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Les réglementations régissant l’accueil extrafamilial des enfants

Le potentiel de réduction du coût des places de crèche réside dans le contenu et la flexibilité des directives et des réglementations. C’est la conclusion que tire une étude publiée par l’Office fédéral des assurances sociales (Ofas)
Prognos, «Analyse et comparaison des coûts des places de crèche selon la méthode des coûts de revient complets», dans Aspects de la sécurité sociale, rapport de recherche, 3/2009. Office fédéral des assurances sociales (éd.), Berne.. L’accueil extrafamilial des enfants étant de la compétence des cantons et des communes, deux grandes questions s’imposent: quelles sont les réglementations qui comportent les incidences financières les plus importantes, et quels sont les cantons ayant édicté des réglementations en la matière?

La plateforme internet Conciliation travail-famille: mesures politiques cantonales et communales
http://www.travailetfamille.admin.ch. du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) réunit une volumineuse collection de réglementations en vigueur dans les cantons et leurs chefs-lieux. Sur mandat du Seco, Ecoplan en a effectué une analyse approfondie, en distinguant les domaines liés aux structures d’accueil collectif de jour, aux structures d’accueil parascolaire et aux parents de jour. Cette étude visait, premièrement, à brosser un tableau des réglementations appliquées dans les cantons et, deuxièmement, à mettre en lumière les conséquences qu’elles peuvent entraîner sur les coûts (voir encadré 1

Délimitation du champ de l’étude


Les recherches se concentrent sur les réglementations régissant les institutions privées non subventionnées. Les réglementations applicables uniquement aux institutions publiques ou privées subventionnées ne sont prises en considération qu’à titre marginal. En outre, seules sont prises en compte les réglementations officielles indiquées par les cantons dans le cadre de l’enquête annuelle menée pour la plateforme Conciliation travail-famille. Les directives officieuses et l’exécution, dont le rôle est important en raison de la formulation parfois relativement ouverte des exigences légales minimales, ne sont pas davantage prises en compte. L’étude fait l’impasse sur la question de l’incidence des réglementations sur la qualité de la prise en charge.

).

Réglementations en vigueur et structure des coûts

Les réglementations des structures d’accueil extrafamilial des enfants


L’ordonnance du 19 octobre 1977 réglant le placement d’enfants à des fins d’entretien et en vue d’adoption (OPEE) est la base juridique qui régit les structures d’accueil extrafamilial, et qui s’applique à la fois aux parents de jour, aux structures d’accueil collectif de jour et aux structures d’accueil parascolaire. Elle règle principalement l’obligation d’informer, le régime de l’autorisation et la surveillance, et les conditions d’octroi d’une autorisation.L’OPEE instaure uniquement des règles normatives, dont elle confie l’exécution aux cantons. Ces derniers sont libres de déléguer ces tâches aux communes ou à un tiers, ou d’en assurer eux-mêmes l’exécution. Les associations nationales ou régionales sont généralement associées à l’élaboration des lois cantonales et communales, lesquelles s’appuient le plus souvent sur les directives émises par l’Association suisse des structures d’accueil de l’enfance (Assae).C’est au niveau cantonal ou communal que les structures d’accueil collectif de jour sont le plus fortement réglementées, si on les compare aux autres structures du même type. Les exigences imposées aux institutions privées non subventionnées sont moins élevées que celles auxquelles les institutions subventionnées ou publiques doivent satisfaire. Les principaux points réglementés sont les suivants:− les procédures d’autorisation et d’annonce d’exploitation ainsi que la surveillance;− les directives concernant le taux d’encadrement éducatif: taille des groupes, nombre d’enfants par personne d’encadrement, rapport entre le personnel éducatif formé et non formé, premières et dernières heures d’ouverture, facteur bébé, etc.;− les exigences en matière de personnel: formation et directives salariales;− les directives concernant le concept d’exploitation: horaires d’ouverture ou nombre de jours d’exploitation, exigences minimales en matière de concept pédagogique;− les exigences en matière de locaux (sur-face, pièces, espace extérieur, etc.), d’hygiène, de sécurité et de protection incendie.Le domaine des parents de jour est le moins réglementé. En général, seuls sont réglés l’autorisation, la surveillance et le taux d’encadrement éducatif (nombre maximal d’enfants par personne d’encadrement).

