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Les honoraires de révision ont évolué de façon modérée en Suisse

Les honoraires de révision ont évolué de façon modérée en Suisse

Les nouveautés entrées en vigueur en 2008 dans la révision des comptes ont suscité un vaste débat public. On s’est, en effet, demandé si les exigences légales de l’État ne surchargeaient pas les petites et moyennes entreprises (PME). Le contrôle restreint introduit pour les PME et l’option de retrait offerte aux très petites sociétés n’ont pas non plus été ressentis partout comme un allégement. La critique parfois violente dont le nouveau droit de la révision et surtout ses conséquences financières ont fait l’objet a donné l’occasion à la Chambre fiduciaire de procéder à une enquête sur l’évolution des honoraires perçus.

La Chambre fiduciaire a mené une en-quête dont les réponses n’ont certes pas été saisies de façon scientifique, mais ont été levées par questionnaire auprès de l’ensemble des 960 entreprises affiliées. Il en est généralement ressorti une augmentation modérée du chiffre d’affaires (moins de 3%). En moyenne, les honoraires de révision ont été de 4900 francs pour le contrôle restreint et de 32 500 francs pour le contrôle ordinaire (sans les sociétés ouvertes au public).

Historique


Jusqu’à fin 2007, seules les sociétés ano-nymes (SA) et les coopératives étaient tenues de désigner un organe de révision. Depuis début 2008, l’obligation de révision ne dépend plus du statut juridique; la question de savoir si une personne morale doit désigner ou non un organe de révision et à quel type de révision elle doit procéder ne dépend plus que de sa taille. Pour les plus de 118 000 sociétés à responsabilité limitée (sàrl), notamment, la nouvelle obligation de révision a représenté une véritable rupture.Selon les nouvelles dispositions du droit des SA concernant l’organe de révision (art. 727ss CO), les sociétés se divisent en trois groupes: sociétés ouvertes au public, sociétés économiquement importantes (bilan: 10 millions de francs; chiffre d’affaires: 20 millions de francs; 50 emplois à plein temps), petites entreprises. Les sociétés ouvertes au public doivent être contrôlées par une entreprise de révision soumise à la surveillance de l’État; celles de taille importante doivent s’adresser à un expert-réviseur agréé, alors que les petites entreprises ne sont plus soumises qu’à un contrôle restreint exercé par un réviseur agréé. Les propriétaires d’entreprises comptant moins de 10 emplois à plein temps ont le choix de renoncer entièrement à une révision (option de retrait).

Conséquences de la nouvelle réglementation


La révision de la loi sur la surveillance des réviseurs
LSR, RS 221.302. a eu des conséquences radicales pour le secteur et chacune de ses entreprises. L’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR), instituée le 1er septembre 2007, a commencé son activité par un travail compliqué d’homologation de l’ensemble des réviseurs, experts en révision et entreprises de révision, et surveille depuis en permanence et minutieusement les entreprises agréées par l’État. Le nouveau système de contrôle et de surveillance leur impose une énorme surcharge administrative, dont elles supportent seules la totalité des coûts.Les sociétés constituées en sàrl ou en fondation sont désormais soumises à l’obligation de révision. Les très petites entreprises (jusqu’à 10 emplois à plein temps) qui choisissent l’option de retrait, ainsi que les fondations dispensées par les autorités de surveillance, en restent exemptées. Les unes et les autres doivent, cependant, faire inscrire cette renonciation à une révision ou à un organe de révision auprès du registre du commerce (avec les coûts que cela entraîne).Comme la portée en est moindre que sous l’ancien droit, toutes les SA soumises désormais au seul contrôle restreint profitent des allégements concomitants. Le contrôle restreint se limite, en effet, «à des auditions, à des opérations de contrôle analytiques et à des vérifications détaillées appropriées»
CO, RS 220, art. 729a, al. 2.; le nombre de pièces que l’entreprise doit préparer et présenter au réviseur est donc moindre qu’autrefois. Le CO exige, toutefois, qu’en annexe aux comptes annuels, les entreprises donnent désormais «des indications sur la réalisation d’une évaluation du risque»
CO, RS 220, art. 663b, ch. 12.. Dans la pratique, cette exigence s’est avérée peu contraignante, administrativement parlant, et entièrement dans l’intérêt de l’entreprise et de ses organes.Il en va quelque peu différemment des entreprises dites importantes, qui sont soumises au contrôle ordinaire. L’organe de révision doit désormais vérifier si elles disposent d’un système de contrôle interne (SCI), à charge pour celles-ci de lui prouver qu’elles en ont établi un. La charge de travail qui en résulte a déclenché une vive controverse publique; entre-temps, le SCI s’est largement imposé dans les entreprises concernées et son utilité pour la direction est généralement reconnue. Comme le segment du SCI soumis à la vérification de l’organe de révision se limite au système de présentation des comptes, la surcharge administrative récurrente est modeste.

