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La formation professionnelle en ligne de mire: un entretien avec Stefan Wolter et Rudolf Strahm

La formation professionnelle enseigne les bases d'un métier aux deux tiers des jeunes suisses. Elle est ainsi de loin la filière la plus importante pour l'intégration dans le marché du travail. La formation professionnelle constitue le socle d'un apprentissage qui se poursuivra toute la vie et ouvre une grande variété de perspectives, avec un choix de plus de 200 métiers. L'entretien avec deux de ses éminents avocats, le praticien Rudolf Strahm et le chercheur Stefan C. Wolter, est marqué par leur engagement en faveur de la formation professionnelle et de la défense d'un système «de même valeur, mais différent» pour les HES et les universités.

La formation professionnelle en ligne de mire: un entretien avec Stefan Wolter et Rudolf Strahm



La Vie économique: M. Strahm, vous avez publié cette année un ouvrage intitulé Warum wir so reich sind («Pourquoi nous sommes si riches»), qui soutient que notre bien-être trouve sa source principale dans le système dual de formation professionnelle. Qu’est-ce qui vous permet une telle affirmation? Rudolf Strahm: Mon analyse révèle que tous les facteurs qui contribuent à la richesse de notre pays ont un lien direct avec la formation professionnelle. Je pense ici au niveau élevé de la productivité, aux coûts salariaux unitaires relativement favorables et à la grande qualité du travail. Si l’on se réfère uniquement à la théorie économique, la Suisse ne devrait pas être compétitive sur le plan international, en raison justement de ses salaires élevés. Toutefois, comme notre formation professionnelle nous permet de proposer des solutions sur mesure, une qualité poussée et des produits de niche, nous pouvons exiger des prix supérieurs pour nos produits et les exporter avec succès. La compétitivité de notre économie provient beaucoup plus de notre formation professionnelle que de nos filières académiques, tout comme la qualité typiquement suisse de notre travail, si décisive pour l’exportation. Enfin, la formation duale contribue fortement à l’employabilité des apprentis et à la faiblesse du chômage en Suisse. Elle permet d’intégrer très tôt les plus faibles dans l’exercice d’un métier, ce qui est primordial en politique sociale.  La Vie économique: M. Wolter, l’étude scientifique et économique de la formation fournit-elle des résultats fondés qui prouvent ou remettent en cause les atouts mentionnés de la formation professionnelle? Stefan C. Wolter: Chaque pays a un système différent de formation duale ou de formation complète en école professionnelle. Les comparaisons ne sont donc guère possibles. C’est pourquoi il n’existe pratiquement pas de résultats fondés scientifiquement qui mettent en avant les avantages économiques de l’un ou de l’autre. Depuis quelque temps, cependant, on dispose d’une étude très intéressante et scientifiquement valable sur les effets des deux systèmes en Roumanie. Après la fin du communisme, soit au début des années nonante, ce pays a opéré un changement radical et a remplacé la formation duale par une formation en école professionnelle à plein temps (Epat). Deux chercheurs étasuniens ont étudié les effets de l’une et de l’autre et sont arrivés aux conclusions suivantes: dans les métiers couverts habituellement par la formation duale, on trouve moins de diplômés Epat; en termes d’employabilité et de salaire, ces derniers ne présentent pas le moindre avantage. D’une façon générale, nous savons en revanche que l’intégration au marché du travail est plus simple pour les jeunes ayant suivi la formation duale, ce qui a l’avantage d’un faible chômage des jeunes. La formation duale a toutefois pour inconvénient qu’un nombre nettement moindre d’individus suivent des cours de formation continue par rapport à ceux issus des Epat.  En Suisse, il s’avère que dès qu’un individu a fréquenté une haute école spécialisée (HES) ou une école professionnelle supérieure (EPS), l’intérêt pour la formation continue est le même que celui des personnes issues des Epat.   La Vie économique: De nos jours, 90% des jeunes en Suisse ont suivi la scolarité post-obligatoire. Les milieux politiques voudraient même que ce pourcentage passe à 95% d’ici 2015. Ce but est-il réaliste? Comme est-il possible de l’atteindre, à votre avis? S. Wolter: 10 à 15% des élèves qui auraient fait autrefois les meilleurs apprentis fréquentent aujourd’hui le gymnase; ils ont été remplacés par des apprentis qui n’auraient pas suivi de scolarité post-obligatoire il y a 25 ans. La formation professionnelle effectue donc ici une prouesse d’intégration; mais un jour, sa capacité d’intégration sera épuisée.  