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La révision de l’ordonnance sur les marchés publics

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Le 1er janvier 2010, le Conseil fédéral a mis en vigueur la modification de l’ordonnance sur les marchés publics (OMP). Celle-ci a été révisée avant la loi, afin que le droit des marchés publics puisse être rapidement adapté sur certains points importants. Les modifications que le Conseil fédéral a introduites dans l’ordonnance permettent principalement de moderniser et d’assouplir le droit des marchés publics; elles peuvent donc avoir un effet positif sur la conjoncture. L’unification du droit des marchés publics à l’échelle nationale, proposée par l’économie, s’est heurtée à l’opposition des cantons.

Il était initialement prévu de modifier le droit des marchés publics au niveau de la loi. Le 30 mai 2008, le Conseil fédéral a ainsi ouvert la consultation relative à un avant-projet de révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics (AP-LMP). Ce dernier poursuivait quatre objectifs: la modernisation, l’assouplissement et la clarification du droit des marchés publics ainsi que l’harmonisation entre les législations fédérale et cantonales qui s’y rapportent. L’objectif de l’harmonisation devait être atteint par le biais d’une unification partielle de ces dernières. La consultation a suscité un vif intérêt: plus de 140 avis ont été exprimés. Le 17 juin 2009, le Conseil fédéral a pris con-naissance des principaux résultats de la consultation. On y trouve en particulier la réponse des cantons qui, contrairement aux principales associations économiques, ont presque tous rejeté le principe de l’unification partielle. Seul l’un d’entre eux, le canton de Berne, a approuvé cette proposition du Conseil fédéral.

Modification anticipée de l’ordonnance


Depuis la consultation, la situation économique s’est fortement dégradée. Par ailleurs, les négociations concernant la révision de l’accord de l’OMC sur les marchés publics (AMP; RS 0.632.231.422), sur lequel se fondent les législations fédérale et cantonales en matière de marchés publics, ont pris du retard. Au vu de ces circonstances, le Conseil fédéral a décidé, le 17 juin 2009, de mettre rapidement en œuvre différentes nouveautés proposées dans l’AP-LMP et susceptibles d’avoir un effet positif sur la conjoncture, et d’avancer, par conséquent, la révision de l’ordonnance sur les marchés publics (OMP; RS 172.056.11). Il s’agissait de mettre en œuvre des modifications figurant dans l’AP-LMP qui avaient été largement approuvées lors de la consultation et qui pouvaient être introduites dans l’ordonnance. La révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) ne serait poursuivie qu’ultérieurement. Les travaux sont allés bon train, de telle sorte que le 18 novembre 2009 le Conseil fédéral a déjà pu approuver la modification de l’ordonnance sur les marchés publics (OMP) et fixer son entrée en vigueur au 1er janvier 2010.

Objectifs de la révision


La proposition d’unification partielle du droit des marchés publics a été rejetée par les cantons au nom de considérations fédéralistes. Bien qu’elle ait été largement soutenue par les associations économiques, le Conseil fédéral a donc renoncé à l’objectif d’harmonisation. Il a en revanche maintenu les trois autres objectifs de la révision de la LMP, à savoir la modernisation et l’assouplissement du droit fédéral des marchés publics ainsi que la clarification de points constituant une source d’insécurité juridique. Afin d’atteindre l’objectif de la modernisation, on a en particulier réglementé l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et remplacé l’ancien organe de publication par une plateforme électronique. Les mesures prises pour assouplir le droit des marchés publics résident surtout dans l’introduction de dispositions relatives aux appels d’offres fonctionnels et au dialogue. Les efforts de clarification ont, quant à eux, porté sur les questions de la préimplication et du raccourcissement des délais. Le Conseil fédéral a introduit ces modifications dans le but d’accélérer les procédures d’adjudication, de supprimer une bureaucratie inutile et de réduire les coûts.Nous allons maintenant commenter les principales nouveautés résultant de la modification de l’ordonnance. Chaque section commence par une affirmation critiquant le droit des marchés publics (écrite entre guillemets et en italique) et se poursuit par un commentaire sur la manière dont cette dernière a été prise en compte lors de la révision de l’ordonnance.

