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Les critères économiques dans le déclenchement des procédures d’insolvabilité

La faillite est la forme la plus «dramatique», mais pas la seule, de l’échec d’une entreprise, parce qu’elle implique, d’une part, le non-respect des engagements – donc une perte monétaire pour les tiers – et, d’autre part, la destruction d’un «nœud» d’activités économiques avec son lot de conséquences sociales et parfois psychologiques. Ces diverses considérations «collatérales» sont sous-jacentes à chaque cas de faillite. Toute réglementation dans ce domaine, à l’instar de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), opère un arbitrage entre ces différents effets. Les éléments d’analyse présentés ici cherchent à apprécier l’efficacité des critères de déclenchement des procédures d’insolvabilité proposées par la révision de la loi. Il s’agit de savoir s’ils permettent d’identifier avec une certaine précision et avance des entreprises en danger
Il s’agit d’un résumé de l’une de trois études réalisées sur mandat du seco par Ernst & Young et Eco’Diagnostic: Trois études sur la révision du droit des faillites, Seco, Berne 2010, disponible sur Internet: http://www.seco.admin.ch, rubriques «Documentation», «Publications et formulaires», «Séries de publications», «Grundlagen der Wirtschaftspolitik»..

Selon les données du dernier recensement fédéral des entreprises disponible (2008), il y aurait en Suisse près de 313 000 entreprises marchandes qui fournissent 3,5 millions de places de travail. Derrière ces chiffres agrégés se cachent des réalités très hétérogènes, plus de quatre entreprises sur cinq (87%) sont des micro-entreprises (moins de 10 équivalents plein-temps); elles contribuent ensemble à un quart de l’emploi total et, selon toute vraisemblance, à une part comparable du produit intérieur brut (PIB). Les entreprises dites «petites» forment 10,6% du total, mais contribuent autant que toutes les micro-entreprises à l’emploi. Quant aux entreprises moyennes (50 à 249 personnes), elles sont plus de 6000 et abritent près de 20% des emplois. Les quelques centaines de grandes et très grandes entreprises complètent le tableau avec plus de 30% des emplois.

Un problème complexe


La double disparité – taille de l’entreprise et nombre d’emplois – montre à quel point il est difficile de définir une entreprise «moyenne» ou «représentative» suisse. Cela devient encore plus évident si l’on prend en compte la variété des formes juridiques. En effet, en 2006 par exemple, il y avait 476 000 personnes morales inscrites au registre du commerce – alors que le recensement fédéral ne reconnaissait, en 2005, que 301 000 entreprises – dont 60% environ étaient des sociétés de capitaux, le restant étant soit des sociétés de personnes, soit des associations ou fondations. Sans entrer dans les détails des divers instruments de comptage et de leur logique propre
Dembinski Paul H., PME en Suisse: profils et défis, Genève Georg éditeur, 2004; KMU in der Schweiz. Profile und Herausforderungen, Rüegger Verlag, Zurich, 2004., chacune des formes d’activité économique décrite ici est susceptible de faire un jour «faillite», que ce soit en tant que personne physique ou morale. Ceci étant, les statistiques juridiques ne permettent pas de distinguer les faillites liées à l’activité économique de celles ressortant de la vie privée. Selon les relevés de Creditreform sur les ouvertures de faillites publiées dans la «Feuille officielle suisse du commerce» (Fosc), il y aurait par année entre 4000 et 5000 faillites de sociétés en Suisse. En 2009, ce dernier chiffre a été pour la première fois dépassé avec 5215 cas, soit une hausse de 23,5% par rapport à 2008
Voir l’article de Claude Federer, p. 24 de ce numéro.. Un cinquième de cette hausse est, toutefois, dû au surendettement et la plus grande partie provient de l’application du nouvel article 731b du Code des obligations qui régit la dissolution des sociétés de capitaux lorsque des carences existent dans l’organisation de la société. En comparaison, seuls 232 concordats ont été homologués judiciairement en 2003 (dernière année disponible). Ces données sont à mettre en rapport avec le fait qu’environ 20 000 entreprises cessent leur activité économique chaque année et disparaissent ainsi des recensements successifs. En d’autres termes, la faillite n’est qu’une modalité très largement minoritaire de la mort des entreprises. L’étude a dû tenir compte de ce problème de données (voir encadré 1