Il sera donc décisif de voir pour quelles raisons les 5% de plus qui doivent être intégrés ne suivent pas aujourd’hui de scolarité post-obligatoire. Nous savons que, très souvent, cela n’est pas dû à des problèmes scolaires. Or, la mission de la formation professionnelle ne saurait être de résoudre les cas sociaux. Elle ne peut ni ne doit adapter ses normes simplement pour que les plus faibles y accèdent. Les règles sont plutôt dictées par l’économie, la mission finale de la formation professionnelle étant de permettre aux apprentis de s’insérer sur le marché du travail.  Pour atteindre la cible des 95%, il faut en tout cas développer les formations initiales de deux ans avec attestation fédérale, qui sont déjà introduites dans certains métiers, et les étendre à d’autres branches. R. Strahm: Les écoliers les plus faibles ont très souvent des capacités techniques et manuelles qui passent entre toutes les mailles du système de sélection des Epat. J’ai connu des gens dotés d’une précision étonnante et d’un flair particulier pour les questions pratiques, mais qui étaient incapables d’aligner une phrase correcte. C’est ici que le système de la formation professionnelle peut aider et que les filières de deux ans à attestation fédérale ont un sens. Il faut, toutefois, gérer chaque cas séparément et offrir un suivi individuel. Cela contribue fortement à guider les écoliers les plus faibles vers le bon métier. Encore une remarque: la formation professionnelle paie! Les anciens apprentis gagnent en effet quelque 1000 francs de plus par mois que les jeunes sans formation, et ceux qui ont suivi une formation initiale avec attestation fédérale à peu près 500 francs de plus. Autre chose: le risque de devenir chômeur est trois fois moindre que pour les jeunes sans formation.  La Vie économique: Les jeunes qui ne trouvent pas de place d’apprentissage après la scolarité obligatoire ont diverses possibilités d’occuper leur temps jusqu’à l’entrée dans une formation professionnelle. À votre avis, quelles solutions intermédiaires ont fait leurs preuves? R. Strahm: Les jeunes étrangers ont souvent des rêves professionnels assez peu réalistes. Leurs parents immigrés viennent de pays où il n’y a pas de système de formation professionnelle. D’après un sondage auprès des orienteurs professionnels que je forme, le meilleur moyen pour rapprocher les voeux des parents et des jeunes de la réalité est la gestion des cas avec suivi individuel. Cela n’exclut pas qu’un stage professionnel, un semestre de motivation ou une 10e année scolaire puissent aussi rendre service. S. Wolter: Il n’y a pratiquement pas aujourd’hui de constat scientifique fiable quant à l’effet des différentes solutions transitoires. Les études existantes se sont avérées peu probantes, car les intérêts personnels des évaluateurs s’y croisaient. Si la gestion des cas a tant d’importance, c’est que le parallélisme des offres et des instances impliquées – office du travail, service des écoles, OFFT, office AI et, depuis peu, centre d’aide sociale – aboutit à ce que les jeunes sont pratiquement trimballés d’une instance à l’autre sans recevoir d’aide véritable. Je suis d’accord avec M. Strahm pour dire que le suivi est l’outil primordial, mais la plupart du temps, il intervient malheureusement trop tard. Il devrait commencer dès la 7e année scolaire. R. Strahm: Je suis d’accord. Un autre défaut est que les instances ne collaborent souvent pas entre elles. Mais je voudrais quand même citer un exemple positif: le canton de Soleure, où les différentes instances ont été regroupées géographiquement et où la collaboration fonctionne. À l’échelon fédéral, en revanche, la coopération interinstitutionnelle est une belle parole, mais qui doit être suivie d’actes.  La Vie économique: Une étude révèle que presque un quart des diplômés sortant d’un apprentissage de trois ans sont mal employés un an après leur diplôme. Où voyez-vous des améliorations nécessaires? S. Wolter: Dans cette étude, «mal employé» signifie soit «sans emploi», soit «employé dans un autre métier que le métier appris». Il importait de le préciser.  Il existera toujours des professions où un employé sans formation gagnera plus qu’un employé formé actif dans un autre métier. L’exemple typique est la fleuriste ou la couturière diplômée, qui gagnerait plus comme vendeuse non qualifiée. Pour les hommes, l’écart est parfois encore plus scandaleux: dans des secteurs comme la construction, les activités non qualifiées sont relativement bien rémunérées; certains apprentissages ne sont donc plus compétitifs.  