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Les grands traits de la révision de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce

En Suisse, de nombreuses entraves techniques au commerce (ETC) contribuent au niveau excessif des prix, d'où la nécessité de réviser la loi fédérale du même nom (LETC). Le 25 juin 2008, le Conseil fédéral a adopté le message correspondant. Cette révision pourrait valoir à l'économie suisse un gain de croissance de plus de 0,5% du PIB. Le coeur du projet est l'introduction du principe dit du «Cassis de Dijon»: les produits légalement commercialisés dans la CE doivent pouvoir circuler librement en Suisse, sans contrôle supplémentaire. D'autres modifications concernent des simplifications en matière de procédure d'homologation et d'information sur les produits.



Étant donné le démantèlement des droits de douane et des contingents d’importation, suite à l’intégration européenne et à la libéralisation mondiale des échanges, les ETC ont fortement gagné en importance ces dernières décennies. Elles freinent les échanges transfrontaliers de produits et contribuent ainsi à verrouiller les marchés intérieurs, ce qui crée toute une série de problèmes: des prix surfaits et une concurrence moindre sur le marché intérieur, ainsi qu’une diminution de la compétitivité internationale des producteurs indigènes.

Une pièce importante pour la politique de croissance du Conseil fédéral


Les ETC verrouillent les marchés et freinent la concurrence. Elles contribuent ainsi fortement à maintenir en Suisse des prix plus élevés que dans les pays voisins, malgré quelques améliorations. Ceux des denrées alimentaires y sont supérieurs de 32%; dans la construction, la différence est de 35%, dans la santé de 30%, et jusqu’à 57% en matière de logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles. Des analyses révèlent que les ETC peuvent causer entre 10 et 25% d’augmentation des prix, selon le produit. La faiblesse de la croissance de l’écono-mie suisse dans les années nonante a incité la Confédération à se doter d’une politique spécifique en la matière. Pour la période 2008-2011, le Conseil fédéral s’est fixé comme priorité d’abaisser le niveau des prix, accordant ainsi un rôle clé au projet de révision de la LETC. Il en a même fait l’une de ses priorités dans son rapport sur la politique de croissance 2008-2011.

Les premiers instruments de démantèlement des ETC


Entrée en vigueur le 1er juillet 1996, la LETC a été élaborée après le rejet de l’Espace économique européen (EEE), dans le cadre du programme fédéral de relance. Elle a pour but de démanteler autant que possible les ETC existantes et d’empêcher que de nouvelles entraves soient créées lors de la promulgation ou de la modification de prescriptions techniques. S’appuyant sur la LETC, le Conseil fédéral a donc poursuivi jusqu’ici deux stratégies: 1° harmonisation autonome des prescriptions suisses sur les produits avec la législation communautaire; 2° accords avec la CE 1 Dans l’usage courant, le nom Union européenne (UE) a remplacé celui de Communauté européenne (CE). Mais selon le droit (encore) en vigueur, UE et CE sont des notions juridiques distinctes. C’est pourquoi seul le terme de Communauté européenne ou CE est utilisé ici. pour le démantèlement des ETC.

