Rechercher

L’indice suisse des prix à la consommation de 1914 à nos jours

L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’une des statistiques économiques les plus consultées: qu’il s’agisse du grand public, des milieux économiques, politiques ou académiques, ses résultats sont très demandés. Calculé depuis 1922 et rétrospectivement à partir de 1914, l’IPC fournit une information indispensable à la bonne conduite de l’économie: l’évolution des prix au fil du temps. Il n’y a pourtant pas que les prix qui changent: les éléments sur lesquels se base l’indice sont, eux aussi, en constante évolution; c’est d’ailleurs ce qui complique la tâche du statisticien des prix. Cet indicateur doit suivre son temps tout en ne perdant pas de vue son objectif: mesurer le changement du pouvoir d’achat des consommateurs et consommatrices.

L’évolution des prix reflète les événements économiques, politiques et sociaux: très brièvement et à titre d’exemple, entre 1914 et 1918, la situation de pénurie de la Ire Guerre Mondiale provoque une hausse du niveau général des prix. La récession d’après-guerre (1918–1922) les fait reculer, le phénomène étant plus particulièrement marqué pour les prix agricoles. Le crash boursier de 1929 amorce la crise économique mondiale. La hausse des prix reprendra pendant la IIe Guerre Mondiale, l’essor économique provenant des importants investissements réalisés durant cette période. L’après-guerre sera marqué par un renchérissement relativement stable. À partir des années soixante, les prix ne cesseront d’augmenter (voir graphique 1).La pondération du panier-type, qui contient l’ensemble des biens et services consommés par les ménages, fournit également des informations intéressantes sur l’évolution des habitudes de consommation, comme le montre le graphique 2.En 1939, 40% des dépenses de consommation étaient consacrées à l’alimentation; cette proportion est aujourd’hui de 11% seulement. Cette diminution profite principalement aux produits touchant le bien-être. La part des dépenses pour les loisirs et la santé a, en effet, fortement augmenté depuis 1939.L’IPC a été révisé à huit reprises depuis son introduction en 1922. Toute imprécision a des conséquences macro et microéconomiques très importantes. Les habitudes de consommation évoluant comme on vient de le voir, cet indicateur doit être mis à jour périodiquement et faire l’objet d’une révision en profondeur. Les nouvelles technologies offrent des solutions prometteuses pour améliorer encore le relevé des prix, la recherche scientifique progresse et propose des solutions aux domaines encore problématiques. Avant de parler des révisions en cours, regardons comment l’IPC est calculé.

Les ingrédients nécessaires pour produire l’IPC


Pour sa construction, cette statistique a besoin de trois ingrédients principaux.Le premier est le panier-type, contenant presque la totalité des biens et services de consommation, qu’il s’agisse des produits alimentaires, des boissons, de l’habillement, des logements, des agents énergétiques, du mobilier et équipement ménager, des prestations en matière de santé, des biens et services de transport et de communications, des écoles, des biens et services pour les loisirs et la culture, des restaurants et hôtels, des produits de soins corporels, des assurances privées, etc. Ces groupes de produits sont pondérés selon les dépenses de consommation des ménages
Ces données proviennent de l’enquête annuelle sur le budget des ménages (EBM) de l’OFS. Voir www.bfs. admin.ch, rubriques «Thème», «20-Situation économique et sociale de la population», «Revenus, consommation et fortune», «Données, indicateurs», «Revenus et dépenses des ménages en 2007».: plus la dépense pour un groupe est importante, plus ce groupe aura un poids important. On le voit dans le graphique 3: les dépenses consacrées au logement et à l’énergie sont très importantes, puisqu’elles représentent plus de 25% du panier-type.Le deuxième ingrédient est l’ensemble des prix. Pour pouvoir calculer une évolution, il faut relever les prix d’un certain nombre de produits appartenant au panier-type et suivre leur évolution au fil du temps. En moyenne, 60 000 prix sont relevés dans quelque 2200 points de vente et contrôlés chaque mois. La qualité des prix relevés est déterminante puisque ces derniers constituent la base sur laquelle repose toute la construction de l’IPC. Les produits sélectionnés doivent être représentatifs de la consommation des ménages et rester autant que possible stables au fil du temps. Pour certains d’entre eux, représentativité et stabilité sont antinomiques: le même ordinateur ne reste jamais très longtemps sur le marché; de même les vêtements subissent les effets de la mode et changent à chaque saison. Notre rôle est alors de développer des techniques qui nous permettent de comparer deux produits différents et de séparer effet prix et effet qualité.Le troisième ingrédient est, enfin, une formule de calcul pour agréger les variations des quelque 60 000 prix du panier-type. À la base, nous utilisons actuellement une moyenne géométrique puis une moyenne arithmétique pondérée au niveau agrégé (selon le concept de Laspeyres). Ces deux méthodes de calcul sont fréquemment utilisées dans la statistique des prix, que ce soit à l’OFS ou chez nos voisins européens. La statistique des prix fait l’objet d’une recherche très active, dont le but est d’en améliorer la précision. Lors de la révision de 2000, une grande partie du relevé des prix a été professionnalisée et sous-traitée à un institut de sondage privé; la nomenclature du panier-type et les formules de calcul ont été harmonisées avec celle de nos voisins européens et de nouveaux produits ont été introduits: les taxes, les services financiers, les véhicules d’occasion et les assurances privées entre autres. En 2005, la période de relevé des prix pour les produits pétroliers (mazout et carburants) a été étendue, de nouvelles techniques de relevé ont commencé à être étudiées et la mesure de l’évolution des prix pour plusieurs biens et services a été sensiblement améliorée (les médicaments, les prestations médicales, les services de télécommunication et les services publics). En 2008, le relevé des prix a été mensualisé pour la plus grande partie des produits du panier-type, tandis que les prix des produits d’un grand distributeur ont été relevés pour la première fois par données scannées (voir encadré 1Les données scannées sont des informations générées lors de la lecture des codes-barres des produits aux caisses des grands distributeurs. Leur utilisation dans l’IPC a été introduite en juillet 2008. Ces données permettent d’obtenir des résultats nettement plus précis qu’un relevé de prix sur le terrain, grâce à leur large couverture temporelle et géographique. Les informations sur les chiffres d’affaires, également fournies, permettent par ailleurs de sélectionner précisément les articles les plus représentatifs pour le relevé des prix. Elles déchargent aussi les fournisseurs de données des tâches statistiques liées aux prix à la consommation.L’Office fédéral de la statistique (OFS) est l’un des premiers à utiliser des données scannées pour le calcul de l’IPC. Il joue ainsi un rôle de pionnier dans la modernisation du relevé des prix, grâce à une étroite collaboration avec les plus grands distributeurs.L’introduction des données scannées pour le calcul de l’IPC se fait par étape. Elle a débuté en juillet 2008 avec l’intégration des données d’un grand distributeur en biens d’alimentation, cosmétiques et produits à lessive et nettoyage. Il est prévu d’étendre progressivement le recours aux données scannées à d’autres grands distributeurs et à d’autres groupes de biens au fil des prochaines années
Voir également Boesch R., Müller R. et Paolino M., «Première apparition partielle des données scannées dans le relevé des prix destiné au calcul de l’IPC suisse», La Vie économique, 1-2/2009, p.47ss..). La neuvième révision de l’IPC a démarré à la mi-2008 et doit également apporter des améliorations significatives.