De nombreux jeunes se laissent malheureusement séduire par le court terme et choisissent une place où ils gagnent momentanément 200 francs de plus. Ils n’envisagent pas les conséquences que cela peut avoir sur leur vie future: s’ils étaient restés dans leur métier de base et avaient suivi une formation continue, ils auraient d’autres perspectives de carrière et de gain. Comme leurs aînés, les jeunes tiennent compte du rendement de la formation. En d’autres termes: si la formation ne rapporte pas, l’économie ne devra pas s’étonner de manquer, dans certains cas, de main-d’oeuvre spécialisée.  R. Strahm: M. Wolter vient de mettre fortement l’accent sur le côté demande. Je voudrais aborder maintenant l’offre de places d’apprentissage. Tout en défendant le système de la formation duale, il me faut en souligner une faiblesse: la ventilation par secteur des places d’apprentissage n’a pratiquement pas changé depuis vingt ans! Elle est donc en retard sur la mutation structurelle. Par conséquent, le secteur secondaire forme plus de gens qu’il ne peut en absorber (j’évite à dessein de dire «trop de gens»), tandis que, dans plusieurs domaines, le secteur tertiaire n’en forme pas assez pour ses besoins. Il faut plus de formation dans des métiers comme l’informatique, la télématique, les soins secondaires, mais aussi dans des nouveaux métiers des loisirs comme le «fitness», le «wellness», etc. Ici, il nous faut des mesures spécifiques, par domaine, pour promouvoir les places d’apprentissage. S. Wolter: L’argument de la «mauvaise» formation aurait du poids si la mobilité professionnelle était vraiment faible pour les gens issus de la formation duale, mais la chose n’est pas prouvée.  Nous savons seulement qu’en Suisse, la mobilité – aussi bien vers le haut que vers le bas – des gens issus de la formation duale est exactement la même que celle des personnes formées en Epat ou celle des travailleurs d’autres pays. Jusqu’à preuve du contraire, notre système de formation duale est donc en mesure d’assurer aux gens la mobilité professionnelle requise dans la vie active. R. Strahm: Toute personne issue de la pratique le confirmera intuitivement: si quelqu’un travaille avec précision comme mécanicien, il fera de même comme spécialiste en technique médicale. Le formalisme des tests de savoir scolaire n’est pas automatiquement fécond en ce qui concerne la qualité du travail.  La Vie économique: Dans le débat sur la politique de la formation, et plus particulièrement à propos du projet «Paysage suisse des hautes écoles», on parle beaucoup d’«académisation de la formation»? Qu’en pensez-vous? R. Strahm: Il n’y a rien qui ne soit aussi éloigné du marché du travail que l’université. Si je me permets ce jugement, c’est que j’ai aussi un pied dans le monde académique R. Strahm forme des orienteurs professionnels (NABB, universités de Fribourg-Berne-Zurich) et s’occupe de la formation continue d’enseignants en école professionnelle (Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle, IFFP).. Cette faiblesse a encore été accentuée par le formalisme de Bologne. Rien que la sélection des professeurs sur la base des publications est étrangère au monde du travail. Et à l’exception des EPF et de Saint-Gall, le marché du travail rémunère aujourd’hui les diplômés HES mieux que les universitaires.  Je crains désormais qu’avec le projet «Paysage suisse des hautes écoles», les HES, que le législateur considère comme «de même valeur, mais différentes», ne soient ramenées au niveau des universités, c’est-à-dire éloignées du marché du travail. C’est pourquoi je milite énergiquement pour que le caractère distinctif des HES – soit leur accès non académique – ne soit pas sacrifié. L’accès aux HES ne devrait être possible que par un apprentissage ou au moins par un stage professionnel structuré d’un an. Sinon, nous assisterons à une dévalorisation des HES suisses. S. Wolter: Si par «académisation de la formation», on entend augmenter la part de la population jouissant d’une formation tertiaire et que cela réponde aux besoins du marché du travail, je n’ai pas d’objection. Cependant, si les motifs sous-jacents sont le statut social ou les avantages de ceux qui défendent des intérêts personnels dans les établissements de formation, l’«académisation» doit être combattue. Derrière ce terme se dissimule souvent le reproche selon lequel les écoles professionnelles mettent de plus en plus l’accent sur la culture générale ou les langues étrangères, au détriment de l’apprentissage du métier. Mais comme les connaissances deviennent toujours plus importantes dans le monde du travail, cette tendance ne peut être simplement stigmatisée et combattue en parlant d’«académisation». La réforme de Bologne et le nouveau positionnement des HES sont souvent liés dans cette «académisation». Je me demande pourquoi toutes les HES veulent devenir des mini-universités. Comme l’a dit M. Strahm, le marché du travail