Harmonisation autonome


Lorsqu’il existe des prescriptions techniques harmonisées au sein de la CE (ou «domaine harmonisé», voir encadré 2 Le principe de la libre circulation des marchandises constitue un des piliers du marché intérieur de la CE. Il signifie que toutes les restrictions nationales aux échanges intracommunautaires doivent être éliminées. Dans la CE, de nombreuses entraves au commerce ont été éliminées en harmonisant la législation communautaire (domaine dit harmonisé). À cet effet, la CE édicte des prescriptions uniformes sur les produits dans des règlements ou des directives. Les règlements sont applicables directement dans tout l’espace communautaire, tandis que les directives doivent être mises en oeuvre dans la législation nationale des États membres. Une fois qu’une directive est entrée en vigueur et que sa mise en oeuvre est achevée dans les États membres, les produits concernés sont soumis, sur le marché intérieur, à des règles matériellement unifiées, mais qui peuvent prendre des formes différentes selon la législation nationale. Pour les produits qui ne font pas l’objet d’une harmonisation communautaire (domaine non harmonisé), sont appliqués les art. 28 à 30 du Traité de la CE, qui interdisent les restrictions aux échanges intracommunautaires. Ces articles sont à la base du principe de la reconnaissance mutuelle, qui stipule que, dans tous les secteurs encore non harmonisés, les États membres doivent accepter sur leur territoire les biens légalement commercialisés dans un autre État membre. Les États membres ne peuvent déroger au principe de la reconnaissance mutuelle que dans les cas prévus à l’art. 30 du traité, notamment pour protéger la sécurité et la santé publique, ou encore l’environnement. Le principe de la reconnaissance mutuelle dans le domaine non harmonisé est connu surtout sous le nom de principe du «Cassis de Dijon», d’après un arrêt de la Cour européenne de justice. Celle-ci devait statuer sur une interdiction de commercialiser en Allemagne de la liqueur française «Cassis de Dijon», laquelle avait été prononcée par l’administration allemande des spiritueux sous prétexte que le produit incriminé ne présentait pas la teneur minimum en alcool fixée par la législation allemandea. Ce principe a été étendu aux États de l’AELE ayant adhéré à l’EEE. ), les ETC entre la Suisse et les États de la CE peuvent être éliminées en adaptant les prescriptions suisses sur les produits à celles de la CE. C’est l’objectif que poursuit le Conseil fédéral depuis le début des années nonante. Cette stratégie est aussi inscrite dans la LETC. Ainsi, celle-ci prévoit (art. 4) que «les prescriptions techniques sont formulées de manière à ne pas engendrer d’entraves techniques au commerce. À cette fin, elles sont élaborées de manière à être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de la Suisse», soit, en général, des pays de la CE. «Des dérogations [à ce] principe […] ne sont admissibles que dans la mesure où elles sont rendues nécessaires par des intérêts publics prépondérants», notamment la protection de la santé, de l’environnement ou des consommateurs. Comme les prescriptions techniques doivent toujours être adaptées aux progrès techniques, leur actualité doit être vérifiée périodiquement; le Conseil fédéral a donc procédé, lors des travaux de révision de la LETC, à un examen complet des prescriptions suisses sur les produits et s’est prononcé en faveur d’une harmonisation plus systématique qu’auparavant avec la législation communautaire. 2 Pour plus de renseignements sur la stratégie de l’harmonisation autonome et l’examen des prescriptions suisses sur les produits, voir aussi l’article de H. Hertig et P. Wey, à la p. 10 de ce numéro.

Accords avec la CE


Dans le cadre des Accords bilatéraux I conclus en 1999 entre la Suisse et la CE, deux d’entre eux portent sur le démantèlement réciproque des ETC: celui sur la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité3 Cet accord prévoit actuellement la reconnaissance mutuelle des évaluations de la conformité (essais, inspections) et (partiellement) des procédures d’homologation pour seize domaines du secteur industriel. en matière de produits industriels et celui relatif aux échanges de produits agricoles (accord agricole). 4 L’accord agricole améliore l’accès réciproque au marché entre la Suisse et la CE non seulement par des concessions douanières, mais surtout par le démantèlement d’ETC dans de nombreux secteurs de produits. Pour la majeure partie, il consacre la reconnaissance mutuelle de l’équivalence des législations et des exigences en matière de police sanitaire ou de protection des plantes (certificats sanitaires, contrôles officiels, etc.).

