Les interlocuteurs de santé personnels, un trait d’union entre système de santé social et allègement des coûts
La forte croissance des dépenses de santé est aussi le résultat de fausses incitations dans un système fonctionnant d’après un principe où chacun peut participer et où les divers acteurs défendent ardemment leurs acquis. Une régulation renforcée du secteur de la santé par les assureurs maladie, telle que recherchée par le lobby des caisses maladie et les partisans de la liberté contractuelle, doit être évitée. Les 80 caisses maladie actuellement en concurrence préfèrent sélectionner les risques plutôt qu’optimiser les soins accordés aux malades chroniques. Elles s’intéressent, en outre, aux lacunes existant dans les assurances de base sociales, car elle peuvent les combler par des couvertures complémentaires et privées qui sont rentables Voir également le dossier n° 47 de l’Union syndicale suisse: Proposition de réforme pour un nouveau système de santé en Suisse – un projet commun de l’Association suisse des infirmières et infirmiers ASI, du Syndicat suisse des services publics ssp et de l’Union syndicale suisse USS..
Diverses études montrent que les couches de population à faible revenu et disposant d’une formation médiocre présentent un bilan de santé dégradé. Si le démantèlement des prestations obligatoires de la LAMal se poursuit – il a déjà commencé de manière furtive -, ce seront précisément ces popula-tions défavorisées qui n’accèderont plus à un bon réseau de santé. L’«américanisation» du secteur de la santé – aux États-Unis, 47 mil-lions de pauvres ne bénéficient d’aucune prestation d’assurance – ferait aussi son apparition dans notre pays. L’année dernière, les citoyennes et citoyens suisses ont mis un terme à cette situation en refusant clairement un nouvel article constitutionnel qui aurait stipulé davantage de marché et de concurrence dans le domaine de la santé tout en augmentant le pouvoir de décision des assureurs.
Que faire?
Le modèle d’interlocuteur de santé per-sonnel («gatekeeper») atténue les coûts et garantit malgré tout à chaque groupe de population un approvisionnement en soins de haute qualité. Ce modèle est soutenu par une large alliance de syndicats, associations du personnel et organisations spécialisées du secteur de la santé; il se réfère aux modèles connus tels que «médecin de famille» ou «HMO». En cas de maladie, le patient choisit son interlocuteur de santé personnel (centre de soins primaires), qu’il a la possibilité de changer en cas de conflit. Chaque interlocuteur de santé personnel doit offrir des soins primaires et de base. Ce peut être un médecin de famille, un cabinet regroupé, des services ambulatoires, un réseau de médecins ou un cabinet de pédiatres, voire, dans des cas exceptionnels bien définis, un spécialiste. En outre, il peut englober d’autres spécialistes responsables de certains groupes de patients, par exemple des personnes âgées nécessitant des soins. Les prestations sont harmonisées de façon optimale afin d’améliorer l’efficience et la qualité des traitements. Le renvoi des patients auprès de spécialistes s’effectue d’entente avec les assurés et par le biais de l’interlocuteur de santé personnel en question. Ce «gatekeeping» ne se justifie toutefois pas dans tous les cas; c’est pourquoi il est possible d’accéder directement à des examens de prévention ou de routine (par exemple gynécologie, obstétrique, ophtalmologie), à tout ce qui concerne la maternité, à des actes de chiropratique de même qu’à des soins psychiatriques. Pour la première fois, le modèle d’interlocuteur de santé personnel prescrit des critères contraignants concernant la garantie de la qualité. Le devoir de former des réseaux qui s’y conforment en fait également partie. La régulation de l’offre n’est pas dans les mains des caisses maladie, mais auprès des pouvoirs publics. Les cantons sont responsables d’un réseau de santé global et reconnaissent le modèle d’interlocuteur de santé personnel sur la base de critères de qualité stipulés dans la loi.
Transparence et coordination allègent les coûts
Les interlocuteurs de santé personnels posent des limites à une extension quantitative incontrôlée en éliminant les doublons et les frais découlant d’un manque de coordina-tion. Ce modèle supprime ainsi les inconvénients du système de santé actuel tels que l’absence de transparence sur les prestations fournies, les consultations non coordonnées chez les spécialistes, les répétitions d’examens ainsi que la coordination souvent mauvaise entre les différentes étapes thérapeutiques. L’introduction, au niveau national, des forfaits par cas (DRG) dans le cadre du nouveau financement hospitalier permettra de ren-voyer les patients chez eux plus rapidement. Une coordination globale opérée par un interlocuteur de santé personnel s’avère, par conséquent, absolument nécessaire pour assurer les soins transitoires appropriés et, le cas échéant, les réhabilitations et thérapies qui s’imposent. Les interlocuteurs de santé personnels permettent d’améliorer le contrôle et la régulation des coûts. Les économies ne doivent, toutefois, pas devenir une fin en soi, car elles s’effectueraient au détriment de la qualité des soins. Dans l’intérêt des assurés et des employés du secteur de la santé, un système de santé à la fois social et performant doit constituer l’objectif principal.
Proposition de citation: Goll, Christine (2009). Les interlocuteurs de santé personnels, un trait d’union entre système de santé social et allègement des coûts. La Vie économique, 01. novembre.