Conséquences financières du nouveau droit de la révision


Le public – et plus spécialement les Chambres fédérales – ont discuté des conséquences financières du nouveau droit de la révision et critiqué parfois violemment la charge administrative et financière «déraisonnable» imposée aux PME. Une enquête menée l’an passé par le Forum PME du Secrétariat d’État à l’économie (Seco)
Enquête auprès des entreprises relative au nouveau droit de la révision, Seco 2009. révèle une charge administrative importante et des coûts externes élevés pour les PME.Les conclusions de cette enquête se fondent sur les réponses de 24 entreprises soumises à contrôle restreint, 35 à contrôle ordinaire, et 20 ayant choisi l’option de retrait. Des 79 réponses étudiées, les auteurs déduisent: – un surcoût annuel de 600 à 1000 millions de francs pour l’ensemble des entreprises soumises à contrôle restreint;– un surcoût annuel de 100 millions de francs pour l’ensemble des entreprises soumises à contrôle ordinaire (nombre estimé: 5500);– une réduction des coûts de 70 millions de francs grâce à l’option de retrait.Les auteurs calculaient parallèlement que le nouveau droit comptable (encore en traitement au Parlement) imposerait aux PME soumises au contrôle ordinaire une nouvelle hausse de leurs charges et de leurs coûts de plus de 100 millions de francs par an.Dans l’enquête citée, les surcoûts annuels du contrôle restreint ont été estimés entre 3000 et 5000 francs par entreprise, alors que ceux du contrôle ordinaire étaient chiffrés à 18 750 francs. Enfin, les économies annuelles induites par l’option de retrait ont été chiffrées à 1500 francs par entreprise.

Enquête de la Chambre fiduciaire


Pour la Chambre fiduciaire, ces extrapolations – soit un surcoût global de plus d’un milliard de francs (hors nouveau droit comptable) – étaient absolument incompréhensibles. Elles contredisaient les expériences actuelles du secteur, qui subit une forte pression sur ses honoraires et dont les membres ne peuvent en général accroître leur chiffre d’affaires qu’en décrochant davantage de mandats. L’énorme surcharge induite par le contrôle restreint était particulièrement incompréhensible.Confronté aux chiffres du Forum PME, le secteur de la révision a rapidement compris que seule une nouvelle enquête éclaircirait la situation, sans quoi on en resterait à des affirmations péremptoires, contradic-toires et improductives. Elle a donc décidé de mener une enquête auprès de ses membres. Celle-ci a été réalisée au printemps 2010 et a fourni des résultats intéressants.Un questionnaire a été envoyé aux 960 entreprises membres (14 000 employés). Ont répondu 299 entreprises (31,1%), parmi lesquelles les «Big Five» au complet (Price-WaterhouseCoopers, Ernst & Young, KPMG, BDO, Deloitte, en tout 7500 employés). Les chiffres obtenus ont donc une valeur très probante, puisqu’ils se basent en grande partie sur les chiffres déclarés et moins sur des extrapolations. 47 entreprises ayant déclaré n’avoir pas effectué de révisions, ce sont 252 questionnaires qui ont été dépouillés en détail. Une différenciation – avec et sans les «Big Five» – a été faite afin d’éclaircir la situation des PME, dont s’occupent le Forum PME et le Seco.En 2009, les membres de la Chambre fiduciaire ayant participé à l’enquête déclarent avoir réalisé un montant global de 1,12 milliard de francs en révisions de comptes, à quoi on peut ajouter un chiffre d’affaires approximatif de 220 millions de francs pour les autres membres.

