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L’accord de libre-échange et de partenariat économique entre la Suisse et le Japon

L'accord de libre-échange et de partenariat économique entre la Suisse et le Japon

L’accord de libre-échange et de partenariat économique (Alepe) nippo-suisse est entré en vigueur le 1er septembre 2009. Pour la Suisse, c’est le plus important traité de ce type depuis celui qu’elle avait conclu avec la Communauté européenne. Le présent article revient d’abord sur le chapitre passionnant des relations économiques qu’ont entretenues le Japon et la Suisse depuis le XVIIe siècle. Il décrit, ensuite, le déroulement des récentes négociations ainsi que la teneur et la portée de l’Alepe.

Les débuts des relations économiques bilatérales


Le premier Suisse à avoir foulé le sol japonais était un mercenaire, Élie Ripon, originaire de la région lausannoise. Durant l’été 1623, il a visité Nagasaki, et peut-être Osaka, pour le compte de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. C’est elle qui acheminait les marchandises suisses vers l’archipel, principalement des montres et des textiles, à une époque où la Hollande avait le monopole du commerce entre le Japon et l’Europe. Après l’ouverture forcée de quelques ports nippons – d’abord aux Américains en 1854, puis aux autres puissances navales au cours des quatre années suivantes -, le monopole néerlandais a volé en éclats. L’industrie textile de Suisse orientale et l’horlogerie neuchâteloise, en particulier, y ont vu l’occasion de s’implanter sur de nouveaux marchés. Une première mission suisse n’est toutefois pas parvenue, en 1859, à convaincre les Japonais de s’asseoir à une table de négociations. L’industrie horlogère a tout de même ouvert une représentation à Yokohama. Elle y employait du personnel de nationalité néerlandaise et française, afin dopérer sous la protection des traités conclus par ces États.  La deuxième mission, partie pour le Japon en 1862, a eu plus de succès. En 1864, peu avant l’expiration de son mandat, elle a finalement entamé des négociations dans la ville d’Edo (ou Yedo, l’actuelle Tokyo) avec le shogunat de Tokugawa, qui était déjà sur le déclin. La mission était dirigée par Aimé Humbert, conseiller aux États et représentant de l’horlogerie neuchâteloise. La Confédération lui avait alloué un crédit de 100 000 francs.

Le premier accord bilatéral


Les pourparlers ont débouché sur la signature, le 6 février 1864, du Traité d’amitié et de commerce entre le Conseil fédéral suisse et Sa Majesté le Taikun Le titre de «taikun» correspond à l’actuel «shogun», terme utilisé communément pour désigner le véritable maître du Japon par opposition à l’empereur, appelé «mikado» ou «tenno», qui n’a pratiquement plus aucun pouvoir depuis 1868. du Japon. Celui-ci était calqué sur ceux que le Japon concluait avec les grandes puissances de l’époque. Il contenait principalement des dispositions relatives aux activités des Suisses au Japon (liberté de commerce et d’établissement dans les villes portuaires ouvertes, extraterritorialité, etc.), mais n’offrait aucune contrepartie aux habitants du pays. C’est pourquoi le nouveau gouvernement japonais, arrivé au pouvoir en 1868 dans le cadre de ce que l’on a appelé «la restauration de Meiji», a eu à coeur de renégocier ces «traités inégaux». Des conférences internationales, auxquelles la Suisse était représentée, se sont déroulées à Tokyo en 1882 et en 1886/87. Le gouvernement japonais a alors déclaré qu’il était prêt à ouvrir le pays tout entier en échange de l’abolition de la juridiction consulaire (extraterritorialité). Suivant l’exemple des grandes puissances, la Suisse a négocié en 1896 avec le Japon un nouveau traité d’amitié, d’établissement et de commerce, «fondé sur l’équité et les avantage mutuels». Sur la base de cet accord, en vigueur jusqu’en 1911, la Suisse et le Japon se sont traités réciproquement comme des États de même valeur et égaux en droits.  Le troisième accord bilatéral a été négocié à Berne avec la légation japonaise à Vienne – comme cela avait déjà été le cas en 1896. Ce traité d’établissement et de commerce, signé en 1911, comportait un seul changement significatif: le droit pour les Suisses d’acquérir des propriétés immobilières au Japon. Il était exécutoire jusqu’en 1923, puis devait rester obligatoire pour une durée indéterminée jusqu’à ce qu’une des parties le dénonce. Cet accord a constitué la base des relations économiques bilatérales jusqu’au XXIe siècle Voir Deslarzes (1957) et Milner (2004)..

