À l’époque, celui-ci provenait de l’embargo pétrolier décrété par l’Opep pour des raisons politiques contre les pays de l’OCDE, soit d’une contraction artificielle de l’offre en raison de la guerre commerciale qui sévissait alors, et de la révolution iranienne. Aujourd’hui, on peut tout au plus affirmer que l’offre en pétrole est en retrait en raison du nationalisme croissant portant sur les ressources naturelles (voir encadré 1 Les pays producteurs instituent des monopoles d’État sur les ressources et créent ainsi simultanément plusieurs facteurs d’augmentation des coûts.Premièrement, le nombre de producteurs est réduit artificiellement (souvent une seule entreprise d’État par pays). Toute concurrence interne est dès lors supprimée.Deuxièmement, les quantités produites sont maintenues à un bas niveau pour des raisons politiques. Par conséquent, les prix augmentent.Troisièmement, les pays producteurs prélèvent des droits de douane à l’exportation sur les agents énergétiques. Un écart apparaît entre le prix national et celui pratiqué au plan international.Quatrièmement, les monopoles d’État sur l’énergie font souvent partie des entreprises les plus mal gérées qui soient, enregistrant parfois des pertes malgré une demande très forte (p. ex. Kirghizistan, Mexique).Cinquièmement, une culture économique inexistante, la corruption, le clientélisme, l’influence politique, le manque de transparence au niveau des recettes et des dépenses, ainsi que des obligations irréalisables imposées par l’État diminuent les investissements et tendent à faire augmenter les prix.). Les relations avec les pays producteurs ne reflètent, toutefois, pas une situation de guerre. Le nationalisme en matière de ressources naturelles ne s’exprime qu’à travers les différences de vues des pays producteurs au sujet de la réglementation du secteur énergétique. Une autre différence par rapport aux années septante est le pays d’origine des sociétés pétrolières engagées dans la production. Dans les années soixante et septante, les sept plus grandes compagnies pétroliè-res Esso, Shell, BP, Mobile, Chevron, Gulf Oil et Texaco. (les «sept soeurs») avaient toutes leur siège dans des pays consommateurs de l’OCDE. Aujourd’hui, les plus grandes entreprises pétrolières et gazières extractrices (les «nouvelles sept soeurs») ont en majorité leur siège dans les pays producteurs Saudi Aramco (Arabie Saoudite), Gazprom (Russie), CNPC (Chine), NIOC (Iran), PDVSA (Venezuela), Petrobras (Brésil), Petronas (Malaisie).. L’économie pétrolière est ainsi beaucoup moins proche des consommateurs qu’elle ne l’était autrefois. C’est non seulement le siège qui a changé, mais également la nature des propriétaires: les «soeurs» actuelles sont majoritairement en mains étatiques, alors qu’elles étaient autrefois essentiellement des entreprises privées. Tous ces facteurs ralentissent l’offre et font augmenter les prix L’article d’A. Brunetti (p. 4ss de la présente édition) montrera pourquoi une petite hausse de la demande lorsque les courbes de l’offre et de la demande sont in-élastiques, peut entraîner une importante hausse des prix.. Cela se voit dans la courbe de l’offre, déterminée par les coûts marginaux, qui monte en flèche. Pour la construire, on répartit les producteurs sur un graphique selon leurs coûts de production par baril, des meilleur marché aux plus chers. On sait que l’on pourrait trouver du pétrole meilleur marché aujourd’hui, mais qu’il ne peut pas être produit, car les installations d’extraction nécessaires font défaut. À l’heure du natio-nalisme des ressources, la décision d’élargir les capacités a, dans la plupart des pays producteurs, un caractère politique, et non pas économique.

La hausse des prix est-elle appelée à durer?


