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Les effets de la libre circulation des personnes sur le marché de l’emploi et la croissance

Il est démontré que la libre circulation des personnes a permis aux entreprises de très peu souffrir de pénurie parmi leur personnel lors de la dernière reprise conjoncturelle, ce qui a favorisé la croissance et freiné le renchérissement. D'un autre côté, le chômage a baissé moins vite et la progression des salaires réels a été moindre que s'il n'y avait pas eu de libre circulation des personnes. Étant donné le manque de recul, il n'est pas encore possible d'évaluer d'autres effets concevables de l'ouverture du marché du travail, comme ceux sur le potentiel de croissance ou sur le comportement de l'offre de travail en phase récessive.

Les effets de la libre circulation des personnes sur le marché de l'emploi et la croissance

 

Problématique et méthodologie


Cet article examine les effets sur l’économie suisse de l’Accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. Les points suivants sont d’un intérêt particulier. 1. La conjoncture: en phase d’essor, l’économie se heurte-t-elle moins rapidement aux limites de ses capacités grâce à la libre circulation des personnes? Cela lui permet-il de croître plus longtemps à l’abri de l’inflation? Comment l’offre de travail réagit-elle en phase récessive? 2. Le marché du travail: ici, c’est l’effet de la libre circulation sur le chômage qui nous intéresse particulièrement. La question décisive est de savoir si l’immigration se dirige essentiellement vers les segments du marché où les postes vacants ne seraient pas repourvus sans elle, ou si les nouveaux arrivants diminuent les chances d’embauche des résidents qui cherchent déjà du travail en Suisse. 3. Le potentiel de croissance à long terme: la libre circulation des personnes élargit-elle simplement la croissance horizontale, ou l’immigration de personnes qualifiées génère-t-elle aussi des gains de productivité par le biais de transferts de savoir?  Après l’entrée en vigueur de l’Accord sur la libre circulation des personnes en juin 2002, l’immigration a d’abord subi diverses restrictions. Ce n’est qu’en juin 2004, après l’abrogation de la priorité accordée aux travailleurs indigènes, que ce texte a pu déployer tous ses effets. Notre expérience en matière de libre circulation ne couvre donc qu’une brève période, caractérisée de surcroît par une conjoncture favorable. C’est la raison pour laquelle seuls les deux premiers points évoqués plus haut peuvent être étudiés. Le modèle utilisé se prêterait, de toute façon, mal à une analyse d’impact à long terme sur la productivité, parce qu’il ne tient pas explicitement compte des changements dans les qualifications des immigrants. Analyser les effets provoqués par les changements de politique économique pose en outre des problèmes de méthode, puisqu’on ne connaît que l’évolution sous le régime existant, alors que la contre-épreuve doit être supposée. Dans le contexte qui nous intéresse, il faut imaginer comment les choses auraient évolué s’il n’y avait pas eu de libre circulation des personnes: cela postule un modèle macro-économique, car une telle question n’implique pas que le marché du travail. Le modèle utilisé pour les simulations ci-dessous parvient certes à bien refléter l’évolution de l’économie suisse, mais comme toutes les constructions de ce type, il donne une vue simplifiée de la réalité. Les résultats de l’étude doivent donc être interprétés avec prudence.

Scénario du Statu quo ante


Dans l’évolution économique des dernières années, les effets de la libre circulation des personnes se sont superposés à l’influence de divers facteurs conjoncturels. Pour démêler cet écheveau, on simule d’abord le passage à la libre circulation en conjoncture normale. Les principaux chiffres-clés de cette simulation de base figurent dans le tableau 1. Par Statu quo ante, on veut dire que le modèle, basé sur des données historiques, représente la situation avant l’introduction de la libre circulation des personnes. Le produit intérieur brut (PIB) réel croît de 1,93%, le renchérissement des prix à la consommation est de 1,41%; le taux de chômage est de 2,50%, contre un taux de postes vacants de 0,89% Le taux de postes vacants est déterminé par le modèle. Quoique suivant un tracé parallèle, la statistique officielle affiche des valeurs inférieures.. Dans le graphique 1, cette position d’équilibre est marquée par un point sur la courbe de Beveridge bleue (voir