Volume commercial de la révision des comptes: 1,7 milliard de francs


Comme le montre le tableau 1, les membres de la Chambre fiduciaire ont réalisé en 2009 un chiffre d’affaires de 1,34 milliard de francs (extrapolation) sur les révisions de comptes, soit 44% de leur chiffre d’affaires global (toutes prestations de conseil incluses) de 3,07 milliards (extrapolation). Sans les «Big Five», le chiffre d’affaires global des entreprises restantes a été de 1,4 milliard de francs, dont 312 millions (22%) réalisés en révisions de comptes. Il se con-firme donc que les «Big Five» sont nettement plus impliquées dans la révision des comptes que les PME, plutôt spécialisées, elles, dans la comptabilité et le conseil. En tant que leaders du secteur, les «Big Five» génèrent ensemble 1 milliard de francs de chiffre d’affaires en révision de comptes.En ce qui concerne l’évolution du chiffre d’affaires de la révision des comptes par rapport à l’année précédente, l’enquête de la Chambre fiduciaire révèle une augmentation comprise entre 2,6 et 2,7%. Cette hausse en 2009 est un solde, qui inclut notamment les pertes dues à la pression générale sur les marges et à l’option de retrait choisie par de nombreuses petites SA. Inversement, un grand nombre de nouveaux mandats ont été signés, surtout à cause de la nouvelle obligation de révision imposée aux sàrl et aux fondations, ainsi que des prestations supplémentaires, comme la vérification du SCI dans les contrôles ordinaires.Pour le premier contrôle restreint (en 2009) de l’exercice 2008, on disposait évidemment comme référence des honoraires facturés l’année précédente, puisque les comptes 2007 avaient encore été révisés sous l’ancien droit. La comparaison fait apparaître un taux d’augmentation du chiffre d’affaires de moins de 2% (1,2% avec les «Big Five», 1,8% sans elles); celui-ci passe à 4,2% (avec les «Big Five») et à 6,8% (sans elles) pour le contrôle ordinaire. Que les résultats des «Big Five» aient nettement freiné la croissance du chiffre d’affaires global n’est surprenant qu’à première vue. Pour les gros mandats de révision, en effet, la concurrence et la pression sur les marges étaient nettement plus sensibles, alors que les petites entreprises de révision profitaient de leur lien plus fort avec la clientèle.Pour le contrôle restreint, les honoraires moyens s’établissent à 4900 francs par mandat, avec une augmentation (déjà citée) de 1,2% du chiffre d’affaires global. L’analyse détaillée d’une entreprise moyenne de révision donne un recul des honoraires moyens de 6% par mandat par rapport à l’année précédente. Pour le contrôle ordinaire, les honoraires moyens s’établissent à 32 500 francs, avec une augmentation de 4,2% du chiffre d’affaires global (voir encadré 1

Chiffres clés des entreprises membres de la Chambre fiduciaire (CF)


Nombre de mandats (extrapolation)

– Contrôles restreints 63 500 («Big Five»: 12 057)– Contrôles ordinaires 21 400 («Big Five»: 17 127)

Honoraires 2009 (par mandat)

– Contrôle restreint 4900 francs (chiffre d’affaires total, +1,2% par rapport à 2008)– Contrôle ordinaire 32 500 francs (chiffre d’affaires total, +4,2% par rapport à 2008)L’étude détaillée d’une entreprise de révision moyenne donne un recul des honoraires moyens de 6% par mandat de contrôle restreint.

Volume commercial de la révision des comptes (extrapolation)

– Entreprises membres CF Contrôle restreint 313 millions de francs («Big Five»: 87) Contrôle ordinaire 697 millions de francs («Big Five»: 611) Sociétés ouvertes au public 328 millions de francs («Big Five»: 326) Total membres CF 1338 millions de francs («Big Five»: 1024)– Autres entreprises (approximation) 400–500 millions de francs

