Rechercher

Le droit des faillites dans cinq États à haut niveau d’efficience

Taille de la police
100%

Le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) et l’Office fédéral de la justice (OFJ) ont confié à Ernst&Young un mandat consistant à établir une comparaison internationale du droit des faillites. L’objectif est de s’assurer que la révision proposée de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) correspond aux meilleures pratiques en usage dans les pays choisis pour la qualité de leur application du droit en matière de faillite et d’assainissement d’entreprises. Cet article reprend quelques-uns des éléments publiés, permettant d’alimenter le débat.

Cinq pays ont été choisis, en accord avec l’OFJ et le Seco, pour faire l’objet de la comparaison internationale. Il s’agit de l’Autriche, la Belgique, la Norvège, Singapour et les États-Unis d’Amérique. Ces pays ont été choisis sur la base d’une étude publiée par la banque mondiale
Djankov S., Hart O., McLiesh C. et Shleifer A., «Debt Enforcement around the World», Journal of Political Economy, 2008, vol. 116, n° 6. Disponible sur Internet à l’adresse suivante: http://www.doingbusiness.org/documents/debtEnforcement.pdf. qui met en évidence l’efficacité de leurs procédures d’assainissement et de faillite. Ses principaux résultats sont résumés dans le tableau 1.Afin de procéder à une comparaison internationale, un questionnaire a été établi en accord avec l’OFJ et le Seco, puis envoyé aux correspondants d’Ernst&Young dans les pays sélectionnés. Celui-ci couvre les procédures d’assainissement et de faillite décrites dans le graphique 1.

Prévention et éléments déclencheurs de la procédure d’insolvabilité

Information et mesures de prévention de la part de l’État


Sur les cinq pays étudiés, seule la Belgique bénéficie d’un système d’information et de prévention étatique. Dans le cadre d’informations données à l’occasion de la constitution de sociétés, l’on trouve sur internet des informations concernant l’élaboration d’un bon plan d’affaires prévoyant la situation financière de la société pour deux ans au moins.

Systèmes d’alertes avant qu’une société ne se trouve dans une situation financière difficile


En Autriche, lorsque l’insolvabilité de la société n’est pas imminente, une procédure de réorganisation anticipée peut être appliquée lorsque le rapport entre les fonds propres et le total des passifs est inférieur à 8% et lorsque le remboursement des dettes du débiteur prendrait plus de 15 ans.La Belgique a récemment réformé sa législation en matière d’assainissement des entreprises. Il existe plusieurs systèmes d’alertes:– plan financier avant constitution de la société: un entrepreneur qui souhaite fonder une société doit élaborer, au préalable, un plan financier qui justifiera le montant du capital social de la société à constituer;– organe de gestion de la société: au moment de la constitution de la société, l’organe de gestion a l’obligation de prouver sa capacité à gérer une société (diplôme, expérience, lien avec une société importante);– contrôle des commissaires de sociétés: une fois que la société est constituée, les commissaires de sociétés – autrement dit l’organe de révision – procèdent à des contrôles réguliers;– collecte des données en cas d’insolvabilité: finalement, le greffe du tribunal de commerce collecte des données concernant les débiteurs qui seraient en difficultés financières et dont la continuité d’exploitation pourrait être mise en péril.