Une communauté suisse en plein essor


La communauté suisse au Japon s’est développée rapidement. Les commerçants qui en faisaient partie ont joué un rôle important dans le commerce extérieur de l’archipel, en particulier dans l’exportation de la soie. Les statistiques suisses relatives aux importations ne reflètent pas leur apport véritable. En 1897, le consul général suisse Paul Ritter relatait que «les Japonais, de manière générale, tiennent les Suisses en haute estime». Il ajoutait même qu’au Japon, une expression voulait qu’on soit «millionnaire comme un Suisse» et que bien des Helvètes dépensent dans leur patrie les intérêts de la fortune accumulée au pays du Soleil Levant Documents diplomatiques suisses, vol. 4, n° 233, p. 519ss.. Jusque dans les années vingt, le Japon a été l’un des principaux débouchés de notre horlogerie; les exportations de machines (par exemple, les turbines hydrauliques de l’entreprise Escher Wyss) ont également profité de l’industrialisation rapide de l’archipel.

L’après-guerre


Le miracle économique dont a bénéficié le Japon après la guerre se répercuta sur le commerce bilatéral qui connut un essor marqué et durable. Sa balance commerciale avec la Suisse a été positive depuis la fin des années septante jusqu’au début des années nonante grâce à ses exportations de produits industriels de haute qualité. Aujourd’hui, nous exportons surtout des produits chimiques et pharmaceutiques, des montres, des machines et des instruments, tandis que nous importons des véhicules, des machines, des pierres et des métaux précieux. Avec un stock d’environ 14 milliards de francs, les entreprises suisses comptent parmi les plus gros investisseurs étrangers au Japon (elles se plaçaient au 7e rang en 2007/08, devançant même l’Allemagne). En revanche, les investissements japonais en Suisse sont relativement modestes: après avoir culminé à plus de 3 milliards de francs dans les années nonante, ils se situent actuellement à moins de 1 milliard. Durant la période de l’après-guerre, les relations helvético-japonaises ont été profondément marquées par les institutions multilatérales (Gatt, OCDE, etc.); il n’existait pas un véritable besoin de prendre des mesures au niveau bilatéral. Ces institutions offraient, en outre, un cadre à la coopération bilatérale, car les deux pays y défendaient – et y défendent encore – des intérêts et des points de vue similaires sur bien des points. C’est le cas en particulier à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), fondée en 1995, où les positions politiques de la Suisse et du Japon n’ont cessé de se rapprocher au sein de la coalition des pays importateurs nets de denrées alimentaires (G-10). À l’initiative de la Suisse, les premières consultations économiques bilatérales avec le Japon se sont déroulées à Berne; six autres rencontres ont suivi entre 1995 et 2005. Ces pourparlers ont porté sur les relations économiques et commerciales, mais aussi sur des questions liées à la science et à la technologie. Les deux pays ont également mené des entretiens périodiques sur les services financiers.