L’étude économique du phénomène de faillite se heurte à un problème de données qui a été partiellement surmonté ici en combinant trois sources:– un ensemble de 400 cas de faillite constitué par Eco’Diagnostic/Observa (de 1996 à 2003) contenant des informations qualitatives sur la marche des entreprises durant les trois à quatre années précédant immédiatement la faillite;– les ratios comptables pluriannuels d’une quarantaine d’entreprises ayant fait faillite entre 1996 et 2005 transmis sous une forme totalement anonyme par le Crédit Suisse;– l’information comptable pluriannuelle anonyme sur plus de cent entreprises saines transmise par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et portant sur la production et la valeur ajoutée.

).

La dynamique du chiffre d’affaires et les délais de perception


La baisse du chiffre d’affaires serait – intuitivement – un premier indicateur d’une détérioration de la marche des affaires. Le graphique 1 montre, sous forme agrégée – tous âges et tailles confondus – l’évolution du chiffre d’affaires avant la faillite pour près de 400 cas. Si durant leur dernier exercice près de 40% des cas ont connu une réduc-tion significative (–10% ou plus) du chiffre d’affaires, ils n’étaient que 22% à l’année t-2 et seulement 13% à t-5. À l’autre bout du spectre, la part des entreprises qui ont vu leur chiffre d’affaires croître de manière significative, alors que leur faillite était imminente, se situe à environ 25% des cas, proportion qui reste stable entre t-1 et t-3. La part des entreprises ayant connu de fortes hausses du chiffre d’affaires en t-4, voire en t-5, est significativement plus élevée, avec 45% à t-5. Il est à noter toutefois que le nombre d’entreprises ayant plus de 5 ans ne dépasse pas les 60% des cas pour lesquels l’évolution du chiffre d’affaires est disponible. Cette analyse suggère que l’évolution du chiffre d’affaires ne peut être retenue, à elle seule, comme un indicateur avancé fiable de problèmes à venir.Ceci étant, l’étude approfondie de l’évolution du chiffre d’affaires permet de faire apparaître, derrière ces chiffres globaux, trois groupes d’entreprises aux trajectoires différentes:− les entreprises très jeunes dont la marche des affaires ne permet pas de contenir l’épuisement plus rapide que prévu de leurs réserves (le chiffre d’affaires ne croît pas assez vite);− les entreprises – fragiles par ailleurs, tous âges et tailles confondus – dont les affaires marchent tant bien que mal, mais qui subissent un choc − un accident, brutal par définition − dont elles ne se remettent pas (ce choc échappe ainsi largement aux données comptables annuelles);− les entreprises plus anciennes dont le chiffre d’affaires subit une érosion lente, ce qui finit par épuiser leur substance économique accumulée par le passé.Le fait que le chiffre d’affaires ait une faible valeur de prédiction met en évidence une autre particularité de la faillite: son caractère, somme toute, soudain. En effet, plus l’entreprise est jeune, plus le délai de perception moyen du risque de faillite par les responsables est court. Il est de huit mois en moyenne pour les entreprises de moins de trois ans, et passe à 17 mois pour celles qui ont 20 ans et plus. Le délai de perception est également corrélé avec la taille: il est de 12 mois pour les micro-entreprises et de 27 mois pour les entreprises dont l’emploi était monté une fois à plus de 50 personnes. En conséquence, si des procédures visant à préserver la substance économique de l’entreprise devaient être mises en place en Suisse, elles devraient pouvoir être opérationnelles rapidement: entre le moment où la direction perçoit le danger et celui où les fournisseurs et les clients perçoivent des difficultés, il reste quelques mois, une demi-année au maximum. Il est d’autant plus important de faire vite que certaines entreprises s’écroulent suite à un choc subit ou à un accident. C’est seulement dans le cas des entreprises «établies» (ancienneté et taille) que les délais de perception sont suffisamment longs pour donner aux procédures actuelles d’assainissement – lentes et lourdes – une chance de succès. Si l’on écarte les jeunes pousses sans croissance, les alertes dérivées de la comptabilité n’ont de sens que pour 25% des cas et concernent avant tout les entreprises de plus de trois ans en perte progressive de vitesse.