Procédures d’assainissement

Les différentes procédures d’assainissement


Aux États-Unis, la procédure de redressement ou Chapter 11 peut être décrite comme suit. Lorsqu’une société est insolvable, cette dernière ou trois de ses créanciers peuvent déposer une demande de protection selon la procédure du «Chapter 11». Le débiteur garde le contrôle de la gestion de ses affaires – il devient «Debtor in possession (DIP)» – tout en étant soumis à la surveillance du tribunal compétent. Par la suite, un plan de réorganisation est soumis au juge. Dès que le plan est adopté, un sursis est accordé au débiteur. La procédure du «Chapter 11» est régulièrement adoptée aux États-Unis.En Belgique, la nouvelle loi envisage diverses possibilités:1. Dépistage et médiateur d’entreprise: outre la collecte de renseignements, le nouveau système prévoit également l’introduction d’un médiateur d’entreprise, nommé par le tribunal, qui fixe l’étendue et la durée de sa mission.2. Accord à l’amiable extrajudiciaire: un accord à l’amiable entre le débiteur et deux, plusieurs ou tous ses créanciers en vue de l’assainissement de la situation ou de la réorganisation de l’entreprise peut être conclu, éventuellement avec l’aide du médiateur d’entreprise décrit plus haut.3. Réorganisation judiciaire: la loi met en place trois possibilités de procéder à une réorganisation judiciaire lorsque la continuité de l’entreprise est menacée à bref délai ou à terme. Un sursis est accordé au débiteur à partir du jugement statuant sur la requête en réorganisation judiciaire. La réorganisation judiciaire par accord amiable est soumise à la surveillance d’un juge délégué et interviendra avec l’aide éventuelle d’un mandataire de justice désigné par le tribunal pour assister le débiteur dans sa réorganisation judiciaire. L’accord sera ensuite constaté par un jugement. L’accord collectif quant à lui est une forme de réorganisation qui comprend une période de sursis, durant laquelle le débiteur élabore un plan de réorganisation accompagné de sa phase d’exécution, laquelle ne peut pas dépasser cinq ans. Le plan de réorganisation doit être approuvé par la majorité des créanciers, ce qui le rendra contraignant pour tous les créanciers. La troisième possibilité est le transfert sous autorité de justice de l’entreprise ou de ses activités. Celui-ci peut être volontaire ou imposé. Une fois la procédure terminée et le transfert autorisé, le débiteur pourra demander à être déchargé des dettes existantes.En Norvège, lorsqu’une société a des problèmes de liquidités, le conseil d’administration de cette dernière peut demander l’ouverture d’une procédure de réorganisation si l’assainissement de la société a certaines chances de succès. Le tribunal nommera alors un comité de règlement des dettes qui supervisera les activités du débiteur. Par la suite, après examen de la situation financière, le débiteur proposera un projet de concordat. Ce dernier peut prendre la forme d’un concordat dit volontaire qui nécessite l’accord de tous les créanciers. Il peut également prendre la forme d’un concordat obligatoire nécessitant le paiement d’au moins 25% de toutes les créances ordinaires. À Singapour, lorsqu’une société est insolvable ou risque de le devenir, il existe deux procédures de réorganisation appelées «Judicial Management» et «Scheme of arrangement»:1. Le premier système permet au débiteur ou à ses créanciers de demander que la société soit placée sous gestion judiciaire ou «Judicial Management». Le tribunal nomme un administrateur appelé le «Judicial Manager». Une fois en place, tous les pouvoirs et fonctions du conseil d’administration lui sont transférés. Il aura 60 jours pour soumettre un plan d’assainissement aux créanciers. Ces derniers ont la possibilité de nommer un comité de surveillance. Cette procédure permet au débiteur de bénéficier d’un sursis. Une particularité mérite d’être soulignée: le «Judicial Manager» devient personnellement responsable des engagements pris par la société durant le sursis si les fonds sont insuffisants pour les payer.2. Le «Scheme of arrangement» est utilisé lorsqu’il est nécessaire de restructurer l’actionnariat d’une société ou de contraindre les créanciers à renoncer à une partie de leur créance. Un administrateur est alors désigné par le débiteur lui-même pour mettre en place le plan de réorganisation. Une commission de créanciers peut également être nommée pour assister l’administrateur. En cas de «Scheme of arrangement», aucun sursis n’est accordé au débiteur.En Autriche, il existe plusieurs procédures d’assainissement, qui dépendent du degré d’insolvabilité de la société. Le concordat, très fréquemment utilisée en cas de faillite, sapplique lorsque la société est insolvable ou lorsqu’elle est surendettée et que les actifs sont suffisants pour couvrir les coûts de procédure, qui se montent approximativement à 4000 euros. Si les actifs sont insuffisants pour couvrir de tels frais ou qu’aucun créancier n’est prêt à avancer largent nécessaire, la société est liquidée de manière sommaire. Le concordat impose au débiteur de payer au moins 20% de ses dettes dans un délai de deux ans. Il s’accompagne de la nomination d’un administrateur indépendant et d’une commission des créanciers.

Organisation et administration de la société


En Belgique, le débiteur garde la pleine capacité d’administration et de disposition de la société. Le tribunal pourra toutefois nommer un administrateur provisoire (mandataire de justice) en cas de manquements graves et caractérisés du débiteur ou de ses organes menaçant la continuité de l’entreprise en difficulté.Aux États-Unis, le débiteur conserve la gestion de la société comme en Belgique. Il peut ainsi profiter de l’expérience de l’équipe en place. Le tribunal compétent peut, s’il le faut, appointer un administrateur chargé de liquider la société ou de la réorganiser en changeant sa direction, afin de permettre la continuation de ses activité.En Autriche, le concordat dans la procédure de faillite dessaisit le débiteur du contrôle de la société, qui est transféré à l’administrateur nommé par le tribunal.

Conséquence des procédures d’assainissement sur les contrats de durée


En Belgique, le débiteur peut décider de ne plus exécuter un contrat en cours pendant la durée du sursis à condition que cette non-exécution soit nécessaire pour pouvoir proposer un plan de réorganisation aux créanciers ou rendre le transfert sous autorité de justice possible. Lorsque le débiteur décide de ne plus exécuter un contrat en cours, les dommages auxquels son contractant peut prétendre sont une créance. Cette règle n’est pas applicable aux contrats de travail.En Autriche, seule la procédure concordataire hors faillite permet au débiteur de mettre fin, un mois maximum après l’annonce de la procédure de restructuration, aux contrats de location, de crédit-bail et de travail. Cette résiliation implique le paiement d’une compensation pour les dommages. Les employés et bailleurs seront créanciers dans la procédure d’assainissement.Aux États-Unis, les contrats de longue durée peuvent être résiliés sans indemnisation. Le cocontractant lésé peut, en revanche, poursuivre le débiteur en justice pour le dommage subi. Ce dernier sera considéré comme une créance ordinaire.En Norvège, comme aux États-Unis, les contrats de longue durée peuvent être résiliés sans indemnisation. Les créances en résultant seront traitées comme les autres créances ordinaires.À Singapour, la société peut proposer d’inclure les créanciers avec lesquels elle a conclu des contrats de durée dans la restructuration de ses dettes. Si cette proposition intervient dans la procédure du «Scheme of arrangement», les critères de vote nécessaires devront être remplis pour que cette proposition puisse être adoptée. Il n’y a pas d’autre possibilité de se départir des contrats de durée.