sanctionne le succès du modèle HES sous la forme de meilleurs salaires. C’est pourquoi je ne comprends pas pour quelles raisons il faudrait sacrifier ce modèle éprouvé. Est-ce seulement pour obtenir le prestige de la formation académique? Si les HES se laissent entraîner dans une compétition académique avec les universités, elles ne pourront pas gagner. Leur statut n’en sortira nullement amélioré et leurs diplômés n’en retireront aucun avantage. C’est ce type d’académisation que je refuse énergiquement. R. Strahm: Si les HES ne valorisent pas spécialement leur caractère distinctif, qui est d’exiger une formation professionnelle lors de l’admission, elles sombreront. Les universités considèrent en effet les HES comme une structure d’accueil pour leur trop-plein, ce qui est injuste. Quand je vois que la loi sur les hautes écoles spécialisées (LHES), qui vient tout juste d’être révisée, est pratiquement abrogée dans le projet «Paysage suisse des hautes écoles» pour être intégrée dans la nouvelle loi sur l’aide aux hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles (LAHE), j’estime que c’est une régression, parce que ce rattachement signifie la sujétion au système universitaire. La LHES est un modèle couronné de succès, parce que la Confédération est impliquée dans sa direction. Elle a pu définir par exemple sept régions HES, ce qui n’aurait jamais été possible dans un régime fédéraliste. Le nouveau «Paysage suisse des hautes écoles» prévoit un Conseil des hautes écoles, où un représentant de la Confédération siégera en face de quatorze représentants des cantons. Cela n’est rien d’autre qu’un retour à la Restauration! Les EPF, elles, ont au moins insisté pour garder leur loi spéciale. Je voudrais lancer un appel au Parlement: n’abrogez la LHES pour rien au monde, au nom du Ciel!  S. Wolter: On peut en dire autant des universités, bien qu’elles semblent moins s’en soucier. Il est tout aussi faux de prétendre que le bachelor est une filière de préparation professionnelle et que le vrai travail scientifique ne commence qu’avec le mastère. Il faut que l’université continue à assumer sa mission académique et ne joue pas les HES. La confusion entre universités et HES anéantira ces deux modèles éprouvés.  La Vie économique: M. Wolter, les questions abordées ici font aussi l’objet d’études scientifiques. Où en est la Suisse en comparaison internationale?  S. Wolter: D’une façon générale, il faut d’abord relever que la Suisse n’est pas la seule à n’être qu’au début de la recherche sur la formation professionnelle; tous les pays sont dans le même cas. Sous l’égide de son premier directeur, M. Sieber, l’Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT) a bien fait d’admettre qu’il était nécessaire de disposer d’une infrastructure de recherche pour piloter le système de la formation professionnelle et se situer aussi au plan international. Sous son actuelle directrice, Mme Renold, l’OFFT a mis sur pied le système de recherche des «Leading Houses» et peut désormais proclamer ses premiers succès. La recherche suisse est aussi de plus en plus reconnue à l’étranger, ce qui contribue à faire connaître notre système de formation professionnelle. Ainsi, l’OCDE a décidé de remettre le «Vocational Education and Training» à son programme, après presque vingt ans d’arrêt, et de consacrer autant d’attention à la formation professionnelle qu’à l’éducation générale. Il y a donc un regain d’intérêt pour les systèmes de formation professionnelle. La science en profite, certes, mais la formation professionnelle devrait aussi y gagner par le simple fait que la science s’intéresse de nouveau à elle – une situation «gagnant-gagnant», donc!  La Vie économique: Après avoir été surveillant des prix, M. Strahm, vous vous tournez avec beaucoup d’enthousiasme vers la formation professionnelle. Qu’en attendez-vous? R. Strahm: Je me félicite que M. Wolter mette maintenant sur pied un système de protection scientifique rapprochée en faveur de la formation professionnelle. Celle-ci est nécessaire pour convaincre les élites suisses et étrangères de la valeur de notre système. Avec mon expérience plus que trentenaire, je voudrais montrer l’importance de la formation professionnelle: c’est un instrument indispensable pour réduire les charges sociales et le taux de chômage, augmenter le taux d’activité et améliorer des paramètres tels que les coûts salariaux unitaires, la productivité, la compétitivité et l’adaptabilité à la mutation structurelle. Je considère que ce sera une tâche gratifiante de rappeler aux milieux politiques et au monde académique des questions qui ont été longtemps négligées dans le débat sur la formation.  La Vie économique: Messieurs, nous vous remercions de cet entretien.