Les motifs de la révision


Malgré les deux instruments qui viennent d’être cités, il reste de nombreuses ETC qui contribuent au niveau excessif des prix en Suisse. Dans les domaines, en particulier, où la CE ne connaît pas de prescriptions uniformes sur les produits ou n’en connaît que partiellement 5 Voir encadré 2., ni l’harmonisation autonome ni les deux accords cités ne sont des instruments appropriés pour démanteler les ETC existant vis-à-vis de la CE. C’est pourquoi la révision de la LETC doit compléter la panoplie actuelle en y ajoutant le principe du «Cassis de Dijon» (voir encadré 2 Le principe de la libre circulation des marchandises constitue un des piliers du marché intérieur de la CE. Il signifie que toutes les restrictions nationales aux échanges intracommunautaires doivent être éliminées.Dans la CE, de nombreuses entraves au commerce ont été éliminées en harmonisant la législation communautaire (domaine dit harmonisé). À cet effet, la CE édicte des prescriptions uniformes sur les produits dans des règlements ou des directives. Les règlements sont applicables directement dans tout l’espace communautaire, tandis que les directives doivent être mises en oeuvre dans la législation nationale des États membres. Une fois qu’une directive est entrée en vigueur et que sa mise en oeuvre est achevée dans les États membres, les produits concernés sont soumis, sur le marché intérieur, à des règles matériellement unifiées, mais qui peuvent prendre des formes différentes selon la législation nationale. Pour les produits qui ne font pas l’objet d’une harmonisation communautaire (domaine non harmonisé), sont appliqués les art. 28 à 30 du Traité de la CE, qui interdisent les restrictions aux échanges intracommunautaires. Ces articles sont à la base du principe de la reconnaissance mutuelle, qui stipule que, dans tous les secteurs encore non harmonisés, les États membres doivent accepter sur leur territoire les biens légalement commercialisés dans un autre État membre. Les États membres ne peuvent déroger au principe de la reconnaissance mutuelle que dans les cas prévus à l’art. 30 du traité, notamment pour protéger la sécurité et la santé publique, ou encore l’environnement. Le principe de la reconnaissance mutuelle dans le domaine non harmonisé est connu surtout sous le nom de principe du «Cassis de Dijon», d’après un arrêt de la Cour européenne de justice. Celle-ci devait statuer sur une interdiction de commercialiser en Allemagne de la liqueur française «Cassis de Dijon», laquelle avait été prononcée par l’administration allemande des spiritueux sous prétexte que le produit incriminé ne présentait pas la teneur minimum en alcool fixée par la législation allemandea. Ce principe a été étendu aux États de l’AELE ayant adhéré à l’EEE.). Il s’agit de garantir que les produits légalement commercialisés dans la CE puissent aussi circuler librement en Suisse, sans contrôle supplémentaire. Le principe du «Cassis de Dijon» n’est pas un substitut, mais un complément à l’harmonisation des prescriptions suisses avec celles de la CE. Ce dernier objectif continue donc à revêtir beaucoup d’importance. De même, le principe du «Cassis de Dijon» ne remplace pas les deux accords conclus dans le cadre des bilatérales I pour démanteler les ETC. C’est pourquoi les efforts tendant à élargir ces accords à de nouvelles catégories de produits seront poursuivis parallèlement à la révision de la LETC. Ces trois mesures représentent donc plutôt des instruments complémentaires pour éliminer les ETC; leur combinaison renforce l’effet de chaque mesure prise séparément.

Le principe du «Cassis de Dijon», un élément central du projet


L’application du principe du «Cassis de Dijon» aux importations en provenance de l’EEE (et donc de la CE Le principe du «Cassis de Dijon» sera également appliqué aux importations en provenance de l’EEE, ce qui n’est pas rappelé nommément dans les passages correspondants ultérieurs.) permettra de commercialiser sur notre territoire les produits fabriqués et distribués selon les prescriptions en vigueur dans l’espace communautaire, même s’ils ne répondent pas (ou pas entièrement) aux prescriptions techniques suisses. De tels produits ne doivent pas constituer de danger notable pour des intérêts publics prépondérants s’ils sont utilisés normalement ou de façon raisonnablement prévisible. Ces intérêts sont la protection des moeurs, l’ordre et la sécurité publics, la protection de la vie et de la santé des êtres humains, des animaux, des végétaux et du milieu naturel, la sécurité au travail, la protection des consommateurs et la loyauté dans les transactions commerciales. Une fois la nouvelle LETC entrée en vigueur, les produits légalement commercialisés dans la CE pourront circuler librement en Suisse, sans contrôle supplémentaire, soit parce que les prescriptions suisses sur les produits auront été harmonisées avec les normes communautaires, soit parce qu’ils relèvent d’accords avec la CE, soit parce qu’ils bénéficient du principe du «Cassis de Dijon». Sont concernés par ce dernier avant tout les cosmétiques, les textiles, l’habillement, les denrées alimentaires et les meubles. Le principe du «Cassis de Dijon» ne s’appliquera pas Pour plus de détails, voir les deux articles suivants.: – aux produits soumis à homologation et aux substances sujettes à notification en vertu de la législation sur les substances chimiques; – aux produits nécessitant une autorisation d’importation préalable ou soumis à une interdiction d’importer; – aux produits pour lesquels le Conseil fédéral statue une exception.  Les produits ne pouvant accéder au marché suisse pour une de ces raisons seront énumérés dans une liste spéciale (négative), qui représentera un outil important pour les autorités d’exécution et pour les entrepri-ses. De nombreuses ETC proviennent de prescriptions diverses concernant l’information sur le produit. La révision a pour but d’éviter autant que possible le réemballage et le réétiquetage des marchandises importées. Ainsi, pour celles admises sur le marché suisse en vertu du principe du «Cassis de Dijon», l’information rédigée selon les prescriptions étrangères ayant régi leur fabrication sera considérée comme suffisante. Sont réservées les exigences en matière de langue(s) officielle(s) et l’indication du fabricant ou d’une personne responsable en Suisse.

