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La médecine est d’abord faite pour soigner

La médecine n’est pas qu’affaire de pilules, de thermomètres et de suppositoires, quoi qu’on semble parfois penser dans la Berne fédérale; il s’agit d’abord d’une histoire de personnes, d’humanité. Au niveau des principes, il est important de réaliser que pour les médecins, la vraie, la bonne médecine prime sur les considérations économiques. Il ne s’agit évidemment pas de jeter l’argent par les fenêtres ou d’être indifférent aux problèmes des coûts. C’est plutôt une question de priorité ou, plus succinctement: le premier devoir de la médecine n’est pas d’économiser, mais de soigner.

En matière de santé, les considérations économiques ne relèvent pas de la médecine, mais de l’éthique. Elles doivent être intégrées aux réflexions qui guident le processus de soin, elles en sont un élément parmi beaucoup d’autres, importantes mais pas prioritaires, et quoi qu’il en soit, elles ne sauraient nous conduire à réduire la qualité profonde de notre travail. Cette qualité que nous voulons préserver est à la fois celle des résultats obtenus et celle des processus qui y mènent, notamment la relation entre patients et médecins, qui est depuis toujours, avec l’accompagnement, d’une importance fondamentale en médecine. Les considérations économiques doivent ainsi être prises en compte au cas par cas. Cela signifie que chaque situation comporte ses propres particularités, suivant le patient ou les personnes concernées, et qu’il n’existe ni réponse universelle ni solution automatique.

De la théorie à la pratique


Il existe, certes, des limites économiques à fixer au système de santé, comme à tout secteur d’activité de la société et de l’État. Nul n’aurait l’inconscience de le nier. Le corps médical se battra toutefois contre ces limites si elles ne font pas sens, si elles ne permettent pas de continuer à fournir à la population qui en a besoin les soins nécessaires. Il devient clair ainsi que les limites économiques à la fourniture de soins relèvent du politique. La société qui l’élit et le légitime lui a donné la responsabilité de fixer les limites nécessaires au financement du système de santé… un mandat difficile quand on constate la versatilité de l’opinion publique à ce sujet. Ce n’est, toutefois, pas une raison pour que nos élus se soustraient à cette responsabilité. Ni les assureurs ni les soignants quels qu’ils soient n’ont à définir eux-mêmes les limites du système. Ils doivent le faire fonctionner au mieux, user avec intelligence et esprit civique des moyens disponibles, mais ils n’ont pas vocation, de nouveau, à prendre des décisions qui finalement sont essentiellement politiques. Alors oui, bien sûr, les «milieux concernés», comme on dit, doivent contribuer à définir les limites du système, car ils en ont les compétences techniques; ils doivent être entendus, écoutés, impliqués. Il serait tout-à-fait contreproductif de ne pas le faire. Les responsabilités doivent, cependant, être clairement réparties, pour que le système politique fonctionne correctement.

Une nouvelle forme de collaboration


Le corps médical suisse attache à l’éthique une importance profonde. Il se sent coresponsable de la bonne gestion du budget de la santé, et il s’y implique au quotidien dans son activité professionnelle. Ce n’est pas à lui de fixer les limites du système de santé, mais il doit absolument participer aux réflexions qui le concernent. En réalité, ce qui a le plus fait défaut à la politique de la santé jusqu’à récemment, c’est un minimum d’accord sur le fond, sur les options de principe. C’est sans doute pour cela que les décisions destinées à matérialiser les orientations du système de santé ont été systématiquement bloquées. Une nouvelle forme de collaboration entre tous les acteurs du système de santé est appa-remment en train d’émerger. Elle permettra de dépasser les blocages anciens. Nous l’espérons tout au moins et nous en réjouissons.

Proposition de citation: Jacques de Haller (2009). La médecine est d’abord faite pour soigner. La Vie économique, 01 novembre.