Rentabilité et fonds propres


Le Crédit Suisse a mis à disposition des chercheurs les ratios comptables très détaillés (plus de 100 positions par année) de 39 entreprises anonymes ayant fait faillite entre 2000 et 2007. Contrairement à la base de données Eco’Diagnostic, il s’agit plutôt d’entreprises moyennes, voire grandes. Celles-ci ont, à un certain moment, été transférées par la banque au département chargé du recouvrement parce que, selon le «rating» interne, elles avaient atteint un niveau de risque préoccupant. Ce transfert signifie un changement d’attitude de la banque qui anticipe désormais la situation de son débiteur, soit en le soutenant, soit en accélérant le processus de récupération de ses propres créances.Les propos des responsables du département de recouvrement jettent une lumière particulière sur la portée des données comptables quand la survie de l’entreprise est en jeu. Selon leur expérience, les entreprises d’une certaine importance s’enfoncent progressivement. Vient d’abord une crise ou erreur de stratégie, visible uniquement pour les initiés trois à cinq années avant la faillite. Elle est suivie d’une crise du chiffre d’affaires (plus précisément des recettes), sensible au plan comptable un à trois ans avant la fin. La crise de liquidité arrive en dernier, souvent moins d’une année avant la fin. Pour ces entreprises, c’est donc d’abord au travers de la dynamique des opérations quotidiennes que l’on voit venir les choses, l’évolution du bilan n’en est que la résultante. Une fois que la crise devient aiguë, les entreprises cessent de produire et de transmettre les informations comptables, qui perdent alors toute signification. Le sauvetage de la substance économique (ou des créances) dépend de décisions énergiques et non d’extrapolations du passé. Ce moment où la perspective s’inverse est très important: jusque-là, la situation de l’entreprise est «objectivable» par la comptabilité, au-delà, elle est connue des acteurs seuls et relève souvent du sentiment ou de l’intuition.

Ebitda et niveau de fonds propres: des indicateurs de faillite?


Le graphique 2 présente les niveaux de deux ratios comptables clés, l’Ebitda («Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortisation») et le niveau des fonds propres, tels qu’ils se présentent lors de la dernière année d’existence des comptes. Comme son nom l’indique, l’Ebitda est l’indicateur permettant de juger l’état des affaires de l’entreprise à proprement parler, avant les charges financières, les impôts et l’amortissement. Le niveau des fonds propres indique – à contrario – l’endettement de l’entreprise, donc son autonomie financière.Afin de préserver la lisibilité du graphique, les axes ont été bornés à 70%, ce qui en a exclu trois entreprises: une où les deux ratios sont très fortement négatifs, une où les deux indicateurs sont fortement positifs et une ou seule la rentabilité est très fortement négative. Les entreprises ont été partagées en deux groupes, selon que leur bilan était supérieur ou inférieur à 2 millions de francs. Elles sont 17 dans le premier cas et 19 dans le second.Il est frappant de constater, contre toute attente, que 20 entreprises sur 39 appartiennent à la zone nord-est du graphique. Peu de temps avant leur faillite, elles disposaient à la fois d’une rentabilité minimale et d’un reliquat de fonds propres. Comme le montre le graphique, le niveau des deux indicateurs est même assez élevé pour certaines d’entre elles. Il faut aussi remarquer que la majorité des grandes entreprises (11 sur 18) se trouvent dans ce quadrant. De plus, si on se réfère à la dynamique des deux indicateurs financiers, la structure du bilan s’est améliorée dans 12 entreprises, dans certains cas même de manière significative pendant les quelques années qui ont précédé la faillite. Même s’il partait d’assez bas, le bilan a suivi une tendance positive. En ce qui concerne la rentabilité, dans neuf cas l’Ebitda a augmenté, parfois de manière significative.Afin d’y voir plus clair et de comprendre de manière «quasi-clinique» les raisons de leur disparition, les 39 entreprises ont été classées selon l’occurrence des trois signaux classiques du risque de faillite: l’absence de fonds propres en fin de période d’observation, la chute brutale du chiffre d’affaires pendant cette même période et la rentabilité négative à sa fin. Dans un seul cas sur 39, les trois signaux étaient présents, dans 10 cas on en trouvait deux et dans 13 cas un seul. Dans les 15 (!!) derniers cas, la faillite est survenue sans qu’aucun signal n’apparaisse.

