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Dans la tourmente, l’OMC fait ses preuves

Dans la tourmente, l'OMC fait ses preuves

La crise économique a fortement touché les pays du monde entier. Pour 2009, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’attend à un recul du commerce de 10%. Pourtant, le recours massif aux mesures protectionnistes que l’on redoutait ne s’est pas produit. Le mérite en revient entre autres à l’OMC. Le présent article souligne l’importance de ses règles et de l’organisation en général; les deux suivants décrivent son dispositif juridique pour empêcher le protectionnisme et le système de contrôle qu’elle applique pour lutter contre ce dernier.

Lorsqu’il est question de l’OMC dans le grand public, c’est le plus souvent à propos du cycle dit de Doha, soit le 9e cycle de négociations sur le commerce mondial actuellement en cours. Étant donné le contexte économique actuel, il serait souhaitable que celui-ci se conclue bientôt. Cela ne doperait pas seulement les échanges, mais empêcherait aussi d’éventuels relèvements en matière de droits de douane, ce qui constituerait de nouvelles entraves au commerce. L’OMC est cependant davantage qu’un centre de négociations. Elle gère en effet une trentaine d’accords multi et plurilatéraux portant sur le commerce des biens, les services et la propriété intellectuelle. En cas de violation de l’un de ces accords, un mécanisme de règlement des différends permet aux 153 membres de l’organisation de revendiquer leurs droits. L’OMC examine également les politiques commerciales de ses membres. Un mécanisme de vérification des mesures protectionnistes prises par ces derniers existe, en outre, depuis le début 2009.

Des règles claires et applicables


L’OMC est donc le forum où se discutent les grandes questions du commerce international. Ses membres recherchent ensemble – et sur un pied d’égalité – des solutions aux problèmes de l’heure. On y développe les accords commerciaux existants et en négocie de nouveaux. Les règles qu’ils contiennent forment la base d’une libéralisation progressive des échanges internationaux. L’OMC établit des conditions égales pour tous ses membres grâce notamment à quelques principes fondamentaux simples et efficaces, dont les deux principaux sont:  1. Tu ne traiteras tes partenaires ni différemment ni moins bien que des États qui ne sont pas parties à l’accord. Tout membre de l’OMC a donc droit d’accéder aux meilleures conditions possibles à un marché X à partir du moment où un autre pays jouit déjà de cet avantage (clause dite de la nation la plus favorisée). 2. Tu ne traiteras pas les marchandises que tu importes du territoire d’un autre partenaire moins bien que les tiennes propres (clause dite du traitement national). Ces deux principes (nation la plus favorisée et traitement national) constituent donc pour chaque membre de l’OMC une protection contre la discrimination. En outre, les droits de douane fixés contractuellement à l’OMC ne peuvent être relevés, même en période de difficultés économiques, à moins que les parties contractantes ne négocient des compensations et ne conviennent qu’en cas de retrait de concessions douanières, l’accès au marché sera amélioré pour d’autres produits. À l’OMC, chaque pays dispose d’une voix, et tous les avantages négociés doivent être accordés à tous les membres. Les droits et devoirs sont les mêmes pour tous les États, quelle que soit leur taille, et peuvent être imposés grâce à un mécanisme efficace de règlement des différends, que la conjoncture soit bonne ou mauvaise. Il importe que le cycle de Doha se conclue, ne serait-ce que pour des raisons systémiques, car il renforcerait les règles de l’OMC. À part les négociations qui visent à l’ouverture des marchés (agriculture, biens industriels et services), d’autres sont en cours sur l’amélioration des règles du commerce (lutte contre le «dumping», propriété intellectuelle, simplification des formalités à la frontière, recoupements entre droits commercial et environnemental, etc.). La conclusion du cycle de Doha contribuerait aussi directement à réduire les effets de la crise économique et financière. L’OMC estime qu’elle rapporterait chaque année aux entreprises du monde entier des économies et des recettes supplémentaires de l’ordre de 150 milliards d’USD (d’autres calculs aboutissent même à des chiffres plus élevés), ce qui constituerait un programme notable de soutien de la conjoncture. Il n’est cependant pas sûr que cette conclusion soit pour bientôt, quoique l’on y travaille dur. En septembre 2009, les chefs d’État et de gouvernement des pays du G-20 ont déclaré à Pittsburgh que le cycle de Doha devrait être conclu d’ici fin 2010. Les progrès des négociations seront examinés au niveau des ministres du commerce début 2010 au plus tard, puis à celui des chefs d’État et de gouvernement au prochain sommet du G-20 (Canada, juin 2010). Il reste cependant à surmonter de nombreux obstacles matériels, et ce contre l’opinion publique dans nombre de pays, laquelle est plutôt sceptique vis-à-vis de la libéralisation du commerce.