Débureaucratisation et dématérialisation


«Le droit des marchés publics est trop formaliste»: il est vrai que jusqu’ici l’adjudicateur ne pouvait renoncer à exiger des offres écrites que s’il achetait des biens sur un marché de produits de base. Ces prescriptions de forme ont été assouplies: l’adjudicateur peut désormais renoncer pour tous les types de marchés à la présentation d’offres écrites (art. 20 OMP). Il peut autoriser les soumissionnaires à présenter leur offre sous une forme usuelle dans les échanges commerciaux. Cela signifie, en particulier, qu’elles peuvent être remises sous forme électronique sans même qu’une signature électronique qualifiée soit nécessaire. Le fait que l’adjudicateur choisit d’assouplir les prescriptions de forme n’empêche pas les soumissionnaires de présenter leur offre sous forme écrite. L’adjudicateur doit signaler un tel assouplissement au plus tard dans les documents d’appel d’offres. Si les prescriptions de forme ont été assouplies pour la présentation des offres, le contrat peut, en toute logique, être conclu sous la forme autorisée pour ces dernières (art. 29, al. 2, OMP).La révision de l’OMP visait également la création des conditions juridiques nécessaires à un déroulement entièrement électronique des procédures de marchés publics. Le Conseil fédéral escompte que l’utilisation systématique de moyens électroniques à toutes les étapes des procédures d’achat – de l’annonce des besoins à la facturation – permettra aux pouvoirs publics et aux soumissionnaires de faire d’importantes économies et de gagner considérablement en efficacité à moyen et à long terme. C’est pourquoi l’ancien organe de publication, à savoir la version papier de la Feuille officielle suisse du commerce (Fosc), a été remplacée par la plateforme électronique http://www.simap.ch. Étant donné que la majorité des cantons et des communes utilisent aussi cette plateforme pour leurs publications et que la consultation de cette dernière est gratuite (art. 8 OMP), les coûts liés à la recherche d’appels d’offres diminuent pour les soumissionnaires.

Accélération des procédures et délais


«Les procédures de marchés publics durent beaucoup trop longtemps»: le droit des marchés publics prescrit effectivement des délais minimaux (par ex. 40 jours pour la présentation des offres). Le droit international prévoit cependant des motifs de raccourcissement de ces délais. Les cas dans lesquels ces derniers peuvent être écourtés sont maintenant précisés dans l’OMP (art. 19a). Les motifs mentionnés sont, outre l’urgence du marché, qui est sûrement le plus important, deux motifs qui ont ceci de commun qu’ils sont liés à l’obligation d’avertir les soumissionnaires du raccourcissement des délais applicables à une procédure donnée avant même que l’appel d’offres concerné soit publié. Cela permet aux soumissionnaires d’avoir assez de temps pour se préparer ainsi que de fixer le calendrier et de prévoir les ressources en personnel de manière à pouvoir s’accommoder du raccourcissement des délais.On a également raccourci les délais applicables aux adjudicateurs. Ainsi, l’OMP dispose maintenant que les adjudicateurs doivent en général convenir avec les soumissionnaires d’un délai de paiement de 30 jours au plus à compter de la réception des factures (art. 29a OMP). Le Département fédéral des finances (DFF) a précisé cette règle pour le domaine de la construction en édictant des directives et des recommandations concernant la fixation des délais de paiement par les membres de la Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics (KBOB). Un autre facteur conduisant à une accélération des procédures réside dans le fait que le délai de publication des résultats de l’adjudication a été ramené de 72 à 30 jours (art. 28 OMP).

Préimplication et innovation


«Le droit des marchés publics est trop rigide»: en vertu du principe de l’égalité de traitement, l’adjudicateur ne peut pas avantager un soumissionnaire au détriment des autres. Lorsqu’il fait appel à un soumissionnaire pour la préparation d’un appel d’offres, celui-ci acquiert souvent un avantage concurrentiel de par sa participation à cette étape de la procédure. Si les soumissionnaires se trouvant dans ce cas devaient, pour cette raison, être systématiquement exclus de la procédure, on risquerait une perte de savoir-faire. L’ordonnance règle maintenant – et ce de manière souple – ce qu’on appelle la préimplication (art. 21a OMP). Elle dispose qu’un soumissionnaire qui a participé à la préparation d’un marché n’est exclu de la procédure que si l’avantage concurrentiel ainsi acquis ne peut pas être compensé par des moyens adéquats. Elle prévoit en outre que, même si cet avantage ne peut être compensé, l’adjudicateur peut renoncer à exclure le soumissionnaire au cas où cela compromettrait l’efficacité de la concurrence. Tel serait par exemple le cas si, après exclusion du soumissionnaire concerné, il ne restait plus qu’un candidat en lice.L’ordonnance modifiée réglemente également les appels d’offres fonctionnels (art. 16a, al. 2, OMP). Est fonctionnel un appel d’offres dans lequel l’adjudicateur indique uniquement les buts que l’acquisition doit lui permettre d’atteindre au lieu de décrire précisément la prestation à fournir. Ce type d’appel d’offres permet à l’adjudicateur de mobiliser au mieux les connaissances et la créativité des soumissionnaires dès la phase de définition de l’objet du marché. De ce fait, les offres sont difficilement comparables. C’est pourquoi l’adjudicateur est tenu d’indiquer les exigences auxquelles toutes les offres doivent impérativement satisfaire. Si, dans le cadre de marchés complexes, il demande aux soumissionnaires de proposer des solutions ou des procédés, il peut en outre mener un dialogue avec les soumissionnaires. Cela permet aux deux parties de discuter des solutions ou procédés proposés et de les développer ensemble à un stade précoce de la procédure. L’adjudicateur doit garantir la confidentialité de toutes les indications que les soumissionnaires lui fournissent dans le cadre du dialogue. Par ailleurs, il doit indiquer à l’avance comment la participation au dialogue et l’utilisation des solutions ou procédés proposés seront rémunérées. La mobilisation du savoir-faire des soumissionnaires est également favorisée par la disposition qui prévoit que les variantes ne peuvent plus être exclues qu’exceptionnellement (art. 22a OMP). En outre, le caractère innovant des offres est maintenant mentionné explicitement comme critère d’adjudication (art. 27, al. 2, OMP).