La structure des coûts des structures d’accueil


Pour être en mesure d’évaluer les conséquences des réglementations sur les coûts, il est important de connaître la structure de ces derniers dans les établissements concernés. En principe, il y a lieu de distinguer entre les coûts d’investissement et les frais d’exploitation. Dans les structures d’accueil collectif de jour, les coûts, en particulier les frais d’exploitation, ont fait l’objet de maintes études, qui font clairement ressortir le poids des frais de personnel. Ces charges constituent en effet entre 75 et 80% des frais d’exploitation courants. Les frais de locaux varient entre 7 et 13% selon les cantons et les études
Ecoplan, Kosten Kindertagesstätten, Erhebung der effektiven Kosten der ASIV-Kindertagesstätten und Vergleich mit den Normkosten, sur mandat de l’Office des affaires sociales du canton de Berne, Berne, 2008; Prognos AG, «Analyse et comparaison des coûts des places de crèche selon la méthode des coûts de revient complets», Sécurité sociale, 3/2009, rapport de recherche 3/2009, Office fédéral des assurances sociales (éd.), Berne.. Les autres frais d’exploitation englobent notamment les frais de nourriture et de matériel.Contrairement aux frais d’exploitation, les coûts d’investissement ont une dimension très individuelle et sont fortement tributaires du contexte
Ecoplan, Qualitätsvorschriften und Anzahl Betreuungsplätze, mandat de l’Office des affaires sociales et du Secrétariat général de la Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du canton de Berne, Berne, 2008.. Il est par conséquent très difficile de formuler des conclusions générales sur la structure des coûts. L’Assae évoque des coûts d’investissement se situant entre 2000 et 3000 francs par place, et pouvant atteindre 5000 francs
Assae (2004), manuel de l’Assae (uniquement en allemand)., si l’on considère que le déficit de la première année d’exploitation fait partie des coûts d’investissement
Ce montant ne comprend pas les éventuels frais de transformation..Il n’existe pas d’études similaires concernant laccueil parascolaire et les parents de jour, mais on peut admettre que la structure de coûts du premier se rapproche de celle de l’accueil collectif de jour. Il faut donc aussi s’attendre à ce que les conséquences financières des réglementations soient les mêmes.La structure des coûts des parents de jour est, par contre, très difficile à analyser puisque l’on a affaire à des entreprises constituées d’une seule personne qui utilisent des locaux privés pour accueillir les enfants qui leur sont confiés. Dans ce cas, l’estimation des conséquences financières des réglementations ne peut être menée que sous l’angle qualitatif.

Les effets des réglementations sur les coûts


Les conséquences des réglementations sur les frais d’exploitation des structures d’accueil collectif de jour ont été calculées sur la base d’un modèle de coûts et de trois structures d’accueil modèles. Le tableau 1 les résume en les répartissant en trois catégories selon les effets produits:− catégorie A: conséquences financières élevées;− catégorie B: conséquences financières modérées;− catégorie C: peu ou pas de conséquences financières.Il ressort de l’analyse des conséquences sur les frais d’exploitation des structures d’accueil collectif de jour que ce sont surtout les réglementations liées directement ou indirectement aux frais de personnel qui ont les incidences les plus importantes. Il s’agit notamment des directives concernant le taux d’encadrement éducatif, le personnel (rémunération ou qualification) et les horaires d’ouverture.Les conséquences financières répertoriées dans le tableau 1 sont aussi valables pour les garderies en raison de la similarité structurelle des coûts. Les chiffres des estimations concernant les parents de jour sont nettement inférieurs, pour ne pas dire négligeables.