encadré 2
La présente étude recourt à un modèle économétrique composé de 32 équations de comportement, que l’on peut subdiviser en trois blocs: demande, offre, questions monétaires. Dans ce modèle, le marché du travail se compose d’une foule de micromarchés où les rapports entre offre et demande varient. Plus ces rapports sont dispersés transversalement, moins les structures de l’offre et de la demande s’accordent (décalage ou «mismatch»). Durant chaque période, on a ainsi des micromarchés à demande excédentaire et d’autres à offre excédentaire. Dans les premiers, l’offre détermine l’emploi effectif: la demande est rationnée et les postes vacants ne peuvent être pourvus; dans les seconds, c’est la demande qui détermine l’emploi effectif: l’offre est rationnée et le chômage règne. La proportion de marchés à offre ou à demande restreintes dépend de la conjoncture. Sur un cycle conjoncturel, il en résulte un mouvement contraire du chômage et des postes vacants, que les spécialistes désignent du nom de «courbe de Beveridge». Le graphique 1 présente la courbe induite par le modèle (en bleu). Si le décalage structurel diminue, la courbe se déplace en direction de l’origine (en rouge).). Le passage à la libre circulation des personnes peut s’inscrire dans deux scénarios (Alt1, Alt2), que l’on compare à la simulation de base (ci-après «Base»).

Scénario Alt1: immigration sélective


Dans ce scénario, les entreprises qui ne peuvent couvrir entièrement leurs besoins de main-d’oeuvre font appel à des étrangers. Le chômage n’en est pas affecté directement, puisque par définition, il est limité au segment des micromarchés à demande restreinte. Les nouveaux immigrés embauchés n’entrent donc pas en concurrence avec les indigènes en quête de travail, mais comblent des pénuries de personnel. Dans une première phase de la simulation, le nombre des postes vacants diminue donc, tandis que le chômage reste pratiquement inchangé. Dans le graphique 1, cela s’exprime par un mouvement de la flèche noire vers le bas. Des stimulations secondaires se produisent alors, décalées dans le temps. Les entreprises bridées auparavant par le manque de personnel peuvent accroître leur production, d’où une meilleure exploitation des capacités techniques, ce qui stimule les investissements. Les étrangers fraîchement arrivés touchent des revenus qu’ils utilisent pour consommer et chercher des logements. La pénurie de personnel se faisant moins sentir, le renchérissement faiblit, ce qui améliore la compétitivité et favorise les exportations. Dans une deuxième phase, ces effets secondaires entraînent un recul du chômage et une légère remontée des postes vacants. La flèche noire remonte à gauche sur la courbe de Beveridge rouge, décalée vers l’origine. Au nouveau point d’équilibre, le chômage s’élève encore à 1,82% (2,50% pour le Statu quo ante) et le taux de postes vacants à 0,59% (contre 0,89%). La baisse simultanée du chômage et des postes vacants traduit la réduction du décalage («mismatch») structurel. D’autres chiffres-clés du scénario Alt1 sont présentés dans le tableau 1. Rien ne change quant au taux de croissance à long terme de l’économie. Cependant, le PIB et l’emploi augmentent, provisoirement, plus vite que dans le scénario «Base», le niveau des variables s’élevant respectivement de 3,7 et 3,6%. Des taux d’inflation temporairement moindres font baisser légèrement les prix à la consommation. À court terme, les salaires nominaux réagissent plus fortement que les prix à la consommation, mais plus faiblement à long terme. Il en résulte donc un recul à court terme des salaires réels par rapport à «Base», mais un petit gain à long terme. On remarque que, dans ce scénario idéal, l’accroissement de l’emploi est fortement supérieur à l’embauche d’étrangers supplétifs. Pour simplifier, disons que l’engagement d’un «spécialiste» étranger qui faisait cruellement défaut génère quatre nouveaux postes de travail, qui sont alors occupés par des indigènes au chômage.