Cinq situations types


Dans un second temps, les données comptables ont été analysées de manière à trouver une ou plusieurs explications plausibles de la faillite, cas après cas. Les diagnostics qui s’ensuivent ont été regroupés en cinq catégories d’explication résumées dans l’encadré 2

1. A (actionnaires): situations où la faillite semble être liée au comportement de l’actionnaire de l’entreprise. Deux cas extrêmes se présentent: celui où l’actionnaire n’honore pas ses dettes (ses factures) et accule ainsi l’entreprise – c’est-à-dire la filiale lorsqu’il s’agit d’entreprises propriétaires – à la faillite; ou celui où l’actionnaire prélève des liquidités dans la filiale et la vide de ses fonds propres. Ce type de comportements semble apparaître à neuf reprises sur 39 cas.2. D (domino): situations où l’entreprise a réalisé des pertes suite à des problèmes de paiements de la part de ses clients. Quatre cas de ce type font partie de l’échantillon.3. E (exploitation): situations classiques qui débouchent «naturellement» sur la faillite. Dans ces cas, les informations disponibles permettent de suspecter soit un effondrement du chiffre d’affaires, soit celui de la rentabilité avec les conséquences normales que de tels événements peuvent avoir sur la structure du bilan. L’exploitation semble expliquer 11 des 39 cas étudiés.4. HE (hors exploitation): situations où des mouvements suspects apparaissent au bilan, ce qui laisse entrevoir des activités ou des événements hors exploitation. Deux types d’opérations sont visibles dans l’échantillon: les pertes de valeur de l’immobilier autre que celui de l’entreprise et les pertes subies sur les investissements financiers. Ce type de situation apparaît dix fois.5. I (inexplicable): comme son nom l’indique, il s’agit d’entreprises où les experts n’ont trouvé aucune explication plausible de faillite à partir de la lecture des ratios comptables correspondants. Cette situation revient huit fois.

.Si les cas fournis par le Crédit Suisse devaient s’avérer représentatifs des sociétés de capitaux qui font faillite en Suisse, alors les causes d’échec se répartiraient de la manière suivante: dans 27% des cas, la faillite serait la conséquence directe d’un problème d’exploitation;dans 18% des cas, la faillite résulterait d’un pillage de l’entreprise par le ou les actionnaires;dans 10% des cas, la faillite serait la conséquence d’un effet domino;dans 25% des cas, le hors-exploitation aurait plombé l’entreprise;dans 20% des cas, la faillite aurait des causes comptables insaisissables, ou serait liée à des évènements trop rapides pour trouver un reflet comptable, voire à un rapport de force avec certains créanciers.Il est à noter que pour 16 «grandes» entreprises (avec plus de 2 millions de bilan), la raison économique (E) n’apparaît que trois fois. Ainsi, les causes des faillites des «grandes» entreprises se situeraient davan-tage dans le hors-exploitation, voire dans le comportement des actionnaires ou des maisons-mères. Pour les entreprises plus petites, l’exploitation viendrait en premier, l’«inexplicable au plan comptable» en deuxième. Le dernier cas pourrait en partie trouver son explication dans les causes retenues dans l’analyse de la base de données qualitatives d’Eco’Diagnostic. En effet, il pourrait s’agir de querelles au sein de la direction, de partenariats qui ont échoué, de problèmes qualitatifs et techniques, etc.