Analyse de la densité réglementaire dans les cantons et leurs chefs-lieux


Dans le cadre de l’analyse, trois outils ont été développés afin de mettre en exergue les cantons dans lesquels les structures d’accueil extrafamilial des enfants sont très fortement réglementées:1. La matrice de réglementation fournit un aperçu graphique des différentes modalités des réglementations en vigueur dans les cantons, classées en fonction des trois catégories de conséquences financières.2. L’indicateur de réglementation traduit la densité réglementaire enregistrée dans les cantons et leurs chefs-lieux. Il est établi sur la base de la matrice de réglementation.3. L’analyse par segmentation regroupe les unités d’observation ayant des caracté-ristiques similaires; autrement dit, l’indicateur de réglementation est regroupé avec d’autres indicateurs concernant par exemple la taille ou la fiscalité des can-tons, ce qui permet d’observer si certains groupes de cantons sont plus enclins que d’autres à adopter des directives en matière d’accueil extrafamilial des enfants.Pour des raisons de place, on ne présentera qu’un des indicateurs concernant les structures d’accueil pour enfants.

L’indicateur de réglementation


Les réglementations en vigueur dans les cantons sont présentées sous la forme d’une matrice. Les réglementations émises dans les différents cantons ainsi que leurs modalités sont présentées dans un seul indicateur, ce qui permet de les comparer. L’étude en a ainsi établi plusieurs. Le graphique 1 montre, par exemple, un indicateur de réglementation pour les structures d’accueil pour enfants et qui concerne les frais d’exploitation: le nombre des réglementations pré- sentes dans les différents cantons et leurs chefs-lieux ainsi que leurs modalités y ont été pondérés. L’indicateur peut être développé en ce sens qu’il est possible de le pondérer non pas seulement en fonction de la densité de la réglementation, mais aussi suivant les coûts quelle provoque. Les résultats doivent, toutefois, être interprétés avec prudence, car il s’agit de coûts «potentiels» qui ne représentent en aucun cas des coûts réels découlant directement de la réglementation. L’exploitation des indicateurs de réglementation développés confirme les conclusions qui ont été tirées de l’analyse des matrices concernant tous les accueils extrafamiliaux des enfants. Les uns comme les autres montrent que les directives applicables aux structures d’accueil extrafamilial sont très similaires dans la majorité des cantons. Cela tient principalement au fait que de nombreuses normes, largement acceptées, se sont imposées sur le marché:1. L’accueil extrafamilial des enfants est un sujet sensible. Certaines réglementations telles que les consignes en matière de sécurité et d’hygiène, jugées évidentes, font lobjet dune stricte application.2. L’unification de la formation des éducateurs de l’enfance a permis d’harmoniser plusieurs exigences minimales.3. La demande a une influence considérable sur l’offre. Les parents attendent d’une structure d’accueil qu’elle présente des qualités standard. La pression sociale qui s’exerce au sujet de certains principes à respecter (concernant notamment les locaux et le taux d’encadrement éducatif) est également à souligner.4. La qualité est un élément concurrentiel capital pour les structures d’accueil des enfants, qui peuvent se distinguer par un bon accueil au plan qualitatif et des concepts d’exploitation innovants. Une enquête menée dans le canton de Berne montre par exemple que les règles relatives au taux d’encadrement éducatif sont volontairement plus sévères dans la plupart des structures d’accueil privées non subventionnées.5. L’Assae exerce une forte influence sur les normes applicables aux structures d’accueil collectif de jour, particulièrement en Suisse alémanique. Elle a été associée à l’élaboration de plusieurs législations cantonales et à la formation des éducateurs de l’enfance. Pour en devenir membres, les structures d’accueil collectif de jour doivent répondre à certaines conditions minimales.Les structures d’accueil privées des cantons d’Uri, d’Argovie et d’Appenzell Rhodes-Extérieures ne sont soumises à aucune législation spéciale en dehors de l’OPEE. En revanche, Jura et Vaud présentent une den-sité réglementaire générale élevée. De nombreuses directives régissent principalement le domaine des structures d’accueil genevoises; par contre, les structures parascolaire et les parents de jour ne sont pas ou peu réglementés. C’est surtout en Valais que ces deux dernières formes d’accueil sont soumises à une densité réglementaire supérieure à la moyenne.Dans la plupart des cantons, les prescriptions applicables aux structures privées d’accueil collectif de jour ne diffèrent pas entre les niveaux cantonal et communal. Seules font exception les villes de Lucerne (uniquement des exigences communales), de Zoug et de Zurich (taille des groupes différents).