La question la plus intéressante à présent est de savoir pendant combien de temps durera la hausse, ou du moins le niveau actuel des prix. Ici aussi, on peut se référer au passé. En 1986, le prix du pétrole est tombé en quelques mois à un tiers de son précédent niveau L’Arabie saoudite a introduit simultanément une nouvelle forme de contrat, appelé «contrat netback».. La bulle avait éclaté, parce que l’Arabie saoudite n’était plus disposée à appliquer les quotas de production décidés par l’Opep. Pour les autres pays membres de l’organisation, la limitation de la production n’était déjà qu’une déclaration de pure forme à laquelle ils ne s’étaient plus tenus. En appliquant seule les quotas de production, l’Arabie saoudite avait perdu des parts significatives de marché durant les mois et les années précédents. C’est ce qui explique son changement de position en 1986. Existe-t-il des signes d’une telle bulle en 2008? Il va de soi qu’il ne sera possible de répondre avec certitude à cette question qu’a posteriori. Toutefois, l’existence d’une bulle est aujourd’hui beaucoup moins vraisemblable que dans les années septante et quatre-vingt. À l’époque, la production avait été réduite par deux fois artificiellement à la suite de la décision d’un petit groupe de ministres du Pétrole: une première fois entre 1973 et 1975, une seconde fois plus fortement entre 1979 et 1983 (voir graphique 2). Une limitation artificielle crée en effet facilement une bulle, celle-ci pouvant être annulée par une décision contraire. La situation se présente très différemment aujourd’hui: aucune limitation ne peut être constatée. Au contraire. La consommation par habitant a progressé sans discontinuer depuis 1998, de quelque 2%. Comme la population mondiale a crû dans le même laps de temps de 8% environ, la consommation de pétrole s’est accrue de 10% en tout. Elle ne diminuera pas en quelques mois. Le graphique 2 est aussi intéressant d’un autre point de vue. Il révèle, indirectement, la relation qui existe entre consommation et revenu, autrement dit la conjoncture. Entre 1989 et 1995, la consommation de combustibles par habitant a sensiblement diminué. Cela provient de la détérioration de l’économie mondiale, qui a réduit les revenus et comprimé la demande. De fait, seule la demande de combustibles a été touchée. Celle de carburants est structurelle. Elle ne dépend pas de la conjoncture et augmente sans discontinuer.

Théorie du pic pétrolier: un début d’explication valable?


Pour savoir s’il existe une bulle, il faudrait également tenir compte de la théorie du pic pétrolier. Celle-ci a été formulée en 1956 M. King Hubbart, «Nuclear Energy and the Fossil Fuels», dans Drilling and Production Practice, American Petroleum Institute, 1956, www.hubbertpeak.com/hubbert/1956/1956 .pdf.. Elle affirme que la production pétrolière évolue suivant une courbe en forme de cloche. À une première phase marquée par une hausse des volumes de production et une baisse des prix succède, après un pic, une seconde phase marquée par une diminution des volumes de production et une hausse des prix. Durant les années septante, cette théorie avait le vent en poupe. Le Club de Rome prédisait la fin des réserves de pétrole pour 1992. Comme il n’en a finalement rien été, il convient de faire preuve de prudence quand on cite cette théorie. L’évolution du prix réel du pétrole depuis 1869 (voir graphique 1) montre que celui-ci – à l’exception des périodes de dysfonctionnements majeurs du marché Débuts de l’industrie pétrolière avant 1880, époque Rockefeller 1890-1911, deux guerres mondiales et bulle de l’Opep 1973-1986. – est en forme de «baignoire». Les experts estiment que 46% du pétrole bon marché ou 27% de tous les types de pétrole – le cher (non conventionnel) comme le bon marché – a été consommé dans le monde jusqu’à présent. Si les besoins restent inchangés, le pétrole bon marché suffira jusqu’en 2050. Il pourrait ainsi s’avérer que nous ne sommes plus qu’à quelques années de son pic, tout en étant encore loin de celui de l’ensemble des types de pétrole. Le prix de l’or noir devrait se déplacer et s’établir à un niveau supérieur pendant les décennies à venir. La question est quand et dans quelle fourchette? La principale erreur de la théorie du pic pétrolier est de confondre flux de marchandises (offre de pétrole) et stock (réserves géologiques de pétrole). Si le stock diminue, le flux de marchandises ne doit pas nécessairement diminuer aussi. La hausse actuelle des cours s’observe également, par exemple, avec des métaux comme l’acier et l’aluminium, pour lesquels l’offre ne parvient pas à répondre à la demande croissante. Pourtant, l’aluminium et le fer sont les troisième et quatrième éléments les plus fréquents dans la croûte terrestre (8% et 5% du poids). Ils sont donc disponibles en très grandes quantités. Le stock n’est de loin pas épuisé, d’autant plus que la ferraille et l’aluminium sont de plus en plus recyclés. La hausse des cours et l’insuffisance de l’offre de toutes ces matières premières ont une cause commune: des investissements insuffisants.