Total 1700–1800 millions de francs

).Pour chiffrer le volume du marché global de la révision des comptes, il faut ajouter au chiffre d’affaires des membres de la Chambre fiduciaire les honoraires (inconnus) des non-membres, qui se situent très probablement entre 400 et 500 millions au plus. Le volume total d’honoraires est donc de 1,7 à 1,8 milliard.Un coup d’œil au nombre total de sociétés inscrites au registre du commerce semble confirmer cette hypothèse. Des quelque 316 000 SA, sàrl et coopératives inscrites, 125 000 avaient choisi l’option de retrait à fin 2009, ce qui en laisse 191 000 soumises à contrôle restreint ou ordinaire. Parmi les 43 000 sociétés créées en 2009, plus de 34 000 avaient choisi l’option de retrait, soit près de 80%.Les 85 000 mandats traités par les membres de la Chambre fiduciaire comprennent la quasi-totalité des contrôles ordinaires (plus de 21 000); les plus de 63 000 contrôles restreints concernent vraisemblablement les sociétés dites importantes. Restent donc pour les non-membres de la Chambre fiduciaire 106 000 mandats de sociétés généralement plus petites.L’enquête menée par la Chambre fidu-ciaire permet un constat intéressant: les participants déclarent en effet avoir exécuté 18 451 contrôles ordinaires; si on extrapole, cela en fait 21 400 pour l’ensemble des entreprises membres. Or le Conseil fédéral, dans son message du 21 décembre 2007 concernant la révision du code des obligations, se basait encore sur l’hypothèse de «moins de 10 000» entreprises concernées
FF 2008 1442.; l’enquête du Seco n’en supposait même que 5500. Le chiffre établi par la Chambre fiduciaire comprend naturellement toutes les sociétés qui ont choisi délibérément le contrôle ordinaire alors qu’elles auraient pu demander le retrait. À part les nombreuses fondations astreintes au contrôle ordinaire, il y a donc manifestement beaucoup plus de sociétés qu’on ne l’imaginait qui dépassent les seuils de 10 millions au bilan, 20 millions en chiffre d’affaires et 50 emplois à plein temps. On peut alors se demander si ces seuils sont convenables. De l’avis de la Chambre fiduciaire, ils devraient être unifiés, mais à un niveau plus élevé, comme l’a décidé le Conseil des États en hiver 2009 dans la révision en cours du droit comptable (mais ponctuellement, et seulement pour l’obligation d’établir des comptes consolidés). Cela faciliterait l’application des prescriptions légales et s’impose aussi du fait des charges internes et externes relativement lourdes qu’un contrôle ordi-naire impose aux PME ne réalisant que 20 millions de francs de chiffre d’affaires annuel. Fixer le montant précis reste naturellement l’affaire des milieux politiques.La Chambre fiduciaire a soumis au Forum PME les calculs réalisés sur la base de son enquête et en a discuté avec lui. Le Forum PME a pris acte des résultats présentés. D’après ses propres enquêtes, il conclut que ce ne sont pas tant les honoraires de révision que les coûts internes des entreprises contrôlées qui ont causé une surcharge importante (temporelle et financière) du fait de l’application du nouveau droit de la révision. Les deux parties (Forum PME et Chambre fiduciaire) reconnaissent qu’on pourrait avoir l’impression – à tort – que les coûts externes de l’organe de révision seraient la cause principale de cette surcharge. L’enquête de la Chambre fiduciaire montre en tout cas, sans aucun doute possible, que les honoraires de révision (donc les coûts externes d’une révision) n’ont évolué que modérément sous le nouveau régime.

Tableau 1: «Enquête 2010 de la Chambre fiduciaire sur les honoraires de révision»

Encadré 1: Chiffres clés des entreprises membres de la Chambre fiduciaire (CF)

Chiffres clés des entreprises membres de la Chambre fiduciaire (CF)


Nombre de mandats (extrapolation)

– Contrôles restreints 63 500 («Big Five»: 12 057)– Contrôles ordinaires 21 400 («Big Five»: 17 127)

Honoraires 2009 (par mandat)

– Contrôle restreint 4900 francs (chiffre d’affaires total, +1,2% par rapport à 2008)– Contrôle ordinaire 32 500 francs (chiffre d’affaires total, +4,2% par rapport à 2008)L’étude détaillée d’une entreprise de révision moyenne donne un recul des honoraires moyens de 6% par mandat de contrôle restreint.

Volume commercial de la révision des comptes (extrapolation)

– Entreprises membres CF Contrôle restreint 313 millions de francs («Big Five»: 87) Contrôle ordinaire 697 millions de francs («Big Five»: 611) Sociétés ouvertes au public 328 millions de francs («Big Five»: 326) Total membres CF 1338 millions de francs («Big Five»: 1024)– Autres entreprises (approximation) 400–500 millions de francs

Total 1700–1800 millions de francs

Proposition de citation: Kurt Schuele ; Otto Wyss ; (2010). Les honoraires de révision ont évolué de façon modérée en Suisse. La Vie économique, 01 novembre.