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Coup d’envoi du débat parlementaire sur la politique climatique après 2012

Le Conseil fédéral a approuvé fin août 2009 le message sur la politique climatique après 2012; celui-ci constitue un contre-projet indirect à l’initiative po-pulaire «Pour un climat sain». La modification de la loi sur le CO2 qui y est inscrite s’aligne sur les objectifs et certains instruments de l’Union européenne. D’ici à 2020, les émissions de gaz à effet de serre (GES) doivent être abaissées d’au moins 20% par rapport à 1990. Si la communauté internationale opte à Copenhague pour des objectifs climatiques sévères, la réduction sera porté à 30%. D’autres mesures, qui contribueront substantiellement aux objectifs futurs, entreront en vigueur avant 2012 par le biais de trois révisions partielles anticipées de la loi sur le CO2.

La loi sur le CO2 révisée pour l’après-2012 fixe d’une part de nouveaux objectifs de réduction des émissions de GES et définit d’autre part les instruments nécessaires pour les atteindre.

Objectif de réduction et mesures d’amélioration jusqu’en 2020


Les émissions suisses de GES doivent être abaissées d’au moins 20% jusqu’en 2020 par rapport à 1990. Un accord international sur le climat pour l’après-2012 pourrait porter cet objectif à 30%, pour autant que d’autres pays industrialisés s’engagent à des réductions semblables et que les pays émergents, dont le niveau de développement économique est avancé, participent à la protection internationale du climat selon leurs possibilités.

Taxe sur le CO2


La taxe perçue depuis le 1er janvier 2008 sur les combustibles est reconduite avec maintien du mécanisme actuel. Elle doit continuer après 2012 d’inciter l’économie et la population à modérer leur utilisation de combustibles fossiles. La majeure partie des recettes provenant de la taxe sont redistribuées d’une part à l’économie proportionnellement à la masse salariale déterminante pour l’AVS et d’autre part à la population de façon uniforme. La taxe en 2013 s’élèvera à 36 francs par tonne de CO2 (9 centimes par litre de mazout) et pourra être augmentée jusqu’à 120 francs en 2015 et 2018, si les émissions dues aux combustibles n’ont pas suffisamment diminué. Ce mécanisme tient compte aussi de l’effet sur le CO2 de la hausse des prix du pétrole. Les entreprises des secteurs économiques dont la compétitivité serait compromise par la taxe sur le CO2 peuvent s’en faire exempter. En contrepartie, elles doivent s’engager auprès de la Confédération à limiter leurs émissions de GES. La taxe sur le CO2 pour les carburants est toujours ancrée dans la loi, même si c’est à titre subsidiaire. Elle ne sera introduite que si l’ensemble des émissions de GES, malgré toutes les mesures proposées, ne diminue pas suffisamment. Le train de mesures est prévu de telle façon que les objectifs en matière de réduction devraient être atteints sans qu’elle ne soit nécessaire.

Programme national d’assainissement des bâtiments


Un maximum de 200 millions de francs doit être affecté à des mesures permettant de réduire efficacement les émissions de CO2 dans le secteur du bâtiment. Deux tiers au moins de ce montant doit être affecté à l’assainissement de bâtiments existants. Un tiers au plus servira à la promotion des énergies renouvelables, de la récupération de chaleur résiduelle et des techniques du bâtiment.

Échange de quotas d’émission


Le Conseil fédéral veut maintenir et développer après 2012 le système existant d’échange de quotas d’émission selon le principe de plafonnement et échanges («cap-and-trade»). Il aspire, en outre, à le rendre compatible avec le système d’échange de quotas d’émission de l’UE, afin de rendre possible une association des systèmes. Les entreprises suisses auraient ainsi la possibilité de participer à un mécanisme dans lequel les échanges sont déjà bien établis, et elles y seraient intégrées au même titre que leurs plus importants partenaires commerciaux. On y trouve d’abord de grandes entreprises grosses consommatrices d’énergie et exemptées de la taxe sur le CO2; grâce à l’échange de quotas d’émission, elles bénéficient de plus de souplesse pour réaliser l’objectif de réduction. Si leurs émissions sont inférieures à l’objectif de limitation, elles peuvent vendre des droits d’émission; si elles dépassent cette limite, elles doivent acquérir des quotas.