Les points forts de la 9e révision en cours


La révision 2010 de l’IPC met l’accent sur des éléments sensibles et complexes:– l’indice des loyers: amélioration de la base de sondage et de la logistique; probable doublement de la taille de l’échantillon (de 5000 à 10 000 logements), développement d’un modèle hédonique pour mieux tenir compte des différences de qualité entre les logements;– les ajustements de la qualité: introduction d’une nouvelle méthode d’ajustement de la qualité pour l’habillement et les produits technologiques, développement d’un modèle hédonique pour ajuster la qualité des ordinateurs;– les techniques de relevés: probable abandon des formulaires papier au profit d’ordinateurs de poche pour le relevé des prix, permettant un meilleur contrôle-qualité des données;– le traitement des assurances privées: étude de la possibilité de relever les primes nettes au lieu des primes brutes, d’intégrer les primes des contrats existants en sus des nouveaux contrats et mise à jour des paquets de prestation. Quelques lignes ne suffisent pas pour expliquer de manière complète cet indicateur. Les organisations internationales ont réuni leurs forces pour produire un Manuel de l’indice des prix à la consommation de plus de 500 pages, qui donne une vue d’ensemble des méthodes et techniques existantes pour produire un IPC
http://www.imf.org/external/pubs/ft/cpi/manual/2004/fra/cpi_fr.pdf.. L’OFS a également, depuis plusieurs années, complété de manière significative son offre Internet, permettant aux utilisateurs de trouver une multitude d’information sur cet indicateur
http://www.IPC.bfs.admin.ch.. La révision 2010 de l’IPC est actuellement dans sa phase de réalisation. Le concept détaillé de cette révision est disponible sur demande
lik2010@http://bfs.admin.ch..

Graphique 1: «Indice suisse des prix à la consommation, 1914–2009»

Graphique 2: «Évolution du panier-type, 1939–2000»

Graphique 3: «Structure globale et pondération du panier-type, 2010»

Encadré 1: Utilisation des données scannées pour le relevé des prixLes données scannées sont des informations générées lors de la lecture des codes-barres des produits aux caisses des grands distributeurs. Leur utilisation dans l’IPC a été introduite en juillet 2008. Ces données permettent d’obtenir des résultats nettement plus précis qu’un relevé de prix sur le terrain, grâce à leur large couverture temporelle et géographique. Les informations sur les chiffres d’affaires, également fournies, permettent par ailleurs de sélectionner précisément les articles les plus représentatifs pour le relevé des prix. Elles déchargent aussi les fournisseurs de données des tâches statistiques liées aux prix à la consommation.L’Office fédéral de la statistique (OFS) est l’un des premiers à utiliser des données scannées pour le calcul de l’IPC. Il joue ainsi un rôle de pionnier dans la modernisation du relevé des prix, grâce à une étroite collaboration avec les plus grands distributeurs.L’introduction des données scannées pour le calcul de l’IPC se fait par étape. Elle a débuté en juillet 2008 avec l’intégration des données d’un grand distributeur en biens d’alimentation, cosmétiques et produits à lessive et nettoyage. Il est prévu d’étendre progressivement le recours aux données scannées à d’autres grands distributeurs et à d’autres groupes de biens au fil des prochaines années
Voir également Boesch R., Müller R. et Paolino M., «Première apparition partielle des données scannées dans le relevé des prix destiné au calcul de l’IPC suisse», La Vie économique, 1-2/2009, p.47ss..

Proposition de citation: Corinne Becker Vermeulen (2010). L’indice suisse des prix à la consommation de 1914 à nos jours. La Vie économique, 01 mars.