Obstacles aux investissements


Les investissements sont, bien sûr, sti-mulés par la hausse des prix, mais ils sont entravés par une multitude d’obstacles. Contrairement aux marchandises – pour lesquelles le Gatt, précurseur de l’OMC, a progressivement supprimé les barrière depuis sa fondation en 1947 – et aux services – pour lesquels la suppression des barrières a été négociée une première fois lors de la fon-dation de l’OMC en 1994 et en ce moment dans le cycle de Doha -, il n’a encore jamais été possible d’ancrer le principe de liberté des investissements (éventuellement accompagné d’un régime d’exceptions) dans un accord multilatéral. Il y a dix ans échouaient l’Accord multilatéral sur les investisse-ments (AMI) de l’OCDE et l’accord supplémentaire au traité sur la Charte de l’énergie, relatif aux investissements énergétiques, qui tous deux poursuivaient cet objectif. Dans le cycle de Doha de l’OMC, la liberté des investissements a été éliminée des thèmes de la négociation après peu de temps. Depuis le début de l’actuelle décennie, ce domaine est négocié dans les accords de libre-échange que la Suisse conclut avec des pays partenaires (généralement dans le cadre de l’AELE). Outre l’accord révisé de l’AELE, de tels accords sont en vigueur avec le Chili, la Corée, le Mexique et Singapour. Par contre, les pays riches en énergie excluent l’accès des investisseurs étrangers à leur secteur éner-gétique. La Suisse aussi a émis de nom-breuses réserves dans son secteur énergétique à l’encontre des investisseurs étrangers. Des obstacles énormes doivent donc encore être surmontés pour que les investisse-ments obtiennent la liberté dont ils ont besoin et pour que le secteur de l’énergie en particulier ne soit plus traité comme une exception.