Prescriptions limitant les émissions des voitures de tourisme


En conformité avec les prescriptions de l’UE, une valeur-cible contraignante pour le CO2 est introduite pour les voitures de tourisme neuves. Ces prescriptions limitant les émissions doivent amener les importateurs d’automobiles à faire venir davantage de modèles à faibles émissions. Pour que cette mesure déploie un effet optimal, il faut des incitations complémentaires pour les acheteurs, comme un bonus allégeant l’impôt sur les véhicules automobiles.

Obligation de compenser les émissions pour les importateurs de carburant


Le concept actuel du centime climatique volontaire doit faire place à une obligation de compenser les émissions de CO2: les producteurs et importateurs de carburants fossiles seront tenus de compenser une partie des émissions de CO2 dues aux transports par des mesures en Suisse et à l’étranger. Le taux de compensation est de 25%. Les mesures prévues sont aménagées de telle manière que l’objectif de réduction de moins 20% comparé à 1990 soit atteint d’ici à 2020. Si la Suisse s’engage à un objectif plus ambitieux de moins 30%, la taxe sur le CO2 sur les combustibles, l’obligation de compenser les émissions des carburants et l’échange de quotas d’émission seront renforcés. À part la réduction des émissions de GES, la future politique climatique suisse doit également intégrer l’adaptation aux conséquences des changements climatiques.

Révisions partielles de la loi sur le CO2 avant 2012


Faisant suite à des interventions parlementaires, trois révisions partielles de la loi sur le CO2 doivent encore entrer en vigueur avant 2012. Celles-ci seront reprises telles quelles dans la nouvelle loi sur le CO2 prévue pour l’après-2012.

Prescriptions limitant les émissions des véhicules neufs


Le parc suisse des véhicules neufs compte des moteurs très puissants et, par conséquent, une consommation de carburant spécifiquement élevée ainsi que de fortes émissions de CO2. En réponse à une motion, le Conseil fédéral veut, comme l’UE, introduire à partir du 1er janvier 2012 des valeurs limites d’émission pour les voitures de tourisme nouvellement immatriculées. Celles-ci seront contraignantes et prendront la relève de la convention d’objectif volontaire signée avec Auto-suisse, l’association des importateurs suisses d’automobiles. Cette mesure constitue, en même temps, un contre-projet indirect à l’initiative populaire «pour des véhicules plus respectueux des personnes», déposée le 25 août 2008, qui exige que la Confédération édicte des prescriptions visant à réduire les effets négatifs des véhicules à moteur, en particulier les conséquences des accidents et la pollution de l’environnement par les voitures de tourisme.

Le programme national d’assainissement des bâtiments


Considérant la nécessité d’intervenir d’urgence en matière de politique climatique, le Parlement a reconnu l’important potentiel que présente le bâtiment et entend promouvoir dès 2010 des mesures permettant de réduire efficacement les émissions de CO2 des bâtiments existants. Le 12 juin 2009, les Chambres fédérales ont décidé une révision partielle de la loi existante: pendant dix ans, un maximum de 200 millions de francs provenant de la taxe sur le CO2 sur les combustibles servira à financer des mesures destinées à protéger le climat dans le secteur du bâtiment. La plus grande part des moyens issus de cette affectation partielle sera consacrée à l’assainissement de l’enveloppe des bâtiments (isolation thermique des toits, parois et plafonds ainsi que remplacement des fenêtres et des portes). Les moyens financiers seront distribués selon une convention-programme conclue avec les cantons, qui doit garantir une mise en oeuvre harmonisée. Un tiers au maximum des moyens est affecté à la promotion des énergies renouvelables, de la récupération de chaleur résiduelle et des techniques du bâtiment.