Le chemin qui a mené à l’Alepe


Vers 1998/99, le Japon a complété les instruments de sa politique économique extérieure en y ajoutant les accords de libre-échange (ALE) bilatéraux, sous forme d’un concept élargi des accords de partenariat économique (APE) Voir Ziltener (2005).. De nouvelles possibilités s’ouvraient ainsi à la Suisse. Une étape importante a été franchie lorsque, dans le cadre de leurs consultations économiques bilatérales, les deux pays se mirent d’accord pour réaliser en parallèle des études de faisabilité d’un ALE. Du côté japonais, on ne voyait pourtant dans ce type d’accord qu’une option permettant d’approfondir les relations économiques avec la Suisse. Les études ont été menées par l’organisation japonaise de promotion du commerce (Japan External Trade Organisation, Jetro) et par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) en février 2003. Elles ont ensuite été échangées au printemps 2004 Seco, Feasibility Study on a possible Free Trade Agreement between Japan and Switzerland, 2004 (réf: #484454.1). Japan External Trade Organization / Study Group on an FTA between Japan and Switzerland, Report of the Feasibility Study Group on a Possible Free Trade Agreement (FTA) between Japan and Switzerland, 2004. À vrai dire, la Suisse avait reçu plusieurs signaux positifs depuis 2004. Ceux-ci venaient surtout du ministère japonais de l’Économie (Meti, Jetro) et d’éminents politiciens membres du PLD (le parti gouvernemental), proches de la Suisse et avec lesquels de bons contacts avaient été établis à partir de Genève. L’ouverture de négociations sur un ALE nétait, cependant, pas encore acquise. Le Japon ne comptait pas d’opposants explicites à un tel accord. Le défi consistait à l’inscrire sur l’agenda de personnes qui y étaient plutôt indifférentes, soit parce que le démantèlement bilatéral des tarifs douaniers n’aurait qu’un effet limité dans l’immédiat, soit parce qu’il existait d’autres priorités. Le ministère japonais de l’Agriculture (Maff) s’est révélé un allié solide dans cette affaire. En raison de sa bonne collaboration avec la Suisse au sein de l’OMC (G-10) et parce qu’il avait ainsi l’occasion de faire mentir sa réputation d’opposant systématique aux ALE, il a activement milité pour l’ouverture de négociations. Le tournant décisif eut lieu quand des acteurs importants ont ouvert des perspectives qui dépassaient le bénéfice immédiat et limité d’un ALE avec la Suisse. Dès lors, la principale utilité d’un tel accord était l’amélioration de l’environnement des entreprises japonaises en Suisse et, au-delà, leur accès au marché européen. Notre pays devait servir de banc d’essai pour une nouvelle génération de traités: de la même manière que le premier ALE/APE du Japon avec Singapour (2001) avait servi de modèle aux accords avec d’autres pays de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique, les négociations avec la Suisse, pays qui avait déjà une longue tradition d’ALE dans le cadre de l’AELE, pouvaient être conçues comme un modèle du bilatéralisme que le Japon envisageait de développer au niveau mondial avec les pays de l’OCDE. Notre pays pouvait aussi mettre dans la balance l’importance de son pôle de recherche, de développement et de technologie ainsi que sa place financière. Le Japan Investment Council – un organe consultatif dirigé par le premier ministre – avait déjà placé la Suisse sur une liste de sept pays à démarcher en priorité. À ce moment-là, il était déjà évident que le Japon excluait de négocier avec l’ensemble de l’AELE, car cela aurait inévitablement soulevé des questions sensibles liées à la politique de la pêche. Durant les préparatifs des négociations, le Japon a défendu cette position à plusieurs reprises – de manière plus ou moins informelle. Ainsi, l’option purement bilatérale, entre la Suisse et Japon, était la seule qui restait ouverte. Dans une interview, Jun Yokota, chef de la délégation japonaise aux négociations sur l’ALE/APE, a répondu à la question de savoir pourquoi son pays avait choisi la Suisse pour conclure son premier ALE avec un État européen. Avant de mentionner les économies de droits de douane dont profiteront les exportateurs japonais et la consolidation de la coopération avec la Suisse au sein du G-10, il a rappelé la raison principale: «D’abord, c’est la Suisse qui nous a demandé avec persistance à ce que l’on négocie un tel accord!» Interview accordée à Swissinfo par Jun Yokota, négociateur en chef japonais, 19 février 2009, Libre-échange: pourquoi le Japon a choisi la Suisse ( www.swissinfo.ch ).. Par sa politique opiniâtre de visites diplomatiques à Tokyo (deux présidents de la Confédération s’y sont rendus: Joseph Deiss en 2004 et Samuel Schmid en 2005), la Suisse a en effet obtenu que l’ALE figure en bonne place sur l’agenda de la deuxième puissance économique mondiale. Il semble que le premier ministre de l’époque, Junichiro Koizumi, soit intervenu lui-même pour balayer les hésitations de certains ministères. Conformément à la pratique japonaise, un groupe d’étude conjoint Le «groupe d’étude gouvernemental conjoint pour le renforcement des relations bilatérales économiques entre la Suisse et le Japon» était dirigé du côté japonais par Tomiko Ichikawa, directrice