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Effets économiques et sociaux de l’Accord sur les transports terrestres

L'Accord bilatéral sur les transports terrestres constitue le pilier de la politique extérieure suisse des transports. L'Union européenne (UE) reconnaît notre politique de transfert du trafic marchandises de la route au rail, ainsi que les mesures d'accompagnement, à savoir notamment la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP), dont les deux tiers des recettes nettes alimentent le fonds destiné à financer des projets d'infrastructure pour les transports publics. En contrepartie, la limite de poids pour les camions circulant sur le territoire suisse a été augmentée de 28 à 40 tonnes.

Effets économiques et sociaux de l'Accord sur les transports terrestres



L’accord a une portée déterminante pour la politique des transports et de l’environnement. Jusqu’à la fin des années nonante, le trafic routier transalpin de marchandises augmentait d’environ 8% par an. L’accord avec l’UE a contribué à inverser cette tendance, puisque de 2000 à 2007, le nombre de poids lourds a diminué de 10%, alors que le tonnage transporté a augmenté de 60%. L’efficacité des transports routiers s’est donc améliorée. En outre, les véhicules sont devenus moins polluants.

Kilométrages et prestations dans le transport routier de marchandises


Lors de la votation du 21 mai 2000 relative aux accords sectoriels entre la Suisse et la Communauté européenne (CE), les comités référendaires ont estimé que l’entrée en vigueur de l’Accord bilatéral sur les transports terrestres allait conduire à une avalanche de poids lourds. Cette crainte ne s’est pas vérifiée. En fait, le passage à 40 tonnes et la RPLP, prévus dans l’accord, ont contribué à améliorer l’efficacité du secteur des transports routiers, ce qui, indirectement, a eu un effet positif sur la compétitivité de l’ensemble de l’économie suisse. Ce nouveau régime a permis de transporter plus de marchandises sur l’ensemble du territoire en parcourant moins de kilomètres sur la route. Globalement, de 2000 à 2006, le nombre de kilomètres parcourus (trafics intérieur, d’importation/exportation et de transit) s’est réduit de 3%, alors que la somme des prestations – tonnage de marchandises transportées multiplié par la distance parcourue, exprimé en tonnes-kilomètres (tkm) – pour les trois types de trafics a progressé de 20,5%. Cette évolution a conduit à une hausse de la charge utile moyenne des véhicules. Dans le trafic intérieur, celle-ci a augmenté de 5,3 tonnes en 2000 à 5,9 tonnes en 2005, ce qui correspond à un gain de productivité de 10,6%. Ce dernier a été encore plus important dans le trafic d’importation/exportation. La charge utile moyenne est en effet passée de 6,7 tonnes en 2000 à 8,9 tonnes en 2005.

Une flotte de véhicules routiers renouvelée


Compte tenu du fait que la RPLP est prélevée en fonction notamment des normes d’émissions selon les catégories Euro, les véhicules les plus propres (Euro 3, 4 et 5) acquittent en 2008 un taux de redevance par tkm de 26,4% inférieur à celui payé par les véhicules les plus polluants (Euro 0, 1 et 2). Cette mesure, de même que la valeur de revente supérieure des véhicules les plus propres, ont contribué à un renouvellement très rapide de la flotte de camions. En effet, alors que les véhicules Euro 0 et 1 représentaient, ensemble, 39,1% du total des kilomètres parcourus sur le territoire suisse en 2001, leur quote-part n’était plus que de 6,5% en 2007. En outre, les premiers camions répondant à la norme d’émission Euro 4 sont apparus sur le marché vers le début de 2005 et les Euro 5 ont été mis en vente au cours du deuxième semestre 2005. Ces deux catégories représentaient, ensemble, 21,3% des kilomètres parcourus en 2007. Tous ces éléments ont contribué à une nette réduction des polluants atmosphériques émis par le trafic routier de marchandises.

Effets sur les coûts du transport routier


Le gain de productivité généré par le passage à 40 tonnes a permis aux entreprises de transport de compenser en partie la charge supplémentaire que constitue la RPLP. Selon une étude sur les effets économiques occasionnés par cette dernière ainsi que sur l’augmentation de la limite de poids, réalisée en 2007 sous l’égide de l’Office fédéral du développement territorial (ODT), l’introduction du nouveau régime des transports a renchéri les coûts du trafic intérieur de 9,1% jusqu’en 2005. Dans le trafic d’importation/exportation, les coûts ont augmenté de 5,3% en 2005. La possibilité de répercuter ces augmentations sur la clientèle a fortement varié selon les transporteurs routiers. Certains ont pu en reporter la totalité, alors que d’autres, notamment dans le trafic international, n’ont pas pu aller au-delà de 40%.

Effets sur les branches fortement tributaires des transports


Les conséquences du nouveau régime sur les branches fortement tributaires des transports sont nettement moindres que dans le secteur des transports lui-même. Ce sont surtout les branches de la chimie et du pétrole qui ont pu économiser des frais grâce à l’augmentation de la limite de poids. Dans la construction, le passage à 40 tonnes n’a permis qu’une amélioration partielle de l’efficacité. Les avantages sont perceptibles surtout pour les transports en vrac, tels que le ciment et le gravier. Le trafic de chantier, qui transporte des marchandises plutôt hétérogènes, a par contre subi des hausses de coûts. Dans le secteur alimentaire, les possibilités de compenser la RPLP par l’augmentation de la limite de poids sont également restées limitées. Le changement de régime a eu des conséquences plutôt négatives sur le commerce de détail. Les producteurs de denrées alimentaires ont par contre enregistré des avantages en termes d’efficacité. Dans l’ensemble, les surcoûts ont fait augmenter le prix des produits finaux des branches fortement tributaires des transports de 0,2 à 0,54% au plus.