Centrales thermiques à combustibles fossiles


Le besoin d’électricité de la Suisse a augmenté continuellement ces dernières années. Étant donné l’électrification croissante de la société (appareils, transports, etc.), la consommation de courant pourra, d’ici à 2035, être tout au plus stabilisée, malgré une amélioration de l’efficacité énergétique. Pour assurer à long terme l’approvisionnement énergétique, le Conseil fédéral a approuvé en février 2007 une stratégie reposant sur quatre piliers. Les grandes centrales électriques constituent l’un de ces piliers. La construction de centrales thermiques à combustibles fossiles doit aussi être rendue possible dans ce contexte. Elles ont l’avantage de pouvoir être mises en service rapidement. Elles présentent, toutefois, l’inconvénient majeur d’alourdir considérablement le bilan de CO2 de la Suisse. Une centrale à cycles combinés alimentée au gaz, d’une puissance de 400 MW et exploitée 5000 heures par an, émet plus de 0,7 million de tonnes de CO2 par an. Les Chambres fédérales ont ainsi décidé, le 23 mars 2007, de subordonner l’autorisation pour certains projets de centrales à cycles combinés alimentées au gaz à une compensation intégrale des émissions de CO2.  En réponse à une motion de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE-E), le Conseil fédéral a présenté le 29 octobre 2008 un message pour la révision partielle de la loi sur le CO2. Selon ce projet, la conclusion d’un contrat portant sur la compensation totale des émissions de CO2 est la condition essentielle à laquelle est soumise l’autorisation d’exploiter une centrale thermique à combustibles fossiles. Selon la proposition du Conseil fédéral, 50% au maximum des émissions produites peuvent être compensés par l’acquisition de certificats d’émission étrangers.

Les engagements internationaux seront respectés


L’évolution des émissions est enregistrée selon des directives internationales dans l’inventaire des GES. Selon ce dernier, la Suisse a émis en 2007 51,3 millions de tonnes de CO2eq (équivalents de CO2) de GES, soit 2,7% de moins que pendant l’année de référence 1990. La moyenne des années 2008 à 2012 est déterminante pour atteindre l’objectif selon le protocole de Kyoto, qui oblige la Suisse à réduire ses émissions de GES de 8% par rapport à 1990. Selon des modélisations, la Suisse devrait parvenir à remplir son engagement international. Moins de la moitié de la réduction des GES se fera probablement en Suisse, l’autre grosse moitié revenant à des certificats étrangers et à la croissance du carbone dans les forêts suisses.

Impact économique


Sans une politique climatique active, les émissions suisses de GES diminueront jusqu’en 2020 de 3,8%. Il s’agit là d’une évaluation prudente qui se base sur des prix de l’énergie relativement bas (55 USD par baril) et des hivers froids, deux facteurs qui tendent à pousser les émissions à la hausse. Les mesures proposées sont aménagées de manière à les réduire de 20 à 30% en 2020 par rapport à 1990. La réalisation de ces objectifs passe par la taxe sur le CO2 sur les combustibles et l’obligation de compenser pour les carburants; ces mesures peuvent être adaptées en 2015 et 2018 vers le haut ou vers le bas selon l’évolution des émissions de GES. L’impact économique des mesures proposées en matière de politique climatique peut être qualifié de modéré jusqu’en 2020. Il n’exprime aucune perte notable en termes de croissance et de prospérité. Les entreprises consommant beaucoup d’énergie préservent leur compétitivité en étant exemptées de la taxe sur le CO2 sur les combustibles et intégrées au système national d’échange de quotas d’émission. L’association avec le système d’échange de quotas d’émission de l’UE permettrait aux entreprises suisses d’atteindre leur objectif de réduction avec plus de souplesse et les intégrerait au mécanisme du plus important partenaire commercial de la Suisse. Étant donné que l’UE a approuvé des objectifs de réduction similaires et que d’autres États ont également signalé vouloir prendre des mesures pour réduire leurs émissions de GES, la politique climatique suisse, telle qu’elle est définie dans le message du Conseil fédéral, ne devrait guère avoir d’effets négatifs sur la position de notre pays dans la compétition internationale. Ce dernier possède, en outre, peu de branches «énergivores». Les mesures de politique climatique ont aussi des effets indirects positifs. Les bénéfices dits secondaires sont d’une grande importance pour la prospérité. Ils découlent principalement de la diminution de la pollution de l’air ainsi que des impulsions données à l’innovation et à la croissance par la diffusion accélérée de technologies efficaces au plan énergétique. Le recul de la demande nationale en agents énergétiques fossiles diminue les sorties d’argent de notre pays, sa dépendance envers l’étranger et la vulnérabilité de l’économie nationale à l’égard des fluctuations du prix du pétrole.