de la section de l’intégration économique au ministère des Affaires étrangères (Mofa). Du côté suisse, la responsabilité est passée de Jörg A. Reding à Christian Etter, tous deux du Seco, après le début des travaux. a analysé tous les domaines normalement couverts par un ALE de large portée et comparé les approches respectives des deux pays. Il a aussi abordé d’autres domaines susceptibles de faire l’objet d’une collaboration. Ce groupe a tenu cinq réunions, échelonnées entre octobre 2005 et décembre 2006. Son rapport, publié en janvier 2007, concluait qu’un ALE favoriserait notablement les relations économiques bilatérales (commerce des marchandises, services, investissements) et renforcerait la compétitivité des entreprises des deux pays Le rapport du groupe d’étude conjoint se trouve sur la page Internet du Seco consacrée à l’Alepe: www.seco.admin.ch/themen/00513/02655/02731/02970/ .. Le 19 janvier 2007, lors d’un entretien téléphonique, la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey et le premier ministre japonais Shinzo Abe ont annoncé sur cette base l’ouverture des négociations. Les délégations se sont rencontrées huit fois, alternativement au Japon et en Suisse. Ces sessions étaient placées sous la présidence conjointe de l’ambassadeur Jun Yokota, chargé des affaires commerciales et économiques internationales au ministère japonais des Affaires étrangères, et de l’ambassadeur Luzius Wasescha, représentant permanent de la Suisse auprès des organisations économiques internationales à Genève et délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux. L’issue probable des négociations s’est vite dessinée: dès l’entrée en vigueur de l’accord, les deux partenaires se garantiraient réciproquement un accès au marché très large, supprimant les droits d’entrée sur pratiquement tous les biens industriels; pour quelques mar-chandises seulement, les taxes douanières seraient démantelées progressivement sur une période maximale de dix ans. Dans le do-maine agricole, la Suisse a fait une expérience inhabituelle puisqu’elle défendait pour une fois des intérêts plus offensifs que son partenaire. Le but était l’ouverture mutuelle du marché à certaines spécialités. Dans le domaine des indications d’origine géographique, la Suisse a insisté en particulier sur l’introduction en annexe de dispositions détaillées ainsi que de listes d’indications d’origine établies par le Japon et la Suisse. Les négociations sur l’Alepe ont constitué un processus positif de rapprochement et de formation d’opinion – et dans une large mesure aussi d’apprentissage mutuel -, fondé sur des intérêts identiques ou analogues. Cela ressort clairement des nombreux questionnaires qui ont circulé presque jusqu’à la fin des négociations. Il est particulièrement intéressant de relever que la partie japonaise a utilisé ce processus de négociation avec la Suisse pour introduire elle-même un système d’autodéclaration (déclaration d’origine sur la facture) destiné à ses exportateurs. Elle a créé dans ce but une base juridique et une procédure administrative. L’annexe sur les règles d’origine correspond dans une large mesure à la proposition suisse, autrement dit au modèle européen. Par contre, il était nouveau pour la Suisse d’élaborer des dispositions relatives à la collaboration des deux autorités nationales de la concurrence (la teneur détaillée de l’accord figure dans l’ encadré 1 L’accord de libre-échange et de partenariat économique (Alepe) nippo-suisse couvre un champ d’application sectoriel très complet. Il comporte notamment des dispositions substantielles sur le commerce des marchandises et des services, la circulation transfrontalière des personnes physiques à des fins commerciales, l’établissement et la protection des investissements, la protection de la propriété intellectuelle, le commerce électronique et la concurrence. Il est complété par diverses clauses évolutives et de négociation (p. ex. pour les marchés publics), par des articles institutionnels ainsi que des dispositions sur une procédure de règlement des différents. Dans le commerce des marchandises, le Japon percevait en 2006 des droits de douane de 3,7% en moyenne sur l’importation de biens industriels. L’Alepe sonne le glas de la plus grande partie de ces taxes frappant les exportations suisses vers le Japon. Pratiquement tous les produits industriels d’origine suisse pourront désormais pénétrer sur le marché japonais en franchise de droits. On estime que les exportateurs suisses réaliseront ainsi des économies d’environ 100 millions de francs par année. Dans le domaine agricole, un certain nombre de produits suisses choisis (notamment les spécialités fromagères, la viande séchée, le vin et le chocolat) bénéficieront d’un accès préférentiel à un marché japonais qui se caractérise par la force de son pouvoir d’achat. En contrepartie, la Suisse accorde des concessions douanières au Japon pour certaines de ses spécialités typiques, comme le saké (alcool de riz) et les bonsaïs. Comme l’Alepe est un traité bilatéral négocié hors du cadre de l’AELE, il ne s’accompagne pas d’un accord agricole séparé. Il couvre également le commerce des produits agricoles de base et transformés. Les concessions accordées par la