Des substituts au carburant à base de pétrole


Il existe aujourd’hui quatre moyens réalistes de remplacer le pétrole dans les transports: la liquéfaction du gaz («Gas to Liquide» ou GTL), les biocarburants («Biomass to Liquide» ou BTL), la liquéfaction du charbon («Coal to Liquide» ou CTL) ainsi que les moteurs hybrides et électriques. La liquéfaction du gaz est exonérée dans de nombreux pays de l’OCDE En Suisse: loi sur l’imposition des huiles minérales, RS 641.61.. Son utilisation dans les pays émergents est rendue difficile par les coûts élevés des infrastructures et par le couplage du prix du gaz Sur la plupart des marchés internationaux (sauf dans les pays anglo-saxons), le prix du gaz naturel est lié contractuellement à celui du pétrole., qui empêche ce dernier d’être plus avantageux que le pétrole. Un pic de gaz (semblable au pic de pétrole) devrait être atteint dans une vingtaine d’années. Dans de nombreux pays émergents, le temps qui reste est beaucoup trop court pour pouvoir amortir les gazoducs internationaux. Le changement devrait par conséquent venir en premier lieu des pays producteurs de gaz. Jusqu’à présent, seul l’Iran a manifesté de telles intentions. Il n’y a que pour les émissions de CO2 que le gaz est supérieur au pétrole. Les biocarburants sont produits depuis des décennies au Brésil et exonérés dans les pays de l’OCDE au même titre que la liquéfaction du gaz. Plusieurs études montrent que les biocarburants produits sur terre peuvent tout au plus remplacer partiellement les carburants traditionnels. Les biocarburants nécessitent à peu près cent fois plus de terres que le photovoltaïque et de très grandes quantités d’eau. C’est aussi le cas quand leur production ne repose pas sur des plantes destinées à l’alimentation. Pour cette raison, les biocarburants ne pourront supplanter définitivement les produits pétroliers que lorsque leur production s’effectuera sur la base de planctons et d’algues cultivés en pleine mer. Il est difficile de prédire quand et à quel prix cela pourrait avoir lieu. La liquéfaction du charbon est connue depuis de nombreuses années en Afrique du Sud et est, aux prix actuels, également commercialement mûre. Elle n’est pas encouragée par des avantages fiscaux dans les pays de l’OCDE, parce qu’elle a pour effet de doubler les émissions de CO2 par rapport aux carburants traditionnels. Dans les pays de l’OCDE, elle ne pourra être introduite que lorsque le captage et le stockage du CO2 seront prêts à être commercialisés. D’ici là, elle pourrait s’étendre dans les pays émergents qui disposent de stocks de charbon suffisants et de grandes quantités d’eau douce, et qui n’ont fixé aucun objectif de réduction des émissions de CO2 ou alors des objectifs suffisamment larges. La liquéfaction du charbon devrait être utilisée en priorité dans le transport maritime international au cas où l’imputation de telles émissions ne serait toujours pas réglée dans l’accord intergouvernemental qui réglementera l’après-Kyoto. La décision d’introduire cette technologie est politique, et non économique. Un pic de charbon devrait se produire au plus tôt dans une centaine d’années. Les véhicules hybrides sont aujourd’hui également commercialement mûrs. Les véhicules totalement électriques pourraient s’imposer durant les prochaines années si les batteries s’améliorent. Une électrification complète du trafic motorisé nécessiterait par contre de multiplier par deux, voire par trois la production de courant et les capacités du réseau électrique dans les pays de l’OCDE. Dans les pays émergents, l’extension nécessaire serait encore plus grande. Cette variante est celle qui présente les coûts d’accès les plus élevés; elle est, par conséquent, réservée en premier lieu aux pays de l’OCDE. Elle est aussi la seule capable d’améliorer l’efficacité énergétique du trafic motorisé de 20% environ aujourd’hui à 50%-60%. Pour que le prix du courant reste compétitif également dans cette variante, aucune technologie de production de l’énergie ne doit être exclue. La décision est politique, non économique. D’un point de vue politique, cette variante pourra se concevoir dès que le captage et le stockage du CO2 (centrales à charbon exemptes d’émissions) ou l’énergie nucléaire de la génération IV (voir encadré 2 Depuis 2001, neuf pays mènent un projet de recherche commun baptisé Generation IV International Forum (GIF), placé sous la direction des États-Unis. La Suisse y a adhéré en 2002. Aujourd’hui, le projet GIF compte treize membres. Il a pour but de développer de nouveaux types de réacteurs pour la période comprise entre 2020 et 2030. Ceux-ci devront remplir les quatre objectifs suivants:- contribuer davantage au développement durable grâce au couplage chaleur-force, à la production d’hydrogène, à une production réduite de déchets et à un meilleur recyclage des déchets nucléaires;- réduire les coûts du cycle de vie et les risques financiers;- accroître la sécurité de l’exploitation et la fiabilité;- empêcher la prolifération nucléaire (instituer de plus grandes barrières technologiques pour éviter la transformation du nucléaire civil en militaire). Pour l’heure, six types de réacteurs font l’objet de recherches. Outre les améliorations dans les domaines clés précités, comme la diminution des déchets persistants ou la lutte contre la prolifération nucléaire, l’exploitation de l’uranium 238 ou du thorium devrait améliorer de 70 à 210 fois la disponibilité des matières premières fissiles. Sur la base de la consommation actuelle, l’uranium 235 utilisé aujourd’hui suffira jusqu’en 2050 environ.), qui améliore aussi bien la disponibilité des ressources fissiles que le problème des déchets, auront atteint le point de maturité commerciale. Dans ce scénario, le trafic aérien pourrait également passer à l’hydrogène. Les quatre variantes sont toutes, aux prix actuels, bientôt commercialement mûres. La question reste cependant de savoir à quel prix et dans quel cadre politique l’une ou l’autre parviendra à s’imposer aussi dans les pays émergents. Ceux-ci n’ont pas les moyens de choisir plusieurs variantes à la fois. L’enjeu ici sera de remplacer non pas partiellement, mais entièrement le carburant actuel.