Le régime spécial des denrées alimentaires


En ce qui concerne les denrées alimentaires, il est prévu d’établir un régime spécial pour l’application du principe du «Cassis de Dijon», qui s’inspire de celui en vigueur en Allemagne depuis plus de vingt ans: les denrées alimentaires qui n’ont pas été fabriquées expressément selon les prescriptions techniques suisses, mais qui répondent à celles en vigueur dans la CE et qui y circulent légalement, peuvent aussi être commercialisées en Suisse, à condition de bénéficier d’une autorisation de l’Office fédéral de la santé publique. Ne sont pas soumises à cette autorisation obligatoire les denrées alimentaires fabriquées selon les prescriptions techniques en vigueur en Suisse et donc destinées à ce marché. De par la nature même de ces produits, en effet, la question de l’application du principe du «Cassis de Dijon» ne se pose pas. L’autorisation est accordée pour autant que la denrée alimentaire concernée ne menace ni la sécurité ni la santé des personnes, et qu’elle remplisse les exigences en matière d’information sur le produit. L’autorisation est délivrée sous forme de décision de portée générale. Celle-ci est valable pour les denrées alimentaires similaires provenant aussi bien de la CE que de Suisse, pour autant qu’elles répondent aux prescriptions sur les produits sous-tendant la décision de portée générale. Ce régime spécial permet d’appliquer le principe du «Cassis de Dijon» dans le secteur alimentaire, où la protection de la santé revêt une importance toute particulière. Il évite également une discrimination des producteurs indigènes. En effet, les denrées alimentaires en provenance de la CE ne répondant pas à toutes les prescriptions techniques suisses nécessitent une autorisation préalable. En retour, si un aliment fabriqué selon les prescriptions en vigueur dans la CE bénéficie d’une décision de portée générale, tout fabricant suisse a la possibilité de produire des denrées alimentaires répondant à ces prescriptions.