Suisse dans ce domaine sont parfaitement compatibles avec notre politique agricole. Sur le plan des règlementations techniques, l’accord prévoit une collaboration renforcée en vue d’éliminer les obstacles au commerce, y compris la possibilité de convenir d’ententes sectorielles. Dans le domaine des mesures sanitaires et phytosanitaires, il stipule que des consultations bilatérales pourront être menées si des problèmes surviennent. Les règles d’origine ont été conçues de manière simple et faciles à appliquer. En outre, l’Alepe contient des dispositions relatives à la facilitation des échanges et à la collaboration entre les autorités douanières. Les dispositions très complètes en matière de libéralisation mutuelle du commerce des services s’alignent sur l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC et vont même plus loin dans certains domaines. Il en résulte un accès amélioré au marché japonais pour les fournisseurs suisses de prestations dans des domaines tels que les services aux entreprises, les services financiers, les télécommunications, la diffusion, l’environnement et les transports. Des listes dites négatives énumèrent les exceptions aux principes de l’accès au marché, du traitement national et de la nation la plus favorisée. Les règles concernant l’entrée et le séjour temporaire des personnes physiques ont été fixées dans un chapitre séparé. La plupart des obligations qui en découlent pour le Japon correspondent aux engagements que ce dernier a déjà pris au sein de l’OMC et dans le cadre d’ALE conclus précédemment. Les dispositions dans ce domaine ne sont pas comparables avec l’accord bilatéral Suisse-UE sur la libre circulation des personnes.Le chapitre consacré au commerce électronique («e-commerce») contient des clauses spécifiques sur le commerce des produits et services électroniques, sur les signatures numériques et sur la protection des consommateurs en ligne. L’Alepe garantit aux investisseurs le droit d’accès au marché, conformément aux principes du traitement national et de la nation la plus favorisée. Venant compléter les règles existantes entre les États membres de l’OCDE, il contient un large ensemble de dispositions relatives à la protection des investissements. Au chapitre de la propriété intellectuelle, l’Alepe règle la protection des droits d’auteur et des droits voisins, des marques, des designs et modèles industriels, des brevets, des nouvelles variétés végétales, des indications géographiques, des données d’essai pour l’homologation de produits pharmaceutiques et agrochimiques. Il traite également de la concurrence déloyale. D’autres dispositions concernent l’application du droit dans les domaines administratif, civil et pénal. En matière de concurrence, l’Alepe reprend les dispositions usuelles qui visent à prévenir les ententes anticoncurrentielles susceptibles de compromettre les avantages résultant de l’accord. Il règle aussi de manière détaillée la collaboration des autorités de concurrence du Japon et de la Suisse. Tant le Japon que la Suisse sont membres de l’Accord multilatéral sur les marchés publics (AMP) de l’OMC. Dans ce domaine, une clause de l’Alepe prévoit l’ouverture de négociations sur une base réciproque si une partie accorde par traité à un État tiers un accès allant au-delà de l’AMP. Pour assurer la gestion, la mise en oeuvre et les développements futurs de l’accord, les deux pays ont créé un comité mixte qui comprend des représentants de leurs gouvernements et peut prendre des décisions à l’unanimité. En cas de différend sur la mise en oeuvre de l’accord, il est possible d’actionner un mécanisme de consultation dans le cadre de ce comité. Si les parties ne parviennent pas à un règlement à l’amiable de cette manière, elles peuvent recourir à un tribunal arbitral dont les décisions sont définitives et obligatoires. En cas de litige dans le domaine de l’investissement, l’Alepe prévoit une procédure spéciale de règlement des différends investisseur/État, comme c’est le cas dans l’accord sur la protection des investissements. Par ailleurs, les dispositions sur la promotion d’une relation économique plus étroite créent un cadre privilégié qui donne aux secteurs privés des deux pays la possibilité de soulever directement des problèmes spécifiques et d’en discuter avec les représentants des autorités des parties contractantes. Ce point est particulièrement important, parce que les entreprises suisses – en premier lieu les PME – rencontrent souvent au Japon des entraves informelles à l’entrée sur le marché. Afin de respecter la séparation des compétences entre le Parlement et le gouvernement japonais, un accord séparé de mise en oeuvre a été conclu parallèlement entre le Conseil fédéral et le gouvernement japonais. Il précise certaines dispositions de l’accord de base.) L’accord de base avec toutes ses annexes ainsi que l’accord de mise en oeuvre peuvent être consultés, dans leur version originale anglaise, qui fait foi, à l’adresse suivante: www.seco.admin.ch/themen/00513/02655/02731/02970 . Ils sont également disponibles en langues nationales dans le Recueil systématique du droit fédéral: RS 0.946.294.632 (accord principal avec uniquement l’annexe «Schedule of Switzerland») et RS 0.946.294.632.1..