Entretien et rédaction: Geli Spescha, rédacteur en chef de La Vie économique Transcription de l’entretien: Simon Dällenbach, rédacteur à La Vie économique

Encadré 1: Des incitations financières pour les places d’apprentissage? La Vie économique: Ces dernières années, on a souvent reproché aux entreprises d’offrir trop peu de places d’apprentissage. Des voix se sont donc fait entendre pour demander des incitations financières qui encourageraient les entreprises à en offrir. Est-ce judicieux? S. Wolter: Nous avons effectué des simulations et constaté que ce serait une erreur: avec les incitations financières, trop d’argent va aux mauvaises entreprises. Dans celles qui s’engageraient à former des apprentis uniquement pour l’argent, on n’aurait pas non plus la garantie que la qualité de l’apprentissage soit suffisante. Pourquoi? Quand une entreprise reçoit des aides financières, il n’y a pas d’incitation à engager les apprentis de façon productive. R. Strahm: La première année d’apprentissage est la plus chère; c’est pourquoi il est raisonnable de la soutenir. Du côté des apprentis, cette première année est aussi la plus difficile. Si l’année initiale d’apprentissage pouvait être consacrée à acquérir des notions de base en informatique, par exemple, ou en anglais, on y aurait beaucoup gagné. Il faut sans doute nous préparer à admettre que, dans certains métiers du secteur tertiaire, les incitations financières seront tout simplement nécessaires. S. Wolter: Nous avons étudié l’année initiale d’apprentissage et ses effets. Si nous comparons les mêmes filières entre elles, les résultats sont décevants: les entreprises avec année initiale d’apprentissage ne se distinguent en rien de celles qui n’en proposent pas; les coûts et bénéfices sont les mêmes. Les établissements professionels sans année initiale d’apprentissage n’ont pas non plus le sentiment de s’en tirer moins bien. J’en conclus que les entreprises doivent avoir le choix d’envoyer leurs apprentis suivre l’année initiale d’apprentissage ou non. Il serait faux que l’État prescrive ou promeuve l’un ou l’autre système. R. Strahm: Les incitations financières sont utiles, c’est évident. Il faut, toutefois, un système de choix pragmatique, avec des mesures d’encouragement diverses, justement parce que les différences entre entreprises sont énormes. Celles qui misent fortement sur des spécialistes sont moins en mesure de former des apprentis. D’autres entreprises peuvent en revanche très bien offrir des places d’apprentissage.

Encadré 2: Bibliographie – Rudolf H. Strahm, Warum wir so reich sind, hep-Bildungsverlag, Berne, 2008.- Samuel Mühlemann, Stefan C. Wolter, Marc Fuhrer, Adrian Wüest: Lehrlingsausbildung – ökonomisch betrachtet, Rüegger Verlag, Zurich/Coire, 2007.

Proposition de citation: Geli Spescha (2008). La formation professionnelle en ligne de mire: un entretien avec Stefan Wolter et Rudolf Strahm. La Vie économique, 01 octobre.