Discrimination des producteurs indigènes


L’introduction du principe du «Cassis de Dijon» permettra désormais de commercialiser en Suisse des produits qui ne correspondent donc pas entièrement aux prescriptions techniques de ce pays, mais à celles en vigueur dans la CE. Pour empêcher que les fabricants suisses ne souffrent d’un désavantage lié aux coûts, des mesures complémentaires sont prévues. La principale d’entre elles consiste à harmoniser strictement les prescriptions suisses sur les produits avec celles de la CE, comme l’a décidé le Conseil fédéral le 31 octobre 2007 Voir à ce sujet l’article de M. Enderle et K. Bucher à la p.15 de ce numéro.. Il s’agit de combattre à la racine les discriminations auxquelles doivent faire face les producteurs indigènes. En outre, pour contrer efficacement les nouvelles discriminations qui pourraient résulter de prescriptions suisses édictées après l’entrée en vigueur de la LETC révisée, un guichet sera ouvert au Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Les fabricants suisses pourront ainsi dénoncer toute discrimination provoquée par les prescriptions suisses. Le Seco examinera ces plaintes, avec le concours des services fédéraux compétents; il pourra recommander à ceux-ci de modifier ou d’abroger les prescriptions techniques suisses. Les fabricants suisses produisant pour le marché communautaire auront aussi le droit de commercialiser en Suisse les marchandises fabriquées selon les prescriptions en vigueur dans la CE. Pour éviter les abus, ces produits suisses doivent circuler légalement dans la CE. Cette possibilité a pour but de permettre aux fabricants suisses de produire désormais pour tout le marché européen selon les prescriptions d’un seul pays et de commercialiser leurs produits en Suisse aux mêmes conditions que leurs concurrents de la CE.  Pour éviter de discriminer les producteurs travaillant uniquement pour le marché suisse, il est prévu que le Conseil fédéral soit habilité à introduire une procédure d’autorisation pour les cas de rigueur. Les entreprises helvétiques qui connaîtraient sinon des handicaps intolérables pourront ainsi fabriquer des produits destinés au marché suisse selon les mêmes prescriptions que celles auxquelles leurs concurrents de la CE doivent obéir. Dans le secteur alimentaire, la discrimination des producteurs indigènes peut être évitée par le régime spécial décrit plus haut concernant l’application du principe du «Cassis de Dijon».

Exécution


Parallèlement à l’introduction du principe du «Cassis de Dijon», il est prévu de développer la sécurité des produits. Cela se fera, d’une part, dans le cadre de la ré-vision de la LETC, en développant les compétences existantes des organes d’exécution et en prévoyant une procédure des-tinée à la surveillance du marché des produits fabriqués selon des prescriptions étrangères. Les organes d’exécution peuvent, par exemple, interdire la commercialisation d’un produit, exiger des avertissements contre sa dangerosité, ordonner son retrait de la vente ou son rappel, prohiber l’exportation d’un produit dont la commercialisation a été interdite, ou encore confisquer et détruire ou rendre inutilisable un produit présentant un danger grave et immédiat. Les autorités d’exécution auront aussi la possibilité de contester un produit commercialisé en vertu du principe du «Cassis de Dijon» et de l’interdire, au besoin, s’il présente un danger. D’autre part, le niveau de protection sera relevé et les compétences des autorités à prendre des mesures seront étendues par la transformation de la loi sur la sécurité d’installations et d’appareils techniques (LSIT) en une loi plus générale sur la sécurité des produits (LSP). Étant donné les rapports matériels étroits entre les révisions de la LETC et de la LSIT, les deux projets n’ont pas seulement été harmonisés entre eux, mais aussi élaborés et soumis aux Chambres fédérales en même temps.

Autres éléments de la révision


Comme on l’a vu, la LETC attribue la priorité absolue à l’élimination des entraves techniques au commerce. Les principes régissant l’adoption de prescriptions sur les produits revêtent donc un rôle important. Plusieurs ETC proviennent en effet de prescriptions différentes concernant l’information sur le produit (exigences en matière d’étiquetage, d’identification, etc.) et l’autorisation obligatoire pour les produits déjà homologués à l’étranger. Certaines des prescriptions actuelles concernant l’information sur le produit sont très complètes et détaillées, ce qui, dans la pratique, a créé une foule d’ETC. La révision de la LETC introduit donc des dispositions censées garantir que ces prescriptions ne donnent pas lieu à des ETC inutiles. Ainsi, par analogie avec la réglementation déjà en vigueur pour les denrées alimentaires, l’information sur le produit ne devra plus être rédigée que dans une seule langue officielle suisse. C’est seulement pour les mises en garde et les précautions d’emploi que l’on pourra exiger qu’elle soit publiée dans plus d’une langue officielle ou dans la langue du lieu de vente. Des différentes enquêtes menées, il ressort que les procédures d’homologation sont particulièrement susceptibles de verrouiller les marchés et de provoquer des prix excessifs par rapport à l’étranger. Afin de faciliter l’accès au marché de produits soumis à homologation, le Conseil fédéral a décidé d’introduire dans la révision de la LETC des simplifications pour ceux qui ont déjà été autorisés à l’étranger en vertu de prescriptions équivalentes Pour plus de détails, voir l’article de M. Enderle et K. Bucher à la p.15 de ce numéro..