Conclusion


L’entrée en vigueur de l’Alepe fait du Japon le principal partenaire de libre-échange de la Suisse après l’UE. Ce texte résulte des bonnes relations économiques et de la coopération fructueuse entre les deux pays; il représente une étape importante pour maintenir et approfondir les liens bilatéraux. Dans le cas des trois précédents traités économiques globaux qui ont marqué l’histoire des relations entre la Suisse et le Japon, soit ceux de 1864, 1896 et 1911, on avait à chaque fois réagi à la signature par le Japon d’accords avec d’autres États. Il s’agissait alors d’éviter la discrimination des entreprises helvétiques. Cette fois, la Suisse a exploré des terres nouvelles à bien des égards. L’Alepe est le fruit de sa politique économique extérieure active qui, en Asie, a commencé par les accords de l’AELE avec Singapour (2003) et la Corée (2005), puis s’est étendue aux négociations actuelles avec l’Inde, la Thaïlande et Hong Kong ainsi qu’à celles en préparation avec la Chine et le Vietnam.

Graphique 1 «Relations commerciales Suisse-Japon, 1955-2008»

Tableau 1 «Chronologie des ALE et des APE du Japon, état en 2009 (année/mois)»

Encadré 1: Teneur et portée de l’accord L’accord de libre-échange et de partenariat économique (Alepe) nippo-suisse couvre un champ d’application sectoriel très complet. Il comporte notamment des dispositions substantielles sur le commerce des marchandises et des services, la circulation transfrontalière des personnes physiques à des fins commerciales, l’établissement et la protection des investissements, la protection de la propriété intellectuelle, le commerce électronique et la concurrence. Il est complété par diverses clauses évolutives et de négociation (p. ex. pour les marchés publics), par des articles institutionnels ainsi que des dispositions sur une procédure de règlement des différents. Dans le commerce des marchandises, le Japon percevait en 2006 des droits de douane de 3,7% en moyenne sur l’importation de biens industriels. L’Alepe sonne le glas de la plus grande partie de ces taxes frappant les exportations suisses vers le Japon. Pratiquement tous les produits industriels d’origine suisse pourront désormais pénétrer sur le marché japonais en franchise de droits. On estime que les exportateurs suisses réaliseront ainsi des économies d’environ 100 millions de francs par année. Dans le domaine agricole, un certain nombre de produits suisses choisis (notamment les spécialités fromagères, la viande séchée, le vin et le chocolat) bénéficieront d’un accès préférentiel à un marché japonais qui se caractérise par la force de son pouvoir d’achat. En contrepartie, la Suisse accorde des concessions douanières au Japon pour certaines de ses spécialités typiques, comme le saké (alcool de riz) et les bonsaïs. Comme l’Alepe est un traité bilatéral négocié hors du cadre de l’AELE, il ne s’accompagne pas d’un accord agricole séparé. Il couvre également le commerce des produits agricoles de base et transformés. Les concessions accordées par la Suisse dans ce domaine sont parfaitement compatibles avec notre politique agricole. Sur le plan des règlementations techniques, l’accord prévoit une collaboration renforcée en vue d’éliminer les obstacles au commerce, y compris la possibilité de convenir d’ententes sectorielles. Dans le domaine des mesures sanitaires et phytosanitaires, il stipule que des consultations bilatérales pourront être menées si des problèmes surviennent. Les règles d’origine ont été conçues de manière simple et faciles à appliquer. En outre, l’Alepe contient des dispositions relatives à la facilitation des échanges et à la collaboration entre les autorités douanières. Les dispositions très complètes en matière de libéralisation mutuelle du commerce des services s’alignent sur l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC et vont même plus loin dans certains domaines. Il en résulte un accès amélioré au marché japonais pour les fournisseurs suisses de prestations dans des domaines tels que les services aux entreprises, les services financiers, les télécommunications, la diffusion, l’environnement et les transports. Des listes dites négatives énumèrent les exceptions aux principes de l’accès au marché, du traitement national et de la nation la plus favorisée.Les règles concernant l’entrée et le séjour temporaire des personnes physiques ont été fixées dans un chapitre séparé. La plupart des obligations qui en découlent pour le Japon correspondent aux