Importance d’une institution comme l’OMC


L’OMC est une organisation utile pour ses membres – et donc pour leurs agents économiques – dans la mesure où elle garantit que les relations commerciales se fondent sur le droit international et non sur celui du plus fort. La septième Conférence ministérielle ordinaire sur L’OMC, le système commercial multilatéral et l’environnement économique mondial actuel (Genève, 30 novembre – 2 décembre 2009) a joué ici un rôle important. Deux séminaires y ont examiné les organes de l’OMC et la pertinence de leurs activités, tandis que la discussion a porté sur la contribution de l’OMC au développement économique. L’activité de l’OMC qui intéresse le plus la Suisse est la conclusion du cycle de Doha. Une fois cette étape franchie, les membres de l’OMC devraient cependant se pencher plus à fond sur les questions dites de cohérence, comme le rapport entre le commerce et l’environnement – y compris le climat et une attention accrue aux méthodes de production des biens -, ou encore entre le commerce et les normes sociales. D’autres sujets devraient sans doute être abordés, comme les questions énergétiques ainsi que les domaines de l’investissement, de la concurrence et de la transparence des marchés publics. Il importe que l’OMC reste une organisation chargée du commerce mondial et que ses organes – en particulier le système de règlement des différends – puissent travailler efficacement.

Efficace lors des coups durs


L’OMC doit faire ses preuves en particulier en période de difficultés économiques. Or la crise actuelle a démontré que ses règles sont largement respectées et que ses procédures tiennent la route, ce qui représente un grand succès pour le système commercial. L’OMC a réagi vite et efficacement en surveillant régulièrement les mesures prises par ses membres en matière de politique commerciale Voir l’article suivant de Philippe Fontana.. Les négociations de Doha ont pu se poursuivre à un rythme soutenu malgré la faiblesse de la conjoncture. La situation économique actuelle constitue, toutefois, un obstacle supplémentaire à leur aboutissement. Le problème tient, cependant, moins à l’OMC qu’aux gouvernements des États membres, qui, en politique intérieure, ne sont pas toujours prêts ou capables d’aborder une nouvelle étape dans l’ouverture du commerce mondial.

Encadré 1: Importance de l’OMC pour la Suisse La Suisse est une petite économie ouverte et fortement dépendante de ses exportations. Pour tirer le plus grand parti de la répartition internationale du travail, il importe que les branches exportatrices nationales restent axées sur les marchés mondiaux. Le commerce transfrontalier de biens et services, mais aussi de travail, capital et savoir, est un facteur de croissance avéré, soutenu par la politique économique extérieure du Conseil fédéral. L’instrument principal de cette politique est la participation active au système multilatéral du commerce mondial, c’est-à-dire à l’OMC. Plusieurs des accords de l’OMC concernent directement la Suisse. Trois exemples: 1. Grâce à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt), qui régit le commerce des marchandises, la Suisse peut exporter des biens à des conditions compétitives. Les tarifs douaniers perçus sur nos exportations en direction des États-Unis sont les mêmes que ceux que les États-Unis appliquent aux États de l’UE et au Japon. 2. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) est le seul accord complet que la Suisse ait signé dans ce secteur, qui contribue quand même pour 73% à son PIB. 3. Grâce à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic), les brevets de nos entreprises sont protégés, par exemple dans le domaine des machines, des produits pharmaceutiques et des montres. Pour une puissance économique moyenne comme la Suisse, les règles internationales convenues et appliquées par tous sont la meilleure protection. Or ces règles sont entièrement négociées à l’OMC.

Proposition de citation: Remigi Winzap (2009). Dans la tourmente, l’OMC fait ses preuves. La Vie économique, 01 décembre.