Développement durable et valeurs seuils


«Dans le domaine des marchés publics, les concurrents ne luttent pas à armes égales»: l’ordonnance modifiée dispose que, si les prestations sont exécutées à l’étranger, les soumissionnaires doivent respecter au moins les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (art. 7, al. 2, OMP). Celles-ci incluent en particulier les conventions concernant le travail des enfants et le travail forcé ou obligatoire (annexe 2a). Par ailleurs, la Confédération veut acheter des prestations qui répondent, sur l’ensemble de leur cycle de vie, à de hautes exigences économiques, sociales et écologiques. C’est ce dont témoigne le fait que l’ordonnance mentionne explicitement des critères d’adjudication tels que les exigences en matière de développement durable et les coûts estimés pendant la durée de vie (art. 27, al. 2, OMP). Les critères d’adjudication doivent cependant présenter un lien matériel avec l’objet du marché. C’est pourquoi des facteurs tels que le nombre de places de formation offertes par les soumissionnaires ne peuvent pas constituer des critères d’adjudication. L’utilisation de critères étrangers à l’adjudication limiterait la concurrence et fausserait la détermination de l’offre la plus avantageuse économiquement. Si deux soumissionnaires suisses présentent des offres équivalentes, le marché doit néanmoins être adjugé à celui des deux qui offre le plus de places de formation et qui assume ainsi une responsabilité économique (art. 27, al. 3, OMP).Les valeurs seuils en dessous desquelles les marchés peuvent être adjugés de gré à gré ont été relevées. Pour les marchés de services, ce seuil a été relevé de 50 000 à 150 000 francs. Le même seuil a été fixé pour les marchés de construction (art. 36, al. 2, let. b, OMP), qui, auparavant, devaient faire l’objet d’une procédure invitant à soumissionner dès que leur valeur atteignait 100 000 francs. Ces hausses se justifient d’un point de vue économique. Le niveau antérieur de ces seuils remettait en question l’utilité de la concurrence. En effet, l’investissement consenti par les soumissionnaires pour l’élaboration des offres et la charge de travail incombant à l’adjudicateur pour la comparaison de ces dernières étaient souvent excessifs par rapport à la valeur des marchés en jeu. En outre, l’adjudicateur peut désormais adjuger un marché subséquent de gré à gré si un changement de soumissionnaire est impossible pour des raisons économiques ou techniques ou entraînerait pour lui des difficultés considérables ou une augmentation disproportionnée des frais. Cela n’est, cependant, possible que si le marché de base n’a pas lui-même été adjugé de gré à gré (art. 36, al. 2, let. d, OMP). Par ailleurs, des raisons économiques ne justifient qu’exceptionnellement que la durée des contrats conclus pour des prestations périodiques dépasse cinq ans. Enfin, pour éviter le risque d’entente en cas d’application de la procédure invitant à soumissionner, les adjudicateurs doivent dorénavant inviter au moins un soumissionnaire d’une autre région (art. 35, al. 2, OMP).

Perspectives


La révision anticipée de l’ordonnance étant entrée en vigueur, on peut se demander quelle sera la prochaine étape. Lors de sa séance du 17 juin 2009, le Conseil fédéral a décidé de demander au DFF d’élaborer un nouveau projet de révision complète de la loi fédérale, qui tienne compte en particulier de l’avancement de la révision de l’AMP
Voir à ce sujet l’article de P. Leduc, p. 19.. Il a également invité le Detec à présenter rapidement un projet de révision partielle de la loi qui propose au moins une modification des dispositions relatives à l’effet suspensif des recours et à la possibilité de recours devant le Tribunal fédéral. En outre, les cantons se sont déclarés prêts à continuer de promouvoir l’harmonisation du droit des marchés publics à leur niveau. Ainsi, l’affirmation selon laquelle la seule constante du droit des marchés publics est le changement gardera vraisemblablement toute sa pertinence ces prochains temps.

Proposition de citation: Fetz, Marco (2010). La révision de l’ordonnance sur les marchés publics. La Vie économique, 01. mars.