Conclusion


L’étude faisant l’objet du présent article comprend une analyse systématique et comparée des réglementations cantonales et communales appliquées aux structures d’accueil extrafamilial privées non subventionnées. Elle permet de tirer plusieurs conclusions riches d’enseignement concernant les différentes conséquences financières de ces réglementations et la forme variée qu’elles prennent dans les cantons:1. Il convient en principe de faire la distinction entre coûts d’investissement et frais d’exploitation. Les coûts d’investissement sont fortement dépendants de facteurs individuels et d’autres législations, en particulier de celles concernant la protection incendie et l’hygiène. Aussi n’est-il pas possible de mesurer avec précision le volume et les conséquences financières des réglementations.2. Les principales incidences sur les frais d’exploitation sont celles provoquées par les réglementations liées directement ou indirectement aux frais de personnel. Par exemple, les directives concernant le taux d’encadrement éducatif ou celles aux-quelles sont soumises les salaires ont des conséquences financières majeures. Or ces réglementations sont généralement formulées de manière ouverte de sorte qu’on ne peut que très difficilement estimer leurs incidences sur les coûts.3. Les structures d’accueil extrafamilial des enfants sont aujourd’hui nettement plus réglementées que d’autres institutions telles que l’accueil parascolaire ou les parents de jour, cette dernière étant la moins réglementée.4. La plupart des réglementations, tant au niveau cantonal que communal, sont formulées de manière très floue. Leur exécution est décisive à la fois financièrement et pour l’évaluation des obstacles qu’elles sont susceptibles de dresser à la création de places d’accueil supplémentaires.Or, ce dernier point montre précisément que l’approche retenue par l’enquête ne permet pas de refléter l’entière réalité des conséquences financières des réglementations. Le tableau brossé sera probablement différent si l’on se focalise sur l’exécution plutôt que sur les réglementations en place, si l’on fait la distinction entre les réglementations contraignantes et non contraignantes, ou encore si l’on analyse les structures d’accueil publiques ou subventionnées à la place des institutions privées non subventionnées.En dépit de ces restrictions, l’étude livre de bons éléments de base et offre des pistes intéressantes pour évaluer les réglementations en matière d’accueil extrafamilial des enfants. Le modèle de coûts établi pour les structures d’accueil collectif de jour a, notamment, permis de mettre en lumière les conséquences des différentes réglementations sur les frais d’exploitation. Enfin, la mine d’informations que recèle la plateforme internet Conciliation travail-famille a été pour la première fois analysée de manière systématique et présentée sous forme claire et résumée (matrices de réglementation).

Graphique 1: «Indicateurs de réglementation pour l’Assae»

Tableau 1: «Conséquences des différentes réglementations sur les frais d’exploitation des structures d’accueil collectif de jour, et catégorisation»

Encadré 1: Délimitation du champ de l’étude

Délimitation du champ de l’étude


Les recherches se concentrent sur les réglementations régissant les institutions privées non subventionnées. Les réglementations applicables uniquement aux institutions publiques ou privées subventionnées ne sont prises en considération qu’à titre marginal. En outre, seules sont prises en compte les réglementations officielles indiquées par les cantons dans le cadre de l’enquête annuelle menée pour la plateforme Conciliation travail-famille. Les directives officieuses et l’exécution, dont le rôle est important en raison de la formulation parfois relativement ouverte des exigences légales minimales, ne sont pas davantage prises en compte. L’étude fait l’impasse sur la question de l’incidence des réglementations sur la qualité de la prise en charge.

Encadré 2: Informations complémentaires

Informations complémentaires


Le présent article repose sur l’étude d’Ecoplan intitulée Regulierungen in der familienergänzenden Kinderbetreuung in den Kantonen und Hauptorten, laquelle a été publiée dans la collection Vereinbarkeit von Beruf und Familie, n° 4, Berne, 2010. L’étude est consultable en ligne sur le site du Seco: http://www.seco.admin.ch, rubriques «Documentation», «Publications et formulaires», «Etudes et rapport», «Travail».

Proposition de citation: Kathrin Bertschy ; Michael Marti ; Philipp Walker ; (2011). Les réglementations régissant l’accueil extrafamilial des enfants. La Vie économique, 01 mai.