Scénario Alt2: extension générale de l’offre de travail


L’hypothèse qui sous-tend le scénario Alt1, à savoir que le personnel étranger n’occupe que les emplois pour lesquels il n’y aurait pas d’indigènes qualifiés, est probablement trop limitative. Dans le scénario Alt2, on admet donc que les immigrants entrent en concurrence avec les indigènes en quête de travail sur les micromarchés à demande restreinte. Pour modéliser ce scénario, on répartit l’afflux «sélectif» d’étrangers du scénario Alt1 sur l’offre globale de travail: celle-ci augmente même dans les domaines où règne le chômage. On dispose donc de moins de personnes pour combler les pénuries de personnel qui entravent la production. Dans ce scénario, l’économie converge certes vers un niveau d’activité supérieur, mais le PIB et l’emploi n’augmentent que de 0,6%. Quant aux salaires réels, ils reculent, même à long terme. Contrairement au scénario Alt1, le décalage structurel ne change pas: le chômage et le taux de postes vacants restent à long terme aux valeurs du Statu quo ante. L’accroissement de l’immigration fait augmenter provisoirement le chômage; selon le modèle, cet effet est temporaire, car les entreprises ont intérêt à investir dans des emplois supplémentaires à long terme, étant donné le recul des salaires réels et l’augmentation de la demande. Dans le graphique 1, ce scénario provoque un mouvement descendant vers la droite sur la courbe de Beveridge bleue, puis un retour à l’ancien point d’équilibre.

Vers quel scénario penchent les données?


Depuis le 2e trimestre 1999, le KOF demande aux entreprises industrielles, pour son Test conjoncturel, si leur production a été entravée par le manque de main-d’oeuvre. Ces dernières années, les réponses positives ont progressé nettement moins fortement qu’en 1999-2000, bien que la récente reprise économique ait été plus forte en termes d’accroissement de la production. L’Office fédéral de la statistique (OFS) réalise une enquête semblable pour l’ensemble de l’économie. Malheureusement, les questions ont été légèrement modifiées en 2004. S’appuyant sur une classification plus précise des qualifications, elles touchent désormais aux difficultés de recruter et non plus au manque de personnel. Une interprétation prudente de cette enquête indique cependant que, grâce à l’embauche facilitée de main-d’oeuvre étrangère, la reprise récente n’a été que peu freinée par la pénurie de personnel. La médaille a toutefois son revers avec un taux de chômage qui n’a baissé annuellement que de 0,5% ces deux dernières années, malgré une très forte recrudescence de l’emploi. Entre 1998 et 2000, il avait diminué beaucoup plus nettement, bien que la croissance de l’emploi ait été plus faible. Il faut principalement en chercher la raison dans l’afflux grandissant d’étrangers. Lors de la reprise précédente, leur embauche n’avait commencé à augmenter qu’en 2002, une période où le réservoir de chômeurs était pratiquement asséché (moins de 2%). Pendant la dernière reprise, en revanche, l’embauche d’étrangers a commencé dès la fin de 2005, avec des taux voisins de 10%, alors que le chômage était encore supérieur à 3,5%. Ces données militent en faveur du scénario Alt2. Une phase d’essor conjoncturel se manifeste traditionnellement par un accroissement des postes vacants et une baisse du chômage (c’est-à-dire un mouvement ascendant vers la gauche sur la courbe de Beveridge). Or, ce mouvement a été faible lors de la dernière reprise. La libre circulation des personnes a empêché l’apparition de pénuries de personnel, mais a freiné simultanément le recul du chômage. Les données n’indiquent pas de déplacement de la courbe de Beveridge en direction de l’origine (scénario idéal Alt1).