Procédures de faillite

Différents types de procédures de faillite


En Belgique, la requête en faillite d’une société est soumise à deux conditions cumulatives. Il faut une cessation de paiement persistante et un refus de financement de la part des actionnaires et des banques. Le jugement déclaratif de faillite comprend notamment les décisions suivantes: nomination d’un juge-commissaire, désignation d’un ou plusieurs curateurs, ordre aux créanciers de déclarer leurs créances, ordre de publication du jugement. Par la suite, le failli sera définitivement dessaisi de l’administration de tous ses biens. Le curateur est notamment chargé d’en établir l’inventaire et de vérifier le bien-fondé des créances.En Norvège, le Conseil d’administration lui-même ou les créanciers peuvent requérir la faillite d’une société. Celle-ci doit être insolvable, c’est-à-dire incapable de payer ses dettes et surendettée. Après avance des frais, la procédure est ouverte et publiée. Un administrateur et un comité des créanciers sont nommés pour procéder à la liquidation de la société.En Autriche, en cas d’insolvabilité ou de surendettement, le débiteur est dans l’obligation de requérir sa faillite dans un délai de 60 jours. Les créanciers ont également la possibilité de déposer une requête en faillite. Dès l’ouverture de la faillite et sa publication, un administrateur est nommé, dont le rôle est d’administrer la faillite et de procéder à la liquidation de la société.Aux États-Unis, un administrateur est nommé afin d’administrer la faillite, dont la procédure est communément appelée «Chapter 7». Un comité des créanciers, constitué en général de 7 à 9 créanciers ordinaires, peut également être nommé dans les cas de faillite de grande importance.

Sort des salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur


En Belgique, les dettes découlant des contrats de travail ne sont pas transférées au cessionnaire. En cas de cession des activités du débiteur, il appartient au cessionnaire de choisir les salariés qu’il souhaite reprendre. Le cessionnaire et le cédant ou le mandataire de justice et toutes les organisations représentées au sein de la délégation syndicale peuvent convenir, dans le cadre d’une procédure de négociation collective, de modifier les conditions de travail pour préserver l’emploi en assurant en tout ou en partie la survie de l’entreprise ou de ses activités.

Possibilité de recommencer une activité après une faillite


Aux États-Unis, en Autriche et en Norvège, il n’existe aucune restriction à la reprise d’une activité après une faillite, que celle-ci soit frauduleuse ou non.En Belgique, la loi sur les faillites traite, par contre, différemment le failli suivant qu’il soit déclaré non excusable ou excusable:1. Le failli peut, en règle générale, être déclaré excusable s’il est une personne physique, s’il n’a pas de casier judiciaire et s’il a agi en bon père de famille. Dans ce cas, toutes ses dettes sont définitivement amorties et les personnes physiques qui s’étaient constituées sûreté personnelle du failli à titre gratuit sont déchargées de leurs obligations. Le failli qui est déclaré excusable peut se lancer dans une nouvelle activité commerciale et est réputé réhabilité.2. Le failli déclaré non excusable peut demander sa réhabilitation s’il a acquitté toutes les sommes dues. Si la demande est rejetée, elle peut être reproduite après une année d’intervalle. Si, par contre, elle est acceptée, la décision sera inscrite dans les registres des tribunaux.

Conclusion


Létude devait déterminer les autres possibilités qui soffraient à l’ajournement de faillite et au sursis concordataire que nous connaissons en Suisse. Elle devait également identifier les critères qui donnent lieu à l’ouverture d’une de ces procédures. Il est apparu que contrairement au système suisse actuel, il suffisait, dans tous les pays étudiés, qu’une société soit insolvable, donc incapable de payer ses dettes, pour qu’une procédure d’insolvabilité puisse être ouverte. En outre, une certaine flexibilité pour passer d’une procédure d’assainissement à une autre semble favoriser la continuité d’une entreprise en difficulté.En ce qui concerne la durée des procédures de réorganisation et de sursis, chaque pays a ses propres critères. Ainsi, aux Etats-Unis, il nexiste pas de durée minimale ou maximale; le juge dispose dune certaine liberté d’appréciation, ce qui joue un rôle important dans le succès d’un assainissement.

Graphique 1: «Procédures d’assainissement et de faillite»

Tableau 1: «Résumé synoptique de l’étude»

Proposition de citation: Dunant, Olivier; Iynedjian, Sylvia (2010). Le droit des faillites dans cinq États à haut niveau d’efficience. La Vie économique, 01. mai.