engagements que ce dernier a déjà pris au sein de l’OMC et dans le cadre d’ALE conclus précédemment. Les dispositions dans ce domaine ne sont pas comparables avec l’accord bilatéral Suisse-UE sur la libre circulation des personnes. Le chapitre consacré au commerce électronique («e-commerce») contient des clauses spécifiques sur le commerce des produits et services électroniques, sur les signatures numériques et sur la protection des consommateurs en ligne. L’Alepe garantit aux investisseurs le droit d’accès au marché, conformément aux principes du traitement national et de la nation la plus favorisée. Venant compléter les règles existantes entre les États membres de l’OCDE, il contient un large ensemble de dispositions relatives à la protection des investissements. Au chapitre de la propriété intellectuelle, l’Alepe règle la protection des droits d’auteur et des droits voisins, des marques, des designs et modèles industriels, des brevets, des nouvelles variétés végétales, des indications géographiques, des données d’essai pour l’homologation de produits pharmaceutiques et agrochimiques. Il traite également de la concurrence déloyale. D’autres dispositions concernent l’application du droit dans les domaines administratif, civil et pénal. En matière de concurrence, l’Alepe reprend les dispositions usuelles qui visent à prévenir les ententes anticoncurrentielles susceptibles de compromettre les avantages résultant de l’accord. Il règle aussi de manière détaillée la collaboration des autorités de concurrence du Japon et de la Suisse. Tant le Japon que la Suisse sont membres de l’Accord multilatéral sur les marchés publics (AMP) de l’OMC. Dans ce domaine, une clause de l’Alepe prévoit l’ouverture de négociations sur une base réciproque si une partie accorde par traité à un État tiers un accès allant au-delà de l’AMP. Pour assurer la gestion, la mise en oeuvre et les développements futurs de l’accord, les deux pays ont créé un comité mixte qui comprend des représentants de leurs gouvernements et peut prendre des décisions à l’unanimité. En cas de différend sur la mise en oeuvre de l’accord, il est possible d’actionner un mécanisme de consultation dans le cadre de ce comité. Si les parties ne parviennent pas à un règlement à l’amiable de cette manière, elles peuvent recourir à un tribunal arbitral dont les décisions sont définitives et obligatoires. En cas de litige dans le domaine de l’investissement, l’Alepe prévoit une procédure spéciale de règlement des différends investisseur/État, comme c’est le cas dans l’accord sur la protection des investissements. Par ailleurs, les dispositions sur la promotion d’une relation économique plus étroite créent un cadre privilégié qui donne aux secteurs privés des deux pays la possibilité de soulever directement des problèmes spécifiques et d’en discuter avec les représentants des autorités des parties contractantes. Ce point est particulièrement important, parce que les entreprises suisses – en premier lieu les PME – rencontrent souvent au Japon des entraves informelles à l’entrée sur le marché. Afin de respecter la séparation des compétences entre le Parlement et le gouvernement japonais, un accord séparé de mise en oeuvre a été conclu parallèlement entre le Conseil fédéral et le gouvernement japonais. Il précise certaines dispositions de l’accord de base.

Encadré 2: Bibliographie – Chiavacci David et Ziltener Patrick, «Japanese Perspectives on a Free Trade Agreement/Economic Partnership Agreement (FTA/EPA) with Switzerland», dans Asiatische Studien/Études Asiatiques, Revue de la Société Suisse-Asie, LXII, 1/2008, pp. 5-41.- Deslarzes Jean-Pierre, Les relations commerciales entre la Suisse et le Japon, thèse université de Fribourg, 1957, Herbst, Zurich.- Milner, Steffen Erik, «Le Japon, premier partenaire commercial de la Suisse en Asie», dans La Vie économique, 10-2004, pp. 56-62.- Ziltener Patrick, «Le nouveau bilatéralisme japonais et les chances de la Suisse de conclure un accord de libre-échange», dans La Vie économique, 7-8/2005, pp. 67-70.- Ziltener Patrick, «Die Verhandlungen zwischen der Schweiz und Japan über ein Freihandels- und wirtschaftliches Partnerschaftsabkommen (FTEPA), dans Patrick Ziltener (éd.), Handbuch Schweiz – Japan / Manuel des relations suisse-japonaises, Chronos, à paraître en 2009.

Proposition de citation: Martin Zbinden (2009). L’accord de libre-échange et de partenariat économique entre la Suisse et le Japon. La Vie économique, 01 octobre.