Effets de la libre circulation des personnes lors de la dernière reprise


Pour finir, nous allons tenter de démontrer comment l’économie suisse aurait évolué ces dernières années sans l’Accord sur la libre circulation des personnes. Cette nouvelle simulation commence mi-2004, soit au début de la dernière reprise conjoncturelle et avec l’abrogation de la priorité accordée aux travailleurs indigènes Jusqu’à mi-2007, les permis de travail sont restés soumis à contingentement pour les ressortissants de l’UE. Celui-ci a cependant pu être contourné dans la pratique en engageant provisoirement les nouveaux travailleurs sur la base de permis de courte durée.. Elle part du constat que, depuis cette date, la population résidente permanente a crû plus fortement que l’on aurait pu s’y attendre en vertu de la corrélation historique entre immigration et marché de l’emploi. De surcroît, l’offre globale de travail, qui comprend les personnes actives non permanentes (bénéficiaires d’autorisations de courte durée, frontaliers), a augmenté au-delà de toute attente. Ce phénomène s’explique par une augmentation non expliquée du taux d’activité dans le modèle ainsi que par la libre circulation des personnes. En tout, grâce à cette dernière, l’économie disposait, fin 2007, d’approximativement 2,7% de main-d’oeuvre supplémentaire. Une simulation qui ne tiendrait pas compte de ce fait montrerait donc comment l’économie aurait probablement évolué dans les conditions du Statu quo ante. La comparaison avec l’évolution effective traduit alors les effets de la libre circulation des personnes. Les résultats de cette simulation sont présentés dans le graphique 2 et le tableau 2. Sans la libre circulation des personnes, la tension sur le marché de l’emploi se serait nettement accentuée ces derniers temps. Le taux de chômage serait descendu à 1,7% (contre 2,6%), alors que celui des postes vacants serait monté à 1,4% (contre 0,9%). L’inflation aurait passé d’une moyenne de 1,2% à 1,4%. La croissance du PIB (3,2% annualisés pendant la période considérée) se serait arrêtée à 2,9% faute de personnel, ce qui donne en niveau une perte de 0,9% à la fin de 2007. La croissance de l’emploi aurait été freinée dans pratiquement la même proportion, si bien que l’évolution de la productivité du travail n’aurait guère changé. À part la consommation privée, les composants du PIB auraient évolué avec moins de dynamisme. Par rapport au régime de libre circulation des personnes, les investissements en biens d’équipement et dans la construction auraient notamment traîné, parce que les pénuries de personnel entravent les investissements et que, pour les constructions, l’accroissement de la population étant plus faible, la demande s’amoindrit. Malgré ce ralentissement, la consommation privée aurait progressé un peu plus énergiquement, parce que le chômage aurait reculé et que les salaires réels auraient augmenté davantage. À la fin de la période de simulation, les salaires réels auraient dépassé de 0,8% leur niveau effectif. Le corollaire est que la libre circulation des personnes a contrarié les pénuries de personnel et favorisé la croissance. L’atténuation du manque de personnel s’est cependant accompagnée d’un recul relativement faible du chômage et d’une croissance amoindrie des salaires réels. Ces conséquences négatives – du point de vue des travailleurs indigènes – de la libre circulation des personnes sont probablement de nature temporaire. C’est en tout cas ce qu’indique le scénario Alt2, présenté précédemment, selon lequel une extension de l’offre de travail enclenche une croissance horizontale accrue et n’entraîne donc pas une augmentation à long terme du chômage. Le graphique 2 et le tableau 2 présentent également les résultats d’une simulation dans laquelle l’extension de l’offre de travail va exclusivement vers les segments du marché du travail où des pénuries de personnel freinent la production. Dans cette hypothèse idéale, le nombre de postes vacants augmente faiblement et le chômage recule encore plus fortement que dans la simulation sans libre circulation: la courbe de Beveridge se déplace en direction de l’origine, traduisant une diminution du décalage structurel. Les taux de croissance du PIB et de l’emploi arrivent légèrement au-dessus des valeurs effectives et les salaires réels croissent pratiquement autant que dans la simulation sans libre circulation. L’évolution effective du chômage et des postes vacants falsifie ce scénario idéal. Elle ne suit, cependant, pas non plus exactement le tracé de la courbe de Beveridge tel qu’il ressort de la simulation sans libre circulation, mais tend plutôt vers le scénario idéal à immigration sélective. On interprétera cela en disant que, lors de la dernière reprise conjoncturelle, la libre circulation des personnes a certes freiné la baisse du chômage, mais elle a encore davantage retardé l’apparition de pénuries de personnel.