Conclusion


Pour résumer, plus de la moitié des faillites de sociétés de capitaux porteraient sur des entreprises disposant d’une substance économique plus ou moins saine. La faillite serait, dans 53% des cas, le fruit de facteurs externes (actionnaires, hors-exploitation ou effet domino). En conséquence, les critères classiques d’alerte portant sur la liquidité et la rentabilité ne sont que d’une aide limitée pour enclencher des mesures, soit de précipitation de faillite, soit de préservation de la substance économique.Si le législateur voulait encourager la préservation de la substance économique et un éventuel redémarrage de l’entreprise, il devrait envisager des modalités d’intervention différentiée en fonction de l’âge et de la taille de l’entreprise. Une modalité rapide destinée aux composantes très fragiles du tissu économique, une autre modalité plus rigoureuse, plus lente et plus coûteuse pour les entreprises plus grandes.Le fait que nombre de faillites ne sont pas causées directement par les activités mêmes (l’exploitation) de l’entreprise renforce, d’une part, l’idée que la préservation de la substance peut être une option intéressante et, d’autre part, que les statuts de l’entreprise devraient être plus restrictifs en matière de buts et d’objet social admis de manière à éviter ainsi les risques liés aux «accidents» hors exploitation qui mettent en danger la survie des activités.

Graphique 1: «Dynamique du chiffre d’affaires selon l’horizon de la faillite»

Graphique 2: «Résultat opérationnel (Ebitda) et niveau de fonds propres, dernier exercice»

Encadré 1: Surmonter le problème des données

L’étude économique du phénomène de faillite se heurte à un problème de données qui a été partiellement surmonté ici en combinant trois sources:– un ensemble de 400 cas de faillite constitué par Eco’Diagnostic/Observa (de 1996 à 2003) contenant des informations qualitatives sur la marche des entreprises durant les trois à quatre années précédant immédiatement la faillite;– les ratios comptables pluriannuels d’une quarantaine d’entreprises ayant fait faillite entre 1996 et 2005 transmis sous une forme totalement anonyme par le Crédit Suisse;– l’information comptable pluriannuelle anonyme sur plus de cent entreprises saines transmise par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et portant sur la production et la valeur ajoutée.

Encadré 2: Cinq explications plausibles de la faillite

1. A (actionnaires): situations où la faillite semble être liée au comportement de l’actionnaire de l’entreprise. Deux cas extrêmes se présentent: celui où l’actionnaire n’honore pas ses dettes (ses factures) et accule ainsi l’entreprise – c’est-à-dire la filiale lorsqu’il s’agit d’entreprises propriétaires – à la faillite; ou celui où l’actionnaire prélève des liquidités dans la filiale et la vide de ses fonds propres. Ce type de comportements semble apparaître à neuf reprises sur 39 cas.2. D (domino): situations où l’entreprise a réalisé des pertes suite à des problèmes de paiements de la part de ses clients. Quatre cas de ce type font partie de l’échantillon.3. E (exploitation): situations classiques qui débouchent «naturellement» sur la faillite. Dans ces cas, les informations disponibles permettent de suspecter soit un effondrement du chiffre d’affaires, soit celui de la rentabilité avec les conséquences normales que de tels événements peuvent avoir sur la structure du bilan. L’exploitation semble expliquer 11 des 39 cas étudiés.4. HE (hors exploitation): situations où des mouvements suspects apparaissent au bilan, ce qui laisse entrevoir des activités ou des événements hors exploitation. Deux types d’opérations sont visibles dans l’échantillon: les pertes de valeur de l’immobilier autre que celui de l’entreprise et les pertes subies sur les investissements financiers. Ce type de situation apparaît dix fois.5. I (inexplicable): comme son nom l’indique, il s’agit d’entreprises où les experts n’ont trouvé aucune explication plausible de faillite à partir de la lecture des ratios comptables correspondants. Cette situation revient huit fois.

Encadré 3: Analyse comparée des entreprises saines et en faillite

L’analyse des 110 entreprises saines communiquées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) et leur comparaison avec les 39 cas fournis par le Crédit Suisse a apporté deux éclairages complémentaires. D’une part, des signes comptables de fragilité apparaissent fréquemment parmi les entreprises dites saines. D’autre part, l’interprétation de ces critères pose problème. En effet, il semblerait que leur signification soit fonction de la taille: chez les grandes entreprises, ces signes annoncent une capacité de croissance sans pareil, alors que chez les plus petites, ils permettent d’identifier des entreprises qui effectivement s’avèrent moins performantes.

Proposition de citation: Paul H. Dembinski ; Claudio Bologna ; (2010). Les critères économiques dans le déclenchement des procédures d’insolvabilité. La Vie économique, 01 mai.