Graphique 1 «Voies d’accès au marché suisse pour les produits en provenance de la CE ou de l’EEE»

Encadré 1: Comment les prescriptions techniques deviennent des entraves au commerce Par «entraves techniques au commerce» (ETC), on désigne les obstacles aux échanges internationaux de marchandises qui résultent de prescriptions techniques différentes; on parle aussi de «prescriptions sur les produits». Les prescriptions techniques sont des règles étatiques contraignantes. Elles lient l’offre, la mise en circulation ou en service, l’utilisation ou l’élimination de produits à des exigences techniques ou qualitatives. Ces exigences peuvent porter par exemple sur la fabrication, la composition, les dimensions, le poids, la forme, les prestations fournies, la consommation d’énergie, les émissions, la désignation ou l’emballage d’un produit. Les prescriptions techniques peuvent exiger en outre que le produit soit testé selon certains procédés, que sa conformité avec les prescriptions en vigueur soit évaluée, qu’il soit déclaré à une autorité ou que sa commercialisation soit formellement autorisée. Édicter des prescriptions techniques répond en général à des objectifs légitimes qui ne relèvent pas en premier lieu de la politique commerciale. Depuis quelque temps, de nombreuses réglementations ont pour origine la protection de la sécurité et de la santé des consommateurs et des travailleurs, ou la préservation des bases naturelles de l’existence. Mais ces prescriptions sur les produits peuvent aussi freiner les échanges commerciaux, voire protéger délibérément les intérêts économiques nationaux de la concurrence étrangère. Il y a ETC quand un fabricant remplit toutes les prescriptions requises pour accéder à un marché A, mais que son produit ne peut accéder au marché B parce que ce dernier connaît d’autres prescriptions, ou que des prescriptions identiques y sont appliquées différemment, ou encore que les tests, évaluations de la conformité, déclarations ou admissions réalisés dans le pays A ne sont pas reconnus dans le pays B.

Encadré 2: Démantèlement des ETC dans la CE et l’EEE Le principe de la libre circulation des marchandises constitue un des piliers du marché intérieur de la CE. Il signifie que toutes les restrictions nationales aux échanges intracommunautaires doivent être éliminées. Dans la CE, de nombreuses entraves au commerce ont été éliminées en harmonisant la législation communautaire (domaine dit harmonisé). À cet effet, la CE édicte des prescriptions uniformes sur les produits dans des règlements ou des directives. Les règlements sont applicables directement dans tout l’espace communautaire, tandis que les directives doivent être mises en oeuvre dans la législation nationale des États membres. Une fois qu’une directive est entrée en vigueur et que sa mise en oeuvre est achevée dans les États membres, les produits concernés sont soumis, sur le marché intérieur, à des règles matériellement unifiées, mais qui peuvent prendre des formes différentes selon la législation nationale. Pour les produits qui ne font pas l’objet d’une harmonisation communautaire (domaine non harmonisé), sont appliqués les art. 28 à 30 du Traité de la CE, qui interdisent les restrictions aux échanges intracommunautaires. Ces articles sont à la base du principe de la reconnaissance mutuelle, qui stipule que, dans tous les secteurs encore non harmonisés, les États membres doivent accepter sur leur territoire les biens légalement commercialisés dans un autre État membre. Les États membres ne peuvent déroger au principe de la reconnaissance mutuelle que dans les cas prévus à l’art. 30 du traité, notamment pour protéger la sécurité et la santé publique, ou encore l’environnement. Le principe de la reconnaissance mutuelle dans le domaine non harmonisé est connu surtout sous le nom de principe du «Cassis de Dijon», d’après un arrêt de la Cour européenne de justice. Celle-ci devait statuer sur une interdiction de commercialiser en Allemagne de la liqueur française «Cassis de Dijon», laquelle avait été prononcée par l’administration allemande des spiritueux sous prétexte que le produit incriminé ne présentait pas la teneur minimum en alcool fixée par la législation allemandea. Ce principe a été étendu aux États de l’AELE ayant adhéré à l’EEE.

Proposition de citation: Julie-Antoinette Stadelhofer (2008). Les grands traits de la révision de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce. La Vie économique, 01 octobre.