Un recul de l’emploi dans les transports routiers


Pour pouvoir profiter des gains de productivité procurés par le passage à 40 tonnes, les entreprises de transports routiers ont dû acheter plus de véhicules lourds. Or, leur coût d’acquisition est supérieur à celui des véhicules d’un tonnage moindre, ce qui augmente leurs coûts d’amortissement. Globalement, l’intensité en capital, dans les transports routiers, a donc augmenté au détriment du facteur travail. En outre, avec le nouveau régime, il a été possible de transporter plus en roulant moins. Cela a eu des conséquences sur la demande de main-d’oeuvre pour les transports de marchandises par route avec des véhicules de plus de 3,5 tonnes. Selon l’étude de l’ODT, de 2001 à 2005, le nombre de personnes employées dans ce secteur des transports a ainsi diminué de 1,8%. Relevons que cette étude n’a pas pris en compte les effets sur l’emploi dans les transports par route de moins de 3,5 tonnes. Ainsi, la libéralisation des services de transports postaux a permis à la branche de croître, ce qui pourrait avoir compensé les pertes d’emplois dans les transports de plus de 3,5 tonnes. On rappellera, à ce propos, que, selon les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), le nombre de personnes employées dans l’ensemble du trafic routier de marchandises a augmenté de 0,7% entre 2001 et 2005.

Surcharge et compensation des régions de montagne et périphériques


L’augmentation des frais de transport a eu des conséquences variables sur les régions. L’étude susmentionnée de l’ODT conclut que les régions de montagne et périphériques, avec une RPLP de 177 francs par employé en 2005, paient en moyenne 40 francs de plus que le reste de la Suisse (137 francs par employé). Cette différence de 40 francs par employé est, cependant, compensée par une «part préalable» versée aux régions de montagne et périphériques, qui est issue de la répartition des recettes de la RPLP affectées aux cantons. Ces régions reçoivent 120 francs en moyenne par employé, tandis que le reste de la Suisse ne perçoit rien. La RPLP ne désavantage donc pas les régions de montagne et périphériques par rapport au reste de la Suisse.

L’Accord sur les transports terrestres: plus de marchandises pour moins de kilomètres


Si l’on considère en détail l’évolution du nombre de courses effectuées par des camions à travers les Alpes après l’introduction de la RPLP et des mesures d’accompagnement, on constate que la baisse a dépassé 10% entre 2000 et 2007 (voir graphique 2). Durant cette même période, c’est-à-dire depuis le début de la mise en oeuvre de la politique de transfert, les tonnages totaux acheminés à travers les Alpes suisses sont, par contre, passés de 29,6 à 39,5 millions de tonnes, soit une augmentation de 33%. Celle-ci a, en grande partie, été prise en charge par la route qui a transporté 60% de plus de marchandises, tandis que la voie ferrée a, elle, augmenté sa capacité de 23%.

Conclusion


Selon les prévisions de l’Office fédéral des transports (OFT) et les estimations des experts, il aurait fallu compter, en 2006, avec un ordre de grandeur de 400000 courses de camions supplémentaires à travers les Alpes suisses s’il n’y avait pas eu l’Accord sur les transports terrestres et les mesures d’accompagnement (RPLP, augmentation de la limite de poids, ouverture du marché des transports ferroviaires et indemnités pour le trafic combiné). Le relèvement de la limite de poids a contribué à ce résultat, comme d’ailleurs la RPLP qui a incité le transport routier des marchandises à augmenter son efficacité avec, entre autres, un meilleur taux d’utilisation des camions et une diminution des courses à vide. Une meilleure relation entre les prix de la route et du rail a également joué son rôle.

Graphique 1 «Évolution des coûts du transport routier par rapport à l’ancien régime des transports»

Graphique 2 «Nombre de courses effectuées par des véhicules utilitaires lourds à travers les Alpes, 2000-2007»

Encadré 1: Étendue de l’Accord sur les transports terrestres L’accord a permis d’harmoniser les normes et les conditions d’admission à la circulation routière. Le relèvement de la limite de poids des camions en constitue l’un des éléments clés.Il a, en outre, provoqué une ouverture réciproque et progressive des marchés du transport par route de personnes et de marchandises. Avec la libéralisation, les transporteurs routiers suisses peuvent, depuis 2005, acheminer des marchandises d’un État membre de l’UE vers un autre («grand cabotage»). Les transports à l’intérieur d’un pays («petit cabotage») effectués par des véhicules immatriculés à l’étranger restent par contre interdits. L’accès réciproque au réseau ferré a été amélioré en ce qui concerne le transport des marchandises. Cette mesure a en particulier profité aux entreprises effectuant des transports combinés internationaux. L’augmentation en parallèle de la limite de poids et de la RPLP a permis de coordonner la politique de protection de la région alpine entre la Suisse et l’UE. En effet, la RPLP – introduite en même temps que l’autorisation des 34 tonnes en 2001 – a été majorée une première fois en 2005 avec le passage à 40 tonnes. L’accord prévoyait, en outre, une nouvelle hausse pour le 1er janvier 2008. Relevons que l’interdiction de circuler le dimanche ainsi que la nuit entre 22 h 00 et 05 h 00 a été maintenue.

Proposition de citation: Rolf Zimmermann (2008). Effets économiques et sociaux de l’Accord sur les transports terrestres. La Vie économique, 01 novembre.