Conclusion


Grâce à la libre circulation des personnes, les entreprises n’ont guère connu de pénurie de personnel au cours de la dernière reprise. À la fin de 2007, le PIB était supérieur de 0,9% à ce qu’il aurait été en régime de Statu quo ante. D’un autre côté, le chômage a moins diminué qu’au cours des reprises précédentes et la croissance des salaires en a été freinée. Il n’est pas possible de prouver empiriquement la thèse selon laquelle la libre circulation des personnes mènerait à une extension de l’offre de travail dans les seuls domaines où les postes vacants ne seraient pas pourvus sans cet apport. Les données indiquent plutôt que si elle permet de suppléer au manque de personnel dans certaines branches, elle crée également des compétitions avec des demandeurs d’emploi autochtones dans les autres. En termes d’efficacité, on pourrait avancer que les postes vacants peuvent ainsi être pourvus par des personnes possédant les qualifications requises. Cet avantage a sans doute moins de poids pour les activités simples. Il faudrait réfléchir, dans ce cas, à la façon de conserver intactes les chances des autochtones, alors que leur embauche n’est plus prioritaire. Sur le plan méthodologique, il faut souligner encore une fois que, pour autant qu’ils soient étayés empiriquement, les résultats de notre étude se fondent sur une phase de reprise conjoncturelle. On doit actuellement se contenter de suppositions quant aux conséquences à long terme de l’ouverture du marché du travail, celles-ci dépendant également du comportement des acteurs en période de mauvaise conjoncture; il en est de même de la productivité lors de changements dans la qualification des immigrants.

Graphique 1 «Courbes de Beveridge et taux de chômage d’équilibre dans le Statu quo ante («Base») et sous le régime de la libre circulation des personnes (Alt1, Alt2)»

Graphique 2 «Évolution effective et simulée des taux de chômage et de postes vacants, 3e trimestre 2004 – 4e trimestre 2007»

Tableau 1 «Évolution effective et simulée de l’économie, 3e trimestre 2004 – 4e trimestre 2007 Croissance annualisée (1) et écart par rapport à l’état effectif (2), en %»

Tableau 2 «Évolution effective et simulée de l’économie, 3e trimestre 2004 – 4e trimestre 2007 Croissance annualisée (1) et écart par rapport à l’état effectif (2), en %»

Encadré 1: Études prospectives des effets d’une adhésion à l’UE ou à l’EEE
Pour la préparation du Rapport sur l’intégration de 1999, le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) avait commandé en 1998 des études prospectives sur les conséquences de trois scénarios d’intégration: le statu quo, l’adhésion à l’EEE et l’adhésion à l’UE. L’auteur du présent article était coauteur d’une de ces étudesa. Il s’y penchait de manière prospective sur les problèmes d’adaptation au nouveau cadre juridique, notamment quant à la libre circulation des personnes. À l’aide d’un modèle semblable, il dresse ici un bilan provisoire de l’évolution survenue effectivement depuis l’introduction de la libre circulation des personnes.

Encadré 2: Principes du modèle et courbe de Beveridge
La présente étude recourt à un modèle économétrique composé de 32 équations de comportement, que l’on peut subdiviser en trois blocs: demande, offre, questions monétaires. Dans ce modèle, le marché du travail se compose d’une foule de micromarchés où les rapports entre offre et demande varient. Plus ces rapports sont dispersés transversalement, moins les structures de l’offre et de la demande s’accordent (décalage ou «mismatch»). Durant chaque période, on a ainsi des micromarchés à demande excédentaire et d’autres à offre excédentaire. Dans les premiers, l’offre détermine l’emploi effectif: la demande est rationnée et les postes vacants ne peuvent être pourvus; dans les seconds, c’est la demande qui détermine l’emploi effectif: l’offre est rationnée et le chômage règne. La proportion de marchés à offre ou à demande restreintes dépend de la conjoncture. Sur un cycle conjoncturel, il en résulte un mouvement contraire du chômage et des postes vacants, que les spécialistes désignent du nom de «courbe de Beveridge». Le graphique 1 présente la courbe induite par le modèle (en bleu). Si le décalage structurel diminue, la courbe se déplace en direction de l’origine (en rouge).

Proposition de citation: Peter Stalder (2008). Les effets de la libre circulation des personnes sur le marché de l’emploi et la croissance. La Vie économique, 01 novembre.