À quel prix les substituts du pétrole seront-ils intéressants?


La consommation de pétrole, en particulier de carburant, se caractérise par le fait que, dans le domaine des transports, toute substitution est pratiquement encore impossible. La technologie des moteurs actuels est mûre, présente partout et pourvue d’une infrastructure couvrant tout le territoire. Cela entraîne une inertie du système et comporte des risques élevés pour les développements futurs. Si l’on veut faire bouger les choses, la hausse des prix doit être élevée et durable. Celle des années septante n’a pas suffi ou a été trop brève. Elle a, toutefois, été suffisamment forte pour encourager le remplacement du pétrole dans les modes de consommation stationnaires – chauffage en particulier -, là où c’est aujourd’hui faisa-ble.

Graphique 1 «Évolution du prix réel du pétrole, 1869-2007»

Graphique 2 «Consommation de pétrole dans le monde et PIB réel par habitant»

Encadré 1: Nationalisme et ressources naturelles Les pays producteurs instituent des monopoles d’État sur les ressources et créent ainsi simultanément plusieurs facteurs d’augmentation des coûts. Premièrement, le nombre de producteurs est réduit artificiellement (souvent une seule entreprise d’État par pays). Toute concurrence interne est dès lors supprimée. Deuxièmement, les quantités produites sont maintenues à un bas niveau pour des raisons politiques. Par conséquent, les prix augmentent. Troisièmement, les pays producteurs prélèvent des droits de douane à l’exportation sur les agents énergétiques. Un écart apparaît entre le prix national et celui pratiqué au plan international. Quatrièmement, les monopoles d’État sur l’énergie font souvent partie des entreprises les plus mal gérées qui soient, enregistrant parfois des pertes malgré une demande très forte (p. ex. Kirghizistan, Mexique). Cinquièmement, une culture économique inexistante, la corruption, le clientélisme, l’influence politique, le manque de transparence au niveau des recettes et des dépenses, ainsi que des obligations irréalisables imposées par l’État diminuent les investissements et tendent à faire augmenter les prix.

Encadré 2: Les réacteurs nucléaires de la génération IV Depuis 2001, neuf pays mènent un projet de recherche commun baptisé Generation IV International Forum (GIF), placé sous la direction des États-Unis. La Suisse y a adhéré en 2002. Aujourd’hui, le projet GIF compte treize membres. Il a pour but de développer de nouveaux types de réacteurs pour la période comprise entre 2020 et 2030. Ceux-ci devront remplir les quatre objectifs suivants:- contribuer davantage au développement durable grâce au couplage chaleur-force, à la production d’hydrogène, à une production réduite de déchets et à un meilleur recyclage des déchets nucléaires;- réduire les coûts du cycle de vie et les risques financiers;- accroître la sécurité de l’exploitation et la fiabilité;- empêcher la prolifération nucléaire (instituer de plus grandes barrières technologiques pour éviter la transformation du nucléaire civil en militaire). Pour l’heure, six types de réacteurs font l’objet de recherches. Outre les améliorations dans les domaines clés précités, comme la diminution des déchets persistants ou la lutte contre la prolifération nucléaire, l’exploitation de l’uranium 238 ou du thorium devrait améliorer de 70 à 210 fois la disponibilité des matières premières fissiles. Sur la base de la consommation actuelle, l’uranium 235 utilisé aujourd’hui suffira jusqu’en 2050 environ.

Proposition de citation: Steivan Defilla (2008). Rareté de l’énergie et évolution des prix. La Vie économique, 01 septembre.