Contexte international


La Suisse ne fait pas cavalier seul en matière de politique climatique, mais intègre cette dernière dans le cadre de la convention des Nations Unies sur le climat. L’approbation de la convention sur le climat (CCNUCC) lors du sommet de la Terre à Rio en 1992 marqua un tournant vers une action concertée au plan international. Le but de cet accord est de stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui évite de perturber gravement le climat. Concrètement, cela signifie qu’il faut limiter les émissions par habitant à un niveau situé, selon l’évolution démographique, entre 1 et 1,5 tonne de CO2eq. Le rejet mondial s’élève aujourd’hui à environ 6 tonnes par habitant. Le protocole additionnel adopté en 1997 à Kyoto pose un jalon majeur et fixe des objectifs contraignants pour les États industrialisés, en vue de limiter les GES. Une autre étape importante est la conférence sur le climat qui se tiendra fin 2009 à Copenhague; il faudrait non seulement que les États industrialisés s’engagent à réduire davantage leurs émissions, de 25 à 40% par rapport à 1990, mais aussi que les pays émergents consentent à fournir des prestations substantielles. D’ici à 2050, les émissions devront encore diminuer dans le monde entier d’au moins 50 à 85%. Pour les États industrialisés, cela signifie entre 80 et 95% de réduction.

Contexte national


L’actuelle loi sur le CO2 exige du Conseil fédéral de faire à temps des propositions pour de nouveaux objectifs de réduction après 2012. Avec la présente révision totale de la loi sur le CO2, le Conseil fédéral soumet en même temps au Parlement un contre-projet indirect à l’initiative populaire «pour un climat sain», que les associations de défense de l’environnement ont déposée le 29 octobre 2008. Cette initiative exige un objectif national de réduction de moins 30% jusqu’en 2020. En ce qui concerne les mesures de mise en oeuvre, elle met l’accent sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Elle renonce, cependant, à proposer des mesures concrètes. Les instruments nécessaires pour aboutir à une telle réduction doivent être définis au niveau de la loi. L’initiative sur le climat doit être soumise en votation au peuple au plus tard fin août 2011.  Une initiative parlementaire du PDC, qui exige un objectif national de réduction de 20% jusqu’en 2020, est en suspens. La commission du Conseil national y a donné suite au début de 2008. Les objectifs proposés par le Conseil fédéral pour l’après-2012 dans la loi sur le CO2 révisée s’inscrivent donc dans les débats national et international.

Graphique 1 «Impact cumulé des mesures prises à l’intérieur du pays (variante moins 20%), 2012-2020»

Tableau 1 «Intérêt économique de la future politique climatique»

Proposition de citation: Andrea Burkhardt (2009). Coup d’envoi du débat parlementaire sur la politique climatique après 2012. La Vie économique, 01 décembre.